Outils pour utilisateurs

Outils du site


fq-equipe:mansfield_par_citati_3

FICHE DE LECTURE

INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur : Pietro Citati Titre : Brève vie de Katherine Mansfield [Vita breve di Katherine Mansfield] Lieu : Paris Édition : Quai Voltaire Année : 1987 [1980] Pages : 180 p. Cote : PR 6025 A57 Z6214 Désignation générique : Aucune

Bibliographie de l’auteur : Le printemps de Chosroes (1979) ; Tolstoï (1987). Biographé : Katherine Mansfield Quatrième de couverture : Aucune Préface : Aucune Rabats : Notice sur Katherine Mansfield où l’on tente d’établir son rapport au monde, aux autres et à l’écriture : «Plus qu’un simple écrivain, elle est vite devenue, comme Virginia Woolf ou Franz Kafka, un personnage fabuleux, une sorte de mythe moderne représentant exemplairement un destin de l’époque.» [Extrait] Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : Aucune

LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) :

Auteur/narrateur : Narration au «nous», bien qu’il se fasse discret. On peut associer le narrateur à l’auteur. Ce dernier n’est toutefois pas présent dans le texte.

Narrateur/personnage : La narration nous offre une focalisation interne des pensées de Mansfield et du regard original et subjectif qu’elle porte sur elle-même, sur ce qu’elle vit et sur le monde qui l’entoure. Un exemple intéressant est lorsqu’elle se rend à Paris pendant la guerre et compare les «baraques de blessés» à «des salles de bal ou des cabines de bain, chacune ornée de sa bannière flottant au vent» (p.30). Les nombreuses mises en récit qui sont faites dans la biographie semblent avoir été faites à partir des propres récits de Mansfield faits dans son journal et ses lettres ; le narrateur prend donc en quelque sorte de le dessus sur elle. Bien qu’il introduise parfois des citations de Mansfield, le narrateur a le contrôle absolu sur la narration.

Biographe/biographé : «Les autres soupçonnaient à peine la force qui la dominait» (p.21), affirme le biographe en parlant des contemporains de Mansfield, comme si lui entretenait un rapport privilégié et avait accès à la véritable Katherine Mansfield grâce aux écrits personnels dont il dispose. Le biographe fait également montre d’une grande fascination à l’égard de la biographée : «Nous ferions tort à cette créature délicate si nous ne rappelions pas qu’elle fut l’un des tempéraments littéraires les plus fermes, les plus compacts, les plus tenaces de ce siècle.» (p.21) Cette fascination s’exerce tout au long de la biographie où la figure de Mansfield, dépeinte comme un être en quête d’absolu, se démarque comme un être différent des autres, insaisissable.

L’ORGANISATION TEXTUELLE

Synopsis : Le récit est plutôt linéaire mais obéit tout de même à des aléas particuliers. Il commence en 1914, alors que Mansfield a 26 ans. Voici un résumé détaillé : Le premier chapitre est consacré à un portrait de Mansfield telle que vue par ses contemporains et par le biographe ; elle est surtout dépeinte «de l’extérieur» comme si l’observation du physique permettait de mieux saisir «l’être». Le chapitre 2 relate les «deux dernières années de bonheur» de Mansfield (1914-1915) ; on la retrouve ici représentée sous différentes figures de l’amoureuse. Le chapitre 3 présente un des deuils les plus significatifs dans la vie de Mansfield - celui de son frère mort au combat - de la portée affective et symbolique que lui donne Mansfield et du rôle de ce deuil dans son processus créatif. La tuberculose, diagnostiquée en 1918, contraint ensuite la jeune femme à rechercher des climats salvateurs ; le quatrième chapitre met ainsi en scène le début des «années de vagabondage» de la biographée, condamnée à l’exil pour le reste de ses jours. Les deux suivants relatent des épisodes de sa vie en Italie, dans le sud de la France et en Suisse. Le septième chapitre propose une sorte de retour en arrière sur l’activité créatrice intense de la biographée pendant ses séjours à l’étranger. Le biographe propose que Mansfield a pu se résigner à sa maladie parce qu’elle «créait un climat propice à l’écriture» (p.135). Cette réflexion se poursuit au dernier chapitre où sont également relatés les derniers mois de vagabondage de Mansfield jusqu’à sa mort, qui clôt le récit.

Ancrage référentiel : Les dates. Les différents lieux géographiques où séjourne Katherine Mansfield ; son Journal et les lettres qu’elle envoie. Sa maladie. Ses œuvres. Référence à de nombreux écrivains.

Indices de fiction : L’auteur donne peu ou pas ses sources, à l’exception des lettres et du journal, il est donc difficile de démêler le «vrai» du «faux», mais ses descriptions de Mansfield sont parfois si précises et détaillées que l’on peut y soupçonner une part d’invention. Par exemple : «Quand la fureur la possédait, son visage devenait terreux, presque verdâtre, et ses grands yeux noirs n’étaient plus que des fentes.» (p.20) Il y a également des reconstitutions de plusieurs scènes de la vie de Mansfield avec intégration de dialogues, comme une scène avec son frère (p.43-45). D’un point de vue narratologique, les différentes vitesses qu’utilise le narrateur (scène, sommaire, pause et ellipse) éloigne cette biographie de la bio traditionnelle puisque le narrateur choisit de ne raconter que ce qui l’intéresse.

Rapports vie-œuvre : À plusieurs reprises, le biographe établie des liens entre la vie et l’œuvre de la biographée. Il présente, en fait, des éléments biographiques pour expliquer certains personnages de l’œuvre (par exemple : p.34 ; p.114). La figure de la mère aurait ainsi servi plusieurs fois de modèles (p.53) et des personnages sont décrits comme des personnes réelles. Le biographe affirme également que «son destin d’écrivain était scellé» quand elle décida de raconter à partir de ses propres expériences et perceptions (p.56-57) et que «elle écrivait des nouvelles à partir de tout ce qui lui arrivait, utilisant ses moindres expériences» (p.139). De plus, le biographe déplore que la nature passionnée de l’écrivain n’ait pas servi à mettre au monde des œuvres qui nous feraient explorer cette facette d’elle-même : «Lorsqu’elle écrivait, ces hallucinations, ce délire qui la possédaient si totalement si dissipaient : il n’en reste pas trace sur le papier ; si nous ne le savions par ses lettres, jamais nous n’imaginerions qu’elle a été…» (p.141) Il se désole, finalement, que les rapports entre la vie et l’œuvre ne soient pas plus étroits, que l’écrivaine n’ait pas su mettre plus «d’elle-même» dans son œuvre et qu’elle demeure ainsi une entité qui nous échappe : «Qu’avait-elle révélé d’elle ses nouvelles ? En écrivant, elle avait fait taire ses souffrances, ses aspirations, sa soif d’absolu. Une trop grande partie d’elle-même restait absente de la Garden-Party ; et elle eût voulu maintenant écrire quelque chose où elle eût mis toute la “puissance”, toute la “force” qui demeuraient inexprimées dans les replis de son âme.» (p.158)

Thématisation de l’écriture et de la lecture : - L’écriture est fortement thématisée à travers la relation particulière que Mansfield entretient avec elle : «Dans son vagabondage, l’unique certitude était l’écriture, qui la liait à une table, à ses feuilles de papier, à la nécessité d’un style et d’un destin.» (p.63) Sur le travail d’écriture de Mansfield, le chapitre 7 est particulièrement fécond ; celle-ci, même en proie à des douleurs terribles, écrit fébrilement et sans relâche. Elle en vient même à croire «que ce ne seraient pas les médecins, mais ses récits qui guériraient ses poumons malades.» (p.155) Mansfield aurait donc une foi totale en son art et s’abandonne à l’écriture avec confiance. Toutefois, un revirement s’opère à la fin du récit quand Mansfield n’a plus le moindre espoir d’échapper à sa maladie : «Mais la pensée qui occupait son esprit, à Sierre, était celle de la mort, comme si désormais, après avoir échoué en tout, après avoir vainement attendu son salut de la littérature, de la souffrance et des médecins, il ne lui restait plus que cette ultime ressource.» (p.167) - Son destin d’écrivain est également fortement thématisé : «Jeune fille déjà, elle avait compris qu’en littérature le génie consiste dans l’acceptation d’une discipline à laquelle on s’astreint à jamais. […] la véritable passion dont elle brûla sa vie durant fut l’écriture.» (p.136) Le biographe tisse également beaucoup de liens entre la biographée et d’autres écrivains, tels Tchekhov, Austen, Tourgueniev, etc. ; comme s’il voulait inscrire la figure de Katherine Mansfield au sein d’une filiation d’écrivains : «Katherine Mansfield avait appris de Tolstoï et Tchekhov à abolir la figure du narrateur…» (p.147) Il y a également beaucoup de références intertextuelles. - La lecture est également thématisée à travers celles que fait Mansfield (Jane Austen, Marcel Proust, Henry James, Shakespeare, etc.), mais surtout à travers l’importance que revêtent les lettres qu’elle écrit et qu’elle espère recevoir : «S’il [le facteur] lui remettait une lettre, elle la lisait du début à la fin puis en sens inverse, de haut en bas, en diagonale : elle la respirait, la mangeait, en dévorait la moindre bribe…» (p.69)

Thématisation de la biographie : - L’auteur évoque parfois d’autres biographies («dit un biographe récent» p.34 / «comme l’assurent des biographes pleins de malignité» p.159), mais semble vouloir se distancier d’elles. Bien qu’il ne semble pas considérer qu’il fasse de la biographie lui-même, il n’offre malheureusement aucun métacommentaire sur son travail ; seulement quelques rares allusions : «(telle est la précision avec laquelle nous pouvons reconstituer son existence)» (p.99). - Un autre point est intéressant à soulever ici : celui de l’importance des écrits personnels dans la constitution d’une biographie qui permet de saisir la «véritable» Katherine Mansfield, travail que seul un biographe – qui a accès à tous ces écrits – peut réaliser. Il y aurait, en fait, «deux» Katherine et celle que veut nous faire découvrir le biographe est celle qui se révèle à travers ses écrits personnels et non ses récits fictionnels : «La lecture de son journal et de ses lettres à John Middleton Murry ou à quelques intimes nous transporte dans un tout autre univers.» (p.12) / «- la “personne” dont elle n’était que l’hôte ne devait s’exprimer que dans les pages de son journal et ses lettres à son mari ou à ses amis.» (p.139) / «La seule Katherine Mansfield que nous connaissions a pris congé de nous dans le scintillement des tombeaux de fleurs» (p.178)

Topoï : La vie émotionnelle mouvementée d’une écrivaine au début du 20e siècle, la maladie, la solitude, la complexité du travail créateur, l’écriture, le vagabondage.

Hybridation : Je qualifierais cette biographie de biographie poétique et intimiste.

Différenciation : Cette biographie me semble s’inscrire sous le mode de la différenciation d’avec la biographie traditionnelle. On dirait, en fait, une «partie» de biographie puisqu’elle ne couvre que quelques années de la vie de Mansfield et fait souvent référence à des éléments passés comme si le lecteur savait de quoi il est question. Il y aurait donc ici négation d’un des traits définitionnels de la biographie, à savoir qu’elle doit recouvrir la vie complète du biographé.

Transposition : - Transposition de l’œuvre : Le biographe, pour expliquer les sentiments de la biogrraphée, lui attribue des répliques de ses personnages → «“Pourquoi tiens-tu absolument à nier tes émotions ?” demande quelqu’un à l’héroïne d’une de ses nouvelles. Celle-ci (i.e. Katherine Mansfield) réplique : “Pas du tout […]“» (p.12) Il en va de même pour les trois derniers récits de l’écrivain qu’il analyse car il se peut que dans ceux-ci, elle nous ait «donné son ultime sentiment sur l’existence» (p.143).

LA LECTURE

Pacte de lecture : Il y a un jeu ici, mais il ne se situe pas entre réalité et fiction. Il s’agit plutôt d’entrer dans l’univers que crée Citati autour de la figure de la biographée.

Attitude de lecture : Fascination pour cette fascination du biographe envers son personnage. Donne envie de découvrir Katherine Mansfield et son œuvre, spécialement ses œuvres intimes. Cette biographie est particulièrement bien écrite ; langage poétique et dense qui dessine un portrait véritablement riche et complexe de la biographée.

Lecteur/lectrice : Manon Auger

fq-equipe/mansfield_par_citati_3.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

Donate Powered by PHP Valid HTML5 Valid CSS Driven by DokuWiki