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FICHE DE LECTURE

INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur : Eduardo Lourenço Titre : Fernando Pessoa, roi de notre Bavière Lieu : Paris Édition : Chanteigne Collection : Série Lusitane Année : 1997 Pages : 204 p. Cote UQAM : PQ9261P39Z7514 Désignation générique : Aucune spécifique, mais l’auteur est reconnu comme étant un essayiste. Se situe entre biographie, essai et commentaire sur la vie et l’œuvre.

Bibliographie de l’auteur : -Le labyrinthe de la saudade, Éd. Sagres-Europa, 1988. -Pessoa, l’étranger absolu, Éd. Métailié, 1990. -L’Europe introuvable. Jalons pour une mythologie européenne, Éd. Métailié, 1991. -Montaigne 1533-1592, Éd. L’escampette, 1992. -Camoes 1525-1580, Éd. L’escampette, 1994. -Le miroir imaginaire. Essais sur la peinture, L’escampette, 1994. -Mythologie de la saudade. Essais sur la mélancolie portugaise, Chandeigne, 1997.

Biographés : Fernando Pessoa, Ricardo Reis, Alvaro de Campos, Alberto Caeiro, Bernardo Soares, Antonio Mora et les autres!

Quatrième de couverture : Reprise de l’avant-dernier paragraphe de la conclusion du volume. Pessoa se serait rêvé sous les traits d’un prince de la mélancolie, mais ayant comme seul château la mansarde miteuse qu’il habite à Lisbonne. L’auteur veut montrer la mélancolie de Pessoa qui poursuit une existence qui lui glisse entre les doigts, vertigineusement fictionnelle : « […] une souffrance de roi déchu qui n’a gardé de son ancienne royauté que le pouvoir de dire en un seul mot ou en des milliers qu’au fond de lui-même, il aime cette obscurité où son âme seule se donne des fêtes qu’aucun roi ne pourra jamais imaginer. » Ce vertige que vit quotidiennement Pessoa est celui ressenti au moment où il perçoit que la vraie réalité n’est que pure fiction. Pour l’auteur, seuls les mots peuvent le délivrer de ce vertige de tous les instants qui a suivi Pessoa tout au long de sa vie. Brève biographie de Lourenço : portugais, essayiste couronné, « son œuvre est hantée par la figure et les écrits de F. Pessoa dont elle est le plus intime commentaire, et à certains égards le prolongement. »

Préface : Non

Rabats : Non

Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : Photo de couverture : Lisbonne la nuit. Paysage fantomatique, brumeux, en noir et blanc. Donne l’atmosphère d’étrangéité qui caractérise l’écriture de Pessoa.

LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) :

Auteur/narrateur : Cette biographie se présentant surtout comme un essai, c’est Lourenço qui prend la parole en son nom propre, cela même si la première personne est pratiquement absente du texte, du moins jamais au singulier.

Narrateur/personnage : La forme essayistique, qui propose davantage une vision extérieure au biographé, rend la relation entre narrateur et personnage ambiguë puisque le narrateur est l’auteur et « les » biographés ne sont personnages que dans la mesure où on peut considérer les hétéronymes de Pessoa comme des « personnages » issus de sa propre existence; ceux-ci semblent dignes de l’intérêt de Lourenço dans la mesure où il peut se servir d’eux pour nourrir son questionnement métaphysique. Le narrateur s’intéresse apparemment plus à Pessoa, aux éléments connus de sa vie et de ses écrits, pour mieux connaître le monde qu’il s’y intéresse pour mieux comprendre cet écrivain en particulier. Il ne cherche pas tant à retracer les événements de la vie de Pessoa qui l’ont mené à écrire son œuvre qu’à comprendre comment ce qu’est devenu le « mythe-Pessoa », comme il l’appelle, peut nous aider dans notre connaissance du monde. Lourenço considère chacun des hétéronymes et pseudo-hétéronymes tel des personnes à « part » entière : aucun d’entre eux ne peut exister sans Pessoa, mais Pessoa non plus ne pourrait exister sans ses espèces de « soupapes de conscience » qu’il s’invente pour éviter de littéralement imploser! Le narrateur les prend donc chacun pour soi, les hétéronymes devenus plus que personnages : des personnes, un système planétaire où tout se tient dans un équilibre fragile mais pourtant inébranlable, insécable.

Biographe/biographé : Lourenço admire évidemment Pessoa, mais plus encore que l’admiration, c’est l’interrogation qui habite le texte de part en part. Le cas de Pessoa est bien sûr très particulier et le biographe, à qui il arrive de se perdre dans des concepts compliqués qui ne permettent pas toujours d’y voir plus clair, cherche manifestement à percer le mystère de cette vie (ces vies!) incomparable. « Nous ne sommes pas dans le temps, nous sommes Temps. Mais si le temps est, nous, nous ne sommes pas, ou nous sommes comme Pessoa s’est efforcé d’imaginer qu’il serait s’il était Caeiro, Reis ou Campos. Aucun poète de la modernité n’a exprimé comme Pessoa cette perte absolue du sens de notre destin en tant que monde moderne. Cela suffirait pour que l’auteur de Bureau de tabac devînt non seulement le mythe qu’il est pour nous, mais aussi l’une des références-clés de la culture contemporaine. D’une manière ou d’une autre, l’homme moderne partage ce sentiment de solitude radicale et d’absurde qui, peu à peu, a émergé avec le processus d’isolement et d’inhumanité de la civilisation actuelle. Il lui était aisé de se reconnaître en celui qui, pour nous tous « a déployé devant la constellation des étoiles / la splendeur nulle de la vie ». » p. 24-25 Rien de moins! Dans le chapitre de conclusion, Pessoa sera même élevé au rang de divinité, aux côtés des Shakespeare, Goethe, Bron, Chateaubriand, Cervantes, etc. p. 188 C’est encore dans la mesure où Pessoa permet une meilleure compréhension des phénomènes de la vie qu’il intéresse Lourenço. Portugais lui aussi, Lourenço s’identifie évidemment à Pessoa et semble vouloir recréer le mythe par sa propre plume, mais cette fois en l’expliquant, ce qui est beaucoup moins efficace et bien sûr vraiment moins intéressant que l’œuvre de Pessoa.

Autres relations :

L’ORGANISATION TEXTUELLE

Synopsis : Le volume se présente comme un recueil d’essai mis en communs, essais qui vont mener tous chercher à élucider une question fondamentale, c’est-à-dire la constitution du « mythe Pessoa ». Partie 1 : Sous le signe de la mélancolie. Contient 4 chapitres : Fernando Pessoa, ou le moi comme fiction, Fernando Pessoa, roi de notre Bavière, Fernando Pessoa ou le non-amour, Kierkegaard et Pessoa : les masques de l’Absolu. Partie 2 : Entre le rêve et le néant. Contient 7 chapitres : Fernando Pessoa, ou la réalité comme fiction, Fernando Pessoa ou les trois voyages, Le Livre de l’Intranquillité, texte suicidaire?, Le Livre de l’Intranquillité ou le mémorial des limbes, Faust ou le vertige ontologique, Nietzsche et Pessoa, Le mythe-Pessoa ou la fiction de l’être. Certains chapitres sont plus purement essayistiques, ont un questionnement plus large que simplement biographique, alors que d’autres vont davantage tenter de scruter la vie et la psyché de Pessoa. Il serait inutile de tous les résumer vu la disparité des sujets qu’ils traitent; seul importe de comprendre que le questionnement métaphysique de Lourenço renvoie toujours à cette même vérité que crient tous les textes de Pessoa et sa vie même : toute vie habite la fiction et ainsi, ce qu’on considère être la vie réelle ne peut être qu’un échec.

Ancrage référentiel : De très nombreuses citations, quoique les références ne sont presque jamais exposées. De toute évidence, l’auteur connaît très bien son sujet et semble prendre pour acquis que son lecteur connaît autant que lui-même les œuvres dont il parle, autant celles de Pessoa que, lorsqu’il en est question, celles de Kierkegaard, de Nietzsche, de Poe, de Kafka et d’une multitude d’autres poètes et penseurs que Lourenço rapproche sans cesse de Pessoa. Il est question à quelques reprises de Joao Gaspar Simoes, critique et premier biographe de Pessoa, ainsi que de plusieurs contemporains de Pessoa, qui ignoraient pour la plupart la vie littéraire de ce dernier qui, apparemment, s’amusait énormément de cela! Enfin, une trentaine de notes en fin de volume viennent éclaircir certains points qui ne l’avaient pas été dans le corps du texte, dont apporter des renseignements supplémentaires à propos des œuvres et des personnes citées.

Indices de fiction : Beaucoup de discours indirect libre. Dès la première page : « Pour lui [Pessoa] ce n’est pas seulement la vraie vie qui est absente. Toute vie est absence. Il faut rendre visible, sensible, cette absence ontologique, l’inanité inépuisable de notre existence. » p. 9. Une grande quantité de formulation romanesque, dans un discours somme toute sérieux, contribue à accroire le sentiment de fictionnalité face au texte : « Il y avait au Portugal de grandes raisons pour que notre culture de la fin du siècle plongeât dans le brouillard symboliste comme les mouettes dans la brume. Au-dessus des mouettes, Pessoa, aigle royal qui ne s’est pas résigné au brouillard, cherche, parmi les épaves, l’ancien navire qui pourrait nous conduire aux Indes. Il savait, tout le monde savait, qu’il n’y en avait pas. » p. 29 « C’est sur cette terrifiante expérience du non-être, sur cette immolation de soi sur la croix de l’anonymat créateur que Pessoa a atteint à la vie mythique, à la création d’un genre de mythe nouveau et inconnu : le mythe de soi-même comme fiction. » p. 96

Rapports vie-œuvre : Une grande part de ce texte cherche à expliquer ce rapport puisque chez Pessoa, la vie est inséparable de l’œuvre, lui-même s’étant littéralement inventé une vie – des vies – dans l’écriture. En examinant les éléments biographiques du texte, on en vient même à croire que la vie de Pessoa se résume à son œuvre, puisque celui-ci ne vivait véritablement que lorsqu’il écrivait la fiction de sa vie réelle : « Pessoa ne fut pas un littérateur, ou une machine à littérature, même de génie. Il fut un modeste employé de bureau, rêveur, mégalomane, du début de notre siècle, frappé au cœur, à l’intelligence et à l’âme, par le sentiment de sa propre inexistence et essayant, dans un monde vide de sens, des ruses étranges pour se convaincre qu’il avait toutes les vies que les rêveurs en lui pouvaient inventer. » p. 12 Plus loin, Lourenço continue sur l’importance du rêve dans la vie de Pessoa : « Il [Pessoa] n’existe pas, il se rêve, il ne cessera jamais de se rêver; mais ce qui était d’abord un jeu spontané deviendra par la suite, quand sa conscience de poète s’éveillera, un destin : celui d’un rêveur qui sait qu’il rêve, et qui ne voudra jamais se réveiller. De tous ses rêves, celui que nous appelons sa poésie est celui qui est le moins rêve […]. » p. 194 « Ma mère est morte trop tôt et je n’ai pas pu la connaître. » Citation du Livre de l’Intranquillité de Pessoa, que Lourenço commente en disant l’importance de cette absence dans la constitution, plus tard, des hétéronymes, tout en questionnant la manière dont Pessoa s’en sert lui-même pour expliquer sa propre insensibilité : [Pessoa cité par Lourenço] « « Je reconnais, je ne sais si c’est avec tristesse, la sécheresse humaine de mon cœur. Pour moi importe plus un adjectif que des pleurs réels de l’âme. Mon maître Vieira… Je ne me rappelle pas ma mère. Elle est morte quand j’avais un an. Tout ce qu’il y a de dispersé et dur dans ma sensibilité, vient de l’absence de ce regard et du regret inutile des baisers dont je ne me souviens pas. Je suis factice. Je me suis réveillé toujours contre des seins étrangers. » Devons-nous tomber dans le piège sentimental de cette auto-explication ou l’inclure dans la fiction que, d’ailleurs, Fernando Pessoa nous donne comme telle? » p. 68 À propos du voyage, autant dans la vie que dans l’œuvre : « Littéralement, l’étrange garçon qui, déjà, jouait à être un autre pour être moins seul, au cours de ce premier voyage, part vers l’Inconnu, terme qui, dans ses textes, oscillera toujours entre une sorte de curiosité et l’effroi, comme s’il était, par avance, un personnage qu’il a beaucoup lu et imité : Edgar Allan Poe. » p. 103-104 (Influence de Poe)

Thématisation de l’écriture et de la lecture : Sauf pour quelques adresses directes aux lecteurs, les seules lectures et écritures qui intéressent Lourenço sont celles déjà « faites » de Pessoa, qu’il commente, compare, dissèque, sans jamais entrer plus avant dans l’acte même d’écrire. Ces rares commentaires sur la lecture passe pour des principes de lecture, des conseils tirer de l’œuvre de Pessoa : « […] un auteur [Pessoa] qui a eu à cœur de nous prévenir que, pour lui, ou pour ceux qui le liront, tout est masque… » p. 121-122.

Thématisation de la biographie : Pratiquement absente. Se limite à commenter brièvement la manière dont Pessoa a doté ses hétéronymes « d’une biographie, d’un corps, d’une destinée. » Serait-il un précurseur de la biographie d’écrivain imaginaire? En fait, ces biographies se trouvent surtout disséminés dans les textes de fiction (Pessoa a-t-il écrit autre chose?!) et la poésie, au sein même de l’œuvre littéraire, ce qui est loin de faire de Pessoa un biographe, bien qu’il se soit évidemment intéresser aux « récits de vies ». Topoï : mythe, rapport vie-fiction, vie réelle-vie fictionnelle, néant, voyage,

Hybridation : Essai et biographie.

Différenciation :

Transposition :

Autres remarques :

LA LECTURE

Pacte de lecture : Lourenço cherche à retracer ce qui a contribué à la formation du mythe-Pessoa.

Attitude de lecture : Finalement plus essai que biographie, plus intéressant pour le sujet traité lui-même, Pessoa, que pour ce que l’auteur en dit. Lourenço a recours à toutes sortes de concepts philosophique pour tenter de comprendre l’incomparable Pessoa, et n’aide en rien une meilleure compréhension de son œuvre et de sa vie en l’explorant de l’extérieur. Certaines idées valent tout de même la peine qu’on s’y attarde, bien que Pessoa demeure le même avant et après la lecture du texte de Lourenço.

Lecteur/lectrice : Catherine Dalpé

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