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Remarques sur les manuels scolaire

par Rosalie Dion-Picard - novembre 2015

Avec l’essoufflement de la contre-culture aux alentours de 1975 et l’échec du premier référendum de 1980, les mouvements qui animent la littérature québécoise n’ont plus la même netteté. L’identification définitive des œuvres incontournables paraît périlleuse : le discours de la critique se concentre, et peut-être même se « rabat », sur la postmodernité, l’éclatement, l’hétérogénéité.

S’il n’y a pas de canon, il y a en revanche un consensus sur le mouvement général de la littérature, plus précisément vers la fragmentation, la multiplication et la discontinuité des tendances observables. Dans le récit historique des manuels et des anthologies, la critique identifie certains courants et ouvrages marquants. Pourtant, tous soulignent la difficulté de synthétiser, d’expliquer la littérature actuelle. C’est le cas de l’Histoire de la littérature québécoise, dont le texte de présentation de la période amorcée en 1980 affirme : « Toute synthèse paraît vouée à l’échec, tant les nuances d’écriture sont nombreuses. Comment rendre compte de l’éclatement contemporain sans tomber dans la simple énumération ? ». (2010 : 535) De même, Serge Provencher affirme dans son anthologie que « [s]i le présent ouvrage ne saurait qu’être incomplet, ce constat s’applique encore plus à notre bref survol de ce qui s’écrit depuis 1976 . » (2007 : 152)

Ces affirmations ne sont certes pas sans fondements, et la fortune critique de la postmodernité tend à les valider. Que les auteurs d’ouvrages généralistes sur la littérature québécoise jugent arbitraire d’établir un canon pour une période de plus de trente ans demeure néanmoins curieux, particulièrement à considérer la critique antérieure et sa recherche du grand écrivain [Comme en témoigne l’enthousiasme de Jean-Éthier Blais, qui s’écrie à la lecture de Prochain épisode : « Nous le tenons, notre grand écrivain ! » dans « Hubert Aquin. Témoin à charge », Signets, t. II, Montréal, Le Cercle du livre de France, 1967, p. 237. Voir aussi Nicole Fortin, Une littérature inventée, op. cit..] , figure canonique s’il en est une. La présente difficulté voire le refus d’établir un canon met en lumière une incertitude épistémologique, comme si la discipline n’avait plus la légitimité ou les moyens de désigner les bonnes œuvres.

Un premier obstacle à l’établissement du canon tient à la difficulté de rassembler des écrivains qui ne veulent généralement pas l’être, ainsi que le rappellent les manuels. Individualisme, repli sur soi, intimisme : l’expérience de l’individu, qu’elle soit onirique ou autobiographique, est à l’origine de l’écriture. Ces sujets seraient en contradiction avec un engagement de la littérature, c’est du moins un lieu commun dans la critique d’opposer l’écriture de l’intime et du social. Avec la disparition progressive des romans sociaux et nationalistes à la fin des années 1970, ce ne sont pas que les thèmes qui changent et s’individualisent. Il y a également dissémination des écrivains, qui n’affirment que rarement un projet esthétique qui s’inscrive dans un courant ou qui se rattache à un groupe. Les manuels font valoir que, postmodernité oblige, l’engagement social, communautaire ou politique est désormais jugé naïf.

Malgré l’éclatement, les catégories qu’utilise chaque ouvrage pour définir les œuvres contemporaines se recoupent, de même que les auteurs qui les illustrent : l’arrivée des best-sellers avec Arlette Cousture et Yves Beauchemin ; le roman minimaliste ou en mode mineur de Jacques Poulin ; l’écriture migrante avec Dany Laferrière, Ying Chen, Sergio Kokis, Marco Micone, Régine Robin et Naïm Kattan ; l’importance de la ville dans les textes de Christian Mistral, Michel Tremblay, Monique Proulx ; la fiction de soi de Nelly Arcan [Sauf dans Michel Laurin, ] ; la poésie de Marie Ugay ; l’écriture féministe de Denise Boucher ; l’essai de Jacques Godbout. Il semble qu’il y ait là un canon, bien qu’il soit nécessairement moins fixé que celui de la Révolution tranquille, n’ayant pas encore subi le passage du temps.

fq-equipe/remarques_sur_les_manuels_scolaires_par_rdp.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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