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FICHE DE LECTURE COLLECTION « L'UN ET L'AUTRE »

INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur : Sylvie Germain

Titre : Les Personnages

Lieu : Paris

Édition : Gallimard

Collection : « L'un et l'autre »

Année : 2004

Pages : 109

Cote : BANQ, niveau 1, documentaires, 809.927 G372p 2004

Désignation générique : Aucune

Préface : Aucune.

Rabats : Deux rabats. Sur l'un se trouve l'incipit des Personnages, « plantés sur [l]e seuil mouvant [du rêve et de la veille] avec la violence immobile et mutique d'un mendiant » –– extrait, prélevé par moi à même le rabat, qui donne le ton de cet ouvrage teinté d'onirisme.

Image de la couverture : D'après Odile Redon, dont l'œuvre ici reproduite s'intitule La Fée (profil de lumière). Les contours de la tête de ce personnage aux yeux fermés s'estompent et se confondent avec un fond lumineux de la même couleur que celle de son visage : un jaune-beige coruscant. Créant ses personnages, Germain reçoit l'appel du rêve. De là, probablement, le choix d'une oeuvre à caractère onirique.

Autres : Deux citations placées en exergue de chacune des deux parties de l'ouvrage. L'une est extraite de l'œuvre de Mahmoud Darwich : « Je suis celui à qui les lettres obscures disent : / Écris et tu seras ! / Lis et tu trouveras ! » L'autre, provenant d'un livre de Duras, associe « le livre non encore écrit » au « premier sommeil de l'humanité ». Comme la lecture et son corrélat, l'écriture, favorisent, suivant l'optique de Germain, les naissances des personnages, on octroiera une importance certaine à la première citation en regard de l'ensemble du livre présenté ici. On en dira autant au sujet de la citation de Duras; le silence, le blanc de la non-écriture représentent une tentation pour les personnages d'écrivains créés par Germain.

INFORMATIONS SUR LE BIOGRAPHE :

Pays d'origine : France.

Profession : Écrivaine, professeure de philosophie.

Bibliographie : Née en 1954, Germain a publié des romans et des essais. Trois titres ont paru sous son nom dans la collection « L'un et l'autre » : La Pleurante des rues de Prague (1992), Céphalophores (1996); s'y ajoute, bien sûr, celui commenté ici.

INFORMATIONS SUR LE BIOGRAPHÉ :

Identification des biographés : Les personnages de Germain, jusqu'à un certain point.

Brèves biographies des biographés : Impossible de fournir les biographies de ces personnages. En fait, l'auteure renonce à en traiter de façon précise. Ses personnages sont évanescents.

LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) :

Auteur/narrateur : L'auteur, dirai-je, en me référant à la première partie des Personnages, « Déambulations », en est aussi la narratrice. J'ajoute, en regard cette fois de la deuxième et dernière partie des Personnages, « Esquisses en marge », que la voix de Germain est ici relayée par celles des personnages de Paulin Féborgue et Mosane. Mosane présente un récit intitulé « Le Tremble », quand Paulin raconte l'histoire de l'un de ses protagonistes, « Magdiel » –– ce sont également là les titres des deux nouvelles composant les « Esquisses… ».

Narrateur/personnage : Les narrateurs Mosane et Féborgue s'impliquent en tant que personnages de leurs récits. Voilà des écrivains fictifs qui font du processus créateur l'un des éléments centraux de leurs narrations et tendent, pour ce faire, à se mettre eux-mêmes en scène.

Biographe/biographés : Le rapport entre les deux entités est parfois problématique. L'auteur estime ne pouvoir faire ce qu'elle veut de ses personnages, « [sachant] bien que les personnages sont doués d'une étrange autonomie », que « leur désobéissance [est] chronique » (2004 : 49).

Autres relations : Non.

L'ORGANISATION TEXTUELLE :

Synopsis : Au moyen des vingt-cinq chapitres contenus dans « Déambulations », Germain aborde les questions relatives aux songes et aux rêves (2004 : 12-13), principales sources d'inspiration de l'auteur en quête de personnages (à moins que ce ne soit l'inverse…); à la lecture et à l'écriture, dont la pratique conjointe favorise les naissances des personnages, qui, pour se manifester à la conscience de l'auteur, attendent d'être interprétés par celui-ci, activité herméneutique supposant également l'exécution d'un travail d'écriture de sa part (2004 : 36-37); à la filiation rattachant le personnage à son créateur (2004 : 60); et, finalement, à l'autofiction, genre que Germain dit ne pouvoir circonscrire avec précision. Il s'avère en effet difficile d'établir la « frontière » entre l'autobiographie et l'autobiographie fictive, remarque-t-elle (2004 : 76), qualifiant également de « mince » ladite frontière (2004 : 76), sur laquelle elle semble néanmoins se situer dans certains passages des Personnages : « Soi-même promu personnage […], et cela non pour composer une autobiographie, remarque Germain, mais pour bâtir une autofiction » (2004 : 76). Celle du livre que nous tenons entre les mains puisque tout le propos de Germain consiste à envisager le personnage tel un autre en soi, dont l'intervention, de nature intempestive, à l'en croire, tend à la faire dévier du parcours qu'elle trace avant d'entamer l'écriture de ses livres.

Il lui faut donc, poursuit-elle, se « perdre de vue pour se voir autrement, pour se découvrir autre », car de « toute façon, on n'écrit jamais le livre que l'on rêvait d'écrire […]. On a l'impression de s'être égaré en chemin » (2004 : 80), bref, de « déambuler » (c'est-à-dire « marcher sans but précis », selon la définition de ce mot proposée dans Le Robert), de « déambuler », dis-je, comme le suggère le titre de la première partie du livre de Germain. Cela nous mène aux « Esquisses en marge », donc à la deuxième partie des Personnages. Une écrivaine, Mosane, se coupe du monde extérieur. En résulte chez elle une panne d'inspiration. La crise traversée par ce personnage semble néanmoins se résorber en partie lorsque la branche d'un tremble « vi[e]nt s'échouer sur [s]a table » de travail (2004 : 95). L'intervention d'un personnage, aussi désincarné soit-il –– tel le tremble ––, est toujours la bienvenue car l'écrivain se doit de répondre aux sollicitations en provenance du dehors, suggère Germain. Ce dehors est aussi représenté, dans les « Esquisses… », au moyen du personnage de Magdiel. Apparu tout d'abord dans un « cul-de-sac » (2004 : 97), il en vient à faire irruption dans le bureau de l'écrivain Paulin Féborgue, l'incitant ainsi à fuir son lieu de travail et à se diriger vers l'extérieur (2004 : 105).

Ancrage référentiel : La réflexion de Germain prend un tour quasi anthropologique lorsqu'elle retrace la genèse de l'écriture dans les sociétés primitives ou anciennes. Elle s'intéresse alors tantôt aux tatouages et autre scarifications, interprète tantôt encore un papyrus datant de trois millénaires afin de traiter du rapport de filiation qui unit le scribe à ses « oeuvre[s] », ou à ses « rejeton[s] », dirait l'auteur du papyrus (cité par Germain, 2004 : 58). Selon Germain, l'ensemble de ces manifestations culturelles atteste que l'« écriture », au sens large du terme, prend forme à même les chairs, soit des tatoués, soit des personnages, ces rejetons de l'auteur. C'est tout particulièrement vrai de l'autofiction, où l'écrivain, en devenant son propre personnage, tend à transformer son corps en un support scripturaire et même à l'écrire, ce corps.

Indices de fiction : Les développements consacrées à l'autobiographie fictive et les « Esquisses [présentées] en marge » des « Déambulations » sont autant d'indices de fiction.

Indices autobiographiques : On peut, à la limite, envisager les réflexions de l'auteur concernant les rapports entre l'écriture et le sexe féminin comme des indices autobiographiques, ou, à tout le moins, comme des fragments d'écriture du corps. À propos de la femme, Germain écrit : « Peintures, tatouages, scarifications sur […] son pubis sont autant de sceaux posés, incrustés dans sa peau pour tenir bien clos le secret de ses liens avec […] la violence animale » (2004 : 55).

Rapports vie-œuvre : Les Personnages ne délivre pas d'informations à ce sujet.

Thématisation de l'œuvre du biographé : Renchérissons. Germain évite le recours à l'anecdote quand elle traite des « biographés », ces personnages dont la présence quelque peu fantomatique ne permet pas d'en cerner les contours. Cette part de mystère tend, pour tout dire, à gommer la référentialité du texte biographique.

Thématisation de l'œuvre elle-même : À l'aide de ses « Déambulations », Germain thématise les oeuvres miniatures présentées dans les « Esquisses… ». Un fil conducteur rattache en effet l'essai de la première partie des Personnages aux fictions qui l'accompagnent. Il s'agit du motif de l'inquiétante étrangeté, reconnaissable lors de l'apparition de ce type de personnage qui est à la fois proche et distant, à la fois le « même et [l']autre, familier transfiguré jusqu'au non-reconnaissable » (2004 : 86). « Voilà, écrit également Germain, le personnage s'est faufilé en nous, comme un ennemi dans une forteresse » (2004 : 25). Cet affrontement entre l'un et l'autre donne lieu, dans « Magdiel », à une série de fuites et de poursuites. Paulin Féborgue commence ainsi par pourchasser son personnage pour ensuite… le fuir !

Rapport entre le texte et le programme de la collection : L'un et l'autre chez Germain ? Soit l'auteur et son personnage. Plus précisément, l'autre, ici, a rapport à l'inconscient –– à la « scène intérieure » dont traite le descriptif du programme. L'auteur des Personnages pointe en direction de ce lieu lorsqu'elle traite du « songe » dont les « racines ne s'enroulent pas seulement dans l'obscur terreau de notre inconscient » mais « s'échevellent dans les marges du moi » (2004 : 12). La biographie de Germain, pour déroger au canon propre à ce genre, se présente donc telle une réalisation quintessenciée du programme de la collection. L'auteur se situe de fait, et comme il est encore écrit dans le descriptif du programme, « à mille lieues de la biographie traditionnelle ». Et pour cause : elle écrit dans « les marges du moi ».

Topoï : Lecture, écriture, incarnation du personnage, corporéité.

Hybridation : Germain évoque de « possibles influences » quand elle traite simultanément des poètes et des romanciers, ceux-ci subissant, selon sa perspective, les influences de ceux-là (2004 : 44). L'esthétique de Germain emprunte également, de façon concertée, à la nouvelle. Esquisses, les textes de Germain, au demeurant aboutis, le sont de par leur concision remarquable.

Autres remarques : Aux appels du jeu, du rêve et de la pensée, selon les expressions du « théoricien » de l'Histoire du roman Kundera, maintes fois cité dans Les Personnages, succède celui du corps, affirme une Germain enthousiasmée par l'autofiction (2004 : 75-78).

LA LECTURE :

Pacte de lecture : Ce pacte n'engage à rien d'autre qu'à surprendre le lecteur.

Remarques générales sur la collection : Germain présente des récits tout en en court-circuitant le déroulement. La fiction et/ou l'(auto)biographie y semblent soumises à l'épreuve de la « critique », dirait Dominique Viart, adressées à ces formes. C'est pourquoi Les Personnages semble se distinguer quelque peu des autres ouvrages de la collection de par son caractère résolument contemporain.

Lecteur/lectrice : Charles-Philippe Casgrain.

fq-equipe/les_personnages_par_germain.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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