Fiche de lecture / Johan af Ström, Ressources de l'épuisement
1. Degré d’intérêt général
Le récit est bien mené. Il s'agit d'une sorte de récit de voyage, mais qui est mené sur le mode de la dérive. Cette dérive, c'est ce qui fait la particularité du récit. Le personnage principal, qui est aussi le narrateur, est tiraillé par des événements sur lesquels il n'a aucun contrôle. Les personnages qu'il côtoie se succèdent à un rythme important et n'apparaissent parfois que dans un seul épisode.
2. Informations paratextuelles
2.1 Auteur : Johan af Ström
2.2 Titre : Ressources de l'épuisement
2.3 Lieu d’édition : Montréal
2.4 Édition : Leméac
2.5 Collection : -
2.6 (Année [copyright]) : 2008
2.7 Nombre de pages : 134 p.
2.8 Varia : Il s'agit du premier roman de l'auteur.
3. Résumé du roman
Ressources de l'épuisement est un roman dans lequel Tafari Richard, le narrateur, fait le récit de sa triste existence. Le récit débute in medias res : il est dans une voiture avec son ami Pablo, au Mexique. Nous apprenons qu'il y passe des vacances avant de reprendre son travail à New York dans un bureau. Au fil du récit, nous apprenons que Tafari est malade : il doit avoir avec lui une trousse qui contient des médicaments et il tient absolument à ce que cela reste secret. Bien que ce ne soit jamais écrit en toutes lettres, nous comprenons qu'il a le sida et qu'il est gravement malade. Cela semble expliquer pourquoi il vit si dangereusement : chaque scène est ponctuée par la consommation souvent abusive d'alcool, et il est également question du fait qu'il est sorti récemment d'une clinique de désintoxication. Un peu plus tard, il reçoit un appel d'urgence du Canada. Son grand-père lui annonce que son père est mort et qu'il sera enterré le lendemain. Sans attendre, Tafari quitte le Mexique et prend le premier vol vers Montréal. Arrivé là-bas, il est accueilli d'une manière un peu froide par sa famille, notamment son grand-père qui lui reproche de trop boire d'alcool. Bien que l'enterrement ait lieu le lendemain midi, Tafara part errer dans la nuit et, par hasard, rencontre des amis avec qui il fait la fête. Dans un bar, sa soirée se termine par une bagarre où il se fait battre par une bande. Il se retrouve inconscient dans une ruelle. Le lendemain matin, il se réveille dans son lit, le nez fracturé et en retard pour l'enterrement de son père. Il est furieux contre sa belle mère qui ne l'a pas réveillé. Il décide ainsi, sur un coup de tête, de prendre le premier vol pour New York. Il saute dans la douche avec une bouteille de Veuve Clicquot qu'il prend à un domestique qui prépare la réception, puis prend un taxi et se sauve sans avoir saluer sa famille ni avoir vu la tombe de son père.
De retour à New York, Tafari continu son errance à travers l'alcool et les rencontres fortuites. Dans un bar où il rencontre une vieil ami, il fait la connaissance d'un homme qui l'invite à aller parier dans un endroit illégal dans Chinatown. Après avoir joué quelques temps au black-jack, il se retrouve dans une chambre avec une prostituée. Sans que l'on sache très bien pourquoi, il y a ensuite une fusillade au cours de laquelle deux hommes sont tués. Tafari se sauve et rentre à son appartement. Il est alors pris d'une horrible migraine et décide d'en finir. Il ingurgite les médicaments de sa trousse qui contient assez de pilules pour le soigner durant plusieurs mois. Il se retrouve finalement à l'hôpital, sain et sauf. Il se rappelle alors qu'il avait promis à son petit frère de l'amener manger au restaurant. Il demande un téléphone à l'infirmière, et c'est ainsi que le récit se termine.
4. Singularité formelle
Au niveau formel, nous avons affaire à un récit mené d'une manière assez traditionnelle. La narration est assumée par le personnage principal qui relate les événements de sa vie au passé. Le récit est linéaire.
5. Caractéristiques du récit et de la narration
Ce qu'il y a de particulier dans ce récit, c'est le fait que le narrateur ne donne pas aux lecteurs l'ensemble des informations que celui-ci souhaiterait. Beaucoup de choses demeurent non-dites, en premier lieu sa maladie qu'il ne nomme jamais. Ensuite, nous pouvons dire que la particularité de ce récit est qu'il se construit sur le mode de l'errance : le personnage principal fuit constamment et les personnages défilent de chapitre en chapitre.
6. Narrativité (Typologie de Ryan)
6.1- Simple
6.2- Multiple
6.3- Complexe
6.4- Proliférante
6.5- Tramée
6.6- Diluée
6.7- Embryonnaire
6.8- Implicite
6.9- Figurale
6.10- Anti-narrativité
6.11- Instrumentale
6.12- Suspendue
Justifiez :
Simple : Il y a une seule intrigue et un seul narrateur. La trame est bien définie.
Suspendue : De la même manière que le récit débute sans préambule, il se termine alors que l'action n'est pas résolue. Le narrateur est à l'hôpital et nous savons qu'il est sain et sauf, mais nous savons aussi que l'action continuera après le texte que nous avons. En effet, à la fin du récit, il s'apprête à téléphoner à son petit frère.
7. Rapport avec la fiction
Le récit ne joue pas vraiment avec la fiction, il se présente comme s'il s'agissait du récit de fait réels. Il y a un épisode où le narrateur ment à son amie quant à la nature de ses blessures au visage. Cette épisode donne lieu à une fabulation à l'intérieur du récit. Sinon, je ne remarque rien de particulier ou d'intéressant.
8. Intertextualité
Bien que je n'aie pas noté de trace intertextuelle explicite, on peut noter que le récit s'inscrit directement dans la lignée des récits de voyages. En effet, le narrateur passe par le Mexique, Montréal ainsi que New-York à l'intérieur de ce court récit d'une centaine de page. Il serait intéressant d'étudier les rapports qu'entretient ce récit de l'errance avec la tradition du récit de voyage.
Il y a également un passage où le narrateur visionne le film Jules et Jim, mais je ne vois pas véritablement de lien avec le récit : « Je mangeai une bouchée chez Veloce, mon bar à vin favori. Je m’assis en face au bar en bois luisant et commandai un panini au jambon de bayonne. Je bus trois verres de Nero d’Avola en regardant Jules et Jim, diffusé sur l’écran plasma au bout du bar. Je n’avais pas vu ce film depuis au moins trois ans. » (p. 91)
9. Élément marquant à retenir
Au niveau du développement de l'action, il faut noter que le personnage principal est toujours sur le mode de la fuite, de l'errance. Il n'est pas maître du futur immédiat mais plutôt porté malgré lui par la force des événements. Un élément intéressant du récit qu'il serait pertinent d'étudier de plus près.
Fiche complétée par Simon Brousseau / 23 avril 2009