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fq-equipe:jean-francois_chassay_les_ponts_montreal_lemeac_roman_1995_stephanie_desrochers

CHASSAY, Jean-François, Les ponts, Leméac (roman), 1995, 259 p.

Fiche de lecture

1. Degré d’intérêt général

Pour le projet de quête et enquête : Élevé

Pour le projet de diffraction : Élevé

En général : Il s’agit à mon avis d’un roman intéressant à plusieurs points de vue : cryptage intertextuel, construction narrative peu commune, exploitation de la polysémie du mot pont, etc.

2. Informations paratextuelles

2.1 Auteur : Chassay, Jean-François

2.2 Titre : Les ponts

2.3 Lieu d’édition : Montréal

2.4 Édition : Leméac

2.5 Collection : Roman

2.6 (Année [copyright]) : 1995

2.7 Nombre de pages : 259 p.

2.8 Varia : -

3. Résumé du roman

Quatrième de couverture:

Les cinq personnages de ce deuxième roman de Jean-François Chassay traversent la journée du 19 octobre 1993 avec fracas : Stéphane, Emma, Normand, Claire, Pierre, selon des itinéraires respectifs reliés par la généalogie et le théâtre familial, se croisent au gré des circonstances et selon les ponts de leurs souvenirs. En remontant le fleuve des mémoires personnelles et collective, ils s’interrogent sur le sens de l’Histoire et sur les coulisses de la leur, qui prend racine au milieu du XIXe siècle, à Montréal, autour d’étonnants cahiers. Comme dit l’un d’eux : « On ne sait jamais ce que nous réserve le passé.

Mon résumé :

Le premier chapitre livre en parallèle le récit de la transmission de cahiers dans lesquels on enregistre depuis cinq générations les variations climatiques quotidiennes et celui d’un meurtre. La narration est hétérogiégétique dans les deux cas, mais la focalisation, externe et surplombante au moment de rendre compte de la tradition filiale, devient interne au moment de raconter le meurtre. Le deuxième chapitre reprend cette même focalisation. Le personnage, surnommé Mickey, se rend chez son frère Normand à Longueuil, où il compte se reposer après la nuit épuisante qu’il a connue. Le chapitre suivant passe à une narration homodiégétique à focalisation interne. Normand, perturbé dans sa routine par la venue incongrue de son frère, livre différentes réflexions sur ses ambitions professionnelles. Sa nature obsessive compulsive et son goût excessif pour l’ordre et l’hygiène constituent ses principales sources de réflexion. Le quatrième chapitre reproduit également le flux mental de Normand. Au chapitre cinq apparaît le personnage d’Emma, sœur de Normand et de – on l’apprendra bien plus tard – Mickey, professeure de littérature qui exprime sa désillusion à l’égard de l’enseignement et son scepticisme quant à la vie de couple. Au sixième chapitre apparaît Claire, une historienne enceinte d’un des frères de la famille principale, Stéphane. La narration est de nouveau hétérodiégétique et à focalisation interne. L’histoire est le relais chronologique de ce qui survient dans la vie de ces cinq personnages au cours d’une seule et même journée, celle du 19 octobre:

- Pierre couche avec une journaliste prénommée Rachel, qu’il est tenté de tuer;

- Normand connaît la déroute professionnelle ;

- Emma remet en question les fondements de sa vie amoureuse ;

- Stéphane (Mickey) devient père après avoir assisté à un match de hockey moyen et il tue sa sœur Paule;

- Claire accouche d’un enfant.

Au fur et à mesure que progresse le roman, on découvre les tensions et jalousies présentes entre les cinq frères et sœurs de la famille. L’attention portée aux goûts et loisirs de chacun des frères et sœurs occulte cependant le motif familial du meurtre initial, qui devient d’ailleurs plus un événement parmi tous les autres de cette journée que le centre structurant de l’intrigue. En ce sens, le meurtre paraît parfois « oublié » par le récit. À la fin, on découvre que Stéphane en est l’auteur et que la victime est sa sœur Paule. Subséquemment, on découvre également que le projet initial de recension objective de la réalité météorologique

4. Singularité formelle

La division formelle est classique, l’intérêt se trouve plutôt dans la narration. Je soulignerais néanmoins la présence de contraintes structurantes, soit la présence de références intertextuelles inaugurant chacun des chapitres, qui induisent une lecture « policière » chez le lecteur, et l’étendue temporelle du roman, 24 heures.

5. Caractéristiques du récit et de la narration

L’originalité de la narration repose sur la combinaison de cinq narrateurs tantôt hétérodigétique, tantôt homodiégétique (parfois parlant à la première personne du singulier, parfois à la deuxième personne du singulier) à focalisation interne et d’une durée temporelle brève, une journée. Le titre acquiert dès lors l’une de ses multiples significations : le va-et-vient entre chacun des personnages agit comme un pont qui unit deux entités sans jamais les faire se rejoindre physiquement ou par contact direct.

Si au départ les points de vue s’enchaînent en respectant la chronologie des événements, à la fin, un certain brouillage temporel survient et permet de révéler les circonstances du meurtre.

6. Narrativité (Typologie de Ryan)

6.5- Tramée

6.6- Diluée

7. Rapport avec la fiction

Le texte s’inscrit d’emblée dans un régime de fiction. Il n’y a pas de jeu sur la frontière entre vérité des faits et vérité de l’histoire.

8. Intertextualité

Une forte intertextualité est présente. En fait, elle se décline sous deux formes distinctes. Elle prend d’abord la forme de la citation directe incluse dans le texte, par exemple en page 30, quand le personnage confesse son amour pour la poésie de Hart Crane :

« Réussir à faire un héros d’un imbécile notoire comme Davy Crockett, il fallait assurément une forme de génie. Quand même, cela n’enlevait rien à Crane.

How many dawns, chill from his rippling rest

The seagull’s wings shall dip and pivot him,

Shedding shite rings of tumult, building high

Over the chained bay waters Liberty »

Elle est aussi fondue dans la matrice textuelle et demeure assez perceptible, mais seulement pour le lecteur qui adopte une attitude proactive et la recherche. La fin du roman rend délibérément compte de cette contrainte d’écriture (p. 261) :

« POST-SCRIPTUM

Chaque chapitre de ce roman commence par une variation sur les premières lignes (parfois même sur la première page) d’un des livres suivants, présentés ici par ordre alphabétique :

Hubert Aquin, Prochain épisode.

Roland Barthes, La Chambre claire.

Lewis Carroll, Alice’s Adventures in Wonderland.

Louis-Ferdinand Céline, Mort à crédit.

Robert Croover, « The Elevator », tiré du recueil Pricksongs and Descants.

[…]

Jeffrey Dahmer a été assassiné en prison le 28 novembre 1994, où il purgeait une peine de 936 ans pour seize meurtres.

Ce roman est un hommage (modeste, mais ô combien sincère !) à John Cassavetes et Georges Perec. »

Cette remarque finale situe le roman dans l’héritage oulipien et invite à déchiffrer différentes contraintes constitutives de l’intrigue.

9. Élément marquant à retenir / extraits significatifs

p. 20 – Il replace le calendrier au même endroit, ouvert à la même page, octobre. La date du jour est encerclée : mardi, 19 octobre. Pourquoi avait-elle encerclé la date ? Il ne se sent pas très bien, pas très à l’aise. Il y a de quoi. Les circonstances, encore une fois. Il hésite un peu puis referme la robe de chambre pour cacher son sexe. Même avec ses gants, il touche sa peau (et frissonne un peu). Elle est encore tiède, assurément. Le déséquilibre de la température du corps a lieu dans les deux sens. Il produit parfois un abaissement anormal de la température, ce qu’on nomme l’hypothermie (dans le cas du choléra, elle peut descendre jusqu’à 33 degrés Celsius), alors que dans le cas de la fièvre (symptôme d’hyperthermie), elle peut atteindre 42 ou 43 degrés Celsius. Dans le cas qui nous concerne, la température descend lentement et inexorablement. La mort, bien sûr, est récente. Très très récente.

fq-equipe/jean-francois_chassay_les_ponts_montreal_lemeac_roman_1995_stephanie_desrochers.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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