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fq-equipe:fortier_frances_dir._1993_dossier_la_fiction_postmoderne_tangence_no_39

FORTIER, Frances (dir.) (1993), Dossier « La fiction postmoderne »

Tangence, no 39.

Remarques générales :

• Je ne retiens ici que le « Liminaire », l’article de Fortier sur « l’Archéologie du postmoderne » et ceux « à visées polémiques » (Dion, Milot, Ouellet) par souci d’efficacité, mais les autres articles sont certainement intéressants. Le numéro est sur Érudit : http://www.erudit.org/revue/tce/1993/v/n39/index.html

Frances Fortier, « Liminaire », p.5-7 :

Pose d’emblée l’ambiguïté du numéro, selon qu’on endosse le concept ou pas (dans ce dernier cas, le terme devient une « fiction »).

Définition(s) de la postmodernité :

• « La postmodernité repose sur un constat : le dogmatisme des avant-gardes n’opère plus, les codes esthétiques modernes sont déboussolées, la pensée du système est devenue inopérante. » (1993 : 5)

• « Mais la postmodernité peut aussi s’envisager comme une régularité discursive qui traverse tout autant les pratiques esthétiques que le discours critique qui les examine. Auquel cas il faudrait voir si la postmodernité n’est pas un schème d’intelligibilité autorisant l’homogénéisation de l’hétérogène. La ‘’fiction’’ postmoderne apparaîtrait ainsi comme une récupération totalisante qui vise un nouveau découpage du champ littéraire. » (1993 : 5) *Note : ça me semble aussi rejoindre les paradoxes de notre concept de « porosité »…

Le dossier cherche à « problématiser autrement la question postmoderne » selon 3 axes : 1. À visée monstrative, cet axe « examine les régularités qui gèrent la socialité, le discours et la pratique postmodernes » [textes de Régine Robin, Frances Fortier, Louis Hébert] 2. « Le volet analytique manifeste les tendances actuelles de la critique postmoderne » [textes de Barbara Havercroft, Claude-Marie Gagnon, Max Roy] 3. Des textes à visées polémiques [textes de Robert Dion, Pierre Milot, Pierre Ouellet]

Frances Fortier, « Archéologie d’une postmodernité », p. 21-36.

L’article s’ouvre sur l’ambivalence entre le fait que le terme – ou même la « chose » elle-même – est peut-être déjà obsolète ou, au contraire, est devenu un espace d’interprétation en voie de légitimation (ce à quoi Fortier s’intéresse). En faisant une recherche « archéologique », Fortier s’engage sur la voie de la métacritique, s’intéressant à la rhétorique du discours critique postmoderne, au lexique de la postmodernité, à ses stratégies, etc.

Définitions de la postmodernité :

• « L’incrédulité fonde la différence : là où la modernité obéit à une stratégie de la tabula rasa et postule une téléologie dont elle serait l’achèvement, la postmodernité et ses métafictions proposent un système d’intelligibilité de l’histoire où la conscience du simulacre permet de reconnaître les processus de construction du sens qui légitiment la lecture du passé. En ce sens, la postmodernité relève d’une esthétique de la récupération et de l’intégration qui sanctionne un déplacement des valeurs de la modernité, tout entière fondée sur la légitimité de la distinction et de l’exclusion. » (32)

• « Je préfère concevoir la postmodernité comme un champ discursif spécifié, en train de s’élaborer, élaboration qui passe nécessairement par la reconduction d’une série minimale d’énoncés recteurs. Leur cumul atteint le seuil de positivité et la postmodernité acquiert les caractéristiques d’une pratique autonome régie par un faisceau de régularités. La postmodernité est un regard qui distingue des objets, une rhétorique qui prescrit une position définie à tout sujet, un discours qui crée un champ d’utilisation et de stabilisation des concepts, une stratégie performative consciente de ses mécanismes, et une spéculation heuristique qui propose une saisie du réel. » (36)

Caractéristiques de la postmodernité :

• « La postmodernité est un espace sans géographie et le discours québécois, il va sans dire, se nourrit d’une réflexion qui transcende les frontières. » (22)

• « Tout comme ce qu’il désigne, le mot annihile toute polarité et autorise le cumul d’éléments disparates. » (23)

• « Ainsi l’hétérogène, sous sa forme substantivée, devient le point focalisateur d’une praxis qui reconnaît et reconduit à la fois le métissage culturel des sociétés contemporaines, le mélange des formes textuelles canoniques et marginales, l’impureté des styles et des régimes discursifs, la contamination générique – dans sa version identitaire ou littéraire – la fragmentation du sujet et le discontinu historique et diégétique. » (30) *Rappelle aussi l’idée de porosité.

• « De fait, la postmodernité est le lieu d’intégration de discours divers, agoniques ou confortants, qui postule une interdépendance étroite entre tous les aspects du réel, qu’ils relèvent de l’identité, de la culture, de la politique, du savoir, et qui rapatrie toutes les formes de marginalisation sociale ou littéraire en une assomption de l’Autre, de la différence, du passé, des aspects mineurs du présent, de la réflexion théorique. La postmodernité est une écologie. » (33)

Caractéristiques de la critique postmoderne :

• Articulation fondamentale de la postmodernité sur laquelle se fonde implicitement la critique québécoise : « Il appert très nettement que ce discours récuse toute forme de polarisation et spécifie la postmodernité par son maintien d’une double posture : et moderne, mais postmoderne. » (24)

• « Au delà des divergences, un argument consensuel affleure : l’existence d’une pratique artistique postmoderne n’est jamais mise en doute. Peu importe le flou qui perdure autour de la notion de postmodernité, on distingue la spécificité d’une telle pratique. » (26)

• « [Pour la critique,] ce qui importe est moins la présence d’un procédé isolé que le cumul de tous les éléments du paradigme. » (26)

• « La critique postmoderne, qu’on appelle parfois paracritique ou métacritique, opère un découpage différent de la réalité littéraire, traversant les époques et les genres littéraires, les littératures nationales et les clivages lecture/écriture, négligeant la distance entre la création et la critique, pour créer un espace discursif de dispersion. » (27)

• « Comme si la question de la postmodernité imposait la nécessité de penser globalement le réel. Ce travail de reconnaissance d’une réalité postmoderne, mené de front par la critique littéraire, la sociologie et la philosophie, demeure toutefois constamment nuancé par une attitude interrogative. » (29)

• « Relayées dans le discours postmoderne, ces problématiques se traduisent par l’autoreprésentation d’un sujet incrédule qui refuse de penser la différence en termes d’oppositions et préfère la juxtaposition. En effet, la spécificité de la postmodernité est son pluralisme : loin d’opérer la synthèse, elle fait floculer les savoirs. Au delà des divergences, la critique littéraire québécoise postmoderne cherchera dans les textes des positions énonciatives distinctes, montrera leur pluralité et leur incohérence, et dépistera l’intertextualité. » (35)

Robert Dion, « Une critique du postmoderne », p. 89-101.

Caractéristiques de la postmodernité :

• « D’une certaine façon, l’histoire de la postmodernité pourrait être vue comme celle de l’avènement simultané – et autoproclamé – d’une littérature, d’une critique et d’une théorie postmodernes. » (89)

• « L’incorporation du projet théorique/critique au projet littéraire est, on le sait, l’un des aspects dominants de la postmodernité : l’idée de l’œuvre et le commentaire sur l’œuvre tendent à devenir l’œuvre. On peut raisonnablement penser que cette dimension théorique/critique vise à compenser l’effet ‘’populiste’’ produit par l’intégration de la culture de masse et de la contre-culture; ainsi, la théorie et la critique auraient pour résultat de rendre la littérature postmoderne à la culture des experts. Tant et si bien que le caractère ‘’démocratique’’ de cette littérature s’avèrerait un leurre. » (94)

Caractéristiques de la critique postmoderne :

• « […] je propose de l’envisager comme une critique qui, s’étant départie de ses aspects empiriste et scientiste, revendique son hétérogénéité constitutive et s’inscrit sans complexe dans le prolongement des discours qu’elle prend pour objet. » (90)

• « Bref, par-delà les époques, le postmodernisme représente une attitude – c’est bien ce qu’on lui reproche – et, en matière de critique littéraire, il n’est peut-être que l’exacerbation de ce que constitue au fond toute critique : une hybridation discursive. » (90-91)

Pierre Ouellet, « LE TEMPS D’APRÈS l’histoire et le postmodernisme », p. 112-131.

Particularité du postmodernisme littéraire (en regard des autres arts) :

« Il en va autrement de la littérature, dont l’histoire n’obéit pas à la même clôture : les contours d’un mouvement littéraire postmoderne sont loin d’être aussi précis. Si le postmodernisme architectural et pictural – musical aussi – définit un courant artistique international dont l’émergence remonte au milieu des années soixante-dix et dont la progressive disparition marque la fin des années quatre-vingt, il semble que la littérature postmoderne n’ait été identifiée comme telle et n’ait fait l’objet d’une appropriation par les écrivains eux-mêmes qu’au sein de la culture anglo-américaine, où l’on a tenté de nombreuses re-périodisation qui font remonter la postmodernité littéraire à Vladimir Nabokov quand ce n’est pas à William Faulkner, et qui étendent son influence jusque sur la littérature la plus contemporaine, couvrant ainsi plus de cinquante ans d’histoire. » (114)

Caractéristiques du postmodernisme :

• Modification dans la façon de raconter : « Les Grands Récits ne sont pas morts, ils ont seulement changé. Il ne content plus l’histoire par le commencement, perdu dans la nuit des temps, mais par la fin, souvent, ou par le milieu, collant bout à bout bras et jambes, coudes et genoux, les yeux dans le dos et le cœur au milieu du visage. Collage et recollage, l’Histoire n’apparaît plus que sous les multiples formes ou ses morceaux s’agencent : dans l’ordre et le désordre. » (112)

• Modification de la conception de l’Histoire : « L’histoire est palimpseste, certes, chacun de ses récits effaçant le précédent, mais palinodie aussi, chacun contredit par le suivant, qui est volte-face, rétractation, revirement. Le Postmodernisme n’est pas seulement la théorie de la postmodernité – ou la Critique de la Modernité –, il est, bien plus fondamentalement, la redéfinition même de l’historicité. Non pas de l’historicité de l’art ou de la littérature, sur quoi il s’est longuement penché, ni non plus de la seule historicité du Sujet, qu’il a contribué à mettre au jour, exposant ses zones d’ombre, mais de l’historicité de l’Histoire elle-même, qui va maintenant dans tous les sens, qu’aucune orientation privilégiée ne permet de limiter. » (113)

• « On voit que la notion de postmodernisme en littérature est loin d’être homogène, dès lors qu’on s’avise de traverser les frontières géographiques, et qu’elle ne l’est guère plus lorsqu’on se met à observer les différentes bornes historiques que lui confèrent les multiples datations et périodisations contradictoires tentées par la critique américaine depuis plus d’une dizaine d’années. » (116)  La question qu’on peut se poser, dès lors : est-ce que le « contemporain » comme étiquette serait moins flou et plus homogène (inclusif par ailleurs?) ‘RÉFLEXIONS AUTOUR DE DIVERSES ÉTIQUETTES’

• N’est pas une « fin » en soi : « […] mais le préfixe post ne doit pas plus prêter à illusions que l’adjectif Nouveau ou le morphème néo- : le postmodernisme va mourir, meurt, est mort, d’autres tendances esthétiques le remplaceront, l’ont remplacé, et d’autres étiquettes viendront bientôt, dans dix ans et dans un siècle, se superposer au sien et sans doute s’y substituer pour désigner les mêmes mutations formelles et thématiques, vues sous un autre angle et par rapport à une échelle historique différente, c’est-à-dire selon un aspect qui en révélera certaines propriétés que seuls les enjeux historiques des temps à venir pourront faire surgir. » (128)  L’étiquette « contemporain » viendrait-elle jouer ce rôle?

4 définitions du postmoderne :

« L’utilisation des expressions ‘’postmoderne’’, ‘’postmodernité’’ et ‘’postmodernisme’’ relève souvent d’un très large malentendu, dont la polysémie du terme est en grande partie responsable. On peut à mon sens distinguer quatre usages fort différents de ces termes, que la Critique actuelle se plaît à croiser, produisant des effets de discours parfaitement ‘’postmodernes’’ au sens péjoratif de l’expression, qui désigne aussi, sarcastiquement, quelque voisinage malheureux ou collage incongru. » (118)

1/ le terme est définit à l’intérieur du discours de la philosophie et, plus particulièrement, de l’histoire de la philosophie (118) – une pensée qui prend cours dans l’après-pensée moderniste

2/ la large définition donnée par les sciences sociales, autour de phénomènes actuels, soit : a. le post-industriel b. la mondialisation et la multiethnicité c. la fin des idéologies antagonistes et triomphe du libéralisme économique (118)

3/ conception qui définit « les changements survenus dans les pratiques artistiques vers la fin des années soixante-dix, en réaction contre le réductionnisme minimaliste qui a marqué l’évolution de l’Art moderne ». « Cette mise en question des codes esthétiques de la modernité s’est bien sûr répandue assez vite dans les autres formes d’art […]. (119)

4/ L’usage qui « a présentement cours en littérature et dans la critique comme dans la théorie littéraire, dont certains courants s’appuient notamment sur un amalgame des trois premières définitions pour circonscrire l’objet d’étude et de réflexion qu’ils se sont donnés ou, plus justement, qu’ils se sont construit. » (119) – c’est cette définition que Ouellet va déconstruire et critiquer. + Il rappelle qu’il faut distinguer deux types de postmodernisme proprement littéraire : 1. Celui revendiqué par les auteurs 2. Celui de la théorie qui, dans les années quatre-vingt, « a tenté de saisir et décrire rétrospectivement les mutations que la littéraire – américaine surtout […] – avait connues depuis déjà une vingtaine d’années et même plus […]. (119-120) C’est bien, encore une fois, au postmodernisme des théoriciens littéraires (et pas les autres courants artistiques) qu’il s’en prend :

« Derrière toute tentative d’identification d’un style, d’une école, d’une attitude, d’un mouvement esthétique ou d’un courant de pensée supposé avoir marqué un changement important dans l’histoire d’une formation discursive donnée, se profile le problème fondamental de la datation et de la périodisation qui permettent seules d’ancrer l’innovation formelle ou thématique dans son historicité. Or il semble que, si le postmodernisme proprement littéraire s’est voulu ni plus ni moins qu’une poétique, dont on commence d’ailleurs à apercevoir aujourd’hui la clôture, ses effets esthétiques s’étant plus ou moins épuisées par saturation ou édulcoration, la critique postmoderniste n’a cessé, quant à elle, d’ancrer ce mouvement dans une histoire beaucoup plus large, qui oscille entre l’Histoire générale des idées – plus particulièrement celle de la pensée philosophique – et l’Histoire sociale et politique des quarante dernières années – plus spécifiquement celle de l’Après-guerre. » (121) / « La portée que la critique littéraire a voulu donner à la littérature dite postmoderne déborde largement le cadre esthétique; on a voulu évaluer son impact sur les plans à la fois philosophique et sociopolitique, amalgamant à la poétique postmoderniste des conceptions et des acceptions de la ‘’postmodernité’’ qui lui sont pour une grande part étrangères ou qui appartiennent à une toute autre temporalité ou à une historicité définissant d’autres formations discursives sinon d’autres ordres de réalité. » (122)

fq-equipe/fortier_frances_dir._1993_dossier_la_fiction_postmoderne_tangence_no_39.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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