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fq-equipe:motte_warren._small_worlds._minimalism_in_contemporary_french_literature

Motte, Warren. Small Worlds. Minimalism in Contemporary French Literature.

Théorisation :

« Art that insists upon that reduction [in relation to some more or less explicit norm] and mobilizes it as a constructive principle can be termed minimalist. » (p. 1) « Through the reduction of means, minimalists hope to achieve an amplification of effect. […] John Barth has suggested that the aphorism “less is more” may be taken as a working encapsulation of the minimalist aesthetic. » (p. 4)

Les notions de « smallness » et de « simplicity » sont évoquées : plus quelque chose est petit, plus on se sent intime avec cet objet. Un objet simple semble plus « naturel » et abordable qu’un objet complexe : le danger est de se faire accusé de « artlessness ».

« Immediacy » et « directness » sont aussi importants (l’art minimaliste doit être immédiat dans le temps, directe dans l’espace). Motte prétend que les minimalistes pensent que les choses ont « a heart, a core, a center ». « Minimalists display an almost mystical faith in the thingness of the thing. » (p. 9) Je trouve que cela serait difficile à démontrer dans le cas du minimalisme français. De toute façon, pour Motte le minimalisme remet en question l’apparente banalité du quotidien, en s’intéressant à l’ordinaire.

Le dynamique de la « clarification » se joue sur trois niveaux : « first, the subject is identified and denuded of anecdote and incident, in a process intended to draw the thing itself into ever closer focus. Second, the representational discourse is reduced to a minimum : shorn of figure and ellipsis, its syntax is intended to be limpid, unproblematic, and in a sense transparent. Finally, in an insistent gesture of reflexivity, minimalist art is intended to make a clear statement about the nature of art itself, about its uses and possibilities. » (p. 6-7)

Motte postule que la vraie spécificité du minimalisme contemporain serait « its unrelenting, uncompromising critique of art itself. » (p. 11) Je ne crois pas, dans le cas de la littérature française, qu’on puisse dire que c’est une spécificité du minimalisme, mais plutôt de la période contemporaine.

Beaucoup de ce qu’il dit sur le minimalisme dans d’autres domaines artistiques ne s’applique pas facilement à la littérature (Motte en est conscient). Par exemple :

1) Le minimalisme musical rejète toute possibilité de la narration. Bien que les strategies narratives des minimalistes ont tendance à brouiller, ralentir et/ou arrêter le temps, il n’y a pas rejet total de la narration. 2) Dans les arts plastiques, le « thingness » de l’objet est cherché alors que la « représention » et la figuration sont rejetées. Ce n’est pas possible en littérature, car le langage en tant que matière artistique doit, nécessairement, représenter ou figurer.

Caractéristiques de la littérature minimaliste :

- au niveau formel : bref, clairsemé, maigre - le ton : détaché, passif, désengagé - « oblique and elliptical » (je ne comprends pas ce qu’il veut bien dire par ça) - rélativement sans intrigue - s’intéresse aux détails superficiaux - sans profondeur - « oblique » à propos de l’histoire personnelle, sociale, politique et culturelle - souvent écrit dans le temps présent - souvent écrit à la première personne - parfois écrit à la deuxième personne - mode réaliste ou même hyper-réaliste, pas « fabulist » - thémes caractéristiques sont de l’ordre du domestique, régional, quotidien, banal.

Analyses :

Edmond Jabès : Récit

Motte dit que ce livre peut être « anything one wants it to be – except, precisely, a récit, a story. » Selon lui il s’agit plutôt d’une « antinarration ». Le fragment garde contre la possibilité de conclure, et son caractère petit suggère l’ « impoverishment of the horizon of possibilty, which is a characteristic of minimalist epistemology. » L’oralité est subvertie, non localisée. Jabès, lui-même, est antiroman et privilégie le « livre ». Mais il n’explique pas ! Il ne parle même pas du livre, mais de son titre et d’autres livres de Jabès. Et, tout comme pour le texte d’Hebert qu’il analyse après, je ne suis pas convaincue du minimalisme de Récit.

Hervé Guibert : Les Chiens

La scène a lieu dans un environnement restreint, non localisé, dans un temps indéfini. Les personnages tout comme le narrateur sont anonymes. Il n’y a pas de bruit sauf la voix narrative qui raconte, en temps présent, dans un ton plat. Mais, contrairement à la littérature minimaliste, la narration suit un ordre nettement chronologique. Motte souligne que ce texte privilégie la vue, mais il s’agit d’une vue qui a lieu dans l’imaginaire, ce qui me semble plutôt de l’ordre du mode « fabuliste » et non pas « réaliste ». Il dit aussi que la qualité fantasmée de l’histoire déborde dans l’onirique à la fin du livre. Le caractère théâtral du récit est aussi, selon Motte, minimaliste : le livre minimaliste nous montre directement et matériellement les techniques et théories qui en sont les bases. Cependant, d’après les citations et même l’analyse qu’offre Motte, je ne suis même pas convaincue que ce texte est vraiment minimaliste. Les actes sexuels et transgressifs dans ce texte sont pour Motte une parabole de ce que doit être l’écriture pour Hébert.

Annie Ernaux : La Place

Motte évoque l’écriture « plate » d’Ernaux, ainsi que son refus de la poésie et sa recherche du naturel. La simplicité stylistique exploite l’idée paradoxale que l’extrême pauvreté de l’expression peut enrichir l’expérience esthétique. Motte montre qu’Ernaux renonce la métaphore et la transcendance afin de privilégier la quiddité des choses, ce qui est typique du minimalisme (ce constat, que la forme elle-même devrait signifier, semble renier tout ce qu’il vient de montrer à propos de Guibert). La position fondamentale du minimalisme est celle de l’opposition, contre les conventions littéraire et narrative et aussi contre la rhétorique. Ainsi Ernaux propose une forme d’antilittérature afin de s’établir une place dans la littérature. En « trahissant » ses parents par son changement de classe sociale et par son écriture de cette trahison, elle accomplit la trahison qu’est le minimalisme à la littérature.

Jean-Philippe Toussaint : La Salle de bain

Ayant lieu presque entièrement dans une salle de bain, ce livre privilégie le topos de l’évident, le banal, l’ordinaire, le quotidien. Motte ne théorise pas bien ce dernier ; il le relate aux idées du « familier, homely, secure, knowable », de ce qui peut être saisi sans médiation. Le double hypothèse qu’opère La Salle de bain est que 1) le profond peut provenir de la surface et 2) la narration doit être reconfigurée afin de privilégier l’ordinaire au lieu de l’exceptionnel. La technique principale qu’utilise Toussaint est celle de la réduction (des lieux, de l’intrigue, de la forme narrative). Il note la répétition dans la narration, et dit que l’effet est de concentrer l’intérêt du lecteur sur la narration au lieu de sur le narré. Le narrateur cherche à établir l’essence des choses en ralentissent le temps et en restant immobile. L’histoire fonctionne comme une série de « nows » au lieu d’un récit avec début et fin, causalité, etc. J’ai du mal à croire que le quotidien, comme le dit Motte, fonctionne comme défense contre la maladie du temps. Par contre, je pense qu’il serait intéressant de continuer ou de revoir ses réflexions sur l’immobilité dans ce livre.

Note : Très intéressant mais ne va pas assez loin dans l’analyse. Ça reste peu profond, même s’il touché sur des idées qui pourraient être prolongées, approffondies : l’idée d’immobilité : dans le temps et dans l’espace. mieux positionné pour observer le monde, mais l’immobilité total est impossible, le corps reste piegé dans le temps, et bouge même dans l’espace sans qu’on puisse l’arrêter (la sueur qui coule, par example.) narration nécessairement un mouvement dans l’espace, et même dans le temps. mais une réduction de l’espace et du temps parcourus, un ralentissement, aide-t-elle à mieux observer la narration elle-même ?

Marie Redonnet : Tir & Lir

Motte montre que le style simple et clair de cette pièce est caractéristique de l’esthétique minimaliste, en tant que mouvement contre la décadence et le gaspillage de la société contemporaine. Il dit encore que cette réduction du style tire l’attention du narré vers la narration. Si le minimalisme essaie d’échapper à la représentation dans les arts plastiques, la littérature reste vouée à représenter à cause de son média : le langage. Il parle de cette réduction comme étant distillation, concentration ou amplification. Il souligne la répétition symétrique de cette pièce.

Jean Echenoz : L’Occupation des sols

Remarquablement « petit » : 15 pages d’environ 125 mots par page. Rhétorique de platitude, le livre insiste sur l’ordinaire, le banal. L’histoire est simple, concentrée sur l’« idéation ». Motte semble ne pas voir la potentielle de mobilité qui reste cachée dans l’immobile : mais en lisant les citations qu’il sélectionne, c’est clair que Echenoz en est au courant.

Olivier Targowla : Narcisse sur un fil

Esthétique du fragment : chaque fragment a une cohérence narrative interne, mais les espaces entre ces fragments « gape ever more broadly » à cause de cela. Il travaille l’idée du livre comme étant une institution contre laquelle il faut s’opposer. Le personnage principal est passif, immobile : Motte effectue une analyse psychologique du personnage, ce qui montre qu’il est beaucoup plus complexe et profond que les personnages qu’on trouve dans le minimalisme de façon générale. Selon Motte, le minimalisme tout comme le personnage principal du livre doit marcher sur un fil, sur la ligne entre « the extraordinary and the banal, irony and literalism, meaning and meaninglessness, playing critically on the bounderies of literature ».

Patrick Roegier : Beau Regard

Le minimalisme « engages representation at such a minute level of detail that the world it evokes seems strange to us ». (C’est le contraire de ce qu’il dit dans le premier chapitre, ie. que le petit et le proche sont plus familiers que le grand et le loin). Les personnages sont presque anonymes et immobiles : ils restent à table du début à la fin. Le roman est sans intrigue. Selon Motte, l’auteur nous ennuie délibérément afin de nous forcer à apprendre à lire autrement. Encore une fois on voit l’importance de la vue : le narrateur regarde les autres, et tout le monde reste silencieux. « Ange’s evocation of different optical instruments offers us, in turn, an interesting look at the way in which he sees his own gaze and the objects it is intended to capture. For if microscopes, magnifying glasses and telescopes are all intended to draw objects closer into focus, they are used in very different circumstances and imply very different relations between the observer and the observed. Ange’s focus on Alice’s face may be microscopic, but it is also telescopic, suggesting … » « intimate distance ». « In minute focus, the familiar is revealed to be strange. » La vue engage directement l’objet, et révèle plus que les mots peuvent selon Motte.

Jacques Jouet : 107 âmes

Poésie minimaliste : claire, répétitive, systématique, symétrique. Aussi Oulipo. Pour Motte, les poèmes ne sont pas épiques, puisqu’ils engagent la banalité de la vie réelle.

Emmanuèle Bernheim : Sa Femme

Alors que bref, le livre est connu pour son intrigue excellente. La narratrice, bien qu’elle parle d’une histoire amoureuse, parle dans un ton plat et sans passion. Selon Motte, le livre partage son « narrative coolness » avec autres livres minimalistes et montre également une tendance vers le postexotique.

Dans ses analyses de textes, Motte dit à chaque fois que le texte en question présente une métaphore de la création littéraire ou surtout de la création d’un texte minimaliste. Mais il fait tout cela sans pour autant préciser en quoi ces textes eux-mêmes sont minimalistes : il ne parle pas souvent des définitions (vagues) qu’il établit dans le premier chapitre. Conséquemment, le lecteur se demande pourquoi il parle du minimalisme.

fq-equipe/motte_warren._small_worlds._minimalism_in_contemporary_french_literature.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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