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« À ce double courant d’antiromantisme et d’antibiographisme traversant tout le demi-siècle participent aussi, dans leur style propre, celui d’adolescents vitupérateurs, deux météores littéraires : Rimbaud qui trouve ‘la poésie subjective […] horriblement fadasse » [Lettre du Voyant à Izambard] et Lautréamont pour qui ‘la poésie personnelle a fait son temps de jongleries relatives et de contorsions contingentes’ et veut reprendre ‘le fil indestructible de la poésie impersonnelle’. » (190) + Mallarmé qui pousse l’impersonnel encore plus loin. | « À ce double courant d’antiromantisme et d’antibiographisme traversant tout le demi-siècle participent aussi, dans leur style propre, celui d’adolescents vitupérateurs, deux météores littéraires : Rimbaud qui trouve ‘la poésie subjective […] horriblement fadasse » [Lettre du Voyant à Izambard] et Lautréamont pour qui ‘la poésie personnelle a fait son temps de jongleries relatives et de contorsions contingentes’ et veut reprendre ‘le fil indestructible de la poésie impersonnelle’. » (190) + Mallarmé qui pousse l’impersonnel encore plus loin. |
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Du côté de Zola, à nouveau, dans Le roman expérimental (1881), il « pose ‘l’impersonnalité morale’ des œuvres romanesques comme ‘capitale’, et compare le romancier au savant. » Zola écrit : « Le romancier naturaliste affecte de disparaître complètement derrière l’action qu’il raconte. Il est le metteur en scène caché du drame. Jamais il ne se montre au bout d’une phrase. […] L’auteur n’est pas un moraliste, mais un anatomiste qui se contente de dire ce qu’il trouve dans le cadavre humain. » (dans « Gustave Flaubert », repris dans Les romanciers naturalistes) Aussi, toujours Zola : Le roman naturaliste « est impersonnel, je veux dire que le romancier n’est plus qu’un greffier, qui se défend de juger et de conclure. […] Il y a, en outre, à cette impersonnalité morale de l’œuvre, une raison d’art. L’intervention passionnée ou attendrie de l’écrivain rapetisse un roman, en brisant la netteté des lignes […] Ainsi le romancier naturaliste n’intervient jamais, pas plus que le savant. » (Le roman expérimental - 1880) (192) // Diaz : « En accord avec lui, la critique évoque la ‘gigantesque impersonnalité, fatalement supérieure aux individus’ de ses récits épiques qui mettent en scène de grands phénomènes sociaux ou cosmiques : la mine de Germinal, l’océan dans La Joie de vivre. Pourtant Zola continue de penser l’œuvre d’art comme ‘un coin de la création vu à travers un tempérament’ [dans La Revue contemporaine, le 15 février 1866] [etc.] Ce sont là contradictions qu’on retrouve chez d’autres écrivains-critiques contemporains […] » (192-193) | Du côté de Zola, à nouveau, dans Le roman expérimental (1881), il « pose ‘l’impersonnalité morale’ des œuvres romanesques comme ‘capitale’, et compare le romancier au savant. » Zola écrit : « Le romancier naturaliste affecte de disparaître complètement derrière l’action qu’il raconte. Il est le metteur en scène caché du drame. Jamais il ne se montre au bout d’une phrase. […] L’auteur n’est pas un moraliste, mais un anatomiste qui se contente de dire ce qu’il trouve dans le cadavre humain. » (dans « Gustave Flaubert », repris dans Les romanciers naturalistes) Aussi, toujours Zola : Le roman naturaliste « est impersonnel, je veux dire que le romancier n’est plus qu’un greffier, qui se défend de juger et de conclure. […] Il y a, en outre, à cette impersonnalité morale de l’œuvre, une raison d’art. L’intervention passionnée ou attendrie de l’écrivain rapetisse un roman, en brisant la netteté des lignes […] Ainsi le romancier naturaliste n’intervient jamais, pas plus que le savant. » (Le roman expérimental - 1880) (192) |
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| Diaz : « En accord avec lui, la critique évoque la ‘gigantesque impersonnalité, fatalement supérieure aux individus’ de ses récits épiques qui mettent en scène de grands phénomènes sociaux ou cosmiques : la mine de Germinal, l’océan dans La Joie de vivre. Pourtant Zola continue de penser l’œuvre d’art comme ‘un coin de la création vu à travers un tempérament’ [dans La Revue contemporaine, le 15 février 1866] [etc.] Ce sont là contradictions qu’on retrouve chez d’autres écrivains-critiques contemporains […] » (192-193) |
En somme, « lorsqu’on considère la littérature en ses expressions les plus en pointe, nous voici donc face à un paysage relativement contrasté : un courant de fond d’antiromantisme, qui poussa à clamer l’impersonnalité, et pourtant bien des voix discordantes, qui marquent en sous-main la continuité du paradigme biographique antérieur. » (194) | En somme, « lorsqu’on considère la littérature en ses expressions les plus en pointe, nous voici donc face à un paysage relativement contrasté : un courant de fond d’antiromantisme, qui poussa à clamer l’impersonnalité, et pourtant bien des voix discordantes, qui marquent en sous-main la continuité du paradigme biographique antérieur. » (194) |
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Nietzsche, dans Par-delà le bien et le mal (1886) aura une formule belle et radicale, en avance sur son temps : « C’est l’œuvre, celle de l’artiste ou du philosophe, qui invente après coup celui qui l’a créé, ou qui passe pour l’avoir créée; les grands hommes tels qu’on les honore sont de méchants poèmes composées après coup. » (2011 : 217) | Nietzsche, dans Par-delà le bien et le mal (1886) aura une formule belle et radicale, en avance sur son temps : « C’est l’œuvre, celle de l’artiste ou du philosophe, qui invente après coup celui qui l’a créé, ou qui passe pour l’avoir créée; les grands hommes tels qu’on les honore sont de méchants poèmes composées après coup. » (2011 : 217) |
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| ====== XXe siècle ====== |
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| ===== Chapitre 10. De Proust à Barthes ===== |
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| « Contestations de l’explication biographique des œuvres et revendication de l’impersonnalité de la part des écrivains d’avant-garde; bonne tenue du biographique dans l’édition, dans l’enseignement, dans la presse et dans la critique : cette situation qui caractérise la fin du XIXe siècle se prolonge au siècle suivant. » (218) |
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| Voit l’histoire de la critique au XXe siècle comme celle des diverses déclinaisons de l’antibiographisme (il n’aborde toutefois pas la période post-structuraliste et son survol du XXe siècle est rapide). (220) |
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| Résumé de l’antibiographisme au fil des siècles : « L’âge classique ne tue pas l’auteur, mais il le met entre parenthèses, à titre de serviteur discret, pour qu’il ne gêne pas l’essentiel : la communication et, dans les genres qui la requièrent, la mimésis. Les philosophes du début du siècle suivant ne veulent pas de l’auteur parce qu’il représente l’auctoritas. Et nous avons vu se développer aussi diverses formes d’antibiographisme à l’âge romantique, donc celle, proprement romantique, qui interdit de ‘chercher l’auteur à certains endroits’ (Musset) au nom du mystère sacrée de la création. Jusqu’à Sainte-Beuve qui se retrouve parfois à contre-emploi sur une telle position… Puis le reflux du romantisme est le signe d’une montée en puissance de l’impersonnalité, avec pour conséquence critique diverses formes d’antibiographisme : au nom du social (Taine), au nom du ‘moi profond’ (Bersot, Michiels), au nom de l’objectivisme réaliste (Flaubert, Zola), au nom de l’autonomie de l’œuvre (Flaubert, Maupassant, Mallarmé). Ce sont là les stratégies d’antibiographisme qui vont prévaloir au siècle suivant. » Il donne ensuite les divers prolongements. (220) |
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| Diaz replace aussi dans ce chapitre la question de Proust contre Sainte-Beuve; sa position est loin des antihumanistes des années structuralistes : |
| « Dans cette tendance à l’antibiographisme, Proust occupe une place singulière : posé comme ennemi juré de Sainte-Beuve par le titre d’un ouvrage inachevé, écrit en 1909 et republié en 1954, il continuait plutôt en fait la lignée des grands écrivains de la fin du XIXe siècle (Baudelaire, Barbey, les Goncourt) qui ont eu une attitude paradoxale vis-à-vis du biographique. Le succès de ce titre en 1954, donc à point nommé au début de la vague structuraliste grâce au flair d’un éditeur habile, a fait que Proust s’est trouvé confondu dans la lignée d’antibiographes que construit Barthes dans “La mort de l’auteur” (1968). Mais son antibiographisme est pourtant tout autre que celui des formalistes et des poéticiens. Rien d’antihumaniste en lui. Et si c’est bien l’œuvre qui est préférée à la vie, c’est seulement la vie sociale qui est rejetée, comme anecdotique et brouillant les pistes, mais au profit de ce moi profond qui, selon sa théorie, ne trouverait accès que dans l’œuvre, et non dans les confidences bavardes qu’apportent correspondance et écrits intimes. » (222-223) |
| Ce qui l’intéresserait, serait non pas de « fonder une poétique, mais une anthropologie » (223) |
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| Valéry : |
| C’est lui qui a le plus marqué la définition du mot « poétique » dans son nouveau sens « au moment où l’on crée pour lui la première chaire de cette spécialité au collège de France (1937). Lui aussi qui enseigne que ‘la connaissance biographique des poètes est une connaissance inutile, si elle n’est nuisible, à l’usage que l’on doit faire de leurs ouvrages, et qui consiste soit dans la jouissance, soit dans les enseignements et les problèmes de l’art que nous en retirons’. Et d’insister avec humour : ‘Que me font les amours de Racine? C’est Phèdre qui m’importe. Qu’importe la matière première qui est un peu partout? C’est le talent, c’est la puissance de la transformation qui me touche et me fait envie.’ Conclusion : la ‘curiosité biographique’ est ‘nuisible’, parce qu’elle ‘procure trop souvent l’occasion, le prétexte, le moyen de ne pas affronter l’étude précise et organique d’une poésie’. » (224) --- Tiré de « Villon et Verlaine » [1928], dans Œuvres complètes, t. I, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p. 428. |
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| ===== ANNÉES 60-70 (STRUCTURALISME) : ===== |
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| « Le mot poétique va être haussé au rang d’emblème par le structuralisme formaliste des années 70; et une revue apparaît alors, qui l’arbore comme étendard et procède en fait à une petite révolution : l’idée poéticienne n’y est plus l’affirmation solitaire d’un écrivain pionnier, mais celle d’une école de théoriciens gravitant dans les marges de l’orbite universitaire avant d’y pénétrer à demi (Barthes, Genette, Todorov). Leur geste primordial consiste à prendre pour objet d’analyse le texte, et non plus l’œuvre, ni l’auteur, et à le traiter comme un objet immanent, coupé de la réalité sociale comme de l’expérience subjective. » (225) |
| L’antibiographisme formalisme = l’auteur ne se confond pas avec le narrateur, les personnages sont des « êtres de papier » (Barthes) |
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