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fq-equipe:kim_leppik_bilan_1_decembre_2007

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-KIM LEPPIK I – DÉCEMBRE 2007+====== KIM LEPPIK I – DÉCEMBRE 2007 ======
  
 +===== Éclatement =====
 La période dite postmoderne qui s’ouvre au début des années 1980, c’est celle de l’« anything goes », comme on a coutume de le dire. Jean-Bernard Vray (« Le Roman connaît la chanson ») constate que la littérature contemporaine est omnivore, se nourrissant volontiers de cinéma, de chanson et de photographie. De même, Guy Scarpetta (L’Impureté) affirme que le roman contemporain est un genre impur en ce qu’il avale tous les autres genres, les autres arts. Pour ce dernier, la postmodernité est en partie caractérisée par la fin du mythe « moderne » de la spécificité ou de la pureté des arts – c’est, au contraire, « une phase de confrontation, de métissages, de bâtardises, d’interrogations réciproques, avec des enchevêtrements, des zones de contact ou de défi. » Selon Bruno Blanckeman (Les Récits indécidables, Les Fictions singulières), il s’agit de l’indécidabilité du genre, du sujet et de la narration, alors que les contributeurs du collectif L’Éclatement des genres au XXe siècle (Dambre & Gosselin-Noat, dir.) soutiennent que l’éclatement des idéologies, des savoirs et de l’histoire donne lieu à l’éclatement de la littérature même, de ses genres et de sa narration (Gontard, Viart, etc.) Ayant lu à ce jour une trentaine des ouvrages les plus marquants sur la littérature française narrative contemporaine et, n’ayant pas lu, (je l’avoue), la plupart du corpus littéraire contemporain, je ne peux qu’affirmer que la critique est largement d’accord sur le constat de Scarpetta : la littérature de nos jours se permet tout. Elle semble, à première vue, vouloir défaire le travail de la modernité. Mais cette dernière remarque ne tient pas compte d’un fait d’une grande importance : oui, la littérature narrative contemporaine se permet tout, mais cela à condition de n’être dupe de rien. La période dite postmoderne qui s’ouvre au début des années 1980, c’est celle de l’« anything goes », comme on a coutume de le dire. Jean-Bernard Vray (« Le Roman connaît la chanson ») constate que la littérature contemporaine est omnivore, se nourrissant volontiers de cinéma, de chanson et de photographie. De même, Guy Scarpetta (L’Impureté) affirme que le roman contemporain est un genre impur en ce qu’il avale tous les autres genres, les autres arts. Pour ce dernier, la postmodernité est en partie caractérisée par la fin du mythe « moderne » de la spécificité ou de la pureté des arts – c’est, au contraire, « une phase de confrontation, de métissages, de bâtardises, d’interrogations réciproques, avec des enchevêtrements, des zones de contact ou de défi. » Selon Bruno Blanckeman (Les Récits indécidables, Les Fictions singulières), il s’agit de l’indécidabilité du genre, du sujet et de la narration, alors que les contributeurs du collectif L’Éclatement des genres au XXe siècle (Dambre & Gosselin-Noat, dir.) soutiennent que l’éclatement des idéologies, des savoirs et de l’histoire donne lieu à l’éclatement de la littérature même, de ses genres et de sa narration (Gontard, Viart, etc.) Ayant lu à ce jour une trentaine des ouvrages les plus marquants sur la littérature française narrative contemporaine et, n’ayant pas lu, (je l’avoue), la plupart du corpus littéraire contemporain, je ne peux qu’affirmer que la critique est largement d’accord sur le constat de Scarpetta : la littérature de nos jours se permet tout. Elle semble, à première vue, vouloir défaire le travail de la modernité. Mais cette dernière remarque ne tient pas compte d’un fait d’une grande importance : oui, la littérature narrative contemporaine se permet tout, mais cela à condition de n’être dupe de rien.
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 +===== Littérature et modernité =====
  
 Bien que la critique littéraire s’inquiète de l’avenir de la littérature française narrative (Forest, P.  Le Roman, le réel : un roman est-il encore possible ? ;  « L’Avenir de la fiction », Nouvelle Revue Française n°561 ; « Où va la littérature française ? », La Quinzaine Littéraire n°s 532, 711 & 712, etc.), la littérature elle-même se penche plutôt sur son passé et, plus spécifiquement, sur ses relations avec la modernité. Alors que plusieurs chercheurs avancent l’argument peut-être trop aisé que, par définition, il ne peut y avoir de fin à la modernité (le principe qui conduit la modernité est celui de la rupture, la rupture que constitue la postmodernité ne serait donc que la continuation paradoxale de ce principe...), force est de constater qu’au début des années 1980, la littérature française se transforme profondément. Les derniers structuralistes disparaissent, l’avant-garde voit sa fin. Il semble que tout se joue pour défaire le travail de la modernité, afin de sortir de l’impasse créative qu’a entraînée la dénonciation de la représentation par les « Tels Quels », parmi d’autres (Lebrun et Prévost : Nouveaux territoires romanesques). Ainsi le sujet, le récit et le réel réapparaissent au sein de textes des mêmes écrivains qui ont éveillé le soupçon à leur endroit (plusieurs Nouveaux Romanciers — Sarraute, Duras, Simon, Robbe-Grillet — ainsi que Philippe Sollers, fondateur du mouvement Tel Quel, publient des textes de nature autobiographique dans les années 1980...) Mais ce n’est pas contre la modernité que travaillent les écrivains contemporains, ni dans la volonté de retourner à un état prémoderne ou d’oublier l’ère de soupçon de la transitivité de la littérature. Ils travaillent plutôt avec la modernité, ils entrent en dialogue avec elle (Viart). Autrement dit, entre la fiction de la modernité et la fiction contemporaine, il ne s’agit pas d’interdit, mais d’interface.  Bien que la critique littéraire s’inquiète de l’avenir de la littérature française narrative (Forest, P.  Le Roman, le réel : un roman est-il encore possible ? ;  « L’Avenir de la fiction », Nouvelle Revue Française n°561 ; « Où va la littérature française ? », La Quinzaine Littéraire n°s 532, 711 & 712, etc.), la littérature elle-même se penche plutôt sur son passé et, plus spécifiquement, sur ses relations avec la modernité. Alors que plusieurs chercheurs avancent l’argument peut-être trop aisé que, par définition, il ne peut y avoir de fin à la modernité (le principe qui conduit la modernité est celui de la rupture, la rupture que constitue la postmodernité ne serait donc que la continuation paradoxale de ce principe...), force est de constater qu’au début des années 1980, la littérature française se transforme profondément. Les derniers structuralistes disparaissent, l’avant-garde voit sa fin. Il semble que tout se joue pour défaire le travail de la modernité, afin de sortir de l’impasse créative qu’a entraînée la dénonciation de la représentation par les « Tels Quels », parmi d’autres (Lebrun et Prévost : Nouveaux territoires romanesques). Ainsi le sujet, le récit et le réel réapparaissent au sein de textes des mêmes écrivains qui ont éveillé le soupçon à leur endroit (plusieurs Nouveaux Romanciers — Sarraute, Duras, Simon, Robbe-Grillet — ainsi que Philippe Sollers, fondateur du mouvement Tel Quel, publient des textes de nature autobiographique dans les années 1980...) Mais ce n’est pas contre la modernité que travaillent les écrivains contemporains, ni dans la volonté de retourner à un état prémoderne ou d’oublier l’ère de soupçon de la transitivité de la littérature. Ils travaillent plutôt avec la modernité, ils entrent en dialogue avec elle (Viart). Autrement dit, entre la fiction de la modernité et la fiction contemporaine, il ne s’agit pas d’interdit, mais d’interface. 
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 +===== posture dialogique et critique =====
  
 C’est en effet cette posture dialogique (entre le présent et le passé, entre l’héritage et la modernité, entre la réflexion et la fiction, entre l’histoire et l’imaginaire, et aussi bien entre le sujet et l’autre) qui caractérise peut-être le mieux la littérature de nos jours (Viart : « Écrire au présent : l’esthétique contemporaine »). Ces multiples « retours » qu’on y remarque en sont indicatifs : retours « au sujet », « au récit » ou « au narratif », « au réel », « à la représentation », « à la fiction », « à la transitivité ». Mais il n’est surtout pas question d’un retour naïf : « Cette transitivité est le plus souvent une transitivité critique : si le sujet revient c’est comme question, non comme affirmation tonique ; si le réel est objet de littérature c’est avec une conscience lucide des vicissitudes et des déformations de la représentation. » (ibid., p. 333)  C’est en effet cette posture dialogique (entre le présent et le passé, entre l’héritage et la modernité, entre la réflexion et la fiction, entre l’histoire et l’imaginaire, et aussi bien entre le sujet et l’autre) qui caractérise peut-être le mieux la littérature de nos jours (Viart : « Écrire au présent : l’esthétique contemporaine »). Ces multiples « retours » qu’on y remarque en sont indicatifs : retours « au sujet », « au récit » ou « au narratif », « au réel », « à la représentation », « à la fiction », « à la transitivité ». Mais il n’est surtout pas question d’un retour naïf : « Cette transitivité est le plus souvent une transitivité critique : si le sujet revient c’est comme question, non comme affirmation tonique ; si le réel est objet de littérature c’est avec une conscience lucide des vicissitudes et des déformations de la représentation. » (ibid., p. 333) 
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 Ce désir et cette urgence narratifs naissent alors du lieu même de leur mise à mort, contre la défense de raconter qui atteint son apogée avec les écritures expérimentales et formalistes des années 1970. Mais le narrateur ne revient pas innocemment : il garde le souvenir de sa mort et, par conséquent, sa fonction change profondément. Comme le souligne Viart, la fonction narrative n’est plus désormais une « fonction » : elle devient « le lieu même de questionnement, non seulement le lieu à partir de quoi le questionnement procède, mais aussi bien souvent celui sur lequel il s’exerce. » (« Fictions en procès ») Cette pression et cette « indécidabilité » narratives  font éclater la configuration du romanesque, qui dorénavant « semble porteur d’un légère schizé : simultanément, il produit de la fiction et surligne cette production, énonce du romanesque et le dénonce comme tel. »  (Blanckeman : Les Récits indécidables, p. 17) Ce désir et cette urgence narratifs naissent alors du lieu même de leur mise à mort, contre la défense de raconter qui atteint son apogée avec les écritures expérimentales et formalistes des années 1970. Mais le narrateur ne revient pas innocemment : il garde le souvenir de sa mort et, par conséquent, sa fonction change profondément. Comme le souligne Viart, la fonction narrative n’est plus désormais une « fonction » : elle devient « le lieu même de questionnement, non seulement le lieu à partir de quoi le questionnement procède, mais aussi bien souvent celui sur lequel il s’exerce. » (« Fictions en procès ») Cette pression et cette « indécidabilité » narratives  font éclater la configuration du romanesque, qui dorénavant « semble porteur d’un légère schizé : simultanément, il produit de la fiction et surligne cette production, énonce du romanesque et le dénonce comme tel. »  (Blanckeman : Les Récits indécidables, p. 17)
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 +===== Conclusion =====
  
 Accusée de narcissisme et de nombrillisme, et déclarée morte, la littérature française narrative cherche, me semble-t-il, à se relégitimer. Elle révèle une quête d’origines qui se joue à plusieurs niveaux : le personnage, le narrateur, le genre romanesque, la littérature française, l’écrivain et l’être humain font enquête pour reconstituer – ou pour faire advenir par le seul acte d’écrire, de raconter –  leurs origines. À la lumière de l’analyse comparative annoncée par notre équipe de recherche, il me semble approprié de conclure sur une dernière citation de Blanckeman : Accusée de narcissisme et de nombrillisme, et déclarée morte, la littérature française narrative cherche, me semble-t-il, à se relégitimer. Elle révèle une quête d’origines qui se joue à plusieurs niveaux : le personnage, le narrateur, le genre romanesque, la littérature française, l’écrivain et l’être humain font enquête pour reconstituer – ou pour faire advenir par le seul acte d’écrire, de raconter –  leurs origines. À la lumière de l’analyse comparative annoncée par notre équipe de recherche, il me semble approprié de conclure sur une dernière citation de Blanckeman :
fq-equipe/kim_leppik_bilan_1_decembre_2007.1270912072.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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