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fq-equipe:martel_reginald_1994_le_premier_lecteur

MARTEL, Réginald (1994), Le premier lecteur : Chroniques du roman québécois 1968-1994 (recueil d'articles), Montréal, Leméac.

REMARQUES GÉNÉRALES :

- Les contributions, comme le titre l’indique, couvrent les années 1968 à 1994 et sont malheureusement présentées non en ordre chronologique, mais en suivant l’ordre alphabétique. Il est donc très difficile de retracer une « évolution » et un exercice de remise en ordre m’a semblé trop fastidieux et surtout peu profitable pour être tenté. Je me suis donc contentée de lire la plupart des articles couvrant des livres de la période 1980-1994. - Dans l’optique inverse, si aucun index ou chronologie n’est disponible, on peut voir dans ce livre comme une volonté de gommer celle-ci dans le but de mettre en valeur non pas tant les œuvres sur lesquels portent les critiques que le critique lui-même, comme l’indique l’Avant-propos et la longue introduction intitulée « Éléments pour le portrait d’un journaliste littéraire » écrite par Pierre Filion et Gaston Miron. On pourra se rapporter à l’Avant-propos pour appuyer cela, même s’il est dit que le souhait des éditeurs est double, soit celui de présenter non seulement un critique, mais aussi « un écrivain et son univers » (7) et « donner le goût aux lecteurs de lire les œuvres » (8) – le premier semble tout de même prédominer. - Cet ouvrage, qui aurait pu se rapprocher du Roman mauve de Jacques Allard, s’en éloigne donc par maints aspects puisque ce n’est pas Réginald Martel qui a procédé au choix et à l’organisation de l’ensemble des articles. La plupart des critiques choisies sont toutes très positives, ce qui donne vraiment une impression de gommage, une volonté de donner une certaine inflexion, voire de procéder à une certaine légitimation de la littérature québécoise. - Qui plus est, la critique de Martel est très intimiste ; elle se contente bien souvent d’un tête à tête avec l’œuvre, et le critique ne se sert jamais de son savoir global sur la littérature en émergence pour faire des bilans et des critiques d’ensemble. Après avoir parcouru plus de la moitié des articles, j’ai décidé que cela ne valait pas la peine de continuer l’exercice puisque aucun portrait d’ensemble ne pouvait être dégagé de la lecture des diverses chroniques. Cela, en dépit du fait de la promesse des auteurs de l’introduction : « La lecture d’un roman est toujours, pour lui, l’occasion de revoir la trajectoire de la littérature québécoise dans son rapport à l’histoire de sa fondation et de son identité nationale. » (14-15) Il est vrai, certes, que Martel fait parfois des liens, mais des liens qui ont davantage à voir avec la sociologie, avec une certaine idée du roman québécois, mais les fils de cette vision sont trop ténus pour constituer une véritable prise de position. Voici quelques exemples : o « Il y a dans ce roman, j’en conviens facilement, une hauteur de ton tout à fait étrangère à ce qui fait aujourd’hui les romans à la mode. » (119) o « Nous sommes loin encore, dans Une histoire américaine, de la confidence un peu indécente qu’imposent à leurs lecteurs beaucoup de romanciers… » (157) o « La nouveauté de ton et de forme de La Rage, dans l’ensemble de la production récente au Québec, ne fait aucun doute. En ce sens, ce roman pourrait être une œuvre charnière. Pas question ici d’une écriture sur l’écriture sur l’écriture. Pas question non plus de reprendre le refrain archi-usé qui tourne autour de la ville sans lui faire chanter grand-chose. Pas question enfin de céder à ce psychologisme complaisant qui fabrique de gros malheurs autour d’existences, réelles ou fictives, qui sont tout simplement insignifiantes. L’entreprise de Hamelin est neuve, elle est pour l’instant unique. Elle donne à rêver. À rêver que voici pour les années 1990 un écrivain aussi immense que Jacques Ferron et Victor-Lévy Beaulieu, et qui ne leur doit rien. » (164) o « Le plaisir de raconter n’est pas mort et encore moins le plaisir d’entendre raconter. » (215) - Dans l’ensemble, le discours de Martel ne semble donc pas s’inscrire dans le mouvement de constitution du contemporain, même si il en est bien sûr partie prenante. Les auteurs de l’introduction disent pourtant ceci : « En l’occurrence, puisqu’il s’agit de roman et de la saisie des œuvres par l’intelligence sensible, il se dégage de l’ensemble des commentaires et des réflexions qui l’accompagnent, des définitions et des vues qu’elles suscitent chez lui, un art de la lecture et une véritable poétique du roman dont il faudra bien, un jour prochain, reconnaître l’unité et l’exemplarité. Car cette critique, à son tour et comme à son insu, est maintenant emmaillée avec la littérature québécoise, elle en est. » (18-19, souligné dans le texte) Ils ont certainement raison, mais, comme je l’ai souligné, c’est un travail difficilement réalisable et qui demanderait un investissement certain.

Synthèse :

Comment s’inscrit cet ouvrage dans mon hypothèse de recherche ? - D’abord, il faut reconnaître que la perspective est différente ; il ne s’agit pas d’un ouvrage de synthèse, mais bien d’une démarche hebdomadaire, entièrement ancrée dans l’immédiat et l’émergence de la littérature contemporaine. De cette façon, Martel participe de la constitution du discours critique sur le contemporain mais sans proposer de balises ou d’interprétation. Le fait qu’il soit un critique littéraire depuis les années 1960 l’inscrit à n’en pas douter dans la première génération et il partage sans doute avec elle une certaine vision nationaliste de la littérature québécoise, encore en émergence, encore à être définie. Je pourrai comparer avantageusement sa démarche avec celle des critiques de Voix et Images, par exemple, même si le contexte est quelque peu différent (dans le premier cas, un journal, dans le deuxième, une revue universitaire) - En contrepartie, la publication comme telle d’un recueil de ses articles (avec sélection et présentation) s’inscrit sans doute dans un mouvement de légitimation de la littérature québécoise et/ou contemporaine qui passe non seulement par les œuvres, mais aussi par une valorisation de la critique qui la commente et lui donne ses lettres de noblesse. - Bien que je n’ai pas lu les articles consacrés à des œuvres d’avant 1980, il ne m’est apparu, en aucune circonstance, que Martel faisait de l’année 1980 un tournant important dans la littérature québécoise.

fq-equipe/martel_reginald_1994_le_premier_lecteur.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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