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Jean-François HAMEL (2006), Revenances de l’histoire; répétition, narrativité, modernité, Paris, Les Éditions de Minuit.

(notes de lecture par Manon Auger)

« INTRODUCTION. REVENANCES DE LA MODERNITÉ »

Sur l’art du récit : « l’art du récit contribue depuis toujours à l’invention de temps nouveaux, de temps inédits qui bouleversent non seulement le passé et sa mémoire, mais l’avenir. » (7) / « Si l’art du récit crée le temps, il fait aussi l’histoire, en la relançant comme une flèche à chaque énonciation. C’est pourquoi sa propre histoire doit être racontée. » (8)

Répétition et revenance de la modernité (deux types) : « Avec une insistance rare, ces deux mouvements de revenance – le premier qui marque le retour de configurations temporelles fondées sur la cyclicité du devenir, le second qui raconte la remontée des âmes mortes et l’errance des revenants – posent à la modernité la question de la corrélation entre la narrativité, le temps de l’histoire et l’expérience de la mort. Ces philosophes et ces écrivains, tous fascinés à divers titres par la répétition, paraissent animés par l’urgence de déterminer ce qui du passé revient accaparer le présent, racontant en des intrigues baroques le retour des temps révolus et l’expérience du partage toujours précaire entre le mort et le vif, le legs des générations antérieures et l’espace historique ouvert aux vivants. C’est par là qu’ils révèlent, comme autant de photographies surexposées, l’inquiétude qui anime le régime d’historicité de la modernité. Les répétitions à l’œuvre chez Marx, Blanqui, Nietzsche, Benjamin, Klossowski ou Simon [auteurs à l’étude soit dans un chapitre où occasionnellement], ces répétitions disent une mémoire inquiète de sa propre historicité, de sa capacité à conjoindre la triple temporalité de l’histoire, le passé, le présent et l’avenir, sans assujettir les vivants à la reproduction de ce qui a été. La résurgence des poétiques de la répétition ne peut se comprendre qu’à la lumière d’un régime d’historicité marqué par une fascination non sans ambivalence pour les survivances des générations antérieures. » (10)

Répétitions du régime moderne d’historicité

Nous n’aurions pas, selon Hamel, rompu avec le XIXe siècle. (11) « Non seulement s’agit-il depuis lors de réfléchir le passé à partir d’un présent déraciné, que l’on croit détaché du fil de la tradition, mais encore de mettre à l’examen cette rupture même. » (11)

Deux poétiques de l’histoire : « Ici encore, deux poétiques de l’histoire s’affrontent, l’une qui autorise les morts à déterminer ce dont les vivants héritent, comme si leur avenir, de même que le passé, était toujours déjà écrit, l’autre qui suppose une adoption élective des morts par les vivants et la restitution de possibilités jusque là perdues. Les acteurs de l’histoire, qui sont toujours sujets de la filiation biologique et de la loi généalogique qui structurent la transmission de la culture, auraient la possibilité, malgré les héritages subis, de résister au déterminisme qui les agit et d’y introduire une contingence par la répétition de différentes strates du passé selon un réseau d’affinités électives. » (14)

« Il s’agit en quelque sorte d’hériter du passé sans être agi par lui, autrement dit de reprendre dans l’avenir ce qui aurait pu être plutôt que ce qui a été. » (15, souligné dans le texte)

Petite phrase très pertinente pour nous : « Or le geste d’interroger ce qui demeure dans la filiation et l’héritage malgré les ruptures générationnelles et la mort inéluctable, et celui de chercher à se protéger des morts par un travail de mémoire qui les restitue dans la distance du temps et en récupère les possibilités toujours vives, ces deux gestes sont en vérité indissociables. » (15)

« Le régime d’historicité de la modernité est spectral précisément en ce qu’il sait à la fois l’importante vitale du revenant – il y a quelque chose qui passe malgré le trépas, qui persiste au-delà des ruptures et qu’on cherche à désigner par les notions d’hérédité, de tradition, de culture, de mentalité, d’héritage, d’inconscient – et les risques mortels de sa révocation – il y a toujours des limbes où la mort résiste et travaille, se répète peut-être, au point de ventriloquer les vivants qui n’en reconnaissent pas l’obscure survivance. Si les répétitions spectrales font époque, c’est que l’addiction et la fiction de notre temps affrontent inlassablement l’expérience de ce qui revient et fait retour. » (16)

« Les poétiques de l’histoire de la modernité, dont l’historiographie n’est somme toute qu’un avatar, ont pour finalité de faire entendre les morts aux vivants en usant de le répétition comme d’un passage entre les uns et les autres, entre le passé et le présent, entre l’oubli et la mémoire. » (17)

De l’éternel retour des morts à la mémoire du présent

Ici Hamel décrit les objectifs de son essai : « Cet essai voudrait esquisser une certaine archéologie de la narrativité moderne à partir de la résurgence des poétiques de la répétition. […] Pareille enquête s’attarde donc moins à la singularité d’une œuvre littéraire ou d’un concept philosophique qu’aux conditions de leur apparition. Une archéologie de la narrativité travaille à reconstituer les traits qui caractérisent un certain régime de mise en intrigue, comme transcendantal historicisé, régime qui détermine non pas ce qu’il est possible de raconter, mais les manières de le faire, qui spécifie moins les contenus du récit que ses formes, ses modalités et ses usages. Plus spécifiquement, cet essai soutient que les poétiques de la répétition sont l’index d’une inquiétude mélancolique qui mobilise le régime moderne d’historicité et qu’elles constituent deux répliques narratives à ce nouvel ordre du temps. » (17)

Hamel décrit ensuite en détails le contenu des différents chapitres. En guise de synthèse, il écrit : En deçà de leurs différences manifestes, chacun de ces récits [qu’il va étudier dans les chapitres suivants] fondés sur la répétition expose à sa manière une mélancolie qui paraît indissociable du régime moderne d’historicité et met en œuvre une conception du récit qui se donne à lire comme un travail du deuil à l’égard d’une tradition narrative rendue obsolète par l’expérience moderne de l’histoire. Par l’analyse de ce corpus de textes certes hétérogènes, mais néanmoins révélateurs des effets du régime moderne d’historicité sur les arts traditionnels du récit, c’est un moment-charnière de l’histoire de la narrativité que cet essai voudrait éclairer tout en tentant d’apporter une contribution aux recherches contemporaines sur le récit. » (22)

CHAPITRE 1. L’ÉTERNEL RETOUR DES MORTS. RÉGIMES D’HISTORICITÉ ET POÉTIQUES DE L’HISTOIRE AU XIXE SIÈCLE.

D’un régime d’historicité à l’autre

La mutation des rythmes sociaux et des formes de l’histoire au XIXe siècle laisserait une empreinte sur les arts du récit de la modernité. Il revient ensuite sur la question des régimes d’historicité, tel que développé par Hartog, sur la mise en place du régime moderne d’historicité. Le rapport au passé et au futur change radicalement : « Dès lors, l’historiographie travaillera non seulement à montrer ce qui du passé est encore présent, mais ce qui de l’autrefois diffère du maintenant. Le passé sera objet de savoir plutôt que schème d’action ou exemple de conduite. Et c’est encore cette disjonction des temps que l’historien cherchera à reproduire en séparant rigoureusement le passé de son enquête, le présent de son écriture et l’avenir des institutions qui le chargent de raconter leur histoire. » (33)

Le présent « moitié momie et moitié fœtus » chez Musset et Tocqueville

Changements de l’ordre du temps ressentis par les écrivains « comme un profond bouleversement des assises de leur pratique narrative » (34). L’exemple d’Alfred de Musset d’abord et des Confessions d’un enfant du siècle : « Parce que les formes de l’expérience historique se sont transformées et que la tradition s’est rompue, le narrateur de Musset ne sait plus se protéger des ravages du temps par la puissance synthétique du récit. » (37) Tocqueville lui constate que la modernité « entraine le risque d’une atomisation de la société sous la poussée de l’individualisme » (38)

« Le régime moderne d’historicité constitue sans doute l’un des facteurs déterminants de la modernité littéraire, c’est-à-dire du mode d’écriture et de fabulation qui structure la littérature depuis l’effondrement du système des belles-lettres. » (39)

L’histoire et la capitalisation des morts chez Michelet

Michelet « travaille à reconstituer l’âme nationale au-delà de la succession générationnelle et de la diversité des appartenances » et pose ainsi la France comme « une personne » (c’est l’idée de nation qui émerge) : « Sous la menace d’une accélération du temps qui paraît incontrôlable, il lui faut sauver les identités collectives d’autrefois en substituant au fil rompu de la tradition la puissance de synthèse de l’écriture historienne. […] La tâche de l’historien est de réunifier la triple temporalité de l’histoire et ainsi de restituer une présence vive à un passé mort. » (42) Intérêt pour les disparus anonymes. « L’écriture historienne de Michelet se fonde sur la substitution du sens des discours des ancêtre à leur parole propre. Au lieu de faire parler directement les morts, l’historien se fait médiateur de leurs voix. » (44) « omniprésence du passé dans le présent » (46) « À force de lutter contre l’accélération de l’histoire et la rupture de la tradition en désignant la France comme une âme et une personne, c’est la dynamique d’altération du temps historique de la modernité que Michelet, et le XIXe siècle avec lui, en vient à dénier. Il essentialise ainsi ce dont la différenciation de l’histoire lui a révélé l’existence en même temps que la précarité : le peuple ou la nation. » (46) [Bon, je comprends pas vraiment mais j’ai l’intuition que c’est important dans l’argumentaire…]

Le progrès et la métempsycose chez Mercier et Hugo

« La capitalisation des morts qu’exerce le récit historiographique est aussi mené, bien que d’une toute autre manière, par le récit progressiste. » (46) Passage d’une conception chrétienne où le partage se ferait plus tard à une croyance en la perfectibilité de l’homme. « Ce ne sera plus Dieu mais les hommes à naître et la postérité qui jugeront les vivants d’hier et d’aujourd’hui. » (47) Caractère foncièrement antinomique de cette poétique de l’histoire : « D’une part, le régime moderne d’historicité, qui tend à destituer la tradition de son rôle de fondement ontologique, aiguise un sentiment de désuétude du passé et, de ce fait, conteste la légitimité du legs des ancêtres. D’autre part, un progrès n’est logiquement concevable qui si les expériences des générations antérieures sont transmises et assimilées par les vivants. » (48)

Le spleen face à l’éternel retour des morts

« Aussi la capitalisation des morts dans les grands récits de l’historiographie nationale et de l’idéologie du progrès suppose toujours un déni de la mort. » (54) « Ces grands récits, qui produisent d’innombrables spectres par leur refus de considérer la mort comme une réelle fin et la naissance comme une origine, qui confondent les générations successives en leur attribuant la même identité collective, paraissent en outre éprouver la tentation de revenir à une temporalité cyclique. » (55) « Les répétitions identitaires qui marquent les grands récits du XIXe siècle seront, dès leur émergence, doublées par une modernité parallèle qui en prendra le contre-pied. Le spleen baudelairien, élaboré tout au long des Fleurs du Mal, peut être lu comme une critique radicale des récits archéologiques et téléologiques en ce qu’il met au jour le ressassement mélancolique qui les anime. » (56-57) L’esthétique de Flaubert serait dans la même veine, et en particulier Salammbô. « En plein cœur du XIXe siècle, Baudelaire et Flaubert décryptaient ainsi les premiers symptômes de ce que nous avons appris depuis à reconnaître comme une pulsion de mort à l’œuvre dans certains usages de la mémoire culturelle, pulsion dont Freud a montré qu’elle avait partie liée avec la répétition. » (58) « L’éternel retour des morts qui les hante [l’historiographie nationale et l’idéologie progressiste] montre qu’il en va moins d’un travail du deuil que d’une profonde mélancolie à l’égard d’un passé dont on ne désire rien de moins que l’infinie survivance. C’est à une modernité parallèle, pourtant marquée par le spleen, qu’appartiendra de renverser ce ressassement mélancolique en une remémoration libératrice. » (60)

2. LA MÉMOIRE DU PRÉSENT. EXPÉRIENCE, RÉPÉTITION ET MODERNITÉ D’APRÈS WALTER BENJAMIN

Je saute ce chapitre, très complexe et un peu loin de nous…

3. LE SECOND EMPIRE DU PASSÉ. L’AGONISTIQUE DE LA NARRATIVITÉ CHEZ KARL MARX

Je saute aussi cette analyse.

4. LE CORPS DE L’HISTOIRE. LES MÉLANCOLIES DE LA NARRATIVITÉ CHRÉTIENNES SELON PIERRE KLOSSOWSKI

Ibid.

5. LA POÉTIQUE D’ORPHÉE. LES RÉVOLUTIONS DE LA MÉMOIRE HISTORIQUE CHEZ CLAUDE SIMON

Comme l’œuvre de Simon qu’Hamel étudie (Les Géorgiques) appartient doublement à notre corpus (publiée chez Minuit en 1981 et mettant en scène l’histoire), je crois pertinent de regarder plus avant les propositions d’Hamel.

À propos des nouvelles expérimentations du temps dans le roman moderne : « Car si la métamorphose des intrigues bouleverse notre perception du temps et de l’histoire, c’est que la transformation de l’expérience de l’histoire appelle l’élaboration de configurations narratives jugées peu orthodoxes au moment de leur apparition. Si le roman moderne fait violence à la tradition narrative constituée, c’est d’abord parce que l’expérience du temps a connu une mutation profonde et que les sociétés modernes ont vu s’instaurer un régime d’historicité radicalement différent de celui des communautés antérieures. » (177)

Intérêt de l’étude du roman de Simon : « Cette corrélation historique du temps de l’expérience et des récits qui en assurent la médiation est au cœur des Géorgiques de Claude Simon. Elle en constitue pour ainsi dire la dynamique profonde, comme si ce roman ambitieux, en deçà du projet autobiographique dont il fait sa trame, avait d’abord pour objectif de réfléchir les conditions de possibilité de sa propre narrativité en les rapportant aux mutations historiques des derniers siècles. » (177 - c’est la suite directe de la citation précédente)

Quelques éléments de l’analyse de l’œuvre [pour l’analyse, rigoureuse, fort complexe et bien menée du roman, je renvoie toutefois directement à la lecture du chapitre] : « Mais c’est d’abord l’héritage des générations antérieures, disparues pour certaines depuis plus d’un siècle, et, à travers lui, le soleil noir de la période révolutionnaire qui reviennent hanter le narrateur. » (178) […] Les Géorgiques sont un roman du deuil en ce qu’ils ressassent la rupture de la tradition et le déchirement des temps qui, depuis l’ère des révolutions, ont instauré un nouveau régime d’historicité et complexifié la possibilité même de configurer narrativement la temporalité de l’expérience. » (178)

Note intéressante à propos de l’expérience des Grandes Guerres qui ont modifiés le rapport à l’histoire et au récit téléologique : « Tout au long d’une guerre dont on ne pouvait connaître depuis les tranchées ni le terme ni la finalité, la machinerie de mort face à laquelle des corps fragilisés, perdus dans des espaces immenses traversés par une artillerie lourde, affrontaient encore des cadres traditionnels du récit. Selon Benjamin, c’était la doctrine de l’histoire dispensatrice de sagesse qui touchait à sa fin, puisque le traumatisme de la guerre signalait l’obsolescence des champs d’expérience [ce qu’on retient du passé] et l’obscurcissement des horizons d’attentes [ce qu’on peut prévoir du futur]. Ce qui avait été légué par la tradition n’était d’aucuns secours sous les tirs des avions de combat et personne ne pouvait formuler une espérance plus précise que la simple survie. » (192)

En conclusion de chapitre, Hamel offre une certaine synthèse du parcours qu’il a proposé dans cet essai : « Les poétiques de la répétition, de Karl Marx à Claude Simon, font donc la double expérience d’un deuil de la mémoire et d’une mémoire du deuil. Elles ressassent le souvenir d’un déchirement de la conscience historique, mais sans prétendre en tirer un enseignement pour l’avenir ou une règle de conduite pour le présent. Fidèles à la mémoire défaillante de la modernité, pour laquelle le passé est déraciné du présent, elles se refusent à toute intériorisation définitive de la perte et à tout dépassement du traumatisme. Le passé qui revient en elles ne les réconcilie pas avec l’autrefois, mais désigne ce qui, dans le présent, continue à s’altérer. » (209) […] « À la présence pleine de l’autrefois comme fantasme mélancolique d’une réunification de l’histoire, les poétiques de la répétition opposent le travail de l’absence, la recension de la ruine, la trace des spectres, non plus comme asservissement du maintenant, mais comme souvenir toujours vif de la rupture inaugurale du régime moderne d’historicité et d’une événementialité en devenir. » (210)

CONCLUSION. LA NARRATIVITÉ À L’ÉPREUVE DE L’HISTOIRE

La mélancolie du narrateur aristotélicien

« Depuis des millénaires, la tradition narrative occidentale semble rejouer, avec chaque narration, cette scène fondatrice dans laquelle les dieux s’éloignent et emportent avec eux l’éternité, léguant aux hommes un temps les morcelant sans repos. Si l’art du récit est par nature mélancolique, c’est qu’il ne cesse de retraverser cette perte originaire en imitant par le langage l’altérité qui heurte les choses sublunaires et le devenir des hommes, rappelant le renversement de la présence en absence qu’inflige le passage du temps. Par là, tout récit peut apparaître comme un deuil de l’immortalité, comme une reconnaissance de la temporalité dans laquelle s’effectue l’expérience humaine, tant au plan de la biographie qu’à celui, nécessairement plus vaste et plus difficilement appréhensible de l’histoire. » (214)

L’art du récit selon Paul Ricoeur

Hamel commente ici Ricoeur pour dire que celui-ci n’a pas tenu compte des modulations des pratiques narratives au cours des siècles. Ricoeur conçoit en fait l’expérience du temps comme une donnée immuable de l’expérience humaine.

L’historicité de la narrativité

L’historicité du récit faisant de celui-ci la somme des « récits » antérieurs (donc, l’espèce de « subjectivité » et d’« historicité » de tout dont il faut désormais tenir compte). « À vrai dire, l’histoire des arts du récit résulte de l’imbrication de l’historicité de la temporalité et de l’historicité de la narrativité dont rend compte leur aporétique respective. Chaque expérience du temps reçoit sa forme, avant même d’être racontée, par les récits antérieurs qui en constitue pour ainsi dire la condition de possibilité; et chaque récit porte au langage une expérience temporelle selon des modalités qui entrent en tension plus ou moins grande avec les récit qui au même moment saturent les discours et la mémoire d’une collectivité. C’est de cette tension toujours irrésolue, jamais apaisée, que naissent les métamorphoses historiques du récit. » (222)

« [D]e larges pans de la narrativité moderne se livrent à une certaine critique de la tradition narrative et de son mode de configuration qui jette comme un voile la concordance sur la discordance de l’expérience. » (223)

Les poétiques de la répétition seraient un lieu de mémoire, tel que l’entend Pierre Nora. Parce que c’est là un lieu où la mémoire travaille. (225)

D’autres lieux de mémoire de la modernité

Il en identifie deux autres (lieux de mémoire) : 1) le paradigme d’une mémoire de l’oubli (emprunté à Giorgio Agamben) : « Une telle mémoire de l’oubli ne concerne pas un contenu mémoriel à préserver, mais l’oubli lui-même, qu’il faudrait rappeler à la mémoire. » (226) = L’œuvre de Pierre Michon en serait exemplaire. 2) la mémoire du futur (emprunté à Carlos Fuentes) : le futur est ancré dans le passé puisque seul le passé nous garantit que le futur a existé. L’œuvre de Fuentes et celle d’Antoine Volodine relèveraient de cet esthétique. « Ce paradigme de la mémoire du futur se nourrit en vérité autant des avenirs passés que des passés toujours à venir ou à revenir. » (230) Phrase d’ouverture et de synthèse : « Les métaphores fantomales illustrent l’injonction selon laquelle la modernité doit œuvrer à ce que le travail du deuil à l’égard du passé, malgré l’érosion d’une mémoire partagée, ne s’accomplisse pas jusqu’à son terme, que les objets perdus conservent leur inquiétante étrangeté, que l’assomption de la perte et de la disparition demeure asymptotique. Ce n’est certainement pas le moindre des paradoxes de la narrativité moderne et contemporaine que de tenir comme condition de possibilité d’une mémoire culturelle vivace la nécessité de se refuser à tout espoir d’une réconciliation apaisée avec la mort. D’où justement un imaginaire de l’histoire pour lequel le sentiment de la perte et l’angoisse de la filiation rompue sont les derniers garants d’une transmission authentique de l’expérience et d’une véritable politique du présent. » (231)

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