fq-equipe:introduction_ouvrage_document_de_travail
Différences
Ci-dessous, les différences entre deux révisions de la page.
Les deux révisions précédentesRévision précédenteProchaine révision | Révision précédente | ||
fq-equipe:introduction_ouvrage_document_de_travail [2014/03/14 12:44] – [PLAN DÉTAILLÉ DE L’INTRODUCTION (Document de travail)] manon | fq-equipe:introduction_ouvrage_document_de_travail [2018/02/15 13:57] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1 | ||
---|---|---|---|
Ligne 24: | Ligne 24: | ||
==== A) La notion de contemporain : ==== | ==== A) La notion de contemporain : ==== | ||
+ | |||
+ | Il semble en effet qu’aujourd’hui le terme prend une valeur axiologique, | ||
+ | « Le titre du dossier l’indique, | ||
+ | Il faut toutefois mentionner un numéro de la revue interdisciplinaire en sciences sociales Le genre humain intitulé « Actualités du contemporain » et paru en 2000, numéro avec qui personne, à ma connaissance, | ||
+ | |||
+ | Les tableaux suivants présentent des synthèses des quatre principaux textes (penseurs) qui réfléchissent sur la notion, mais je signale d’emblée que, à la lecture de l’ouvrage collectif de Ruffel, on peut dresser un constat en deux temps : | ||
+ | - l’hypothèse que le contemporain n’est plus un déictique pur et qu’il a en quelque sorte remplacé le terme de « moderne » est entérinée par la plupart des contributeurs | ||
+ | - ce changement – qui passe d’abord par le terme de postmodernité – a lieu lui aussi au début des années 1980. Dans la foulée, par exemple, de cette déclaration de Barthes en 1979 : « Tout d’un coup il m’est devenu indifférent de ne pas être moderne. » (cité par Forest, 2010 : 85) | ||
+ | Je reviens en détails sur ces deux aspects dans les pages suivantes. | ||
+ | |||
+ | === RUFFEL, Lionel (2010a), « Introduction. Qu’est-ce que le contemporain? | ||
+ | |||
+ | |||
+ | Selon Ruffel, le terme s’est imposé comme une notion de plus en plus forte : « Il est des notions que l’on utilise sans y prendre garde. Des notions dont on imagine qu’il n’est pas nécessaire de les penser, de les définir, de les critiquer. Des notions faibles sûrement, en tout cas de faible intensité, mais qui finissent parfois par s’imposer, | ||
+ | |||
+ | Dans cette introduction, | ||
+ | |||
+ | Mais il en vient aux principaux constats que : | ||
+ | - « On ne peut pas périodiser hors des usages » | ||
+ | - « Il est illusoire de vouloir donner une réponse définitionnelle à la question “Qu’est-ce que le contemporain? | ||
+ | La solution (celle des contributeurs du collectif) : adopter une posture théorique et métacritique, | ||
+ | |||
+ | Mais la réflexion de Ruffel se poursuit autour de la notion elle-même et de son évolution historique. Il voit une transition du « moderne » vers le « contemporain » : « Le triomphe du contemporain doit beaucoup aux pensées du ressentiment anti-moderne qui se sont développées dans la dernière partie | ||
+ | « Il existe bel et bien un moment contemporain de l’histoire qui s’arrache au flux du temps, […] qui naît après la deuxième guerre mondiale [et qui] se caractérise en grande partie […] par l’usage du terme contemporain pour se désigner. Ce terme, loin d’être vide de sens, marque une série de transformations importantes qui dialectisent certains des principes de la modernité tout en n’en récusant pas les fondements. […] » (2010b : 31) | ||
+ | |||
+ | En résumé, le contemporain selon Ruffel, on peut en faire soit un 1/ usage temporel 2/ usage esthétique. Celui-ci identifie trois bouleversements amenant le passage du moderne au contemporain : massification, | ||
+ | |||
+ | |||
+ | |||
+ | === AUDET, René (2009a), « Le contemporain. Autopsie d’un mort né », dans Audet (dir.), Enjeux du contemporain : études sur la littérature actuelle, Québec, Nota Bene, p.7-19. === | ||
+ | |||
+ | |||
+ | S’interroge, | ||
+ | |||
+ | Constat qu’il y a 2 façons de définir le contemporain : | ||
+ | 1. Rupture entre actualité et historicité – le contemporain : ce qui est du même temps que soi et n’appartient pas à l’Histoire. Par conséquent, | ||
+ | « Une large part du malaise provoqué par le contemporain, | ||
+ | « Le contemporain, | ||
+ | « Ce défaut de raconter le contemporain empêche son inscription dans la mythologie littéraire, | ||
+ | |||
+ | 2. En faire une étiquette sémantique pour désigner une période précise | ||
+ | « Cette transformation du contemporain en étiquette sémantique, | ||
+ | |||
+ | Les constats des contributeurs, | ||
+ | 1/ « Le premier constat, déjà admis par tous, porte sur le caractère polymorphe et insaisissable du corpus littéraire, | ||
+ | 2/ « Une second constat, qui a eut tôt fait de se dessiner, concerne une supposée vacance du discours critique sur la période contemporaine. » (2009a : 15) | ||
+ | |||
+ | |||
+ | === DESCOMBES, Vincent (2000), « Qu’est-ce qu’être contemporaine? | ||
+ | |||
+ | |||
+ | Selon Descombes, du point de vue philosophique, | ||
+ | 1/ celle fournie par la philosophie de l’histoire, | ||
+ | ➢ Conception épochale du contemporain : la contemporanéité est alors « traitée comme une sorte de concitoyenneté d’époque : de même que des compatriotes sont du même pays, des contemporains sont du même temps historique » (2000 : 21) | ||
+ | ➢ Amène à rechercher des « traits communs ou de propriétés typique à tout ce qui appartient à une époque, la nôtre » (2000 : 21) | ||
+ | |||
+ | 2/ celle fournie par une philosophie du temps (réflexion sur l’idée de temps temps), soit « un concours entre plusieurs changements actuels » : « Être des contemporains, | ||
+ | ➢ Compréhension modale du contemporain (2000 : 22) | ||
+ | |||
+ | • Descombes parle également de la « modalité affective » propre au chroniqueur du contemporain, | ||
+ | |||
+ | • Il insiste aussi sur l’idée que les événements historiques n’ont pas de contemporain à proprement parler puisqu’ils sont des interprétations (2000 : 26) | ||
+ | |||
+ | • De plus, c’est cette interprétation qui fera qu’un jugera différemment des groupes appartenant à la même période historique (certains seront « de leur temps » et d’autres se seront, en quelque sorte, « trompés d’époque ». (2000 : 27) | ||
+ | |||
+ | • Il fournit ensuite quelques clés pour décrire le contemporain : « il faut donner, non pas une liste de noms, mais un état des lieux, un état des procès en cours, et surtout un état du concours de ces procès, de la façon dont ils se combinent ou se contrarient. » (2000 : 29) En effet, ce qui fait que deux événements sont contemporains, | ||
+ | |||
+ | • Il conclut sur l’impossibilité de définir un archétype du contemporain : « Toutes les tentatives pour définir un archétype de notre contemporain participent de l’erreur selon laquelle il y aurait une essence historique commune à tous les acteurs présents sur la scène. L’erreur n’est pas de croire qu’il y ait bien des points communs aux acteurs historiques, | ||
+ | |||
+ | |||
+ | === VIART, Dominique (2001), « Écrire au présent : l’esthétique contemporaine », dans Michèle Touret et Francine Dugast-Portes (dir.), […], p. 317-336 et (2013), « Histoire littéraire et littérature contemporaine », Tangence, no 102, p. 113-130. === | ||
+ | |||
+ | |||
+ | La notion de contemporain est fluctuante ; « Elle désigne le présent, mais étendu à une période dont l’appréciation demeure floue et empirique. Il paraît impossible de donner une “origine” à cette extension du présent, sinon peut-être en déterminant la clôture – la fin – de la période qui le précède. L’étude de la littérature contemporaine, | ||
+ | |||
+ | Viart, dans son article de 2013 intitulé « Histoire littéraire et littérature contemporain », reviendra sur cette nécessité de déterminer la clôture de la période précédente : « Si donc l’on s’accorde à considérer que ‘‘littérature contemporaine’’ désigne non le vrac des livres publiés récemment mais un ensemble d’œuvres cohérent dans ses principaux enjeux, il est nécessaire d’en dater approximativement l’émergence, | ||
+ | |||
+ | Viorel-Dragos Moraru dit sensiblement la même chose sur la nécessité de reconnaître le « début » du contemporain : « Et la condition nécessaire et suffisante pour qu’une nouvelle période soit reconnaissable par l’historien de la littérature est que des agents du champ littéraire veuillent opérer des changements dans leur rapport à l’écriture. Bien sûr que l’ancienne période semblera demeurer des années durant malgré la proclamation d’une nouvelle période : le début de l’une n’entraîne pas nécessairement la fin de l’autre. Nulle époque ne commence, d’ailleurs, | ||
+ | |||
+ | ---- | ||
+ | Pour Viart, « un tel travail suppose une démarche en trois temps », dont, en troisième lieu, « tenter de marquer les caractéristiques propres de cette esthétique contemporaine naissante » de deux façons : | ||
+ | 1. « Grâce aux discours métalittéraires qui se tiennent à son endroit ou qui l’accompagnent » (2001 : 318) | ||
+ | 2. « Grâce à l’examen des pratiques d’écriture elles-mêmes et des enjeux de ces écritures […] » (2001 : 318-319) | ||
+ | * Note : C’est aussi ce que nous proposons : il faudra voir comment on se situe par rapport à Viart. Dans « Histoire littéraire et littérature contemporaine », Viart y va encore une fois d’une théorisation de l’étude du contemporain, | ||
+ | |||
+ | |||
+ | |||
+ | === Autres définitions et théorisation du « contemporain » : === | ||
+ | |||
+ | **NOUDELMANN, | ||
+ | |||
+ | Donne différentes définitions du contemporain, | ||
+ | |||
+ | La question du choix de se dire « contemporain » est intéressante : « L’usage du mot contemporain relève, au-delà d’une définition factuelle, d’un optatif. Il désigne un choix, un marquage, une manière de régler l’adéquation au présent. On est moins contemporain qu’on ne l’affirme et ne le devient. À l’inverse on s’affichera hostile au contemporain pour se démarquer du flux, de la tendance. » (2010 : 59) | ||
+ | |||
+ | Comme Ruffel, il soutient que le contemporain s’oppose en quelque sorte à la modernité, dans la mesure où on serait dans le régime présentisme tel que définit par Hartog (je ne sais plus s’il le dit explicitement) : « L’opposition au contemporain s’est aujourd’hui superposée à la dénonciation de la modernité, car le présent ne s’affiche plus “moderne”, | ||
+ | |||
+ | Par ailleurs, on voit à quel point les contributeurs de ce collectif accordent une grande importance à la question du présentisme telle que l’a définie Hartog. Une autre citation, tirée du même collectif : « “Contemporain” désignerait un rapport critique du présent qui vit mal ou qui ne peut plus vivre son inscription dans la continuité historique. » (Rueff, 2010 : 98) --- Note : une fiche sur le livre de Hartog existe : http:// | ||
+ | |||
+ | À propos du **Qu’est-ce que le contemporain ? d’Agamben (2008)**, on pourra consulter la fiche : | ||
+ | |||
+ | « Je n’ai rien contre cette figure d’un Sujet Contemporain, | ||
+ | Il ne s’agit pas de prendre un pas de recul, mais au contraire de faire un pas de plus et de se colleter aux difficultés que pose l’étude de ce qui se passe immédiatement sous nos yeux. Non pas de refuser le spectacle, mais de pousser à l’extrême sa logique de façon à en voir les limites. Le contemporain n’est pas un écran, il n‘est pas un plan à deux dimensions, mais un espace complexe à trois dimensions, un espace capable de recueillir des situations, des tensions, tout comme des représentations. » (2009 : en ligne sur Salon Double) | ||
+ | |||
+ | **ROUSSO, Henry (2012), | ||
+ | |||
+ | Il s’agit, ici, d’un ouvrage d’historien consacré à la discipline qu’est l’histoire du « temps présent ». Un constat me paraît essentiel à relever suite à cette lecture : dans le domaine de l’histoire, | ||
+ | |||
+ | **BESSIÈRE, | ||
+ | |||
+ | Bessière s’intéresse en fait non au concept de contemporain, | ||
+ | |||
+ | • « Le roman contemporain s’entend comme le roman des trente dernières années, sans que les langues, les cultures, les identités nationales des romans soient spécifiquement privilégiées. Le contemporain même s’identifie doublement : selon un moment d’internationalisation des proximités éditoriales, | ||
+ | |||
+ | |||
==== B) La notion de modernité : ==== | ==== B) La notion de modernité : ==== | ||
+ | |||
+ | Dans son étude sur la notion même de contemporain, | ||
+ | « Comment expliquer alors qu’en quelques décennies, le renversement soit total? Comment expliquer qu’aujourd’hui le terme moderne ne soit plus guère utilisé, alors que celui de contemporain envahi les discours sur la représentation du présent historique? » (2010a : 22) | ||
+ | |||
+ | Ruffel explique ce bouleversement par les « transformations profondes qui affectent le monde de l’après-deuxième guerre mondiale ». Trois bouleversements vont « dans le sens de l’engouement pour le contemporain » : | ||
+ | |||
+ | - Démocratisation du savoir : Généralisation dans les pays développés de la démocratisation et de la massification de l’accès au savoir, à la culture et à la création (rupture par rapport à la tradition, au renouvellement des générations, | ||
+ | - Multiplication des processus de décentrement : i- Transfert culturel et basculement hégémonique dans le champ artistique vers les États-Unis : Avec la 2e guerre, New York devient la capitale de l’art et remplace ainsi Paris. (2010a : 26-27) ii- Décentrement postcolonial : mouvement intellectuel des pays qui pense leur histoire à travers le prisme du colonialisme et rejette l’idée de « moderne » dans la mesure où celle-ci endossait le régime colonial. (2010a : 27-28) | ||
+ | - Apparition d’esthétiques contestataires ne se réclamant plus du moderne : i- par exemple, le boom latino-américain des années 1960-1980 (vaste mouvement de renouvellement des formes et des enjeux littéraires) qui fait surgir une modernité autre que la modernité européenne, | ||
+ | |||
+ | François Noudelmann (2010) abonde dans le même sens et fait en quelque sorte correspondre le nouveau régime d’historicité [Hartog] avec la question du contemporain, | ||
+ | |||
+ | Un autre contributeur du collectif de Ruffel, Philippe Forest, présente la même idée (on peut donc dire qu’elle fait consensus dans ce collectif) : Il oppose lui aussi les deux termes, selon qu’ils sont deux logiques, deux façons de penser le présent et d’établir des relations au sein du grand ensemble des œuvres d’aujourd’hui : | ||
+ | 1- « pensé comme “contemporanéité”, | ||
+ | 2- « Pensé selon les exigence du “moderne”, | ||
+ | |||
+ | Sur le constat qu’un glissement s’opère du terme « moderne » vers celui de « contemporain », il va même jusqu’à se demander si « cette forclusion n’entraîne pas tout simplement avec elle l’abandon de tout ce dont l’art et la littérature se trouvaient et se trouvent encore solidaire ». (2010 : 85) ----- cette idée est intéressante parce qu’elle renvoie à celle de la « valeur » critique et esthétique du contemporain. Dans l’ensemble du discours de Forest, cependant, on voit une certaine nostalgie. | ||
+ | |||
+ | === Autres définitions de « Modernité » === | ||
+ | **__EN FRANCE :__** | ||
+ | |||
+ | **LYOTARD, Jean-François (1982), « Réponse à la question : Qu’est-ce que le postmoderne ? », Critique, no 419, p.357-367.** | ||
+ | |||
+ | - « fin unitaire de l’histoire » - « et celle d’un sujet » (1982 : 359) | ||
+ | |||
+ | - « La modernité, de quelque époque qu’elle date, ne va jamais sans l’ébranlement de la croyance et sans la découverte du peu de réalité de la réalité, associée à l’invention d’autres réalités. » (1982 : 363) | ||
+ | |||
+ | - L’essentiel de l ‘argumentaire repose sur l’idée de sublime, qui comporte à la fois plaisir et peine : « Je pense en particulier que c’est dans l’esthétique du sublime que l’art moderne (y compris la littérature) trouve son ressort, et la logique des avant-gardes ses axiomes. » (1982 : 363) | ||
+ | |||
+ | - « J’appellerai moderne, l’art qui consacre son “petit technique”, | ||
+ | |||
+ | **GONTARD, Marc (2001), « La postmodernisme en France : définition, | ||
+ | |||
+ | « La modernité, on l’a souvent répété, c’est la pensée du Siècle des Lumières, la croyance que la rationalité[, | ||
+ | |||
+ | « [La] modernité est fondée sur un ordre binaire de type dialectique qui permet de penser l’unité-totalité, | ||
+ | |||
+ | **Littérature et modernité [source : rapport de recherche de Kim Leppik, déc. 2007] :** | ||
+ | http:// | ||
+ | |||
+ | Bien que la critique littéraire s’inquiète de l’avenir de la littérature française narrative (Forest, P. Le Roman, le réel : un roman est-il encore possible ? ; « L’Avenir de la fiction », Nouvelle Revue Française n°561 ; « Où va la littérature française ? », La Quinzaine Littéraire n°s 532, 711 & 712, etc.), la littérature elle-même se penche plutôt sur son passé et, plus spécifiquement, | ||
+ | |||
+ | |||
+ | **__AU QUÉBEC :__** | ||
+ | |||
+ | **MICHAUD, Ginette et Élisabeth NARDOUT-LAFARGE (dir.) (2004), Constructions de la modernité au Québec, Actes du colloque tenu à Montréal les 6, 7 et 8 novembre 2003, Montréal, Lanctôt Éditeur.** | ||
+ | |||
+ | En introduction, | ||
+ | |||
+ | Élisabeth Nardout-Lafarge souligne pour sa part que la modernité au Québec apparaît comme une valeur, comme une attestation de légitimité. « [I]l ressort que ‘‘moderne’’ signifie d’abord actuel, contemporain de la lecture en train de se faire […] ; est moderne également ce qui est lisible à l’étranger et, en tout premier lieu, en France ; est perçu comme moderne, enfin, ce qui n’entretient pas de liens avec l’ancien, donc ce qui est laïque ou même anti-religieux, | ||
+ | |||
+ | **Robert Vigneault (2004), « Notre sauvage besoin de libération », dans Caumartin et Lapointe, Parcours de l’essai québécois (1980-2000), | ||
+ | |||
+ | Temporalité de la modernité québécoise : « [L]e Québec, à partir de 1945, est peu à peu sorti de l’orthodoxie pour entrer dans la modernité. Le mur de l’unanimité s’est lézardé et l’individu a pris la parole comme on prend le pouvoir. Auparavant, le sens était donné : il suffisait simplement de l’accueillir. La modernité a instauré le déchirement entre le sens et la praxis; le fossé s’est élargi entre la vie empirique et la signification. On est entré comme furtivement dans un monde instable, sans envers, où l’on éprouve le vertige de la précarité, | ||
+ | |||
+ | |||
+ | |||
==== C) Notion de postmodernité : ==== | ==== C) Notion de postmodernité : ==== | ||
- | ==== D) Notion d’ « actuel » et d’ « extrême contemporain » ==== | ||
- | ===== II- NOTRE THÈSE, NOTRE MÉTHODE, NOTRE ANGLE D’APPROCHE ===== | + | === i. Lyotard |
+ | On ne peut parler de cette notion sans penser, bien sûr, à Lyotard. Reste que, l’objet de son étude est « la condition du savoir dans les sociétés les plus développées » (1979 : 7). Il serait donc plus juste de dire que l’objet spécifique de l’étude est les conditions de la société postmoderne, | ||
+ | « On a décidé de la nommer “postmoderne” [donc, la condition du savoir]. Le mot est en usage sur le continent américain, sous la plume des sociologues et des critiques. Il désigne l’état de la culture après les transformations qui ont affecté les règles du jeu de la science, de la littérature et des arts à partir de la fin du XIXe siècle. Ici, on situera ces transformations par rapport à la crise des récits. » (1979 : 7) | ||
+ | L’objet reste donc relativement restreint et ne peut, bien sûr, englober tout ce qu’on considère aujourd’hui définir les variantes du postmoderne. Il est toutefois intéressant de retenir que, à la base, le terme s’appliquait à tout le XXe siècle, plus particulièrement aux années d’après Guerre. Retenons aussi la « définition » suivante : « En simplifiant à l’extrême, | ||
+ | |||
+ | Dans **« Réponse à la question “qu’est-ce que le postmoderne ?” » (1982)**, Lyotard offrira une deuxième définition du postmoderne, | ||
+ | « Voici donc le différend : l’esthétique moderne est une esthétique du sublime, mais nostalgique ; elle permet que l’imprésentable soit allégué seulement comme un contenu absent, mais la forme continue à offrir au lecteur ou au regardeur, grâce à sa consistance reconnaissable, | ||
+ | Le postmoderne serait ce qui dans le moderne allègue l’imprésentable dans la présentation elle-même ; ce qui se refuse à la consolation des bonnes formes, au consensus d’un goût qui permettrait d’éprouver en commun la nostalgie de l’impossible ; ce qui s’enquiert de présentations nouvelles, non pas pour en [367 :] jouir, mais pour mieux faire sentir qu’il y a de l’imprésentable. Un artiste, un écrivain postmoderne est dans la situation d’un philosophe : le texte qu’il écrit, l’œuvre qu’il accomplit ne sont pas en principe gouvernés par des règles déjà établies, et ils ne peuvent pas être jugés au moyen d’un jugement déterminant, | ||
+ | |||
+ | * En somme, pour Lyotard, le postmoderne est intimement lié au moderne et ne correspond pas à une esthétique « contemporaine ». | ||
+ | |||
+ | === ii. Moderne vs postmoderne === | ||
+ | |||
+ | J’ai souligné que certains contributeurs de Qu’est-ce que le contemporain ? voyaient le contemporain en opposition à la modernité. Dans le glissement de la modernité au contemporain, | ||
+ | |||
+ | • pour **Lionel Ruffel**, la notion de postmoderne est un emblème du contemporain, | ||
+ | |||
+ | • Pour **Philippe Forest**, la postmodernité serait le moment où le nouveau se donne comme nouveau, mais n’implique désormais aucune remise en question ou contestation du monde dans lequel il surgit, un « moderne inoffensif » (2010 : 89). Sa conclusion est alors : « La doxa postmoderne – et c’est pour ça qu’elle promeut le contemporain contre le moderne – voudrait nous convaincre que le négatif a disparu au temps de la fin de l’Histoire, | ||
+ | |||
+ | Dans « La valeur ‘‘modernité’’ en littérature québécoise : notes pour un bilan critique » (2004), **É. Nardout-Lafarge** souligne d’entrée de jeu que la modernité a été pour les textes littéraires québécois à partir de la Révolution tranquille un critère de légitimité et une garantie de légitimité, | ||
+ | |||
+ | **Janet M. Paterson**, qui a beaucoup promu le concept de postmodernité au Québec, soutient que la raison fondamentale permettant d’expliquer que le terme et la notion aient été débattus plus tardivement par la critique au Québec (à partir des années 1980) est la suivante : | ||
+ | « Il est pour tout dire difficile de parler de postmoderne en l’absence d’une tradition dite moderne. Au Québec, moderne et modernité ne désignent pas, comme dans le contexte anglo-américain, | ||
+ | |||
+ | Sur le rapport entre postmoderne et contemporain, | ||
+ | « Enfin, il ne faut pas non plus confondre postmoderne avec moderne ou contemporain. On s’accorde généralement pour dire que la rubrique littérature contemporaine englobe toute la littérature d’après-guerre, | ||
+ | |||
+ | Donc, pour résumer : 1) « postmoderne » n’égale pas « contemporain » et vice-versa ; 2) la conception du « contemporain » que se fait Paterson ne se limite pas au Québec (littérature d’après-guerre ?) ; 3) le « contemporain », selon elle, n’est qu’un repère temporel où s’inscrit diverses esthétiques ; 4) le roman postmoderne appartient à la modernité au sens large mais se distingue du roman moderne. Par ailleurs, on peut conclure, à la lumière de cet ouvrage, que le roman postmoderne au Québec apparaît dans les années 1960 (et Hubert Aquin en est la plus importante figure), mais que la critique ne s’intéresse et décrit ce phénomène seulement après 1980. Qui plus est, c’est son émergence qui constituerait un moment charnière dans la littérature québécoise : « Si, au bout du compte, le mot postmoderne demeure flottant, ambiguë, souvent problématique, | ||
+ | |||
+ | === iii. une notion floue et problématique === | ||
+ | |||
+ | Par ailleurs, à peu près tous ceux qui commentent la notion insistent sur son flou, son absence de conceptualisation. Elle n’appartient ni à une école ni à un réel mouvement, et traverse le champ des arts. On insiste aussi sur le fait que le terme peut être employé à tort et à travers. Scarpetta, par exemple, dira que le terme porte à confusion, et que cette dernière est à son comble « dès lors que se parent du terme “postmoderne” tout à la fois des attitudes modernistes, | ||
+ | |||
+ | **Paterson**, | ||
+ | « Pour simplifier les débats, je poserais que si le postmodernisme, | ||
+ | |||
+ | **Robert Vigneault**, | ||
+ | « Ainsi, les essayistes québécois contemporains vivent-ils, dans l’euphorie comme dans l’ambiguïté, | ||
+ | |||
+ | De plus, il me semble que la vitalité de la notion (au Québec du moins) se circonscrit autour des années 1990 et semble même s’être étiolée depuis 2000. Je n’ai pas lu tous les numéros et articles consacrés au sujet (ils sont légions à l’époque), | ||
+ | |||
+ | Il est vrai par ailleurs qu’au Québec, on assiste à une certaine entreprise de « liquidation » du concept dans les années 1990, avec, entre autres, l’article de Marc Chénetier, « Est-il nécessaire d’“expliquer le postmodernisme aux enfants” ? » (1994) et le dossier « La fiction postmoderne » dirigé par Frances Fortier (1993) – dans lequel le terme « fiction » prend un double sens. Chénetier fut ainsi un de ceux qui a souligné l’obsolescence quasi immédiate de la notion (alors même, dit-il, qu’il l’a déjà travaillé), | ||
+ | |||
+ | • On aurait « la conviction que l’objet qu’il tente de cerner [le livre de Hutcheon sur le postmodernisme] a moins de cohérence – jusque dans le détail de ses contradictions – que ne le revendique l’étiquette justificatrice. » (1994 : 15) | ||
+ | |||
+ | • « Peut-être cet ouvrage, de par sa lucidité et sa précision mêmes, entrera-t-il dans l’histoire critique comme le moment principal de l’enterrement d’un concept découvert non-viable à la suite d’un examen attentif des pièces du dossier, loin des ‘‘études’’ de type incantatoire ou prophétique auto-proclamé qui l’ont précédé. » (1994 : 15) | ||
+ | |||
+ | Il faudrait aussi y voir quelque chose de transitoire (ce que ça semble être devenu), appelé ainsi provisoirement, | ||
+ | |||
+ | • « Il n'y a pas de mal à se trouver dans une situation transitoire, | ||
+ | Il est tout de même curieux que, au bout du compte, « contemporain » ait en quelque sorte remplacé le terme, non pas pour caractériser exactement la même chose cependant, mais pour embrasser plus largement les textes actuels. | ||
+ | |||
+ | En France, seul Marc Gontard semble vouloir perpétuer la notion et la travailler en l’associant à une « crise » de la modernité qui prend toute sa plénitude avec la chute du Mur de Berlin et la fin d’un ordre binaire instauré par le modernisme. Par le biais de cette notion, il cherche surtout à « juger de sa pertinence dans le champ romanesque française » (il reprend la même expression tant dans son article de 2001 – voir plus bas – que dans son livre assez récent, Écrire la crise. L’esthétique postmoderne, | ||
+ | |||
+ | === IV. Différentes définitions du postmoderne === | ||
+ | |||
+ | |||
+ | |||
+ | **SCARPETTA, | ||
+ | |||
+ | Dans la dernière partie du dernier chapitre, intitulé « La transe baroque », Scarpetta rapproche le Baroque du postmoderne, | ||
+ | |||
+ | **PATERSON, Janet (1993), Moments postmodernes dans le roman québécois, | ||
+ | |||
+ | Après avoir décrit les différentes définitions du postmoderne, | ||
+ | |||
+ | Dans « Le postmodernisme et la ‘‘pensée migrante’’ au Québec » (2004), Paterson évoque diverses définitions du postmodernisme, | ||
+ | |||
+ | **FORTIER, Frances (1993a) « Liminaire », au dossier « La fiction postmoderne », Tangence, no 39 p.5-7. + (1993b) « Archéologie d’une postmodernité », p. 21-36.** | ||
+ | |||
+ | 2 définition(s) de la postmodernité : | ||
+ | |||
+ | • « La postmodernité repose sur un constat : le dogmatisme des avant-gardes n’opère plus, les codes esthétiques modernes sont déboussolées, | ||
+ | |||
+ | • « Mais la postmodernité peut aussi s’envisager comme une régularité discursive qui traverse tout autant les pratiques esthétiques que le discours critique qui les examine. Auquel cas il faudrait voir si la postmodernité n’est pas un schème d’intelligibilité autorisant l’homogénéisation de l’hétérogène. La ‘’fiction’’ postmoderne apparaîtrait ainsi comme une récupération totalisante qui vise un nouveau découpage du champ littéraire. » (1993 : 5) | ||
+ | |||
+ | Dans son article « Archéologie » : « L’incrédulité fonde la différence : là où la modernité obéit à une stratégie de la tabula rasa et postule une téléologie dont elle serait l’achèvement, | ||
+ | |||
+ | |||
+ | **DION, Robert (1993), « Une critique du postmoderne », Tangence, no 39, p. 89-101.** | ||
+ | |||
+ | « L’incorporation du projet théorique/ | ||
+ | |||
+ | **OUELLET, Pierre (1993), « LE TEMPS D’APRÈS l’histoire et le postmodernisme », Tangence, no 39, p. 112-131.** | ||
+ | |||
+ | Particularité du postmodernisme littéraire (en regard des autres arts) : | ||
+ | « Il en va autrement de la littérature, | ||
+ | |||
+ | 4 définitions du postmoderne : | ||
+ | |||
+ | « L’utilisation des expressions ‘‘postmoderne’’, | ||
+ | |||
+ | 1/ le terme est définit à l’intérieur du discours de la philosophie et, plus particulièrement, | ||
+ | |||
+ | 2/ la large définition donnée par les sciences sociales, autour de phénomènes actuels, soit : a. le post-industriel b. la mondialisation et la multiethnicité c. la fin des idéologies antagonistes et triomphe du libéralisme économique (118) | ||
+ | |||
+ | 3/ conception qui définit « les changements survenus dans les pratiques artistiques vers la fin des années soixante-dix, | ||
+ | |||
+ | 4/ L’usage qui « a présentement cours en littérature et dans la critique comme dans la théorie littéraire, | ||
+ | |||
+ | **CHÉNETIER, | ||
+ | |||
+ | 2 emplois (définitions) du mot « post-modernité » selon Habermas (synthétisés par Chénetier, mais il ne dit pas à quel article ou texte d’Habermas il fait référence (celui de 1981 qui était une défense de la modernité? | ||
+ | |||
+ | 1/ « L'un renvoie à une modernisation sociale et technologique accrue jusqu' | ||
+ | |||
+ | 2/ « l' | ||
+ | |||
+ | **BADIR, Sémir (1999), « Histoire littéraire et postmodernité », dans Jan Baetens et Dominique Viart (dir.), Écritures contemporaines. États du roman contemporain, | ||
+ | |||
+ | Il discute beaucoup du terme et de son utilité pour l’histoire littéraire contemporaine : « Du terme postmodernité, | ||
+ | |||
+ | La démonstration est cependant pointue et je ne retiens ici que ce qui est susceptible de nous intéresser, | ||
+ | |||
+ | « La notion de postmodernité a en effet été trouvée pour résorber l’ambivalence classique de l’histoire. Synonyme de modernité face à la tradition moderne, la postmodernité a pour tâche d’affirmer, | ||
+ | |||
+ | « Bref, le scénario classique prévoyait deux termes, ceux de la tradition et de la nouveauté, ou ceux du classicisme et de la modernité, mais le dévoiement historique du second a suscité l’émergence d’un troisième, constitutif de la dialectique moderne. Il permet à la modernité de régner, de façon absolue, non seulement sur tout ce qui est venu avant elle, et pendant, mais également sur tout ce qui est encore susceptible d’advenir. » (1999 : 250-251) | ||
+ | |||
+ | **GONTARD, Marc (2001), « La postmodernisme en France : définition, | ||
+ | |||
+ | « [La postmodernité] naît de la prise de conscience de la complexité et du désordre dont les prémisses se manifestent dès les débuts du XXe siècle […]. Mais l’exploration du désordre ne devient vraiment systématique que dans les années 1970 […] » : les sciences qui offrent une nouvelle configuration du réel. (2001 : 285) | ||
+ | |||
+ | Défaire l’ordre binaire, idée du chaos et du décentrement : « La pensée postmoderne met donc au premier plan, contre l’idée de centre et de totalité, celle de réseau et de dissémination. Tandis que la modernité affirme un universel (unique par définition) la postmodernité se fonde sur une réalité discontinue, | ||
+ | |||
+ | **Marc Gontard (2013), Écrire la crise. L’esthétique postmoderne, | ||
+ | |||
+ | - « Le postmodernisme n’est ni un genre, ni une école. Toutefois, des constantes apparaissent dans les modes de représentation, | ||
+ | |||
+ | ==== D) Notion d’ « actuel » ==== | ||
+ | |||
+ | Comme telle, dans le discours critique, la notion n’existe pas. Elle a cependant l’avantage de ne pas être chargée sémantiquement et symboliquement. | ||
+ | |||
+ | Je soulignerais toutefois que dans // | ||
+ | « Celui qui appartient véritablement à son temps, le vrai contemporain, | ||
+ | |||
+ | Il semble en effet qu’il y ait deux acceptions théoriques du mot (2 « théorisations ») dont celle-ci qui est en fait une forme d’équivalent du « classique » mais un classique déshistoricisé. | ||
+ | |||
+ | **Daniel-Henri Pageau (2011)** définit le contemporain de la même façon, soit dans une opposition à l’actuel : | ||
+ | |||
+ | « Le contemporain qui m’intéresse ne se confond pas avec l’actuel. Il est d’abord un processus : un texte, une œuvre d’art deviennent contemporains. Doublement contemporain : par sa poétique propre, par ses propres moyens, si l’on peut dire, et par l’action déterminante de la critique. Le contemporain devient alors l’expression d’un rapport, certes, mais entre le temps de l’écriture et le temps de la lecture qui se fait jugement, choix, entre temps de la création et temps de la réception. Et comme il s’agit de temps différents, | ||
+ | |||
+ | « Nous avons appelé nouveau présent cette possibilité, | ||
+ | |||
+ | ==== E) Notion d’ « extrême contemporain » ==== | ||
+ | |||
+ | **CHAILLOU, Michel (1987), « L’extrême-contemporain, | ||
+ | |||
+ | C’est lui qui lance le terme mais il ne le théorise pas du tout. Dans ce court texte, l’auteur assume davantage sa posture de créateur, et c’est en ce sens que l’idée est évoquée. Retenons toutefois quelques idées intéressantes : | ||
+ | |||
+ | - « L’extrême-contemporain? | ||
+ | |||
+ | - « L’extrême-contemporain? | ||
+ | |||
+ | - « L’extrême-contemporain, | ||
+ | |||
+ | - « L’extrême-contemporain? | ||
+ | |||
+ | - « L’extrême-contemporain? | ||
+ | |||
+ | **Viart (2001), « Écrire au présent ».** | ||
+ | |||
+ | • Rappelle que la notion est attribuable à Michel Chaillou qui ne la théorise toutefois pas, mais Viart dit que la notion propose « une sortie du système de pensée dichotomique qui caractérise la modernité » (2001 : 325). | ||
+ | |||
+ | • La notion propose aussi « un nouveau rapport au passé, à l’héritage culturel et à sa reviviscence. » (2001 : 325) | ||
+ | |||
+ | • L’extrême contemporain serait finalement une esthétique, | ||
+ | |||
+ | **Viorel-Dragos Moraru (2009)** explique la notion ainsi : | ||
+ | |||
+ | - 1986 : « En 1986, Michel Chaillou y lance l’idée d’“extrême contemporain”, | ||
+ | |||
+ | - « Plusieurs se réclament de “l’extrême contemporain” (Denis Roche, Chaillou, Michel Deguy, Jacques Roubaud, Florence Delay, Natacha Michel), ils se regroupent en 1989 sous l’égide de la collection “Fiction & cie” et publient en 1990 un recueil, L’Hexaméron, | ||
+ | |||
+ | - « Presque en même temps, Sollers revient à la narration de forme traditionnelle, | ||
+ | |||
+ | ==== F) Notion de « Surmodernité » ==== | ||
+ | |||
+ | Je l’ai retrouvée dans le livre de Gontard (2013), mais c’est un concept qui vient de Marc Augé dans Non-Lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, | ||
+ | |||
+ | 1/ « ‘’L’excès de temps’’, | ||
+ | |||
+ | 2/ « ‘’L’excès d’espace’’ correspond à la fois aux changements d’échelle, | ||
+ | |||
+ | 3/ « L’excès dans la singularisation de ‘’l’ego’’, | ||
+ | |||
+ | |||
+ | |||
+ | ===== II- NOTRE THÈSE, NOTRE MÉTHODE, NOTRE ANGLE D’APPROCHE ===== | ||
« Où j’ai moins voulu, en somme, avoir la prétention de “penser la littérature contemporaine” (ambition toujours suspecte de dogmatisme) que, plus précisément, | « Où j’ai moins voulu, en somme, avoir la prétention de “penser la littérature contemporaine” (ambition toujours suspecte de dogmatisme) que, plus précisément, | ||
Ligne 35: | Ligne 393: | ||
[Je trouve pertinente cette posture de Scarpetta, car il me semble qu’elle rejoint ce que nous-mêmes, | [Je trouve pertinente cette posture de Scarpetta, car il me semble qu’elle rejoint ce que nous-mêmes, | ||
- | I- On s’intéresse ici, d’une part, au discours qui construit la littérature comme contemporaine, | ||
- | II- D’autre part, on se penche sur les œuvres produites dans la période contem¬poraine (pour l’instant : 1980 et après), en France et au Québec, pour repérer certaines mises en œuvre es¬thétiques et poétiques d’un nouvel art narratif (partie II). | + | ---- |
- | → Ruffel signale qu’il faut prendre en compte « un contemporain de la réception tout autant que de la création » (2010b : 14). | + | |
+ | **I- On s’intéresse ici, d’une part, au discours qui construit la littérature comme contemporaine, | ||
+ | |||
+ | II- D’autre part, on se penche sur les œuvres produites dans la période contem¬poraine (pour l’instant : 1980 et après), en France et au Québec, pour repérer certaines mises en œuvre es¬thétiques et poétiques d’un nouvel art narratif (partie II).** | ||
+ | |||
+ | Notes de lectures : | ||
+ | |||
+ | → Ruffel signale qu’il faut prendre en compte « un contemporain de la réception tout autant que de la création » (2010a : 14). | ||
→ Samir Badir estime que notre contemporain est pensé sous deux « grandes figures » qui ne seraient que des « préjugés historiques » : répétition et régression (les « retours » et la « fin des avant-gardes », par exemple) : « Or, ces figures marquent l’échec à saisir la spécificité du contemporain, | → Samir Badir estime que notre contemporain est pensé sous deux « grandes figures » qui ne seraient que des « préjugés historiques » : répétition et régression (les « retours » et la « fin des avant-gardes », par exemple) : « Or, ces figures marquent l’échec à saisir la spécificité du contemporain, | ||
==== Notre thèse (concentration autour du narratif) : ==== | ==== Notre thèse (concentration autour du narratif) : ==== | ||
- | |||
Partant du présupposé que ce qu’il y a de contemporain est autant dans le discours que dans les œuvres, il s’agira de montrer comment le narratif balise fortement la littérature contemporaine, | Partant du présupposé que ce qu’il y a de contemporain est autant dans le discours que dans les œuvres, il s’agira de montrer comment le narratif balise fortement la littérature contemporaine, | ||
Ligne 52: | Ligne 415: | ||
Certains postulats guideront la réflexion : | Certains postulats guideront la réflexion : | ||
- | 1ère partie : Il nous semble que c’est par une autre voie que celle du discours sur la postmodernité que le discours critique cherche à établir cette spécificité du narratif contemporain | + | 1ère partie : Il nous semble que c’est par une autre voie que celle du discours sur la postmodernité que le discours critique cherche à établir cette spécificité du narratif contemporain |
2e partie : Qu’il y a un maillage singulier du narratif et de la littérature contemporaine et que cela se traduit par certains usages contemporains du narratif – et vice-versa : certains usages contemporains du narratif traduisent un maillage singulier du narratif et de la littérature contemporaine. | 2e partie : Qu’il y a un maillage singulier du narratif et de la littérature contemporaine et que cela se traduit par certains usages contemporains du narratif – et vice-versa : certains usages contemporains du narratif traduisent un maillage singulier du narratif et de la littérature contemporaine. | ||
==== Notre méthode : ==== | ==== Notre méthode : ==== | ||
- | Afin d’envisager comment le contemporain s’est construit, nous avons choisi de privilégier une posture métacritique. On s’intéresse ici, dans un premier temps, au discours qui construit la littérature narrative comme contemporaine, | + | Afin d’envisager comment le contemporain s’est construit, nous avons choisi de privilégier une posture métacritique. On s’intéresse ici, dans un premier temps, au discours qui construit la littérature narrative comme contemporaine, |
- | [À discuter :] Dans cette optique, nous pour¬sui¬vons deux objectifs (sous-jacents), | + | Dans cette optique, nous pour¬sui¬vons deux objectifs (sous-jacents), |
1) Questionner les mécanismes de valorisation qui ont cours au sein des diverses instances institutionnelles en identifiant les balises, les caractéristiques, | 1) Questionner les mécanismes de valorisation qui ont cours au sein des diverses instances institutionnelles en identifiant les balises, les caractéristiques, | ||
Ligne 67: | Ligne 430: | ||
* Ainsi, la « valeur », c’est ce qui permet de comprendre la structuration du champ sous le rapport de l’esthétique : (1) qu’est-ce qui est valorisé, qu’est-ce qui échappe dans le discours critique et en constitue la marge ? (2) Qu’est-ce qui est valorisé, qu’est-ce qui échappe dans la démarche esthétique des auteurs contemporains ? En contrepartie, | * Ainsi, la « valeur », c’est ce qui permet de comprendre la structuration du champ sous le rapport de l’esthétique : (1) qu’est-ce qui est valorisé, qu’est-ce qui échappe dans le discours critique et en constitue la marge ? (2) Qu’est-ce qui est valorisé, qu’est-ce qui échappe dans la démarche esthétique des auteurs contemporains ? En contrepartie, | ||
- | → La confrontation sera donc discursive dans la première partie et mobilisera les œuvres dans la seconde partie. Deux précisions sont toutefois à apporter en ce qui a trait à notre façon d’envisager le con¬tem¬porain | + | → La confrontation sera donc discursive dans la première partie et mobilisera les œuvres dans la seconde partie, en plus de construire notre propre lecture du contemporain (par le truchement de nouveaux « vocables ») |
+ | |||
+ | 2 précisions sont toutefois à apporter en ce qui a trait à notre façon d’envisager le con¬tem-porain | ||
=== A. Choix du corpus : le discours sur le contemporain en France et au Québec === | === A. Choix du corpus : le discours sur le contemporain en France et au Québec === | ||
Ligne 76: | Ligne 441: | ||
Nous justifions la pertinence de ce regard croisé sur la base, bien sûr, de la langue commune, mais surtout sur celle d’une communauté de pensée, du point de vue des discours, des idéologies qui se développent tantôt en parallèle, tantôt en dialogue. | Nous justifions la pertinence de ce regard croisé sur la base, bien sûr, de la langue commune, mais surtout sur celle d’une communauté de pensée, du point de vue des discours, des idéologies qui se développent tantôt en parallèle, tantôt en dialogue. | ||
- | → Cette dimension sera par ailleurs à interroger : la modernité au Québec s’est-elle | + | → Cette dimension sera par ailleurs à interroger : la modernité au Québec s’est-elle |
Nous proposons ainsi que, par la circulation universitaire, | Nous proposons ainsi que, par la circulation universitaire, | ||
Ligne 84: | Ligne 449: | ||
Il ne s’agit pas ici d’une démarche strictement comparatiste, | Il ne s’agit pas ici d’une démarche strictement comparatiste, | ||
- | Dans le même ordre d’idées, il s’agit également d’aller chercher des points de vue plus originaux, qui permettent de « traverser » les deux territoires, | + | Dans le même ordre d’idées, il s’agit également d’aller chercher des points de vue plus originaux, qui permettent de « traverser » les deux territoires, |
=== B. Notre angle d’approche du contemporain : le narratif === | === B. Notre angle d’approche du contemporain : le narratif === | ||
Ligne 91: | Ligne 456: | ||
- une zone d’interaction à examiner, d’abord et avant tout, dans ses traces discursives : quels discours critiques sur ces pratiques ? (partie I) | - une zone d’interaction à examiner, d’abord et avant tout, dans ses traces discursives : quels discours critiques sur ces pratiques ? (partie I) | ||
+ | |||
- une zone d’interaction à examiner dans ses manifestations littéraires : quelles pratiques, quelles oeuvres modelées par la rencontre de la narrativité et du contemporain ? (partie II) | - une zone d’interaction à examiner dans ses manifestations littéraires : quelles pratiques, quelles oeuvres modelées par la rencontre de la narrativité et du contemporain ? (partie II) | ||
* Nous posons ainsi comme hypothèse que le contexte contemporain favorise net¬te¬ment la mise en contact (et la contamination) des pratiques narratives et des discours théo¬riques en France et au Québec, mais qu’il ne laisse pas moins jaillir des sensibilités et des intérêts singuliers dont témoignent les oeuvres et les discours dans leurs traits et leurs obsessions. | * Nous posons ainsi comme hypothèse que le contexte contemporain favorise net¬te¬ment la mise en contact (et la contamination) des pratiques narratives et des discours théo¬riques en France et au Québec, mais qu’il ne laisse pas moins jaillir des sensibilités et des intérêts singuliers dont témoignent les oeuvres et les discours dans leurs traits et leurs obsessions. | ||
- | ** Qu’est-ce qui jaillira de l’étude de cette zone d’interaction, | + | * Qu’est-ce qui jaillira de l’étude de cette zone d’interaction, |
→ Il s’agira ici de faire des observations liées à cette zone d' | → Il s’agira ici de faire des observations liées à cette zone d' | ||
- | Présentation des deux parties de l’ouvrage : | + | |
+ | ==== Présentation des deux parties de l’ouvrage : ==== | ||
=== Partie I : Radiographie des paradigmes des discours sur le narratif contemporain === | === Partie I : Radiographie des paradigmes des discours sur le narratif contemporain === | ||
- | |||
- | Dans l’ensemble de cette partie, il s’agira de relire les principaux consensus du discours critique sur la production contemporaine, | + | Dans l’ensemble de cette partie, il s’agira de relire les principaux consensus du discours critique sur la production contemporaine, |
- | Dans cette perspective, | + | Dans cette perspective, |
La première partie sera en somme plus une étude des mouvements de transformation (dyna¬mique de changement) que de leurs résultantes. Le postulat sera que le discours met en place des vecteurs de changement autour de certains pôles ; nous nous concentrerons pour notre part sur le narratif contemporain, | La première partie sera en somme plus une étude des mouvements de transformation (dyna¬mique de changement) que de leurs résultantes. Le postulat sera que le discours met en place des vecteurs de changement autour de certains pôles ; nous nous concentrerons pour notre part sur le narratif contemporain, | ||
- | == Objectif(s) : == | + | **Objectif(s) |
Simultanément : | Simultanément : | ||
- | - faire émerger les caractéristiques par lesquelles le discours critique pense le narratif | + | |
+ | - faire émerger les caractéristiques par lesquelles le discours critique pense le narratif | ||
- mettre en perspective les caractéristiques du narratif contemporain qui dominent dans les discours critiques sur le contemporain. | - mettre en perspective les caractéristiques du narratif contemporain qui dominent dans les discours critiques sur le contemporain. | ||
Ce qui revient, notamment, à mettre en relief : | Ce qui revient, notamment, à mettre en relief : | ||
+ | |||
- les manifestations [critiques ?] côté France, côté Québec. | - les manifestations [critiques ?] côté France, côté Québec. | ||
+ | |||
- les zones de recoupement et les zones de singularités (points aveugles, apories, frictions) | - les zones de recoupement et les zones de singularités (points aveugles, apories, frictions) | ||
+ | |||
- les éléments caractérisés positivement, | - les éléments caractérisés positivement, | ||
+ | |||
- les concepts que l’on retrouve dans les deux discours, mais qui ne caractérisent pas, de part et d’autre, les mêmes phénomènes ; et, inversement, | - les concepts que l’on retrouve dans les deux discours, mais qui ne caractérisent pas, de part et d’autre, les mêmes phénomènes ; et, inversement, | ||
+ | |||
- les éléments oubliés ou négligés | - les éléments oubliés ou négligés | ||
+ | |||
- les œuvres et les auteurs d’obsession | - les œuvres et les auteurs d’obsession | ||
- | → Et à remettre en question l’idée d’homogénéité et de représentativité du corpus privilégiée par les critiques (fixation sur certains auteurs, oubli de certains autres) en ayant recours à une ap¬proche | + | → Et à remettre en question l’idée d’homogénéité et de représentativité du corpus privilégiée par les critiques (fixation sur certains auteurs, oubli de certains autres) en ayant recours à une ap-proche |
=== Partie II : Raconter aujourd’hui : poétiques et esthétiques === | === Partie II : Raconter aujourd’hui : poétiques et esthétiques === | ||
+ | Les idées défendues dans la deuxième partie sont en conjonction avec les éléments présentés dans la première. | ||
+ | |||
+ | **Objectif(s) de la 2e partie :** | ||
+ | |||
+ | 1- une certaine originalité des points de vue qui puisse mettre en relief, comme dans la première partie, les points de saisie et de diffraction, | ||
+ | |||
+ | 2- une mise en relief des grands courants, thèmes, motifs (etc.) qui traversent la littérature narrative contemporaine française et québécoise. | ||
- | Les idées défendues dans la deuxième partie sont en conjonction avec les éléments présentés dans la première. | ||
===== III- LE « DÉBUT » ET LA « FIN » DU CONTEMPORAIN (notre champ d’investigation)===== | ===== III- LE « DÉBUT » ET LA « FIN » DU CONTEMPORAIN (notre champ d’investigation)===== | ||
+ | « Le classicisme paraît interdit dans un monde où la réalité est si déstabilisée qu’elle ne donne pas matière à expérience, | ||
+ | |||
+ | ---- | ||
+ | |||
+ | |||
+ | S’il nous a fallu, en ouverture, départager les concepts et les notions, nous ne saurions toutefois ouvrir cet ouvrage par un exercice de définition trop étroit de notre objet puisque notre propos est justement de saisir le « contemporain », de voir par quoi et comment il se construit. Pour l’instant, | ||
+ | |||
+ | Note : Lionel Ruffel parle du « caractère relativiste » de la vision contemporaine (ses « limites »), construite à partir soit d’un événement historique soit d’un chef-d’œuvre marquant, ce sur quoi chacun aura une opinion différentes pour diverses raisons. Ruffel de conclure : « Bref, ceux qui répondent à la question “Quand commence le contemporain? | ||
+ | |||
+ | Sur un plan pratique, on peut soutenir que le « contemporain » qui débute en 1980 est un phénomène mondial : « L’ère contemporaine débute plus ou moins en 1980, selon la société, et pour différentes raisons, mais dont certaines sont globales, mondialisation oblige : la dépression économique de 1981-1982, le vieillissement de la population, la dénatalité des sociétés occidentales, | ||
+ | |||
+ | Il y a en tout cas une modification de la perception, au fil du temps, de ce qui appartient au contemporain et au moderne. À ce sujet, l’article d’Yvan Lamonde (2004) s’achève sur une mise en relation de la définition du contemporain à l’époque du colloque de 1985 et celle qui prévaut deux décennies plus tard : il constate que le contemporain a changé d’objet pendant cette période, puisque les deux grands événements de référence du contemporain qu’étaient le Refus global et la Révolution tranquille ont basculé dans le temps et sont désormais traités comme des événements du passé. É. Nardout-Lafarge (2004) évoque pour sa part le fait que, depuis les années 1980, la tradition contre laquelle s’érigeait la modernité a perdu sa force de repoussoir et qu’on entreprend maintenant de réévaluer cette tradition, en cherchant des traces de modernité avant les années 1960. | ||
+ | |||
==== Le début du contemporain au Québec ==== | ==== Le début du contemporain au Québec ==== | ||
+ | |||
+ | === GREIF, Hans-Jürgen et François OUELLET (2004), La littérature québécoise 1960-2000, Québec, L’instant même (Connaître, | ||
+ | |||
+ | Deux dates sont essentielles : 1960 et 1980. Pour résumer simplement : 1960 marque d’une part l’avènement de la modernité au Québec (modernité essentiellement introduite par des grandes figures, dont spécialement Anne Hébert, Gérard Bessette et Hubert Aquin), tandis que les années 1980 marquent pour leur part le début du « contemporain ». | ||
+ | C’est du moins ce que semblent proposer la plupart des critiques, dont, entre autres, Hans-Jürgen Greif et François Ouellet : | ||
+ | |||
+ | 1960 : « Si on considère que la littérature dite “moderne” prend naissance vers 1960 au Québec, c’est parce que cette date marque l’avènement de la “poésie du pays”, caractérisée par l’affirmation, | ||
+ | |||
+ | 1980 : « Les années 1970 consacrent de nouveaux écrivains, tandis que la fin de la décennie marque le retour du lyrisme et l’essoufflement de l’engagement politique. La défaite référendaire, | ||
+ | |||
+ | === DOLQ et Histoire du Québec contemporain : === | ||
+ | |||
+ | D’instinct, | ||
+ | Le DOLQ insiste très légèrement sur le référendum de 1980. Le vocabulaire employé par les auteurs de l’Histoire du Québec contemporain (1989) est, quant à lui, sans équivoque : 1980 marque le début d’une nouvelle période dans l’histoire du Québec. Le passage de l’époque précédente à celle-ci n’est pas attribué à la seule défaite du oui au référendum de 1980, mais à d’autres facteurs qui seraient probablement plus symptomatiques du début du contemporain. On pense ici à la dépression économique de 1981-1982, à la remise en question de l’État-providence et à une certaine rupture idéologique qui « tient à divers facteurs, parmi lesquels la récession économique de 1981-1982 et le vieillissement de la génération du baby boom jouent sans doute un rôle important. » (1989 : 687) | ||
+ | Il me semble alors qu’on peut faire débuter la période contemporaine en 1980 au Québec, en raison notamment de la remise en question des acquis de la Révolution tranquille, du désabusement collectif résultant de la défaite du oui au référendum de 1980, de la prise de conscience de la diversité ethnique de la société, etc., mais aussi à cause de phénomènes plus globaux, à saveur internationale. | ||
+ | [source : rapport de recherche de PLL : http:// | ||
+ | |||
+ | |||
+ | === Anne Caumartin et Martine-Emmanuelle Lapointe (2004), « Présentation », dans Caumartin et Lapointe (dir.), Parcours de l’essai québécois, | ||
+ | |||
+ | Sur la frontière de 1980 : André Belleau, dans Surprendre les voix (1986), « confère à l’année 1980 une valeur symbolique en évoquant les suites du Référendum, | ||
+ | |||
+ | === Étienne Beaulieu (2004), « Disparition de la disparition dans l’œuvre de Pierre Vadeboncoeur », p.113-126. Dans Caumartin et Lapointe. === | ||
+ | |||
+ | Frontière des années 1960 et 1980 : « Depuis 1980… Difficile de ne pas appréhender une mythification prochaine de cette date – après celle de 1960… Comme si à ce jour précis l’événement et la structure avaient fait basculer l’histoire dans une nouvelle séquence, différente de celle qui la précède, en rupture avec elle… Comme si l’histoire, | ||
+ | |||
+ | === LaRUE, Monique (1996), L’arpenteur et le navigateur, Montréal, Fides/ | ||
+ | |||
+ | |||
+ | Une remarque de Larue me donne à penser que le « contemporain », tel que nous l’entendons, | ||
+ | « Notre littérature a jusqu’à maintenant été l’expression d’un monde commun, d’une expérience commune et relativement homogène, et nous ne nous sommes pas souvent demandé ce qu’était un écrivain québécois. Si, politiquement, | ||
+ | – Cela viendrait aussi cautionner en partie l’idée que la littérature contemporaine est difficile à définir, traversée par différents courants. | ||
+ | |||
+ | === Martine-Emmanuelle Lapointe (2013), « Construction et déconstruction d'une borne temporelle. L' | ||
+ | |||
+ | Borne de 1980 : « À la lumière de ces observations, | ||
+ | |||
+ | « L’année 1980 est forcément devenue une borne temporelle dans l’histoire québécoise parce qu’elle fut celle du premier référendum sur la souveraineté, | ||
+ | |||
+ | Cependant…. : « Dans la perspective d’une mise en récit de la culture québécoise, | ||
==== Le début du contemporain en France ==== | ==== Le début du contemporain en France ==== | ||
+ | |||
+ | === VIART, Dominique VIART (2001), « Écrire au présent : l’esthétique contemporaine », dans Michèle Touret et Francine Dugast-Portes (dir.), […] p. 317-336. === | ||
+ | |||
+ | La frontière de 1980 : | ||
+ | |||
+ | • « C’est ainsi que le début des années 80 – bien des observateurs s’accordent à le constater – a manifesté une prise de distance envers les écritures expérimentales dominantes des deux décennies précédentes. » (2001 : 319) | ||
+ | |||
+ | • Viart élit 1984 comme année symbolique. 2 événements : 1. Arrêt en 1983 de la publication de Tel Quel, emblématique d’une certaine avant-garde. 2. Parution, en 1984, des Modernes de Jean-Paul Aron, « véritable pamphlet contre les travers de ces avant-gardes » (2001 : 320) ; puis, de 1982 à 1986, plusieurs parutions significatives en lien avec les nouvelles esthétiques : « Toutes ces œuvres soit marquent une nouvelle forme d’écriture chez des écrivains confirmés, soit font advenir sur la scène littéraire des écrivains nouveaux, différents, | ||
+ | |||
+ | • 1986-87 = 2 publications qui, selon Viart, constituent « une véritable tentative pour penser le contemporain, | ||
+ | |||
+ | === MORARU, Viorel-Dragos (2009), « La littérature face à la mondialisation », dans Audet (dir.), Enjeux du contemporain, | ||
+ | |||
+ | |||
+ | Caractéristiques du contemporain en France (autour de 1980) : | ||
+ | |||
+ | - 1976 : Foucault annonce déjà la disparition du grand écrivain (« Vers 1980, la mort d’une période semble encore plus sûre. », p. 228) | ||
+ | |||
+ | - 1980 : Constat sévère de Pierre Nora dans Débat : « les modèles intellectuels des décennies antérieures sont dépassés et n’ont rien à dire au nouveau public. » (la formulation est de Moraru, p. 228; référence : « Que pensent les intellectuels? | ||
+ | |||
+ | - 1980 : Philippe Sollers déclare : « C’est devenu académique, | ||
+ | |||
+ | - 1982 : Fin de Tel Quel en 1982, mais début de la parution de L’Infini chez Denoël, puis chez Gallimard. « Ce titre, qui a une résonnance métaphysique, | ||
+ | |||
+ | - 1982 : colloque à New York de « nouveaux romanciers », dont plusieurs dénoncent le « terrorisme » de Jean Ricardou et réclament le droit à la représentation. | ||
+ | |||
+ | - « Les choses se muent en même temps en poésie, surtout à partir de la fondation par Miche Deguy de la revue Po&sie en 1977. » (228) | ||
+ | |||
+ | === GONTARD, Marc (2001), « La postmodernisme en France : définition, | ||
+ | |||
+ | |||
+ | Événements qui jalonnent l’avènement du postmodernisme en France : | ||
+ | |||
+ | D’abord du côté des arts plastiques : | ||
+ | |||
+ | 1980 : Biennale de Venise – présentation des travaux de la transavangarde (architecture et peinture). | ||
+ | |||
+ | 1981 : Catherine Millet organise l’exposition Baroques 81 « où les œuvres sélectionnées se caractérisent par les effets kitsch et le métissage des formes » (2001 : 292) | ||
+ | |||
+ | 1985 : JF Lyotard organise l’exposition Les Immatérieux au Centre Pompidou – sur les nouvelles technologies de la création plastique. | ||
+ | Ensuite dans le domaine littéraire : | ||
+ | |||
+ | 1981 : suite à la Biennale de Venise, Jürgen Habermas publie un article dans Critique qui se veut une défense de la modernité | ||
+ | |||
+ | 1982 : réaction de Lyotard à l’article d’Habermas, | ||
+ | |||
+ | 1984 : suite à cette querelle, article dans Critique de l’américain Richard Rorty : « Habermas, Lyotard et la Postmodernité » | ||
+ | |||
+ | 1988 : Suite de la querelle avec un livre pamphlet d’Henri Meschonnic, Modernité, modernité. + les Cahiers de Philosophie publie un numéro spécial « Postmoderne : les termes d’un usage » | ||
+ | 1989 : Chute du Mur de Berlin – « plonge l’Europe dans le chaos des conflits ethniques à l’impossible arbitrage » (292) | ||
+ | |||
+ | 1990 : Christian Ruby publie une synthèse : Le Champ de bataille. Post-moderne/ | ||
+ | |||
+ | 1992 : Alain Touraine publie Une critique de la modernité | ||
+ | |||
+ | Etc. – Autres publications critiques. | ||
+ | |||
+ | |||
===== IV- MISE EN CONTEXTE INSTITUTIONNELLE ET SOCIO-ÉDITORIALE ===== | ===== IV- MISE EN CONTEXTE INSTITUTIONNELLE ET SOCIO-ÉDITORIALE ===== | ||
+ | __Ligne directrice :__ Cette partie sera l’occasion d’une brève mise en contexte, c’est-à-dire de donner des repères pour tous les publics visés, d’établir les faits et de faire la petite histoire de… Dire par quoi le contemporain se caractérise, | ||
==== Socio-éditorial (Québec) ==== | ==== Socio-éditorial (Québec) ==== | ||
+ | |||
+ | __Principales sources :__ | ||
+ | |||
+ | • Jacques Michon (dir.) (2010), Histoire de l’édition littéraire au Québec au XXe siècle, Volume 3 : La bataille du livre 1960-2000, Montréal, Fides. | ||
+ | |||
+ | • Recherche sur les événements littéraires québécois par PLL http:// | ||
+ | |||
+ | • Recherche sur les événements littéraires par Daniel Letendre : http:// | ||
+ | |||
+ | Note : l’entrée dans le « contemporain » pour le Québec, c’est surtout la mise en place d’une véritable institution littéraire québécoise, | ||
+ | |||
+ | === Événements historiques : === | ||
+ | |||
+ | * 1980 : Échec référendaire | ||
+ | * 1990 : Accord du lac Meech | ||
+ | * 1992 : Création du Conseil des Arts du Québec | ||
+ | |||
+ | === Personnages marquants : === | ||
+ | |||
+ | * 1981 : Décès de Marie Uguay | ||
+ | * 1982 : Décès de Félix-Antoine Savard | ||
+ | * 1983 : Décès de Gabrielle Roy - d'Yves Thériault et de Gatien Lapointe | ||
+ | * 1985 : Décès de Jacques Ferron | ||
+ | * 1986 : Décès d’André Belleau | ||
+ | * 1988 : Décès de Félix Leclerc | ||
+ | * 1992 : Décès de Roger Lemelin | ||
+ | * 1996 : Funérailles nationales de Gaston Miron | ||
+ | * 2000 : Décès d’Anne Hébert | ||
+ | |||
+ | === Événements éditoriaux : === | ||
+ | |||
+ | [[1980]] : | ||
+ | |||
+ | • Création de la Société de gestion des droits d’auteurs. Cette société percevra au nom des auteurs les sommes qui leur sont dues pour ensuite leur verser. Cet intermédiaire entre les auteurs et les maisons d’édition assurera une plus grande régularité dans le versement des droits d’auteurs et la diminution des « oublis » de paiement de la part des maisons d’édition. | ||
+ | |||
+ | • Création, | ||
+ | |||
+ | [[1981]] : | ||
+ | |||
+ | • Adoption et mise en vigueur de la « Loi 51 sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre ». Cette loi remplace la Loi sur l’agrément des libraires. Après une longue réflexion et de nombreuses commissions parlementaires (débat débuté au début de l’année 1979), l’Assemblée nationale du Québec a adopté une loi qui balise à la fois le milieu de l’édition et celui des librairies. Par exemple, la loi stipule que, pour être agréée et ainsi recevoir une aide du gouvernement, | ||
+ | |||
+ | 1980-1990 : Changement important du marché du livre dans les années 1980 et 1990, notamment avec l’augmentation de l’offre : « Toutes catégories confondues, 80 % des titres nouveaux publiés au Québec de 1960 à 2000 le seront après 1980. » (2010 : 16-17) C’est dans les années 1990 que le roman québécois connaît « sa plus forte croissance, passant de 240 titres publiés en 1990 à près de 500 titres en 2002 [D’après les statistiques de l’édition de la Bibliothèque Nationale du Québec]. » (Michon, 2010 : 137) | ||
+ | |||
+ | Note : je m’en suis tenue ici aux événements qui créent une conjoncture particulière au tournant de 1980. Pour avoir des listes de divers événements littéraires et éditoriaux, | ||
+ | http:// | ||
+ | |||
+ | === Évènements littéraires : === | ||
+ | |||
+ | * 1977 : Création de l’Union des écrivains du Québec | ||
+ | |||
+ | === Publications marquantes : === | ||
+ | |||
+ | |||
+ | [[1983]] : Laura Laur de Suzanne Jacob Maryse de Francine Noël | ||
+ | |||
+ | [[1984]] : Volkswagen Blues de Jacques Poulin | ||
+ | |||
+ | [[1986]] : Une histoire américaine de Jacques Godbout Le premier jardin d’Anne Hébert | ||
+ | |||
+ | [[1987]] : Le désert mauve de Nicole Brossard | ||
+ | |||
+ | [[1989]] : La Rage de Louis Hamelin Copies conformes de Monique LaRue | ||
+ | |||
+ | [[1991]] : Le bruit des choses vivantes d’Élise Turcotte | ||
+ | |||
+ | [[1998]] : La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaetan Soucy | ||
+ | |||
+ | Note : il est difficile d’établir une liste d’œuvres « marquantes » au-delà du début des années 1990, car c’est avant tout cette décennie qui a été théorisée et étudiée comme « contemporaine ». Peu ou pas d’ouvrages vont au-delà de 1995 et je n’ai retenu ici que des ouvrages pour lesquels il semble y avoir un véritable consensus de la critique. | ||
+ | |||
+ | |||
==== Socio-éditorial (France) ==== | ==== Socio-éditorial (France) ==== | ||
+ | |||
+ | __Principales sources :__ | ||
+ | |||
+ | • OLIVIER BESSARD-BANQUY (2009), La vie du livre contemporain. Étude sur l’édition littéraire 1975-2005, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux et Du Lérot | ||
+ | |||
+ | • BLANCKEMAN, | ||
+ | |||
+ | • Synthèse - État du discours critique français (notes de lecture) : http:// | ||
+ | |||
+ | • Repérage des événements littéraires français par Viviane Asselin : http:// | ||
+ | |||
+ | === Événements historiques : === | ||
+ | |||
+ | - 1989 : Chute du Mur de Berlin | ||
+ | |||
+ | - Fin du communisme, symbolisé par les « statues déboulonnées » de Moscou | ||
+ | Personnages marquants : | ||
+ | |||
+ | • 1975, année qui débute l’étude de Bessard-Banquy, | ||
+ | - L’émission Apostrophes de Bernard Pivot « qui bouleverse totalement le mode de promotion des ouvrages et supplante la prescription par voie de presse écrite » ; Selon Henri Raczymow, la mort de la littérature s’est faite autour de l’année 90, quand Pivot a démissionné du « dernier salon littéraire », son émission Apostrophes (1994). | ||
+ | - Le décès de Gaston Gallimard, « figure légendaire de l’édition des lettres, à qui l’on doit la publication des plus grands auteurs du XXe siècle ». Coïncidence des événements selon l’auteur mais qui, avec le recul, donne une force symbolique à cette année (Bessard-Banquy, | ||
+ | |||
+ | - 1980 : Mort de Jean-Paul Sartre. Raczymow voit aussi la mort de la littérature avec le décès de Sartre : « Pour nous, aujourd’hui, | ||
+ | |||
+ | - Années 1980 : Décès de plusieurs figures intellectuelle importante : « Dans les années 1980, Malraux, Sartre et Aragon meurent ; de même des théoriciens français au renom international, | ||
+ | |||
+ | - Jérôme Lindon, à la tête des Éditions de Minuit pendant les années 1980-1990 « est celui qui a rendu la vie de la petite édition possible dans la France des années 1980-1990. Son combat […] [a été] un combat pour la diversité de la librairie de création, pour que les plus enthousiastes, | ||
+ | |||
+ | === Événements éditoriaux : === | ||
+ | |||
+ | - Années 1980 : Démocratisation de la littérature. Par ex : La publication de la série de Régine Deforges inspirée du roman Autant en emporte le vent - Record de vente, mais en plus augmentation des ventes au fur et à mesure que paraissent les nouveaux tomes. Le tome trois, Le Diable en rit encore, bat le record de mise en place (354 000 exemplaires) et est épuisé en une journée : « C’est le record de vente toute catégorie dans l’édition française en un temps si court. » (Bessard-Banquy, | ||
+ | |||
+ | - 1984 : Succès populaire et institutionnel de L’Amant de Marguerite Duras, couronné par le Goncourt. « Pour Lindon, la victoire est bien moins commerciale que tactique ou stratégique. Car la réussite de L’Amant signe la réussite de tout un système éditorial, c’est la preuve que la politique de rigueur, le choix de la publication limitée à quelques titres par an, le souci de défendre chaque livre mis sur le marché finissent par payer. C’est la récompense tardive mais pleine et entière du pari sur le long terme. » (Bessard-Banquy, | ||
+ | |||
+ | - À partir de 1990, en France, il y a une certaine hégémonie de la forme romanesque (comme au Québec) : Chaque année à la rentrée littéraire sortent quelques 600 titres, pour la plupart des romans, en France. Jamais le roman n’aura été si « hégémonique » dans le paysage littéraire (Rabaté, 2007 : 10). | ||
+ | |||
+ | - Milieu des années 1990 : déclin de la publication de la littérature de création par l’arrêt des publications de collections qui s’y rattachent. « L’époque n’est plus au soutien de la création, au mécénat poétique. Partout les poches de pertes sont assainies; les directeurs financiers, les contrôleurs de gestion ne voient pas pourquoi maintenir sous perfusion une littérature de recherche dont le public est toujours moins nombreux. Désormais, pour un auteur soucieux d’écrire une littérature de création destinée par nature à un public restreint, il ne reste plus que les célèbres Éditions de Minuit, sinon POL, au cœur de l’édition parisienne. Pour ceux qui ne parviennent pas à trouver asile au cœur de ces deux sanctuaires de la publication de prestige, le salut ne peut passer que par la publication en régions, avec parfois tous les honneurs, mais sans grands moyens. Ce nouveau manque de visibilité de la littérature de recherche renforce évidemment l’idée que la littérature entière n’est plus que marketing et fabrication. » (Bessard-Banquy, | ||
+ | |||
+ | - Fin des années 1990 : les éditeurs réalisent que la rentrée n’est pas le meilleur moment pour lancer les auteurs et certains ouvrages. L’édition se réorganise; | ||
+ | |||
+ | - Il y a, fin 1990 - début 2000, une judiciarisation de l’édition : « Désormais, le bon éditeur n’est pas seulement celui qui sait trouver les meilleurs idées de livres et les mettre en œuvre au mieux, c’est aussi celui qui sait éviter autant que possible les tribunaux sans affadir son programme éditorial. » (Bessard-Banquy, | ||
+ | |||
+ | === Évènements littéraires : === | ||
+ | |||
+ | - Vers 1980 l’historiographie « s’infléchit du scientifique vers le littéraire » - elle aussi aurait connu un retour au récit. (Demartini, 2007 : 80-81) La littérature, | ||
+ | |||
+ | - 1982-1983 : La fin du mouvement avant-garde qui voit sa fin en 1982 avec la fin de la revue Tel Quel. En 1983, la décision d’arrêter la publication de Tel Quel coïncide, sur un plan général, avec la crise des idéologies, | ||
+ | |||
+ | - En 1984, plusieurs publications marquantes concernant la biographie : Vies minuscules de Michon, Tablettes de buis d’Avitia Apronenia de Quignard. Dans la domaine de la critique, La Biographie | ||
+ | |||
+ | - les années 80-85 sont citées comme moment du tournant intellectuel : mort des maîtres à penser de la modernité, arrêt de Tel Quel, conversion des néo-romanciers à l’autobiographie (Sarraute, Robbe-Grillet, | ||
+ | |||
+ | - Au delà des années 90, il faut souligner le retour aux romans de génération sur fond d’Histoire ou de chronique, et le récit subjectif, intimiste, centré sur une expérience intérieure avec une dimension de parabole poétique (par exemple chez Millet ou Michon). « Le réel revient avec le sujet, à travers un retour aux sources, aux origines terrines, à tous les enracinements par le terroir ou la famille » (Modiano, Le Clézio) (Gosselin-Noat, | ||
+ | |||
+ | - Fin des années 1990, début 2000 : déclin des prix traditionnels, | ||
+ | |||
+ | === Publications marquantes : === | ||
+ | |||
+ | 1975 : Publication de Roland Barthes par Roland Barthes ; signerait le retour d'une littérature transitive (Viart, 2001) et d'un renouvellement de l' | ||
+ | |||
+ | 1977 : Publication de Fils (Doubrovsky) et de La mort propagande (H. Guibert) ; ils témoignent du renouvellement des écritures autobiographiques (autofiction…) et, plus généralement, | ||
+ | |||
+ | 1978 : Publication de La vie mode d’emploi de Perec – « De fait, La vie mode d’emploi apparaît à coup sûr comme un ouvrage de premier ordre, dans la chronologie du roman mais aussi de l’édition littéraire. On le sait aujourd’hui, | ||
+ | |||
+ | 1979 : Parution de l’ouvrage de Lyotard : La condition postmoderne: | ||
+ | |||
+ | 1979 : Premiers romans d' | ||
+ | |||
+ | 1984 : Goncourt pour Duras, L’amant [canonisation de l' | ||
+ | |||
+ | 1984 : Parution des Vies minuscules de Pierre Michon, « aujourd’hui reconnu comme le grand livre des années 1980 » (Bessard-Banquy, | ||
+ | |||
+ | 1992 : Goncourt pour Chamoiseau, Texaco [autonomisation des littératures francophones selon Salgas, 2002]. Publication de l' | ||
+ | |||
+ | 1998 : Publication des Particules élémentaires (Houellebecq) et L' | ||
+ | |||
===== Question de la valeur (pour la conclusion de l' | ===== Question de la valeur (pour la conclusion de l' | ||
+ | |||
+ | **Sémir Badir**, dans « Histoire littéraire et postmodernité » (1999) interroge l’idée de contemporain dans une perspective historienne. Il pose d’emblée la question Qu’est-ce que l’histoire de la littérature contemporaine ? et offre une première définition du contemporain : « On peut considérer […] que le contemporain, | ||
+ | « L’historien de la littérature contemporaine devrait pouvoir, dans ces conditions, penser en tant que chose passée ce qu’il regarde d’une position déjà future. Il est vrai que son entreprise confessera plus crûment la part d’aventures et d’intuitions que découvre naturellement toute recherche historique. Il ne pourra pas en effet se dédouaner, par exemple, d’une quasi totale arbitrarité quant au choix de son corpus, de sorte qu’il faudrait plutôt parler des littératures contemporaines, | ||
+ | Je crois que nous pouvons retenir ici l’idée d’une pluralité des littératures contemporaines, | ||
+ | Qui plus est, Badir rappelle que la logique occidentale, | ||
+ | |||
+ | Dans leur article intitulé « Un projet contrarié. L' | ||
+ | |||
+ | C’est un peu la même chose avec les « méthodes » envisagées [le terme est de moi] pour étudier, décrire et commenter la production contemporaine : « L’étude des directions, des influences, voilà autant de projets semble-t-il pour une étude historique des faits littéraires actuels. En réalité, les projets d’une histoire sur le vif, voire d’une prospective sont loin d’être légitimes dans la plupart des cas. Ils sont contrariés, | ||
+ | |||
+ | Et ils résument ces deux postures typiques : « Mais la réticence critique qui s’exprime à l’égard de l’analyse du contemporain n’est pas le propre de l’époque, | ||
+ | |||
+ | |||
+ | Dans son article « Les revues et la littérature in flagrante : de Valery Larbaud à la littérature québécoise contemporaine » - qui se veut une réflexion sur la place des revue dans l’étude du contemporain –, **Michel Lacroix** remarque lui aussi certains topoï de la critique actuelle : « La fin des avant-gardes, | ||
+ | |||
+ | **D. Viart**, sur les diverses étiquettes liées au « post » et autres : « Les autres formules ici et là avancées telles que “surmodernité”, | ||
+ | |||
+ | |||
+ | ===== BIBLIOGRAPHIE (Introduction) ===== | ||
+ | |||
+ | |||
+ | AGAMBEN, Giorgio (2008), Qu’est-ce que le contemporain ?, Paris, Payot Rivages. | ||
+ | |||
+ | AUDET, René (2009a), « Le contemporain. Autopsie d’un mort-né », dans Audet (dir.), Enjeux du contemporain, | ||
+ | |||
+ | BADIR, Sémir (1999), « Histoire littéraire et postmodernité », dans Jan Baetens et Dominique Viart (dir.), Écritures contemporaines. États du roman contemporain, | ||
+ | |||
+ | BARRABAND, Mathilde (2013), « Liminaire », Dossier : « L' | ||
+ | _____________ et Julien BOUGIE (2013), « Un projet contrarié. L' | ||
+ | |||
+ | BEAULIEU, Étienne (2004), « Disparition de la disparition dans l’œuvre de Pierre Vadeboncoeur », dans Anne Caumartin et Martine-Emmanuelle Lapointe (dir.), Parcours de l’essai québécois (1980 à 2000), Québec, Nota Bene, p.113-126. | ||
+ | |||
+ | BESSARD-BANQUY, | ||
+ | |||
+ | BESSIÈRE, Jean (2011), « Le roman contemporain. Notes pour une caractérisation et quelques orientations critiques », dans Bessière (dir.), Littératures d’aujourd’hui : contemporain, | ||
+ | |||
+ | BLANCKEMAN, Bruno (2008), « Troisième partie : Retours critiques et interrogations postmodernes », Michèle Touret (dir.), Histoire de la littérature française du XXe siècle, Tome II – après 1940, Rennes, Presses universitaires de Rennes p. 423-491. | ||
+ | |||
+ | CAUMARTIN, Anne et Martine-Emmanuelle LAPOINTE (dir.) (2004), Parcours de l’essai québécois (1980 à 2000), Québec, Nota Bene. | ||
+ | |||
+ | CHAILLOU, Michel (1987), « L’extrême-contemporain, | ||
+ | |||
+ | CHÉNETIER, Marc (1994), « Est-il nécessaire d’‘‘expliquer le postmodern(ism)e aux enfants’’? | ||
+ | |||
+ | DESCOMBES, Vincent (2000), « Qu’est-ce qu’être contemporaine? | ||
+ | |||
+ | DION, Robert (1993), « Une critique du postmoderne », Tangence, no 39, p. 89-101. | ||
+ | |||
+ | FOREST, Philippe (2010), « Décidément moderne. Sept notes dans les marges d’un essai en cours », dans Lionel à | ||
+ | Ruffel (dir.), Qu’est-ce que le contemporain?, | ||
+ | |||
+ | FORTIER, Frances (dir.) (1993), Dossier « La fiction postmoderne », Tangence, no 39. | ||
+ | |||
+ | _____________ (1993a), « Liminaire », Dossier « La fiction postmoderne », Tangence, no 39, p. 5-7. | ||
+ | |||
+ | _____________ | ||
+ | |||
+ | GERVAIS, Bertrand (2009), « Le contemporain et l' | ||
+ | |||
+ | GONTARD, Marc (2001), « La postmodernisme en France : définition, | ||
+ | |||
+ | GONTARD, Marc (2013), Écrire la crise. L’esthétique postmoderne, | ||
+ | |||
+ | GREIF, Hans-Jürgen et François OUELLET (2004), La littérature québécoise 1960-2000, Québec, L’instant même (Connaître, | ||
+ | |||
+ | HAMEL, Jean-François et Virgine HARVEY (dir.) (2009), Le temps contemporain : maintenant, la littérature, | ||
+ | |||
+ | HAVERCROFT, Barbara (2002), « Modernités », dans Paul Aron, Denis Saint-Jacques et Alain Viala (dir.), Le dictionnaire du littéraire, | ||
+ | |||
+ | HARTOG, François (2003), Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, coll. « La librairie du XXIe siècle ». | ||
+ | |||
+ | LACROIX, Michel, « Les revues et la littérature in flagrante : de Valery Larbaud à la littérature québécoise contemporaine », Tangence, no 102, p. 53-73. | ||
+ | |||
+ | LAMONDE, Yvan (2004), « ‘‘Être de son temps’’ : pourquoi, comment ? », dans Ginette Michaud et Élisabeth Nardout-Lafarge (dir.), Constructions de la modernité au Québec, Actes du colloque tenu à Montréal les 6, 7 et 8 novembre 2003, Montréal, Lanctôt Éditeur, p. 23-36. | ||
+ | |||
+ | LAPOINTE, Martine-Emmanuelle (2013), « Construction et déconstruction d'une borne temporelle. L' | ||
+ | |||
+ | LaRUE, Monique (1996), L’arpenteur et le navigateur, Montréal, Fides/ | ||
+ | LINTEAU, Paul-André, | ||
+ | |||
+ | LYOTARD, Jean-François (1979), La condition postmoderne, | ||
+ | |||
+ | LYOTARD, Jean-François (1982), « Réponse à la question : Qu’est-ce que le postmoderne ? », Critique, no 419, p. 357-367. | ||
+ | |||
+ | MICHAUD, Ginette et Élisabeth NARDOUT-LAFARGE (dir.) (2004), Constructions de la modernité au Québec, Actes du colloque tenu à Montréal les 6, 7 et 8 novembre 2003, Montréal, Lanctôt Éditeur. | ||
+ | |||
+ | MICHON, Jacques (dir.) (2010), Histoire de l’édition littéraire au Québec au XXe siècle, Volume 3 : La bataille du livre 1960-2000, Montréal, Fides. | ||
+ | |||
+ | MORARU, Viorel-Dragos (2009), « La littérature face à la mondialisation », dans Audet (dir.), Enjeux du contemporain, | ||
+ | |||
+ | NARDOUT-LAFARGE, | ||
+ | |||
+ | NOUDELMANN, François (2010), « Le contemporain sans époque : une affaire de rythmes », dans Lionel Ruffel (dir.), Qu’est-ce que le contemporain?, | ||
+ | |||
+ | OUELLET, Pierre (1993), « LE TEMPS D’APRÈS l’histoire et le postmodernisme », Tangence, no 39, p. 112-131. | ||
+ | |||
+ | PAGEAUX, Daniel-Henri (2011), « Réflexions sur la notion de contemporain : une lecture de A Sibila / La Sibylle d’Augustina Bessa Luis », dans Jean Bessière (dir.), Littératures d’aujourd’hui : contemporain, | ||
+ | |||
+ | PATERSON, Janet M. (1993), Moments postmodernes dans le roman québécois, | ||
+ | |||
+ | PATERSON, Janet M. (2004), « Le postmodernisme et la ‘‘pensée migrante’’ au Québec », dans Ginette Michaud et Élisabeth Nardout-Lafarge (dir.), Constructions de la modernité au Québec, Actes du colloque tenu à Montréal les 6, 7 et 8 novembre 2003, Montréal, Lanctôt Éditeur, p. 319-331. | ||
+ | |||
+ | RACZYMOW, Henri (1994), La Mort du grand écrivain. Essai sur la fin de la littérature, | ||
+ | |||
+ | ROUSSO, Henry (2012), La dernière catastrophe. L’histoire, | ||
+ | |||
+ | RUEFF, Martin (2010), « La concordance des temps », dans Lionel Ruffel (dir.), Qu’est-ce que le contemporain?, | ||
+ | |||
+ | RUFFEL, Lionel (dir.) (2010a), Qu’est-ce que le contemporain?, | ||
+ | |||
+ | RUFFEL, Lionel (2010a), « Introduction. Qu’est-ce que le contemporain? | ||
+ | |||
+ | SCARPETTA, Guy (1985), L’impureté, | ||
+ | |||
+ | VIART, Dominique (2001), « Écrire au présent : l’esthétique contemporaine », dans Michèle Touret et Francine Dugast-Portes (dir.), Le Temps des Lettres. Quelles périodisations pour l’histoire de la littérature française du 20e siècle ?, Rennes, Presses de l’Université de Rennes, coll. « Interférences », p. 317-336. | ||
+ | |||
+ | VIART, Dominique (2013), « Histoire littéraire et littérature contemporaine », Tangence, no 102, p. 113-130. | ||
+ | |||
+ | VIGNEAULT, Robert (2004), « Notre sauvage besoin de libération », dans Anne Caumartin et Martine-Emmanuelle Lapointe (dir.), Parcours de l’essai québécois (1980 à 2000), Québec, Nota Bene, p. 17-30. | ||
+ | |||
fq-equipe/introduction_ouvrage_document_de_travail.1394815468.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)