Fiche de lecture
1. Degré d’intérêt général
Agréable à lire, mais le sous-titre “roman” m'apparaît quelque peu problématique puisqu'il s'agit de dix récit en cascade, basé sur le modèle de la pièce “La ronde” d'Arthur Schnitzler, parue en 1903. J'y reviendrai. À défaut de mettre en place une continuité sur le plan du contenu, c’est la forme particulière de liaison des récits qui fait office de fil conducteur. Comme si l’aspect formel particulier du livre agissait comme rassembleur des dix récits.
2. Informations paratextuelles
2.1 Auteur : Jacques de Decker
2.2 Titre : La Grande Roue
2.3 Lieu d’édition : Paris
2.4 Édition : Grasset
2.5 Collection : -
2.6 (Année [copyright]) : 1985
2.7 Nombre de pages : 216 p.
2.8 Varia : Sous-titre: roman. L'auteur est belge.
3. Résumé du roman
À Bruxelles, dix personnages, réunis en binômes, interagissent dans la vie quotidienne. Je vais résumer leurs rapports le plus succinctement possible: autour d'un repas, Élisabeth, infirmière de nuit, retrouve Sabine, une amie d'enfance qu'elle avait perdue de vue ; Sabine, qui travaille pour le fisc, contrôle Patrick, un jeune homme de vingt-cinq ans avec qui elle passera une soirée “semi-romantique” (leurs sentiments ne sont pas clairs, en tout cas) ; Patrick et Brigitte mettent fin à leur relation amoureuse ; Brigitte, une traductrice qui croit en pincer pour son patron, accompagne celui-ci, Bruno, à un Salon du bâtiment ; Bruno discute avec son frère Georges de la possibilité de vendre la maison familiale ; Georges erre dans la ville et finit par aboutir chez une prostituée qu'il nomme Perséphone, avec laquelle il discute ; Simone - le vrai nom de Perséphone - passe la fin de semaine en compagnie de son fils François dans un hôtel chic ; de retour au collège, François fait la connaissance d'Arnold, un peintre assez âgé ; Arnold se rend à une exposition de son ancien professeur de peinture décédé et y rencontre Zoé, la veuve du professeur qui, à l'époque, posait nue dans les cours de peinture de l'Académie ; enfin, Zoé, devenue soudain hypochondriaque par crainte de la vieillesse, se rend à l'hôpital pendant quelques jours pour un “check-up” général, où Élisabeth, l'infirmière, prend soin d'elle. La boucle est bouclée.
4. Singularité formelle
Les dix récits “en cascade” sont liés par le personnage qui revient le temps du récit suivant pour introduire un nouveau personnage qui reviendra au récit suivant et ainsi de suite. Le sous-titre “roman” est donc à prendre avec des pincettes puisque même si deux fils conducteurs clairs sont présents (Bruxelles et le personnage-lien), il n'existe pas, de mon point de vue, de continuité générale de la diégèse, surtout lorsqu'on considère deux récits aléatoirement, par exemple, le récit d'“Élisabeth et Sabine” et celui de “François et Arnold”. La continuité prend donc moins place dans la diégèse du “roman” que dans la manière d'introduire chaque récit.
5. Caractéristiques du récit et de la narration
Narrateur extra et hétérodiégétique qui ne trahit jamais sa présence. Une focalisation se fait sur le personnage qui introduit chaque récit (sur Élisabeth au début et sur Zoé à la fin, par exemple).
6. Narrativité (Typologie de Ryan)
6.1- Simple
6.2- Multiple
6.3- Complexe
6.4- Proliférante
6.5- Tramée
6.6- Diluée
6.7- Embryonnaire
6.8- Implicite
6.9- Figurale
6.10- Anti-narrativité
6.11- Instrumentale
6.12- Suspendue
Justifiez :
Je crois que c'est le meilleur moyen qu'offre la typologie de Ryan pour catégoriser La Grande Roue. Il ne s'agit que de récits liés entre eux chaque fois par un seul personnage. Bref, pas de macro niveau de récit, mais tout se passe dans le même cadre temporel et géographique.
7. Rapport avec la fiction
Aucune indication dans le roman quant au caractère fictionnel de l'entreprise.
8. Intertextualité
L'intertexte le plus marquant est explicité à la page 189. Botho, un ancien voisin d'Arnold, raconte à ce dernier qu'il a fait une exposition inspirée de La Ronde de Schnitzler et mentionne les noms de Vadim et Ophuls, deux cinéastes qui ont transposé au grand écran la pièce de Schnitzler. N'ayant jamais lue celle-ci, je me contenterai de citer Wikipédia: “La pièce est constituée de dix brefs dialogues entre deux personnages, un homme et une femme qui ont une relation sexuelle. Le spectateur assiste aux préliminaires, au jeu de séduction ou de pouvoir, et à la fin du tête-à-tête. L'acte sexuel lui-même n'est pas mis en scène. La ronde est constituée par le fait que chacun des protagonistes a deux partenaires successifs et apparaît donc dans deux scènes consécutives, et que le dernier personnage a une relation avec la première.” (http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Ronde_(Schnitzler)) Le roman de Jacques de Decker constitue donc une adaptation de la pièce de Schnitzler puisqu'il reprend, pour une histoire différente, son principal procédé formel en l'ajustant au genre romanesque.
9. Élément marquant à retenir
Je crois que même s'il s'agit d'une reprise d'un procédé vieux de près d'un siècle, l'élément le plus pertinent de La Grande Roue est la façon de lier les récits entre eux, ce qui permettrait de former une oeuvre unifiée, selon le sous-titre, à moins que la mention “roman” ne serve qu'à une meilleure commercialisation de l'ouvrage…