FICHE DE LECTURE
Référence bibliographique : Auteur : PUECH, Jean-Benoît Titre : Louis-René des Forêts, roman Lieu: Tours Édition : Farrago Collection : Année : 2000 Nombre de pages : 157 Cote UQAR (s’il y a lieu) : -
Appellation générique : aucune Biographé : Louis-René des Forêts Bibliographie de l’auteur : Quatrième de couverture : Rabats : Épigraphe : citation de des Forêts, extrait de « Dans un miroir » où il est question du soupçon qui empêche de croire que l’accumulation de détails, telle analogie de caractère, sauraient passer pour reconstitution d’un épisode biographique alors qu’ils servent en fait à animer un débat purement intérieur et permettre l’action. en somme soupçon sur la possibilité du biographique. Note : dédicace : À Dominique Rabaté Résumé : Ouvrage composé de trois extraits d’un « journal intime » : avec LRF (1971-1988), sans LRF (1991-1997), LRF revisité (fin 1996-juillet 2000). Entre ces extraits, trois articles + un article pour conclure. Les 4 articles (tous avec des notes en fin de texte) et la première partie du journal ont déjà été publié ailleurs (voir à la fin de l’ouvrage, on y retrouve les réf. biblio.)
« Les moments perdus » (1983) : réflexion sur la signification des silences de l’écrivain. Deux hypothèses : silence est hors la littérature (insignifiant du point de vue de l’auteur, de son œuvre, de la littérature) ou silence est partie de l’œuvre (un silence littéraire). Puech retient la 2e option dans le cas de des Forêts « parce que l’œuvre de Louis-René des Forêts s’est justement donné pour thème le silence et son interprétation » (58). Pour défendre son point de vue, thématique de l’œuvre, silences de publications de l’auteur, lectures de l’auteur, entretiens de l’auteur sont convoqués.
« Description d’un combat » (1997) : sur le silence littéraire comme aboutissement paradoxal de la recherche verbale. Cherche à comprendre la rareté de l’œuvre et tente de la lier à l’un de ses thèmes principaux. Réflexion sur le silence l’amène à distinguer le silence volontaire « d’un Auteur tout-puissant qui se tairait en Sage ou en Souverain » (115) et silences subis jamais déniés mais affrontés lucidement (dépendance de l’écrivain face à « l’inspiration » qui peut se donner ou se refuser). C’est de ce silence que l’œuvre desforestienne est imprégnée. Un des récits de des Forêts lu à la lumière de ces propositions. Puech y voit une fiction autobiographique. « Transposition symbolique de l’histoire intime d’une œuvre » (117) (c’est moi qui souligne). Mais aussi une parabole sur la création, ses revers et son envers. La voix de l’écrivain non pas un don, mais un prêt accordé et retiré. « Travailler sa voix consisterait simplement à se préparer à un tel prêt voire à le provoquer par l’imitation ou l’emprunt d’autres voix. L’œuvre aurait été dès les premiers livres construite contre (c’est-à-dire avec) son impossibilité» (119). Œuvre comme mise en œuvre de la vertigineuse et perpétuelle contradiction silence/ langage. « Le mythe du silence littéraire » (1998) : sur l’ouvrage de Marc Comina Louis-René des Forêts, L’Impossible silence. Comina s’intéresse à la constitution du mythe autour de des Forêts et en conteste la vérité. C’est, de l’avis de Puech, « la 1re biographie focalisée sur la création littéraire forestienne » (137). Pour Comina, écriture forestienne n’est pas contre le langage mais au contraire en est la célébration manifeste; aborde l’écriture intransitive (l’initiative laissée aux mots) et manie la prédatrice de des Forêts (nombreux emprunts à d’autres textes) comme preuve de l’amour du langage. Donc Comina présente la dialectique de la parole et du silence plutôt que la seule célébration du silence. Puech ajoute son commentaire sur l’horizon d’attente créé par les premiers articles sur des Forêts : Thème du silence appartient à une époque : ère du soupçon, idéalisation du silence (Rimbaud, Mallarmé, Blanchot), scénario auctorial (personnage d’auteur ou d’anti-auteur, « l’un des rôles principaux proposés par la scène littéraire pendant un demi-siècle » (145) commentaires intéressants sur le biographique dans les notes 9 et 12 : « le travail biographique devrait, paradoxalement, nous délivrer d’une biographie que son absence ou sa méconnaissance valorise aux dépens de l’œuvre » (148) et, dans le cas du scénario auctorial : « Il s’agit, dans une perspective encore romantique, d’accréditer l’œuvre par la vie; mais cette “vie”, est elle aussi une œuvre, une composition ou du moins une reconstitution. » (149) « À double tour » : réflexion sur les romans à clé, notamment à partir de l’expérience personnelle de Puech. Il y présente un certain type de roman à clé, plus contemporain, où la clé est « la connaissance des contraintes que l’auteur à choisies » (152) (Perec, Queneau, Roussel, etc.). Mais Puech reste pour sa part, très sensible au vécu. Ce terme, refoulé par la critique et la théorie formalistes des années 60 et 70, « ce gros mot et cette lourde chose font retour à présent dans notre champ sous le nom de biographique » (153). Donc un retour « sur les rapports de l’œuvre et de la vie de son auteur. Non que le biographique soit à mon sens le lieu de la vérité dernière, mais il me semble l’origine obligée sans laquelle on ne peut mesurer le travail proprement littéraire qui nous en éloigne et nous en affranchit » (153). L’expérience personnelle de Puech : L’Apprentissage du roman de Benjamin Jordane : transposition de son journal personnel dans une œuvre de fiction en changeant les noms (interdiction faite à Puech par des Forêts de publier les extraits de son journal concernant des Forêts). « Cachemire véritable », une nouvelle de Benjamin Jordane où Puech imagine Jordane qui transpose son journal pour en faire une nouvelle. Puech y respecte « une sorte de contrainte formelle : équivalence maintenue avec la structure des événements présentés dans le pseudo-journal. […] Ce serait dans L’Apprentissage du roman, et non dans ma vie, que le lecteur trouverait les clés de “Cachemire véritable” » (157). Les extraits d’un « journal intime » : Avec LRF : Rencontres, échanges entre LRF et Puech. Tout sujet qui concerne la littérature; sur l’écriture, l’écrivain, l’œuvre de LRF, sur la relation écrivain/ lecteur, sur le silence, sur des auteurs, etc. Commentaires sur le biographique : activité dérisoire par rapport aux vrais drames de la vie; transforme « une personne en personnage, un auteur en images, un sujet en objet » (38). De la relation LRF (écrivain)/ Puech (lecteur), ce dernier avoue avoir fait de LRF un personnage (48). Le rapport entre journal et roman : Aurais-je projeté sur Louis-René mes préoccupations les plus personnelles, au point depuis près de vingt ans de ne rien voir de sa vraie vie? […] Mon journal serait une sorte de roman (ou du moins les pages de mon journal qui concernent LR)? Cette sorte de roman auquel on fait crédit comme à un témoignage? Une sorte de mensonge? Cette sorte de mensonge auquel le menteur lui-même croit? Non pas une fiction voulue et reconnue, concertée, mais une invention involontaire — une affabulation? (52) Mon journal n’est donc pas tout à fait un roman. Mais il n’est pas non plus un simple témoignage : l’immédiat de mes notes est encore plus fictieux que la pure fiction. (52) Et sur l’importance de la façon de lire, différence qui n’est pas entre roman et témoignage, mais entre lecture comme historien qui cherche à démêler réel et imaginaire ou comme littéraire pour qui la fiction possède sa vérité. Montre que l’Apprentissage du roman et Louis-René des Forêts, roman sont les deux facettes d’un même projet, l’un de fiction littéraire, l’autre, de fabulation quotidienne. (53) Sans LRF : Puech réfléchit sur le journal qu’il a tenu, sur la transposition et les degrés de transposition qu’il s’est imposé afin de pouvoir publier les extraits de son journal (65-66), décrit le travail de transposition dans L’Apprentissage du roman (70-73) : Le romancier mêle toujours réel et imaginaire, […] La singularité de L’Apprentissage vient de ce que je fais le même travail avec des écrivains et avec des livres — et cela dans une imitation de genres référentiels, sérieux (73). Sur la nécessité de transposition (92) (une forme de politesse, pour ménager les susceptibilités des personnes réelles), sur l’évolution de la pensée de Puech à propos de sa relation avec LRF. LRF revisité : Sur la relation lecteur/ écrivain à laquelle il faut ajouter relation personnelle entre les deux hommes. Sur les formes journal/ roman : journal n’offrant pas clarté dans la progression, se caractérisant par tâtonnements, régressions, piétinements, etc. « Sur le mythe (et son déboulonnement) autour de LRF (« mené au silence par son travail littéraire » 130) et la relation entre le mythe et l’époque, « étroitement lié à l’antihumanisme du structuralisme, à la disparition de l’homme chez Foucault, à la mort de l’auteur chez Barthes, au “ procès sans sujet ” d’Althusser, au Texte qui s’écrit tout seul dans Tel Quel! À L’Éphémère aussi, l’effacement était de mise, chez du Bouchet notamment. » (130) Pacte de lecture : discours sérieux de l’essai + extraits de journal. Cet ouvrage n’est pas une biographie, mais est concerné par le biographique. Concerné aussi par la relation lecteur / auteur à travers l’œuvre lue et à travers les rencontres. Réflexion intéressante sur le fait de parler de l’autre (l’écrivain) qui mène à l’invention de l’autre (voir citation p. 52, plus haut). Se tenir loin du biographique n’est pas la meilleure façon (voir citation, note 9, p. 148 plus haut). Puech sait que le Louis-René des Forêts qui y est présenté est le Louis-René des Forêts de Puech. Les relations et mode de présence entre auteur, narrateur, biographe, biographé, personnage, sujet d’énonciation, sujet d’énoncé : pas vraiment une relation biographe/ biographé car l’ouvrage n’emprunte pas la forme d’une biographie, mais d’un journal; la relation lecteur (Puech)/ écrivain (des Forêts) où le sujet d’énonciation a d’abord la fonction de lecteur du sujet d’énoncé : lecteur de ses œuvres qu’il commente (surtout du point de vue du mythe) et auteur d’une bio (par le truchement du journal personnel), sinon imaginaire, du moins « fabulation quotidienne ». Ancrage référentiel (marqueurs de réalité) : noms propres, dates, pacte de lecture en mode sérieux Indices de fiction : ce n’est pas une œuvre de fiction; cependant, elle dénonce la fiction de toute entreprise biographique qui est toujours invention de l’autre. Topoï : mythe du silence de l’auteur Thématisation de l’écriture et de la lecture : que ça! Attitude de lecture : (évaluation par rapport à un corpus « biographie imaginaire »). Lecture d’un essai, d’un journal. Hybridation, Différenciation, Transposition : réflexion sur la transposition que fait Puech, lorsqu’il est Benjamin Jordane et qu’il transpose son journal personnel dans L’Apprentissage du roman. Autre transposition (dans l’univers fictif de Jordane), lorsque dans la nouvelle « Cachemire véritable », Puech imagine Jordane qui transpose son journal pour en faire une nouvelle. Autre : photocopie : l’ensemble de l’ouvrage Lecteur/lectrice : Anne-Marie Clément