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FICHE DE LECTURE

INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur: Alain Borer Titre: Un sieur Rimbaud. La terre et les pierres Édition: Le livre de poche Collection: « Biblio/essais » Année: 1989 [1984] Pages: 252 pages Cote: UQÀM: PQ 2387 R5Z5919 Désignation générique: Aucune

Bibliographie de l'auteur: Sur Rimbaud, Borer a publié: Rimbaud en Abyssinie (Seuil, 1984); Un sieur Rimbaud, se disant négociant… (avec Philippe Soupault, Arthur Aeschbacher et François Margolin; Lachenal et Ritter, 1984); Rimbaud d'Arabie, Supplément au voyage (Seuil, 1991); Rimbaud, l'heure de la fuite, générique d'Hugo Pratt (Découvertes Gallimard, 1991); Arthur Rimbaud, OEUVRE-VIE (en collaboration, édition du centenaire, Arléa, 1991); Bouts rimés d'Arthur Rimbaud, dessins de Michel Gérard (collection « Muro Torto », Villa Médicis, 1980); Je me ressouviens (Institut du Monde Arabe, 1991).

   Borer a également publié des essais sur l'art, de la poésie et quelques romans, notamment Koba (Gallimard, 2002). VOIR EN ANNEXE À LA VERSION PAPIER LA BIBLIOGRAPHIE COMPLÈTE D'ALAIN BORER.

Biographé: Arthur Rimbaud

Quatrième de couverture: « Rimbaud, la fulgurance d'un destin hors du commun. Alain Borer est parti sur les traces du poète, explorant à son tour les lignes de fuite qui l'ont conduit en Abyssinie. Jusqu'aux lieux désormais consacrés de sa mythologie, Aden et Harar. Enquête érudite, récit de voyage, roman philosophique ou poème d'aujourd'hui, Un sieur Rimbaud rassemble les figures contrastées d'un personnage énigmatique et fascinant. La vie de Rimbaud comme une épopée ».

Préface: Aucune

Rabats: Aucun

Autres: - Un sieur Rimbaud. La terre et les pierres est une version remaniée d'Un sieur Rimbaud, se disant négociant. Cette fois-ci, toutefois, seul Borer en est l'auteur.

  1. L'ouvrage est dédicacé à Pierre Prentki, à Marc, Marisa et Jacques Prentki.
  2. On trouve en exergue une citation tirée des Fêtes de la faim de Rimbaud: « Si j'ai du goût ce n'est guère / Que pour la terre et les pierres ».

LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES)

Auteur/narrateur: Le récit est pris en charge par l'auteur véritable, Alain Borer, parti sur les traces de Rimbaud en Abyssinie pour en ramener un film à caractère biographique, Le voleur de feu (TF1, 1978). Il s'agit d'une narration opaque, où le narrateur s'exhibe comme producteur du récit.

Narrateur/personnage: L'histoire est prise en charge par une narration tantôt intradiégétique/ hétérodiégétique (lorsqu'il est question de Rimbaud), tantôt intradiégétique /homodiégétique (lorsqu'il est question du voyage de Borer). Il s'agit surtout d'une focalisation externe. C'est de l'extérieur que Rimbaud est appréhendé. L'auteur a déduit, comme il le dit lui-même, le vécu de Rimbaud à partir de son oeuvre, de ses lettres et de ce que son entourage en a dit: « On ne peut aborder le réel de Rimbaud que par déduction » (p. 195). Si le réel de Rimbaud demeure difficile à reconstituer, la dimension sensible de l'artiste représente pour sa part un véritable mystère. Les lettres envoyées par Rimbaud à ses proches font surtout état de ses activités. Rimbaud ne parle que très rarement de ce qu'il vit intérieurement. C'est surtout d'un Rimbaud en action qu'il s'agit ici, d'un Rimbaud reconstitué à partir de fragments de lettres, mais aussi à partir de l'expérience que vit Borer en Abyssinie. - Extrait : « Envoyez-moi un numéro d'un journal quelconque, que je sache ce qui se passe,demande Rimbaud au début de son séjour au Harar. Mais, rapidement, le “différent” qu'il est, l'étranger qu'il devient, perd tout intérêt pour les nouvelles de “là-bas”. Vous me parlez des nouvelles politiques. Si vous saviez comme ça m'est indifférent! Plus de deux ans que je n'ai pas touché un journal. Tous ces débats me sont incompréhensibles, à présent. ¶ Oui, c'est ce qui me frappe en rentrant à Harar : Rimbaud en Abyssinie était indemne de l'idéologie — et l'un des seuls » (p. 103).

Biographe/biographé: La relation qui unit Borer à Rimbaud relève d'une profonde fascination. Borer a consacré plus de 30 ans à l'étude de l'oeuvre de Rimbaud. Ce qui n'a pas suffi. Encore eût-il fallu que le spécialiste se rende en Éthiopie pour « éprouver physiquement sa bohème » (p. 81). Car, comme le rappelle Borer, comment «parler d'une existence sans l'avoir vécue; c'est alors séparer le texte, médiation singulière, de la vie (conçue comme immédiate, générale) dont il procède» (p. 15). Le renoncement poétique de Rimbaud fascine Borer par dessus tout. Comment expliquer le silence chez Rimbaud ? Borer tente en même temps de réhabiliter Rimbaud, de laver l'artiste de cette réputation de trafiquant d'esclaves qu'Enid Starkie, dans Rimbaud en Abyssinie (1938), lui a fabriquée. À l'aide de documents officiels et de lettres, Borer prouve que non seulement Rimbaud n'a jamais vendu d'esclaves, mais qu’il n’en a jamais achetés. Ce chapitre (« Addis », p. 199) est d'ailleurs le plus long de l'ouvrage, et sans doute le plus virulent. Borer démonte un à un les arguments des détracteurs de Rimbaud.

L'ORGANISATION TEXTUELLE

Synopsis: Un spécialiste de l'oeuvre de Rimbaud se rend en Éthiopie pour le tournage d'un film sur le poète, Le voleur de feu. Il s'agit de faire le trajet déjà parcouru par Rimbaud, de s'imprégner des mêmes visions afin de rendre compte de son expérience en Abyssinie. Dans une alternance entre passé et présent, ce récit donne à voir le Rimbaud d’après l’écriture — le Rimbaud qui s’est tu — et le voyage de ce spécialiste en quête d’un « vécu rimbaldien ».

Ancrage référentiel: Un sieur Rimbaud joue sur les frontières. Essai poétique, roman essayistique, carnet de voyage, le livre s'élabore néanmoins sur des bases véridiques. Les multiples fuites de Rimbaud, ses correspondances, les journaux de l'époque, les activités de Rimbaud négociant puis le voyage de Borer sur les traces du poète sont autant d'aspects qui situent Un sieur Rimbaud hors des parages de la fiction. Toutes les déductions faites par Borer au sujet du vécu de Rimbaud en Abyssinie sont appuyées d'un solide appareil de notes, puisées à la fois dans l'œuvre du poète et dans les études de différents spécialistes. Par ailleurs, Borer n'indique pas toujours la provenance de ses sources.

Indices de fiction: Ce qui rapproche Un sieur Rimbaud du domaine de la fiction ressortit surtout au style de l'auteur et à quelques stratégies discursives. Le point de vue subjectif , la présentation des faits en décéléré, la contamination du passé dans le présent et vice versa brisent avec la linéarité et la chronologie de la biographie traditionnelle. Voir l'exemple suivant, où le passé se substitut au présent à la manière d'un fondu enchaîné : « À la porte sud-est d'où partaient les caravanes, j'ai une sorte de vision fugitive, et la garde comme une carte postale qu'on ne sait pas à qui envoyer. Elle m'est suggérée par ce passage des souvenirs de Bardey: en mai 1881, Rimbaud demande à partir pour Boubassa, dans le Sud. Bardey, renseigné par Hadj Youssef Barkatleh, shérif des marchands de Harar, encourage Rimbaud à partir. Au moment de s'en aller à la tête d'un convoi de quelques chameaux chargés de cotonnades, il entoure sa tête d'une serviette blanche en guise de turban, et se drape d'une couverture rouge. ¶ Il rit lui-même de son accoutrement et, tirant la bride de son cheval, piquant des deux talons, s'en va trafiquer dans l'inconnu » (p. 37).

Rapport vie/oeuvre: Très marqué. Borer éclaire certains aspects de la vie de Rimbaud par son oeuvre, et inversement. Par exemple, comment se surprendre d'autant de fugues chez ce poète dont l'oeuvre et la vie même sont marqués par le renoncement ? : «Départ dans l'affectation et le bruit neuf, dit Rimbaud dans le poème Départ. Il y a chez lui la poésie du départ, cette force toujours vive de s'arracher — aux lieux, aux liens, aux devoirs et aux soucis qui nous retiennent […]» (p. 10). La problématique vie/œuvre est soulevée de manière explicite en maint endroit. Selon Borer, on ne peut saisir le texte rimbaldien sans avoir fait l'expérience du dépaysement. Citant Verlaine et Marcelin Pleynet, pour qui la vie et l'oeuvre du poète sont intimement liées, Borer considère que, pour parler du vécu de Rimbaud, il faut pouvoir «éprouver physiquement sa bohème» (p. 81), il faut pouvoir «vérifier, confirmer, comparer» (p. 15). Il est d'ailleurs illusoire, selon lui, d'isoler l'oeuvre de Rimbaud de son vécu individuel : «La question rimbaldienne pure, liée à l'entreprise poétique, n'est pas celle, illusoire, d'une cassure dans sa vie, mais de la permanence du renoncement, de la répétition de l'abandon, de la passion de l'échec» (p. 51).

Thématisation de l'écriture: Très forte. Cette thématisation passe d'abord par l'explication de l'entreprise poétique rimbaldienne, laquelle entreprise repose sur une croyance en un langage investi d'une puissance de renouvellement du monde. Il est aussi question du renoncement poétique du Rimbaud, suite logique de son projet poétique: « Rimbaud abandonne la poésie quand il finit par admettre qu'une turbine à vapeur a plus de chance d'agir sur la réalité que mille antithèse (s) aux douces vignettes pérennelles où batifolent les cupidons […] » (p. 144). Selon Borer, la période « abyssine » participe du même projet que la période créatrice, bien qu'elle s'y oppose : « elle [la période abyssine] représente la même forme — elle détient la matrice — de l'Impossible qui anime en permanence Rimbaud à Java, à Stockholm, en Afrique ou en Arabie » (p. 144). Il est enfin question de ce qui « reste […] de Rimbaud écrivain » (p. 162) en Abyssinie. L'ouvrage qu'il ambitionne d'écrire pour la Société de Géographie, ses récits de voyages, les articles envoyés au Temps et au Figaro ainsi qu'une correspondance, voilà qui résume les projets de Rimbaud écrivain après l’entreprise poétique. Borer se questionne d'ailleurs sur la valeur littéraire de la correspondance (p. 165-168).

Thématisation de la lecture: Assez marquée. Borer mentionne à maint endroit les ouvrages que Rimbaud commande en Europe, ouvrages qui n'ont par ailleurs rien à voir avec la littérature. Il s'agit de traités géographiques et autres ouvrages utiles à la réalisations de ses projets. Borer cite plusieurs passages où Rimbaud se plaint de n'avoir rien à lire, de se trouver «sans occupation intellectuelle» (p. 45). La lecture occupe aussi une place importante dans le récit enchâssant. C'est la lecture de la correspondance qui permet à Borer de connaître l'expérience vécue par Rimbaud en Afrique: « “Les deux tiers de ce que l'on peut savoir sur Rimbaud en Abyssinie viennent de la correspondance”, observait justement Pierre Petitfils, — bien qu'elle ne dise qu'un trentième de la réalité … » (p. 164). La lecture de l'oeuvre poétique de Rimbaud est aussi thématisée. Borer fait fréquemment allusion à ses lectures de poèmes.

Thématisation de la biographie : Plutôt marquée. Tous ces passages où Borer insiste sur la pertinence d'un pèlerinage en Abyssinie sont traversés d'une réflexion sur la biographie. Par exemple : « Jamais banale — surtout pas en Abyssinie —, la vie de Rimbaud est si brève qu'aucun détail qui puisse contribuer à la compréhension de son destin ne doit être négligé. […] De ne plus pouvoir prouver son existence, le sémiologue déclare ne connaître que la réalité du texte: la lecture formaliste manque Rimbaud dans la dimension essentielle que relate Une saison en enfer, l'échec de la transformation du réel par le poète qui s'était cru le “mage” élu de cette mission » (p. 14-15). Ainsi, Borer s'en prend non seulement aux biographes de Rimbaud, mais aux spécialistes de son oeuvre poétique. Voir cet autre passage où Borer s’en prend à certains spécialistes qui n’ont pas su rendre compte des véritables circonstances entourant la mort de Rimbaud : «La mort de Rimbaud n'appartient qu'à lui. Il faut seulement refuser de la faire signifier» (p. 72). Peut être considéré comme thématisation du biographique ce passage où Borer s'interroge sur la pertinence d'écrire la vie de Rimbaud après le renoncement de celui-ci à l'écriture (voir p. 140-141).

Topoï: les derniers jours de Rimbaud, les relations familiales, l'homosexualité, le concubinage, la liberté, la création, la folie, la solitude, le voyage, l'argent, les colères de Rimbaud, etc.

Transpositions: - Transposition/recréation du vécu - Transposition générique:

  1. Procédés propres au récit fictif : distorsion de la temporalité (épisodes présentés en accéléré ou en décéléré); analepses; présence de récits enchâssés; reconstitution d'une dimension sensible (par déduction); etc.
  2. Épisodes rapportés à la manière «carnet de voyage»

- Transposition du discours de la critique : critique des sources et critique de l'oeuvre de Rimbaud - Transposition de l'oeuvre de Rimbaud -Transposition théâtrale : on passe d'une narration sur Rimbaud à la représentation de Rimbaud en action (dramatisation).

LA LECTURE:

Pacte de lecture: Ambigu. L'ouvrage de Borer joue manifestement sur les frontières. Il faudrait creuser davantage et dégager les procédés responsables de cet «effet de fiction» à l'oeuvre dans ce texte que les éditeurs de Borer ont classé dans la collection «essais».

Attitude de lecture: Se lit tout à fait comme une biographie fictive!

Lectrice: Marina Girardin

fq-equipe/rimbaud_par_borer_1.1238542439.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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