Outils pour utilisateurs

Outils du site


fq-equipe:garreta_anne_f._2002_pas_un_jour_paris_grasset_fasquelle_cassie_berard

Anne F. Garréta, Pas un jour, Paris, Grasset & Fasquelle, 2002, 159 p.

1. Degré d’intérêt général

Pour le projet de quête et enquête : Fort

Pour le projet de diffraction : Moyen

En général : Entre roman et autofiction.

2. Informations paratextuelles

2.1 Auteurs : Anne F. Garréta

2.2 Titre : Pas un jour

2.3 Lieu d’édition : Paris

2.4 Édition : Grasset & Fasquelle

2.5 Collection : -

2.6 (Année [copyright]) : 2002

2.7 Nombre de pages : 159 p.

2.8 Varia : Écriture à contraintes. Auteur membre de l’OULIPO.

3. Résumé du roman

Présentation de l’éditeur :

« Que faire de ses penchants ? Tu as résolu de feindre d'emprunter la pente que l'on croit aujourd'hui naturelle, et te contraindre délibérément au genre de l'écriture anciennement dite intime. T'assignant cinq heures par jour, un mois durant, à ton ordinateur, tu te donnes pour objet de raconter le souvenir que tu as d'une femme ou autre que tu as désirée ou qui t'a désirée. Tu les prendras, jour après jour, dans l'ordre où elles te reviendront en mémoire. Tu les coucheras ensuite dans l'ordre impersonnel de l'alphabet. Au fil du clavier, tu décimeras purement tes souvenirs. Mais pourquoi cet exercice, mélancolique et d'une ironie peut-être cruelle ? Disons que c'est un bien beau soir d'été, un soir où ton corps, enfin libre de trop de douleurs, retrouve dans le désordre tous ses appétits, celui de la danse, celui des autres corps, celui des femmes. Il suffirait d'aller s'asseoir à la terrasse d'un café regarder les passantes et, avant même de le savoir, sans doute te serais-tu créé des souvenirs de plus. La vie est trop courte pour se résigner à lire des livres mal écrits et coucher avec des femmes qu'on n'aime pas. Affaire de style. Dissiper ou digresser tes désirs, telle est donc la finalité de ce libertinage mental à heures fixes auquel tu t'adonneras. Mais ne risques-tu pas, entendant pourtant t'écarter des mœurs de ton temps et de son idolâtrie du désir, d'en faire - comme tant de tes contemporains, dévots autant que béates - la propagande ? Peut-on échapper à la publicité du désir ? Qui t'assure que ta critique, ton esquive n'est pas une ruse supplémentaire de son empire ? Et si, croyant résister à son assujettissement, tu ne faisais que pratiquer cette forme - si française - de résistance qui s'appelle la collaboration ? » A.G.

Résumé pour le projet (remarques)

Le roman en lui-même ne présente ni quête ni enquête à proprement parler, sinon la de recherche des souvenirs de la narratrice, qui tente de reconstituer les nuits passées avec ses amantes. Répertoriées selon un ordre alphabétique d’initiales attribuées, les rencontres avec les femmes sont décrites grâce à l’évocation récurrente du désir. Cette écriture, c’est un projet que se donne la narratrice d’emblée – sorte de contrainte autobiographique – et elle y revient à la toute fin pour apprendre au lecteur qu’une des anecdotes est une fiction. Elle invite d’ailleurs le lecteur à relire le roman – comment relire désormais – et c’est ici que s’inscrit plutôt l’enquête. Le lecteur est amené à relire le livre en cherchant les indices, les allusions, puisqu’il sait désormais que le pacte autobiographique a ses limites.

4. Singularités formelles

Il s’agit d’un roman (selon le paratexte) qui prend la forme d’un récit autobiographique en plusieurs nuits. Un ante scriptum et un post scriptum entourent et expliquent le projet d’écriture – douze aventures amoureuses se suivent, douze nuits en désordre évoquées selon les souvenirs qui reviennent à la mémoire de la narratrice. Les aventures sont différenciées par une lettre de l’alphabet et l’ordre alphabétique est celui qui prévaut, or puisque les lettres attribuées aux amantes n’ont rien à voir avec les noms des amantes, l’ordre est aléatoire.

5. Caractéristiques du récit et de la narration

La narratrice s’exprime au « tu », parlant d’elle-même avec cette distance que le pronom implique, mais néanmoins offrant une introspection profonde, ciblant ses désirs, ses émotions, etc. À deux reprises, l’emploi du « je » vient surprendre, notamment dans la partie où elle raconte son aventure avec la seule qu’elle a aimée, ce qui jette un soupçon sur la nature de cette histoire.

6. Rapport avec la fiction

L’intérêt de ce roman est justement le fait qu’il s’agisse d’un roman, mais que d’entrée de jeu la narratrice, que l’on peut très facilement – et peut-être à tort – identifier comme étant Garréta, se donne comme mission de retracer les souvenirs de ses aventures amoureuses personnelles, ce qui nous laisse croire à certain pacte autobiographique. En effet, toutes les caractéristiques de la narratrice nous permettent de la rapprocher de Garréta (notamment son homosexualité, son statut, ses penchants littéraires, etc.), de sorte que l’autofiction l’emporte sur la fiction. Or, à la toute fin, la narratrice souligne la présence d’une nuit fictive. Une fiction au moins, dit-elle. Et par cette annonce, elle détruit en quelque sorte le pacte noué avec le lecteur, car le lecteur ne sait plus différencier la réalité de la fiction, ce qui le ramène au pacte premier, celui que l’on retrouve sur la couverture, le genre inscrit sous le titre : bel et bien un roman.

7. Métatexte

8. Intertextualité

9. Extraits significatifs

« Combien de fois avons-nous vraiment, sauvagement, impérativement désiré quelque corps ? Considérez cette question, lectrice, oubliez vos effusions de cœur, vos effervescences de tête, vos effloraisons de vanité : combien de fois le désir jusqu’à foudroyer la moelle ? » (p. 30) « Elle avait des points de vue positifs, beaucoup de foi en supplément de ses adverbes. Toi, tu n’es jamais que sceptique. La religion de la littérature et de ses éminentes vertus, son humanisme, son hyperbole te font défaut. La contradiction te fortifiait; elle était, dans l’abyssal ennui qui t’assiégeait, ta seule jubilation. » (p. 50-51)

« Pourrais-tu même donner d’elle un portrait cubiste, un portrait allusif, un portrait par fragments ? Non, pas même. Indéchiffrable. Quelle machine, quelle fiction te faudrait-il inventer, construire pour parvenir à capturer ne serait-ce qu’une figure abstraite de K*, une figure trouée d’ellipses, et l’énigme que tu deviens dans l’espace et la lumière de sa mémoire ? » (p. 89)

« Tu ne le savais pas alors, t’en tenant au concept confortable d’une amitié qui aurait digressé en désir, tu ne le savais pas encore au moment d’entreprendre la rédaction de cette nuit, mais tu as aimé K*, et j’éprouve soudain avec cinq ans de retard la douleur d’avoir perdu une femme que j’aimais (– que tu aimais ?…) sans l’avoir jamais su. Et qui sans doute t’a aimée et ne s’en est pas défendue. » (p. 91)

« Tu n’as jamais su qui était l’inconnue. Jamais aucune déclaration de son désir ne te fut adressée. Aucun signe certain. Tu lui en sais gré. Le mystère de son identité, la quête des signes, la passion herméneutique qu’il t’inspira firent de ce semestre de self-defense la plus troublante expérience érotique de ta vie. » (p. 120)

« Au bord de l’escalier, tu te souviens t’être arrêtée et l’avoir retenue pour lui dire que tout ceci pourrait être une histoire dans un roman que se racontent deux amantes au moment du départ, dans un aéroport, à la croisée des chemins, aux portes d’une ville, au pont-levis d’un château, quelque part, pour tromper leur douleur. » (p. 138)

« dans la série de ces nuits, il y en a une, au moins une, qui est une fiction. Et tu ne diras pas laquelle. Cherchez la fiction. C’est un tour dont tu te délectais par avance. Car si l’un de ces exercices de mémoire est feint, et qu’on ne sache lequel, comment les lire dès lors ? » (p. 144)

fq-equipe/garreta_anne_f._2002_pas_un_jour_paris_grasset_fasquelle_cassie_berard.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

Donate Powered by PHP Valid HTML5 Valid CSS Driven by DokuWiki