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FICHE THÉORIQUE PROBLÉMATIQUE VIE/ŒUVRE

Notion ( ?) : Portrait de l’écrivain contemporain

I- INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur : LOUETTE, Jean-François, et Roger-Yves Roche (dir.) Titre : Portraits de l’écrivain contemporain Lieu : Seyssel Édition : Champ Vallon Année : 2003 Pages : 340

II- CONTENU :

Note : il est préférable d’avoir lu au préalable la fiche sur la notion de scénographie auctoriale de J.-L. DIAZ.

A) « Présentation », Jean-Francois Louette, p. 5-10 :

Louette lie portrait à visage, visage à visage médiatisé, visage à commerce.

Comment s’explique ce phénomène, cette prolifération de portraits, cette bataille de faces ? (6) « Par un retour à une espèce de biographisme iconique ? Sainte-Beuve a désormais l’âge des médias, qui donnent tort à Proust : le moi profond de l’écrivain s’abolirait au profit de son moi médiatique. À moins que le plus profond, selon le mot de Valéry, ne soit la peau. » (6)

« Une fois entré dans l’empire de la vidéosphère, l’écrivain ne cesse plus de se compliquer de ses doubles, de s’augmenter de ses portraits multipliés. Il se diffracte… et du même coup disparaît ? Ou apparaît en gloire ? » (7)

B) « De l’auteur représenté au frontispice de son livre », Christian Doumet, p. 13-23

De cet article se dégage une sorte de relent de structuralisme, avec un idéal de pureté du texte qui frôle de près une sorte de manichéisme littéraire quasi risible. Le discours, bavard, perd de plus en plus de pertinence, en raison même de l’attitude de l’auteur. Ce texte serait un bel exemple d’une attitude qui refuse absolument tout rapport entre la vie et l’œuvre, toute relation de l’auteur à son texte, tombant à la fin dans une apologie du texte anonyme. Doumet traite (bavarde) du visage sur la quatrième de couverture ou sur le bandeau, qui serait une sorte de prostitution sinon de perversion de l’écrivain.

« Le portrait en couverture, que rien ne rémunère directement, devient, chez eux [comparés aux modèles], une sorte d’attribution secondaire de l’écriture. » (15)

Sur la prostitution par le visage photographié : « Eux qui, pour les plus scrupuleux, ont passé des nuits blanches à pourchasser le lieu commun, les voici publiés sous sa bannière la plus crue, dressée à l’enseigne même de l’œuvre dont ils s’honoraient de l’en avoir proscrit. […] Qui ne perçoit cette contradiction ? » (15-16)

« Qu’est devenu le texte, dans ce tour de passe-passe ? Un entre-deux. Un faire-valoir. « (21)

« Qui parle dans un livre ? À cette question, tout lecteur ne connaît qu’une réponse : le livre même. Qui ne croit pas que les livres parlent d’eux-mêmes n’est pas lecteur. » (22) (publié en 2003, ce texte, je le souligne…)

Une péroraison digne de… ! « Le portrait hissé haut du romancier au grand mât de son rafiot n’est que le dernier signe visible d’un naufrage du romanesque dans l’ordinaire économie des échanges de service. Le triomphe des ego tous égaux serait-il la seule mythologie à laquelle nous expose dorénavant l’art du roman ? » Ouf…

C) « L’écrivain et son image : un fantôme », Anne-Marie Garat, p. 25-36.

Anne-Marie Garat est au problème de l’image médiatique de l’écrivain comme valeur « en littérature » ce que Platon fut au problème des poètes comme valeur dans la cité…

À peu près la même chose que pour l’article précédent, donc : refus de l’image (surtout médiatique) au profit de je ne sais trop quelle image d’Épinal du Livre et – tout de même, on ne pourrait être négationniste à ce point − , du grantécrivain (en tant qu’image construite dans l’imaginaire social et que peuvent incarner au sein du champ littéraire les écrivains).

Garat est contre l’idée « [q]ue s’exposer personnellement signifie être là, et qu’être “pris” en photo, cadré à la télé, soit une preuve de réalité. / Quelle connaissance son portrait donne-t-il de l’écrivain ? […] Du corps de l’écrivain, y a-t-il à connaître ? En toute place, aujourd’hui il se montre. » (26)

Donc le constat : aucune image ne rendra jamais compte de l’essentiel − le livre. (7)

Dans cet article, on s’alarme − on se scandalise presque, en fait −, parlant de risque (pour la littérature ? pour le livre ? pour la pureté de l’écrivain ?) : « Le risque dont parle Nina Bouraoui, on le connaît : ce sont la tentation narcissique, la confusion abusive des rôles [sous-entendre : les rôles peuvent être confondus mais pas abusivement ?], quand l’écrivain se fait bateleur de son livre. » (27)

Mais encore : « Risque surtout pour l’écrivain d’aliéner l’intimité, précaire garant de l’entretien continu avec soi. Certains, et non des moindres, y ont perdu leur langue, leur voix. » (28) Donc à trop s’exposer sur la place le talent de l’écrivain s’amenuise − chaîne causale ?

Le portrait d’écrivain sur la scène (la comédie, dit aussi Diaz) littéraire est un « massacre de chasse » (28) et fait de l’écrivain une « dépouille » (28). « Au mieux, l’exhibition sur les planches, sur le plateau de télé, tiendra du peep-show vulgaire. » (29)

Contrairement à Diaz, Garat avance que « l’écrivain n’est ni acteur de son rôle ni prêtre de sa foi. Ni professionnel de la représentation ni médiateur de son art. » (29)

« L’obscénité tient à l’exposition de l’auteur plus qu’à l’œuvre, qui reste irréductible dans son autonomie de construction littéraire. » (29) Donc, on pourrait aller jusqu’à lire : l’œuvre reste irréductible DE TOUT dans son autonomie de construction littéraire, expressément de la construction multiple (essentiellement texte/parole et image) de la valeur « auteur » ? Hum…

Zzz… « S’il y a à connaître de l’écrivain, c’est à le lire (l’écouter peut-être) et, pour finir, c’est dans la nuit du livre, de la langue, qu’on lui pose vraiment la question : tu fais quoi dans la vie ? » (31)

« [L]a photo ne montre rien, que sa mise en scène, sa prise, son dispositif. » (31) Prise non péjorativement, négativement, comme le fait Garat, cette assertion pourrait dire : la mise en scène de l’écrivain, sa prise (sa pose, sa posture, son attitude, etc.), tout le dispositif « représentationnel » sont susceptibles d’avoir du sens dans le rapport entre la vie et l’oeuvre d’un auteur X, relation entendue ici comme réception/lecture (esthétique ?) d’un ou de lecteur(s) X.

Garat apporte une nuance dans un aparté de quelques pages, où la photo privée, de famille, prise par des photographes « de fortune » est plus susceptible de s’approcher d’une vérité sur l’écrivain, l’homme ou l’enfant qu’il ou qu’elle était. Mais, en définitive, la photo ne donne que du corps… Par contre, j’imagine mal que jamais un écrivain mégalomane n’ait posé, ne soit jamais entré en scène, quand ce n’était que son beau-frère qui le prenait en photo… (
avec l’idée de Diaz : à la limite, un écrivain pourrait toujours être en position d’acteur, toujours être en scène, même dans sa vie privée, dans ses moindres gestes, tout juste s’il ne dort pas en grantécrivain, ou en poète maudit, etc…)

En somme, dans la relation à l’œuvre, au Livre, la photo, le portrait d’écrivain, son visage, est : inutile : « Inutile d’aller dans les cimetières photographiques pour y capturer les fantômes, ils sont partout, en nous ils errent [ce qui est en nous, dans notre imaginaire, vaut plus que l’image]. Inutile d’aller dans l’Hadès avec Ulysse, il voit les spectres, l’âme de sa mère, mais quand il veut la serre dans ses bras, son eidôlon n’est plus qu’une ombre, un songe. / Aucune photographie, aucune radiographie ne saisit les spectres de notre imaginaire. […] La photo croit les montrer, elle les dissimule. […] nous avons raison de craindre les photos, elles sont notre lumière noire [!], celle qui ne nous traverse pas, mais réfléchit sur nous [l’image de notre prostitution ?]. » (36-37) (On voit ici les influences de Debord, ou d’une pensée qui s’en approche.)

« Si nous voulons connaître l’écrivain, dormons son roman, les yeux grands ouverts, il est une représentation vraie, à le lire nous courons des périls extrêmes, parce qu’alors nous y sommes d’intelligence avec lui. » (37)

D) « Paraître sans paraître », Patrick Drevet, p. 37-46

(À propos de P. Drevet : http://crlfranchecomte.free.fr/ecrivains/des-ecrivains-en-fc/efc12-patrick-drevet.html)

Cet article : Point de vue d’un écrivain sur le portrait d’écrivain. Réflexion interne, donc, sur la relation à l’image, dans une époque gonflée à vide par l’image…

Discours plus étoffé, mais, dans l'ensemble, il ne se résume qu’à une des postures possible de l’écrivain sur la scène littéraire, il ne s’agit que d’une scénographie auctoriale possible − et c’est celle de l’écrivain malaisé par l’aspect (aujourd’hui inhérent) médiatique de sa profession.

Ce que j’en retiens : « Comment justifier qu’on désire être publié et que, simultanément, on refuse d’être connu ? » (37)

« [T]outes les formes d’expression artistique ont tendu vers l’affirmation et la sacralisation de l’individu créateur. » (38)

Sur la relation vie-œuvre vécue « au présent » : « il m’est non seulement embarrassant mais pénible d’être regardé et sollicité comme écrivain parce que c’est s’adresser en moi à quelqu’un que je ne suis pas ou du moins que je ne suis plus, dont je suis revenu en quittant ma table et ma solitude. [On n’est écrivain que dans l’intime et que pendant qu’on écrit.] La relation qui s’instaure alors est toujours inexacte, faussée. On s’adresse à celui qu’on a projeté à partir de la lecture de mes livres et qui est beaucoup plus proche du lecteur que de moi. » (39)

La fiction d’auteur comme mode fondamental de lecture en Occident ?

« Mais c’est le terme d’écrivain qui, lorsqu’il m’est appliqué, même si ce l’est avec considération, me hérisse. Il me renvoie à une sorte d’anormalité, à une prétention ou à une faute qui m’emprisonne ou me bannit. » (39) Lourd titre à porter, en France, sans doute, que celui d’écrivain. Aussi, culpabilité vis-à-vis d’un « métier » ressenti comme une imposture.

L’image de l’écrivain « s’entend en terme de prestation et de promotion ». (40) L’écrivain « est incité à travailler une apparence propre à le caractériser ». (40)

Diaz aurait pu être l’auteur de cette phrase : « L’écrivain moderne n’a au départ rien à dire si ce n’est son désir et sa décision non pas d’écrire mais d’être écrivain, de se présenter a priori comme tel. » (41)

« Être écrivain devient une décision comme être moine ou camionneur. C’est adopter une attitude, une figure qui a des caractéristiques, des codes mimiques, […], des règles et même une discipline. N’ayant encore rien écrit et n’ayant rien à dire, on devient écrivain en en adoptant la posture comme l’habit fait le moine. » (41)

Conclusion de Drevet : « C’est ce qui se passe, je crois, dans la relation qu’un lecteur instaure avec un écrivain, quand cette relation est profonde. Il projette sur les portraits de celui-ci l’émotion que lui ont donnée ses ouvrages, ce ne sont pas les portraits qu’il voit et, s’ils le surprennent, ou peut-être même le déçoivent, il les dépasse, il les regarde pour autre chose. » (46) N’empêche l’ouverture gorgé d’espoir : le portrait comme support dans une fiction d’auteur entendu comme mode de lecture, et donc une fiction de lecteur ?

E) « Donner son corps à la littérature ? Brèves remarques sur l’écrivain et son image en l’an 2000 », Claude Burgelin, p. 47-58.

Dans un style « poétique », le critique parle du corps dans le roman ou l’autofiction, en convoquant notamment les œuvres de Duras et Angot, dans la filiation à Bataille, Becket, Artaud… « Bien des textes qui semblent symptomatiques ou représentatifs des années 2000 […] reviennent de façon lancinante sur l’incarnation et les modes de présence du corps. » (48)

Burgelin crée un pont intéressant entre « une urgence de scénographier le corps » (48) (donc entre une image du corps) et le langage, le style : « L’écriture cherche à […] donner le sentiment d’une jonction de la langue et du corps par la façon de rythmer ou de syncoper la langue, d’user des ressassements, des ellipses ou des courts-circuits propres au parler. » (48)

« Il ne s’agirait plus seulement d’une écriture qui métaphorise le corps » (49), mais d’incarnation de l’écriture…

« L’incarnation en appellerait à une écriture où le corps s’offre de façon en apparence très directe[…] : peu de syntaxe, peu de circonstancielles, des parataxes, un présent de l’indicatif omniprésent, des phrases brèves ou, au contraire, sans coupes ni arrêts, une rythmique de l’intensité. » (49)

Donc l’écriture est ici abandon, dépouillement, perte. (50)

« Les mots doivent ainsi phraser et syntaxer le moins possible, rester énonciation au plus près du déchirement ou du ressassement interne, pour “dire le corps” en son plus intime ou son plus dépouillé. » (54)

Du corps dans le texte, on passe à l’image dans le social. La mise à nu du corps dans le texte relève d’« écritures prises dans une autarcie narcissique de plus en plus impérieuse [qui] ne peuvent plus se contenter du miroir textuel. Il leur faut […] créer [des] jeux d’interférences entre la mise en mots du personnage de l’auteur (déjà souvent surmarquée dans le texte) et la représentation du visage et du corps de l’écrivain sur les écrans ou les pages des magazines ». (52) (On pense ici à Duras et Angot.)

Il y a donc aussi une sorte de paradoxe ou du moins de relation paradoxale entre écriture de (scène de) l’intime VS. scène médiatique : « Pas de délai et pas de perte : tout peut ou doit être dit. Parallèlement, toute une part de l’espace privé devient scène publique. » (55)

Le lien avec le rapport vie/œuvre ? Ça revient encore à cette sorte d’analyse sociocritique qui mettrait en relation l’image de l’écrivain dans le texte, voire les idées même qu’un écrivain se fait de l’écriture et son image médiatique. Dichotomie ? Confusion ? Rejet ? Jeu médiatique joué avec ironie et distance, ou au contraire avec une adhésion mégalomane ?

Les textes qui suivent, de la deuxième partie, « Noms propres et images », sont de réels portraits d’écrivains (sortes d’essais plus ou moins libres de critique littéraire), écrivains plus ou moins contemporains.

F) « Aragon, faire ou ne pas faire face », Daniel Bougnoux, p. 61-71.

Aragon et sa relation à l’image, au portrait, dans les Œuvres romanesques croisées, l’ Œuvre poétique, dans Aurélien. Description de six portraits d’Aragon…

G) « Bataille ou les portraits sans aveu », Jean-François Louette, p. 73-97.

Le visage de Bataille. Témoignages et photos à l’appui. Ou quand le « visage de l’écrivain est […] réinterprété par son œuvre. » p. 74. On parle alors ici de portrait aliéné. (75) − alloportrait, hétéroportrait, portraits allomorphes…

Le tout suivi d’une « ontologie batallienne de la photographie ». (82)

(Un peu n’importe quoi cet article.)

H) « Maurice Blanchot », Chantal Michel, p. 99-110.

Analyse du mythe de l’écrivain secret et retiré du monde (scénographie auctoriale de l’ascète ou du moine) chez Blanchot, à partir de témoignages de ses amis…

C’est ici que j’ai abandonné la fiche, mais la première partie pourrait être suffisante !

III – LECTURES ET COMMENTAIRES

Le rapport vie-œuvre :

Et rapport entre Diaz et eux… À la longue les auteurs de ce livre prennent l’allure pathétique d’autant de Quichotte se battant contre autant de moulins à vent.

Selon Diaz, ces critiques font du négationnisme − pas étonnant qu’il soit totalement ignoré dans ce livre. Ils refusent catégoriquement une posture, une scénographie − qui est une représentation plus ou moins typée dans l’imaginaire social-littéraire −, au profit d’une autre, qui participe pourtant elle aussi d’une construction discursive et iconographique para/épi/métatextuelle potentiellement adoptable, prête à être incarnée par l’écrivain − du « prêt-à-porter », en quelque sorte. Le moine, donc, le reclus, n’est qu’une posture parmi d’autres…

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