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Roger Magini (1992), Beauté rouge

I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE

Auteur : Roger Magini

Titre : Beauté rouge

Éditeur : Les éditions Balzac

Collection : Babylone

Année : 1992

Éditions ultérieures :

Désignation générique : Roman (couverture)

Autres informations :

Quatrième de couverture : [Extrait] « Une jeune religieuse s’est assise à la table à côté, superbe dans ses voiles blancs. Elle a croisé ses jambes, haut : pour une bonne sœur, elle faisait preuve d’une certaine effronterie, à dévoiler ainsi des cuisses en âge d’être caressées. Le garçon lui a apporté un double Campari avec une tranche de citron, qu’elle s’est jeté derrière le cilice comme une fille de joie agnostique et perverse. Puis elle a flambé un cigarillo. J’ai eu soudainement la sensation qu’un sacrilège se déroulait devant moi. Là-bas, dans le silence de la Basilique, les Saintes-Huiles devaient atteindre irrémédiablement le point d’ébullition. »

Notice biographique de l’auteur : Après La Correction, Saint Cooperblack et Un voyageur architecte, entre autres, Beauté rouge est le septième livre de Roger Magini.

II - CONTENU ET THÈMES

Résumé de l’œuvre : Il s’agit d’une histoire totalement abracadabrante, construite sur le mode ironique. Gesualdo Ramenero, enquêtes et filatures discrète inc. est un italo-québécois qui a deux soucis : ses dettes et ses cheveux blancs. Un jour se présente à son bureau Rogers P. G. MacGinnis, écrivain, qui lui raconte l’histoire de son premier roman, Saint Cooperblack, vendu à cent-soixante-sept exemplaires il y a vingt ans, ce qui a constitué un triomphe pour lui, lui a permis de devenir riche et célèbre. Mais un jour un critique insinue que c’est lui, MacGinnis, qui a tué les personnages de son roman, mystérieusement disparus. La police, convaincue de sa culpabilité, mène une enquête, retrouve des éléments à Cooperblack Mountains mais aucun corps et traduit donc le sieur MacGinnis en justice. Tout le monde veut le faire condamner, mais la mère du suspect montre les billets d’avion de son fils et d’elle-même, qui ont passé cet été là à Napoli (Naples). Il est donc acquitté. Cependant, il est rongé par la culpabilité et n’est pas du tout certain de ce qui s’est passé – puisqu’il a effectivement passé une semaine dans les Cooperblack Mountains où il a rencontré Cooperblack le garde-chasse et une aveugle du nom de Shiny (36) – et demande à Gesualdo d’enquêter; il le paie grassement, disposant de droits d’auteur dont il ne sait plus quoi faire.

Gesualdo va donc voir son frère Ben qui lui vend une voiture, une chevrolet 57 – la Beauté rouge du titre – et il part vers les Cooperblack Mountains où il retrouve la cabane du garde-feu Cooperblack dans lequel un couple en voyage de noces, Marcel et Albertine, est en train de batifoler… Prudent, Gesualdo installe sa tente à une certaine distance et passe deux jours à les observer puis à tenter de leur parler. Finalement, Albertine lui dit que le dénommé MacGinnis, propriétaire des lieux, les a surpris il y a quelques temps mais les a autorisé à rester-là le temps de leur lune de miel (66). Elle précise que selon MacGinnis, les deux « suspects » « fileraient le parfait amour et auraient émigré en Italie, à Rome. Ils tiendraient un petit hôtel au cœur du Trastevere, Le Properce » (68). Le bon détective plie donc bagages, rentre à Montréal, téléphone à Gesualdo qui lui envoie illico des billets d’avion pour Rome, où il se rend au Properce qui est désert.

À l’hôtel, il rencontre Francesca la femme de chambre – elle porte le même nom que la fille de ses fantasmes qu’il consigne dans son « carnet bleu ». Après avoir surpris cette femme attirante à fouiller dans sa chambre et avoir voulu subtiliser son « carnet bleu », il apprend qu’elle est morte, tombée dans les escaliers. La police fait donc enquête. Pendant ce temps, Gesualdo va boire et bouffer à la terrasse d’une petite pizzeria où un genre de play-boy du nom de Marcello lit – ben oui – Saint Cooperblack; Gesualdo y reconnait l’exemplaire qu’on lui a volé dans sa chambre. Il décide de suivre Marcello, s’introduit dans sa chambre pendant qu’il dort et le ficelle pour obtenir sa confession. Marcello raconte alors que, il y a vingt ans, trois personnes sont venues à l’hôtel Le Properce où il était portier : MacGinnis, le garde-feu Cooperblack et l’aveugle Shiny. MacGinnis est reparti après un certain temps, laissant une fortune au couple de nouveaux mariés qui sont restés un an à l’hôtel puis sont partis. Il lui raconte également qu’il n’a rien à voir avec l’assassinat de Francesca. Gesualdo le détache, retourne à l’hôtel, passe une autre journée à flâner et rentre à Montréal.

MacGinnis lui téléphone pour connaître les résultats de l’enquête. Gesualdo estime que « MacGinnis n’espérait rien apprendre de neuf en faisant appel à un détective privé : tout au plus une certaine tranquillité d’esprit et la confirmation, à l’encontre de ses convictions, que les personnages de son roman n’existaient pas, qu’ils appartenaient réellement à l’imagination, qu’ils étaient pure fiction ». (1992 : 128) Par ailleurs que : « Il n’y avait jamais eu matière à enquêter, et MacGinnis, qui le savait pertinemment, s’était payé ce qu’il est convenu d’appeler, dans les salons de thé, un caprice. » (1992 : 132) MacGinnis est fâché mais paiera tout de même. Ensuite, le détective se rend au garage de son frère pour récupérer Beauté rouge, mais découvre que son frère a fait faillite, a disparu dans la nature et que toutes les voitures ont été saisies… Il est au désespoir de ne pas revoir Beauté rouge, mais entreprend de rédiger le rapport qu’il doit à MacGinnis (on soupçonne que ce rapport est un peu le livre qu’on lit) en s’enfilant deux bouteilles de Souther Comfort. Au matin, un dénommé Cooperblack vient le voir parce que son père a disparu il y a 20 ans…

Thème principal : Fiction (rêve) et réalité

Description du thème principal : C’est un peu le seul point d’intérêt du roman qui tire dans toutes les directions : se jouer des personnages et se jouer du lecteur en ne sachant jamais dans quel niveau de réalité on se trouve; est-ce que les personnages fabulent ou pas, est-ce que les personnages de Cooperblack et Shiny sont de la fiction ou des êtres réels, est-ce que le détective écrit de la fiction dans son carnet, etc. Au total, on ne sait pas. L’idée c’est de créer de la confusion. Il s’agit aussi de se moquer de la fiction, de la littérature et du milieu littéraire.

Thèmes secondaires : Voyage, l’Italie, le quotidien d’un détective, l’amour pour une voiture, etc.

III- CARACTÉRISATION NARRATIVE ET FORMELLE

Type de roman (ou de récit) : récit minimaliste (ironique)

Commentaire à propos du type de roman : Tout n’est qu’ironie dans ce roman. Il faut mener le lecteur en bateau en l’engageant sur la pente de la confusion d’une part et sur celle de la futilité d’autre part. Ainsi, le personnage du détective, qui est le narrateur de son histoire, est antipathique, raconte tout ce qu’il fait en détails, spécule pour brouiller les pistes, se la coule douce sur le dos de MacGinnis, est un piètre inspecteur malgré son arrogance et sa suffisance, etc. Il est aussi extrêmement difficile de hiérarchiser les informations données, puisque tout est mis sur le même pied. Cela rappelle un peu le minimalisme de minuit, avec en prime une fausse enquête qui ne mène nulle part. En effet, la surprise finale n’est pas, bien sûr, la résolution de l’enquête, mais la peine d’amour que subit le narrateur pour avoir perdu sa Beauté rouge… : « Tout de même, c’étaient des salauds, ils m’avaient volé ma Beauté rouge, et ça je ne leur pardonnerai jamais. Beauté rouge! Elle envolée, disparue, je me retrouvais, j’étais Gros-Jean comme devant, dépossédé du seul bien que j’eusse jamais acquis à la sueur de mon front [ironie bien sûr, puisqu’il l’a acheté avec l’argent de MacGinnis] : une Chevrolet 57 toute de cuir rouge sans vêtue, une beauté du diable sur quatre roues. » (1992 : 139)

Type de narration : autodiégétique

Commentaire à propos du type de narration : Le personnage principale raconte sa propre histoire, mais rapporte également quelques discours d’autres personnages.

Personnes et/ou personnages mis en scène : s.o.

Lieu(x) mis en scène : Montréal, Rome. Les « Cooperblack Mountains » sont fictives jusqu’à preuve du contraire et pourraient être situées aux États-Unis, puisque le détective privé part de Montréal et nous indique : « La direction des Cooperblack Mountains n’est pas compliquée à repérer. Il faut traverser le pont Jacques-Cartier : après, c’est tout droit pendant douze heures. » (1992 : 42) Toutefois, il prend la direction Quebec city pour se rendre à ses Mountains… son « tout droit à la sortie du pont » est donc sujet à interprétation, surtout qu’il dit prendre le pont Pierre-Laporte et qu’il lui reste 9 heures à rouler tout droit, mais bref, dans ce cas elles seraient au Québec, quelque part sur la rive nord. Les lieux et les références demeurent brouillés, étant donné le mélange des références (italienne, américaine, québécoise) et de l’ironie qui traversent tout le roman.

Types de lieux : 2 pièces du détective, montagne, hôtel et ville (Rome).

Date(s) ou époque(s) de l'histoire : Encore là, un peu incertaine. Mais le narrateur dit que ça fait 20 ans que Pierre Laporte est mort (« On a traversé le fameux pont; je ne me souviens plus de son nom de baptême, celui d’un personnage qui a terminé sa carrière dans le coffre d’une Pontiac rouillée, il y vingt ans » (1992 : 42). On peut donc déduire 1990, époque contemporaine de l’écriture.

Intergénéricité et/ou intertextualité et/ou intermédialité : Intertextualité : il y a un jeu intertextuel fort intéressant, où plutôt autotextuel, puisque Magini attribue à son personnage d’écrivain le récit (paru dans un recueil de nouvelles) qu’il a lui-même publié aux Herbes rouges (« les Gerbes rouges » dans le roman, lieu de « l’avant-garde » p. 17) en 1986, intitulé Saint Cooperblack. Dans le texte, il le qualifie d’ « opuscule à la couverture ridicule – sans doute ratée – d’un mauve déroutant » (1992 : 60), certainement vendu à 167 exemplaires.

Il y a aussi une intertextualité visible avec À la recherche du temps perdu, tourné bien sûr en dérision. Les deux personnes que le détective espionne se nomment Albertine et Marcel, un chapitre commence par « Longtemps je me suis levée de bonne heure » (1992 : 63), Albertine et Marcel sont décrits par des références à Proust. Par ailleurs, Albertine est « vêtue de probité candide » (Hugo, Booz endormi) (63), etc.

Il y a finalement un autre jeu que je ne sais pas si on peut qualifier d’intergénérique, mais c’est la présence de son carnet bleu, « celui que je traîne avec moi depuis plus de vingt ans et que j’emporte dans mes poches à chaque enquête » (p. 45). Normalement, il s’agirait d’un carnet d’enquête où il noterait des éléments, des indices. Au lieu de quoi, il rédige une sorte de roman-carnet autour de lui et de Francesca (probablement un personnage imaginaire) dont les aventures se déroulent majoritairement à Rome – et les extraits sont reproduits dans le roman, ce qui contribue bien sûr à brouiller les pistes. D’ailleurs, MacGinnis lui dit à la toute fin qu’il parle bien et qu’il devrait écrire des romans (1992 : 129) Il tergiverse et ironise d’ailleurs souvent à quelques reprises sur les questions de fiction et d’écriture : « J’ai repensé à l’idée d’écrire un journal, ce qu’il y a de plus sérieux, avec des bonheurs et des malheurs par-ci, par-là, des tas de trucs immondes ou époustouflants pour amuser le populo, un brin intello pour contenter tout le monde, en haut de ma tour d’ivoire d’épinette. Non que j’en fusse incapable, mais une question me tarabiscotait : qu’en ferais-je? Je me voyais mal écrivant de la fiction dans les Cooperblack Mountains, ou encore dans mon bureau de Montréal, le soir à la chandelle, ou retranché dans une tanière d’ours. La fiction, j’en étais persuadé, encore faut-il l’imaginer… Quant à moi, Gesualdo, la réalité me suffisait : elle allait au-delà de ce que je pouvais concevoir. Et les ragots, les questions saugrenues qui accablent l’écrivain, y avais-je songé? […][ça continue…]… » (1992 : 56-57)

Particularités stylistiques ou textuelles : Le récit est construit en courts chapitres chapeautés d’un sous-titre souvent un peu énigmatique mais qui attire l’attention sur le dérisoire, l’ironie et le ridicule de l’histoire et des personnages.

IV- POROSITÉ

Phénomènes de porosité observés : Lecture faite dans le cadre d’un complément de recherche sur les quêtes détournées. Les effets de porosité pourraient se rapprocher d’un mélange d’esthétiques contradictoires, entre minimalisme et baroque. Il y a tout de même un certain foisonnement de l’écriture et des « rebondissements » romanesques qui sont au final des pétards mouillés.

Description des phénomènes observés : s.o.

Auteur(e) de la fiche : Manon Auger

fq-equipe/magini_roger_1992_beaute_rouge.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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