fq-equipe:gontard_marc_2001_le_postmodernisme_en_france._definition_criteres_periodisation

Ceci est une ancienne révision du document !


GONTARD, Marc (2001), « La postmodernisme en France : définition, critères, périodisation »,

dans Michèle Touret et Francine Dugast-Portes (dir.), Le Temps des Lettres. Quelles périodisations pour l’histoire de la littérature française du 20e siècle ?, Rennes, Presses de l’Université de Rennes, coll. « Interférences », p. 283-294.

En ouverture, Gontard souligne que les termes postmoderne et postmodernisme servent tantôt à définir une période, tantôt une esthétique et que, par ailleurs, il n’a pas le même sens selon les diverses régions géographiques. Il distingue toutefois deux façons de l’appréhender en Europe :

  1. 1. ceux qui en font un prétexte au relâchement et à la régression (qu’il appelle « les postmoderne éclectiques », néo-consvervateurs)
  2. 2. ceux qui en font l’argument d’une relecture critique de la modernité pour une relance du projet moderne (qu’il appelle « les postmodernes expérimentalistes » ou encore les néo-gauchistes. (p.283)

But de l’article : « interroger cette notion dans le champ romanesque français pour voir si, au-delà du slogan à effet médiatique, importé des Etats-Unis, elle nous permet de penser une réalité socio-culturelle qui émerge en Europe à partir des années 1980, avec la chute du mur de Berlin. » (p.283) [** retenons l’idée que ça commencerait en 1980]

I- pour résoudre le problème de définition, il veut d’abord mettre en relief les différences entre modernité et postmodernité.

Définition(s) de la modernité :

« La modernité, on l’a souvent répété, c’est la pensée du Siècle des Lumières, la croyance que la rationalité[,] grâce au progrès ininterrompu des sciences et techniques, conduit à l’émancipation progressive de l’homme, dans une société de plus en plus libérée. Tel est le sens de l’Histoire, chez Hegel comme chez Marx. Les catégories fondamentales de la modernité sont donc la raison, l’innovation, l’expérimentation et le progrès. D’où l’importance des avant-gardes dans la modernité esthétique qui nous intéresse ici. La logique qui sous-tend cette vision d’un devenir humain en flèche relève de la logique dialectique qui, de l’opposition binaire des contraires dégage une synthèse unitaire, c’est-à-dire un ordre supérieur qu’on peut appeler Sens de l’histoire mais qui travaille indistinctement le domaine des sciences, celui des arts et celui de la culture. » (284)

« [La] modernité est fondée sur un ordre binaire de type dialectique qui permet de penser l’unité-totalité, qu’il s’agisse de l’œuvre littéraire comme structure, de la société comme système ou de l’identité du sujet, elle-même perçue dans l’opposition de l’autre et du moi. » (285)

Définition(s) de la postmodernité :

« [La postmodernité] naît de la prise de conscience de la complexité et du désordre dont les prémisses se manifestent dès les débuts du XXe siècle […]. Mais l’exploration du désordre ne devient vraiment systématique que dans les années 1970 […] » : les sciences qui offrent une nouvelle configuration du réel. (p.285)

Défaire l’ordre binaire, idée du chaos et du décentrement : « La pensée postmoderne met donc au premier plan, contre l’idée de centre et de totalité, celle de réseau et de dissémination. Tandis que la modernité affirme un universel (unique par définition) la postmodernité se fonde sur une réalité discontinue, fragmentée, archipélique, modulaire où la seule temporalité est celle de l’instant présent, où le sujet lui-même décentré découvre l’altérité à soi, où à l’identité-racine, exclusive de l’Autre, fait place l’identité-rhizome, le métissage, la créolisation, tout ce que Scarpetta désigne, dans le champ esthétique par le concept d’“impureté”. De là, cette idée, qu’en contestant l’Histoire, les postmodernes renoncent à la catégorie du nouveau et à celle du progrès pour une revisitation des formes du passé […]… Mais ce qui n’est qu’éclectisme pour les uns (les néo-conservateurs) constitue pour les autres une réponse à “l’incrédulité face aux méta-récits” de la modernité, dont Lyotard fait le critère définitoire de la condition postmoderne. » (p. 285-286)

II- Veut examiner de quelle manière le roman contemporain rend compte, dans ses dispositifs de textualisation, de la condition postmoderne

Caractéristiques du roman « postmoderne » (comment écrire après le nouveau roman ?) : - « on conviendra d’appeler postmoderne tout discours narratif qui privilégie des dispositifs d’hétérogénéité comme le collage, le fragment, le métissage du texte. » (p. 287) - « une autre voie largement exploitée par le roman contemporain est celle de la métatextualité » mais exploité de façon ludique ou ironique : « Dès lors, le récit métatextuel témoigne d’une perte de confiance dans le réel qui demande à être redéfini et témoigne de son désengagement par une sorte de retrait ludique et narcissique… » (p. 289) - Renarrativisation du passé (retour à une linéarité, à un confort de lecture qui, encore-là, peut être ludique, peut être un pastiche de genres fortement codifiés) – où encore une des voix de cette renarrativisation pourrait être l’autofiction comme principe d’incertitude (290-291)

Le postmodernisme dans la francophonie (dont le Québec) :

« Un autre principe d’hétérogénéité à l’œuvre dans le roman contemporain apparaît surtout dans le roman francophone, roman périphérique et décentré qui, par son hétéroglossie et son caractère d’hybride culturel, se prête particulièrement à l’hypothèse postmoderne dont les Québécois, en particulier, ont été les ardents promoteurs. En effet si les littératures francophones issues de la colonisation ont d’abord été des littératures de combat dont les formes subversives relèvent de la modernité, l’évolution du bilinguisme post-colonial vers un bilinguisme assumé ou choisi, amène l’écrivain à découvrir en lui une forme d’altérité qui l’ouvre à la problématique postmoderne de l’être discontinu. Dès lors, le texte francophone devient de plus en plus un texte hétérolingue et multiculturel dont le statut identitaire migre de l’identité-racine vers l’identité-rhizome dans une conception composite et décentrée de l’être et de la culture […]. » (288-289)

III- Périodisation

Il refait l’historique de la notion et en vient à la conclusion que cette esthétique (en France du moins) arrive avec les années 1980 : « Même si des indices d’une pratique postmoderne de l’écriture se manifestent en France dès les années 60, on conviendra donc d’en dater les effets, sur un nouveau type de production romanesque, autour de 1980. » (p.292) Coïncide également avec « l’ère post-industrielle » (Daniel Bell, 1973)

Événements qui jalonnent l’avènement du postmodernisme en France :

D’abord du côté des arts plastiques :

  • 1980 : Biennale de Venise – présentation des travaux de la transavangarde (architecture et peinture).
  • 1981 : Catherine Millet organise l’exposition Baroques 81 « où les œuvres sélectionnées se caractérisent par les effets kitsch et le métissage des formes » (292)
  • 1985 : JF Lyotard organise l’exposition Les Immatérieux au Centre Pompidou – sur les nouvelles technologies de la création plastique.

Ensuite dans le domaine littéraire :

  • 1981 : suite à la Biennale de Venise, Jürgen Habermas publie un article dans Critique qui se veut une défense de la modernité
  • 1982 : réaction de Lyotard à l’article d’Habermas, aussi dans Critique : « Réponse à la question Qu’est-ce que le postmodernisme ? »
  • 1984 : suite à cette querelle, article dans Critique de l’américain Richard Rorty : « Habermas, Lyotard et la Postmodernité »
  • 1988 : Suite de la querelle avec un livre pamphlet d’Henri Meschonnic, Modernité, modernité. + les Cahiers de Philosophie publie un numéro spécial « Postmoderne : les termes d’un usage »
  • 1989 : Chute du Mur de Berlin – « plonge l’Europe dans le chaos des conflits ethniques à l’impossible arbitrage » (292)
  • 1990 : Christian Ruby publie une synthèse : Le Champ de bataille. Post-moderne/néo-moderne
  • 1992 : Alain Touraine publie Une critique de la modernité
  • Etc. – Autres publications critiques.
fq-equipe/gontard_marc_2001_le_postmodernisme_en_france._definition_criteres_periodisation.1368750198.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

Donate Powered by PHP Valid HTML5 Valid CSS Driven by DokuWiki