1. Degré d’intérêt général
Pour le projet de quête et enquête: Quête, élevée.
Pour le projet de diffraction: Élevé En général: Roman postmoderne par excellence. Brouillages énonciatifs. Multiplication des points de vue. Autoreprésentation. Diffraction. Photos insérées. Imaginaire de la fin très prégnant.Non-lieux.
2. Informations paratextuelles 2.1 Auteur : Nicole Brossard 2.2 Titre : Le désert mauve 2.3 Lieu d’édition : Montréal 2.4 Édition : L’Hexagone 2.5 Collection : - 2.6 (Année [copyright]) : 1987 2.7 Nombre de pages : 220 p. 2.8 Varia : -
3. Résumé du roman (Tiré du site Internet de l’Hexagone) Le Désert mauve, c'est d'abord le court récit de Laure Angstelle qui, sous ce titre, raconte l'entréedans la vie d'une jeune adolescente, Mélanie, et son attachement grandissant pour l'excessiveAngela Parkins. En quête de beauté, elle sillonne en auto le désert de l'Arizona pour exorciser lapeur et la réalité, pour échapper à l'ennui du Motel que dirige sa mère, près de Tucson. Dans lesintervalles de la narration se dresse la présence menaçante de « l'homme long », sorte dedémiurge de la destruction. Mais tout récit doit-il se solder dans la mort?Fascinée par ce roman qu'elle découvre à Montréal dans une librairie d'occasion, Maude Lauresdécide de le traduire et, durant un an, elle annote le récit de Laure Angstelle. Tout en s'inventantune langue pour le dire, elle s'emploie à mieux circonscrire les lieux et les objets, à donner plusde chair aux personnages, à imaginer entre eux des scènes dialoguées, à concrétiser lesdimensions thématiques du roman. À la fin, elle publie sa version traduite du récit de LaureAngstelle, sous le titre de Mauve, l'horizon.
4. Caractéristiques du récit et de la narration
Le roman s’érige en trois temps:
1)Le désert mauve, roman de Laure Angstelle, publié aux éditions de l’Arroyo (page titre reproduite).
Réparti en 1 «prologue» et 8 chapitres (total 41 pages).
Alternance narrative constante d’un paragraphe à l’autre (au sein même des différents chapitres):
Narration autodiégétique assurée par Mélanie (raconte son quotidien, sa quête effrénée de sensdans le désert. Raconte sa rencontre avec l’écriture, avec le désir d’écrire, etc.)
Narration hétérodiégétique, omnisciente (le récit est assuré par un narrateur non identifié (est-ceque ce sont des extraits de ce qu’écrit Mélanie?) On y raconte les faits et gestes de l«’hommelong», qui habite une chambre d’hôtel et qui semble hanté par (le souvenir? le projet?) d'une explosion, d’une bombe.
Le roman de Laure Angstelle s’achève sur le récit, fait par Mélanie, du meurtre d’Angela Parkins(une cliente du Motel que tient sa mère). Chose étrange, alors qu’elle décrit la scène, elle évoquel’«homme long» (or, ce personnage est habituellement décrit dans les séquences hétérodiégétiques, non narrées par Mélanie). Cela me porte à croire que les séquences narratives qui portent sur l’homme long correspondent en fait à ce qu’écrit Mélanie dans le roman (elle noircit un carnet au contenu incertain. Sa mère refuse de lire). Non pas que l’homme long soit un personnage fictif inventé par Mélanie, mais plutôt un client du Motel qui alimente l’écriture de Mélanie… et qui ultimement s’avère un meurtrier (dans la diégèse du roman de Laure Angstelle).
2) La section «Un livre à traduire» où un narrateur hétérodiégétique, omniscient, présente Maude Laures, qui découvre le roman de Laure Angstelle, et qui décide de le traduire tout en l’étoffant. On a ainsi accès à son «chantier» d’écriture, constitué de plusieurs dossiers et fiches:-Réparti en 1 «prologue» et en quatre «dossiers» distincts contenant plusieurs fiches:
Dossier 1: Lieux et objets:«Le motel»: 2 pages «La piscine»: 2 pages «L’auto»: 2 pages «Le téléviseur»: 2 pages «Le tatouage»: 2 pages «Le revolver»: 2 pages «Le bar»: 2 pages
Dossier 2: Personnages:«Laure Angstelle»:3 pages«Lorna Myher»: 3 pages«Kathy Kerouac»: 3 pages«Angela Parkins»: 3 pages«L’homme long»: (reproduction visuelle d’un classeur cartonné). Contient 5 photographies en noir et blanc. Représentent un homme aux traits indistincts, au visage flou, en complet-cravate,dans sa chambre d’hôtel. Presque spectral, il trace d’interminables équations sur les murs.«Mélanie»: 3 pages«Autoportrait de Maude Laures»: 3 pages
Dossier 3: Scènes Contient 4 scènes «dialoguées»
Dossier 4: Dimensions«Le désert»: 3 pages «L’aube»: 3 pages «La lumière»: 3 pages «La réalité»: 3 pages «La beauté»: 3 pages «La peur» : 3 pages«La civilisation: 2 pages
3)Mauve, l’horizon: Le roman de Laure Angstelle, traduit par Maude Laurès et publié auxéditions de l’Angle. Sorte de réécriture du premier roman.Constitué de 8 «chaptitres» (sic). Une sorte de réécriture plus lumineuse (?) du roman initial.L’histoire est la même, mais un peu moins aride. Moins de non-dits. Moins de silences. L’hommelong y est nommé l’hom’oblong… Le roman se clôt quand même par le décès d’Angela Parkins.-La structure narrative initiale est respectée.
5. Rapport avec la fiction Autoreprésentation exacerbée: roman fictif, traductrice fictive, romans dans le roman. Trèsformaliste (faut-il le préciser). Mais en même temps (assez) lisible.
6. Intertextualité
7. Élément marquant à retenir / extraits significatifsGras
1 Deux quêtes distinctes(enchâssées): Quête identitaire de Mélanie, personnage du roman fictif Le désert mauve. Motif de l’errance sur les routes du désert.
Quête formelle, scripturale (?) de Maude Laurès, la traductrice du roman Le désert mauve, qui rédige Mauve, le désert.QUÊTE DE MÉLANIE Errance sur les routes du désert:
«Très jeune, je prenais la Mereor de ma mère et j’allais vers le désert. J’y passais des journées entières, des nuits, des aubes.» (DM: 11)
«J’ai toujours pris la route du désert car très jeune je voulais savoir pourquoi dans les livres on oublie de mentionner le désert.» (DM: 13)
«Un jour je serais fast so fast, sharp so sharp, un jour j’aurais devant la nécessité de l’aube tout oublié de la civilisation des hommes qui venaient dans le désert voir éclater leurs équations comme une humanité. Je roulais vite, comme un personnage émondé de l’histoire. Je disais “tant de fois j’ai sombré dans l’avenir”.» (DM: 13)
«J’avais quinze ans et je désirais que tout soit comme en la fragilité de mon corps, cette tolérance impatiente qui rend le corps nécessaire.» (DM: 13)
«Un jour, je connaîtrais le silence et le secret qui se prolonge dans les êtres afin que naissent d’autres civilisations.» (DM: 40)
Quête d’abord très insaisissable. Davantage une fuite, une errance. L’adolescente apparaît fuir une peur sourde, une «peur de l’indicible» (DM: 30).
Relation complexe avec sa mère et l’amante de celle-ci. La mère semble nier sa fille… Puis, la quête change d’objet, alors que Mélanie se découvre une pulsion d’écriture:
«Alors […] j’ai écrit ça, ça et encore ça et plus, ça m’excitait, ça m’a pris comme ça s’peut pas d’écrire tout ça avec des explosions dans ma tête, des petits sentiers crayeux dans les canyons. » (DM: 26: en italique dans le texte)
« Cette même nuit, la conscience des mots fit le tour de mon sentiment, l’enroula, le fit tourner à contresens. […] l’écriture comme une alternative parmi les images. Puis la réalité devint une IMAGE. Je m’endormis à l’aube, ficelée dans mes draps, objet de l’image.» (DM: 26-27)
Souhaite que sa mère la lise. Cette dernière ignore totalement sa fille
«Je harcelais ma mère pour qu’elle lise le peu que j’avais écrit. Mes fautes! Je voulais qu’elle corrige tout ça.» (DM: 27)
Même si elle laisse son cahier traîner un peu partout, sa mère n’en faitaucun cas… ne la lit pas.
QUÊTE DE MAUDE LAURÈS«Elle ne saura jamais pourquoi tout son être s’est enfoncé dans un livre, pourquoi pendant deux ans elle s’est brisée, s’est allongée dans les pages de ce livre écrit par une femme dont elle ne sait rien sinon la preuve présumée d’une existence recluse dans le temps et dans l’espace franchi d’un seul livre.» (DM: 55)
«Elle aurait à nommer, à converser longuement de l’intérieur jusqu’à ce que perplexe, jusqu’à ce que la petite tentation de traduire l’émeuve à ce point qu’un mot s’étire empruntant la forme d’un animal ou la couleur au loin, mauve et, encore dans son désir, toujours à documenter de l’horizonentourant.» (DM: 56)
L’acte de traduction occasionne, chez Maude Laurès, une «peur panique de se substituer à l’auteure de ce livre.» (DM: 57)«Pourtant, elle acquiesçait avec un certain soulagement à ce livre qui sans préavis avait sapé son équilibre » (DM: 58)
La traduction de vient une quête du dire, ou plutôt du dire aussi bien que: «Tout avait pourtant été possible dans la langue de l’auteure, mais dans la sienne, il fallait qu’elle s’arme de patience.»(DM: 59)
Le projet d’écriture de Maude Laures est en fait un projet de rectification de la fiction initiale: «S’astreindre à comprendre, ne rien négliger malgré le flot dévergondé des mots. Susciter de l’événement. Oui, un dialogue. Obliger Mélanie à la conversation. L’installer au bord de la piscine et la faire parler. Mettre de la couleur dans ses cheveux, des traits dans son visage. Oui, un dialogue somptueux, une dépense déraisonnable de mots et d’expressions. Une suite qui, construite autour d’une idée, dériverait à ce point que Maude Laures aurait le temps de circuler paisiblement autour du Motel, de pénétrer dans la chambre de la mère et de Lorna. » (DM: 60)
La démarche de traduction, considérée comme «Une belle machine souple pouvant inverser le rire ou le désespoir.» (DM: 62)La traduction est un «temps de restauration» (DM:66)