Commentaire :
Détournement est sans nul doute une oeuvre attrayante dans sa capacité à briser les attentes du lecteur par une autoréflexion sur les limites de la fiction hypertextuelle. À un moment, l'auteur Serge Bouchardon place le lecteur devant un labyrinthe de liens hypertextes où presque tous les mots du paragraphe sont bleutés. Chacun d'eux nous amène vers différents endroits, notamment vers d'autres œuvres numériques comme
Déprise,
Inanimate Alice et
Les 12 travaux de l'internaute. Ironiquement, aucun de ces hypertextes ne conduit à la suite de l'histoire. En effet, il faut débusquer un mot qui n'est pas en bleu pour assurer une progression qui n'en est en faite pas une puisqu'elle assure le retour au point de départ. Une autre fois, le lecteur est placé face au choix entre faire un détour via la littérature, l'art, la mythologie ou le jeu. Toutefois, chacun de ces détours revient au point d'origine et le lecteur n'a d'autre option que de cliquer sur “lire sans détour” pour faire avancer l'histoire. En ce sens, le principal intérêt de
Détournement se trouve dans sa façon de se présenter comme une fiction hypertextuelle qui promet de laisser un grand espace au lecteur, mais qui au final se révèle un leurre et une critique de sa forme même, ce qui la rapproche de
The Temple of No. L'impression d'être manipulé, de ne pas avoir de repères et de perdre le contrôle constitue l'objectif de l'oeuvre qui clame haut et fort par sa structure et non par son contenu que le lecteur n'a finalement aucun pouvoir de détournement.