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Gaétan Soucy, L’Acquittement, Montréal, Boréal (Compact), 2000, 123 p.

1. Degré d’intérêt général

Pour le projet de quête et enquête : Très élevé (quête)

Pour le projet de diffraction : Faible

En général : Narration quelque peu retorse qui crée une tension fort intéressante.

2. Informations paratextuelles

2.1 Auteur : Gaétan Soucy

2.2 Titre : L’Acquittement

2.3 Lieu d’édition : Montréal

2.4 Édition : Boréal

2.5 Collection : Compact

2.6 (Année [copyright]) : 2000

2.7 Nombre de pages : 123 p.

2.8 Varia : –

3. Résumé du roman

Présentation de l’éditeur :

« Mil neuf cent quarante-six. Un homme revient au bout de 20 ans dans le village où il a commencé sa vie d'adulte. Quelle est la faute dont cet homme cherche l'acquittement? Peut-on jamais être absous de ce dont nous sommes coupables? »

Résumé pour le projet (remarques)

« L'Acquittement met manifestement tout en œuvre pour montrer qu'il voile une donnée capitale : il pose des questions auxquelles il s'abstient de répondre, laissant le lecteur dans l'impatience d'en être informé. Impatience d'autant plus insistante que le mystère porte sur l'embrayage de l'intrigue : le séjour de Bapaume à Saint-Aldor est présenté comme la conséquence d'une cause qui relève d'un passé auquel le lecteur n'aura accès que sur un mode allusif et fragmentaire. Qu'est-ce qui justifie le voyage de Louis un 22 décembre, à ce village quitté vingt ans plus tôt ? À quel propos désire-t-il rencontrer les Von Croft ? Chose certaine, il craint l'imminence des retrouvailles, suggérant par là l'importance des enjeux. La reconstitution de l'anecdote passe nécessairement par la mise au jour du secret de Louis. L’Acquittement est donc construit selon le mode de l’énigme, mode qui se rapproche du roman policier en ce sens qu’il sème lui aussi des hypothèses et des énigmes tout au long du récit.

Le lecteur croit à une faute d’une très grande gravité de la part de Bapaume puisque celui-ci ressent une culpabilité dévorante et qu’il délaisse même sa femme (qui l’enjoint pourtant dans ses lettres de revenir) pour tenter d’expier sa faute vingt ans plus tard. Or, lorsque le lecteur découvre en quoi consistait la faute en question (Bapaume aurait été trop sévère à l’endroit de sa jeune élève Julia), il est déstabilisé, voire déçu.

Qui plus est, une fois la faute avouée, Bapaume apprend que la famille von Croft lui a joué un vilain tour : ce n’est pas Julia à qui Bapaume s’est confié, mais bien à Geneviève, sa jumelle. Ainsi, ce revirement empêche le pardon d’être véritablement expié et réactive une fois de plus la tension narrative qui sévissait jusque-là. Il rend également les efforts de Louis nuls et non avenus. »

4. Singularités formelles

La structure conventionnelle du récit cache en fait une intrigue à revirement qui ouvre tout un éventail de lectures envisageables. Plusieurs éléments sont remis en cause à la fin du récit, alimentant ainsi l’ambiguïté narrative. La lecture presque passive du roman (à cause de la sobriété des structures narratives et fictionnelles) est ce qui contribue au sentiment de confusion extrême dans lequel est plongé le lecteur à la toute fin du récit.

« Coïncidences troublantes, cas répétés de gémellité, personnages indéterminés, identités et relations fluctuantes : le monde de L'Acquittement se construit à partir d'individus et de propriétés ambigus. »

Le récit est divisé en quatre sections dont les titres (La trappe; Le grain de beauté; L’ourson; Le prisme) représentent des objets auxquels s’accroche le lecteur tout au long de l’histoire, comme on s’accrocherait à des indices pour tenter de donner un sens au récit. Or, ces indices, bien qu’on puisse leur trouver une signification, ne donnent aucunement la clé du mystère, même qu’ils épaississent le mystère.

5. Caractéristiques du récit et de la narration

Le narrateur affiche la maitrise de son savoir et, de manière retorse, s'arroge le droit d'en disposer à son gré. Celui qui doit normalement fournir le sens aux événements empêche donc le lecteur de départager le vrai du faux. Il donne accès à l'univers intime de Louis, mais sans trahir ni expliquer les tourments intérieurs que le personnage évite de confesser. Il se contente généralement de rapporter ses paroles et ses pensées, semblant par là même acquiescer à l'existence de Françoise. De même, ce n'est pas lui qui prend la responsabilité de la remettre en cause ; c'est à travers Hurtubise, dont il adopte le point de vue dans la dernière partie, que la subversion est dévoilée. Le narrateur est un narrateur qui s’emploie à alimenter le doute et la confusion.

Le narrateur fait un usage modéré de sa souveraineté, laissant apparemment les personnages tirer les ficelles. Il les conduit pourtant (tout comme le lecteur) vers l’impasse.

6. Rapport avec la fiction

« L’écrit est présenté comme mensonger : la lettre de la femme de Bapaume est un faux, le support d’une invention possible ; et le frère Gandon (l’homme d’Église), lui aussi, en vient à écrire un aveu fallacieux. Les serments visent à être démentis. Et l’affirmation que Bapaume porte inscrite dans son prisme se trouve démentie par la vie, et le prisme, objet qui fragmente la réalité, abandonné. Mais ce n’est pas aussi simple : même contredits par les faits, les mots peuvent contenir une vérité plus profonde : si la lettre de Bapaume est fausse, son histoire reste peut-être vraie. Le langage ne vaut donc pas ici comme désignation du réel (comme le dit Wittgenstein, dont Gaétan Soucy s’est inspiré pour “L’acquittement”), mais comme expression de l’intériorité de celui qui l’écrit ou qui le lit, comme écho de ce qu’il fait vibrer en lui. »

7. Métatexte

8. Intertextualité

L'Acquittement entretient quelque filiation avec d'autres romans transgressifs, à commencer par le Nouveau Roman, avec qui il partage un même goût pour l'auto-sabotage de son projet romanesque. Aussi, l'irrésolution qui en résulte n'est pas sans rappeler celle que cultive le genre fantastique, qui fait intervenir un phénomène rationnellement inexplicable dans un univers réaliste (Echenoz aussi). En termes d'indécidabilité, on peut regarder du côté de l'œuvre onirique de Franz Kafka.

9. Extraits significatifs

« Le récit de Bapaume avait aiguisé la curiosité de l’officier, qui comprenait encore moins ce qui pouvait motiver un tel retour après vingt ans. Avec tout autre, il eût surmonté ses scrupules et risqué une question franche. Mais il y avait je ne sais quoi dans l’attitude du voyageur, docile pourtant et visiblement désireux de complaire aux vœux d’autrui, qui dressait autour de lui un mur de secrets, un mur de faiblesse, propre à décourager les indiscrétions. » - p. 32.

« Un chant pour chœur a cappella, en contrepoint, de style baroque. Il examina les trois pages étalées sur le pupitre. Au fur et à mesure qu’il lisait, qu’il découvrait l’intelligence et la sérénité de la perspective, son sang battait plus fort. Il jeta un œil derrière lui, craignant peut-être d’être surpris, puis souleva les feuilles, continua sa lecture sur les pages qui se trouvaient derrière. Qui avait pu composer cela ? » - p. 63.

« - Vous avez donc rien compris au tour qu’on vous a joué ? Tout le monde était dans le coup ! Même mon vieux ! Mais celle avec le grain de beauté au-dessus de la bouche, c’est pas Julia, c’est Geneviève ! » - p. 110.

« Le lieutenant l’éleva en direction de la lune, y fit jouer la lumière. Ce fut un enchantement de plus. Des lettres gravées se révélaient selon l’angle d’où on observait l’objet. Ainsi le mot réel, le mot catastrophe, le mot rien. À l’aide d’approximations successives, il finit par trouver l’angle parfait de réfraction. Aucune catastrophe ne peut m’atteindre puis, en faisant légèrement pivoter le prisme : puisque rien n’est réel. Il réussit encore à lire une date : Paris, 8 avril 1926. » - p. 122.

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