Ce livre d’entretiens se présente comme une sorte de complément à l’émission Un été d’écrivains animée par Brigitte Kernel et diffusée sur les ondes de France Inter. Le sous-titre, « grands entretiens », apparaît pour le moins pompeux quand on mesure la piètre tenue des interviews. Que la chaîne diffuseuse ait été France Inter et non France Culture, voilà qui explique peut-être l’accent populiste et intimiste que l’intervieweuse a cru bon de donner à son émission ?

L’avant-propos (7-8) donne le ton : « Les écrivains ne se racontent pas dans la vie comme ils se racontent à la radio. Il suffit pourtant de peu pour qu’ils enlèvent leur “masque” ou leur “panoplie” d’auteur pour se laisser aller, malgré le micro et l’ambiance de studio, à “se dire” en toute intimité » (7). Passons sur la pédanterie du mot « panoplie », qui n’était pas nécessaire ici. On n’a rien à faire, dans ce livre, de la littérature : on veut que les auteurs se dévoilent, « se disent ». Et la Brigitte de continuer : « Moins de pudeur, moins d’inhibition ou de sentiment de toute-puissance, plus aucune envie de séduire, de plaire et l’écrivain se révèle, il touche plus profondément celui ou celle qui l’écoute : l’auditeur » (7). Je ne peux résister à l’envie de citer encore une autre paragraphe de même eau : « Aider les écrivains à se livrer, à s’ouvrir en totale liberté ; revenir à la fameuse maïeutique de Platon – l’art d’accoucher les esprits – pour les pousser à être au plus proche de ce qu’ils sont lorsque les journalistes ne sont pas là ; les faire sortir de leur tour d’ivoire et prouver aux auditeurs de France Inter que derrière l’intitulé “écrivain” se cache une femme, un homme qui est avant tout un être humain – avec ses doutes, ses phobies, ses craintes, ses idées fixes, ses tabous, ses non-dits, ses rires, son humour –, c’est depuis six saisons la politique éditoriale de Un été d’écrivains » (7). Une autre fleur de pédanterie malavisée – la maïeutique ! rien de moins ! – persille ce remâché de clichés journalistiques qui alimente un public plus intéressé par les manies de Frédéric Beigbeder que par la littérature.

On trouvera donc dans ce livre des transcriptions de Grands Entretiens réalisés avec les écrivains suivants (je les cite en ordre alphabétique) : Éliette Abecassis, Christine Angot, Frédéric Beigbeder, Tahar ben Jelloun, Nina Bouraoui, Pascal Bruckner, Jeanne Champion, Noëlle Châtelet, Bernard Clavel, Christophe Donner, François Giroud, Andrea H. Japp, Philippe Labro, François Nourissier, Vincent Ravalec, Jean-Marc Roberts, Maud Tabachnik, Zoé Valdés, Fred Vargas et Frédéric Vitoux. Dans le livre, ces Grands Entretiens sont présentés en ordre chronologique ; ils ont été menés entre le 20 août 1997 et le 27 août 2001. On ne s’étonnera pas trop de constater que la plupart des Grands Entretenus sont des plumitifs notoires, des écrivaillons de la pire espèce (ce Donner qui salit les pages du Monde, ce Beigbeder qui dégoûte même les écrans…).

Je m’en voudrais de parler plus longuement de ces Grands Entretiens (déjà que je les ai bus presque jusqu’à la lie). On n’y parle pas le moins du monde de littérature. On y parle de petits soucis, de petites habitudes, de petites manies, de petits moi. C’est partout petit, c’est de l’Universel reportage. À la fin, il y a des questions d’enfants (c’est très attendrissant) et même un quiz (c’est très excitant). Tout est dit.