Dambre, Marc & Monique Gosselin-Noat (dir.), L’Éclatement des genres au XXe siècle, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2001.
Dambre, M. & M. Gosselin-Noat. « Avant propos », p. 5-7.
« L’éclatement des genres » : l’explosion positive, l’émergence, la floraison de combinaisons inédites qui favorisaient la créativité au-delà des limites génériques. » (p. 5) « Roman » : Cette étiquette « peut n’être que l’expression d’un exercice et d’un défi qui suppose la prise de conscience d’un conflit entre l’appréhension des cadres réels et l’impossible soumission à une vision faussement unifiée de ce même réel. » (p. 6)
Schaeffer, J.-M. « Les Genres littéraires, d’hier à aujourd’hui », p. 11-20.
Schaeffer fait cinq remarques sur la question de l’éclatement des genres : 1. Il le pense en termes de modernité plutôt qu’en celles de postmodernité parce que, d’un côté, il considère qu’on ne peut pas penser la postmodernité lorsqu’on en fait partie et, de l’autre côté, on ne peut étudier une tranche d’histoire littéraire aussi mince que celle représentée par la postmodernité. 2. La notion d’« éclatement » lui paraît insuffisante en ce qu’elle est définie très différemment par les auteurs des textes du recueil : « dérive », « crise », « composite », « transgenérique », etc. 3. Parler d’interdépendance entre identité générique passée et éclatement actuel revient à poser la question d’une relation qui va dans les deux sens. 4. Quels genres éclateraient ? Cette question se pose à la lumière de la diversité des définitions et des limites, ainsi que les relations de parenté thématique ou de modalisation hypertextuelle ou généalogique, etc., ainsi que la scission entre la littérature « sérieuse » et « de divertissement ». 5. Les causes de cet éclatement sont psychologiques et de disposition intentionelle. Comment les étudier sans sortir du domaine littéraire ? Il propose qu’une approche compariste conviendrait le mieux.
Godard, H. « La Crise de la fiction. Chroniques, roman-autobiographie, autofiction », p. 81-91.
Fiction : « La fiction doit s’entendre dans ce champ comme le pouvoir qu’a le romancier d’inventer et de donner vie dans l’imagination des lecteurs, par les vertus de la narration, à des personnages fictifs, proclamés par lui comme tels et reçus comme tel par le lecteur, essentiellement distincts de lui-même et de tout individu réel, quels que soient les emprunts de détail faits à ce réel, le sien ou celui d’autrui ; distincts d’une distinction perçue, chacun à sa manière mais également, par le romancier et par le lecteur. » (p. 81)
Mais la fiction ne se confond pas avec le roman. Ce dernier est compatible avec l’autobiographie, mais à l’exclusion de la fiction : voire, « un roman sans fiction dans la mesure où les personnages du récit seraient réels […]. La gageure d’un roman-autobiographie qui associe sans les annuler ces deux termes est devenue un des traits caractéristiques de la narration de notre époque. » (p. 86) Godard prétend que ce terme convient mieux que celle d’autofiction, paradoxale selon son argumentation pour désigner ce type de production littéraire. (p. 89)
« Entre vérité et imaginaire, l’écart de densité épistémologique est tel que, se situer ainsi théoriquement à mi-chemin de l’autobiographie et du roman, c’est se retrouver du côté du roman. » (p. 91)
Cardonne-Arlyck, E. « Articles en tous genres : le composite », p. 305–316. L’auteur fait référence à la position intéressante de Kate Hamburger qui oppose « l’expérience de non-réalité de la fiction à l’expérience de réalité de l’énonciation lyrique » et « écarte de la fiction le récit homodiégétique, à cause de sa forme énonciative, et le rapproche de la poésie lyrique, parce qu’il constitue comme elle un énoncé de réalité, mais feint. » (p. 316)
Bouju, E. « Romans et tombeaux : l’insoutenable indétermination du genre », p. 319-330
Écriture du deuil, tombeau littéraire, hybridité
Viart, D. « Essais-fictions : les biographies (ré) inventées », p. 331-345.
« biographies imaginaires », « essais-fictions » : « ces vingt dernières années ont vu paraître de nombreux textes génériquement indécidables dont la particularité commune est de se donner comme des “tentatives de restitution” de vies singulières, distinctes de la biographie de l’auteur lui-même. [… Ces textes] procèdent par évocation plus que par effectives reconstitutions, font place à la rêverie narrative de l’auteur, affichent leurs incertitudes et leurs hypothèses, laissent libre cours au commentaire et à la fiction. Elles n’ont pas la moindre ambition exhaustive et privilégient souvent tel fragment d’existence ou tel événement, pas forcément central ni déterminant a priori. » (p. 331)
« Le geste autobiographique s’y déploie sur le mode d’un “détour” qui place la biographie – sous la forme restreinte de l’esquisse ou du fragment – au coeur d’un imaginaire d’élection susceptible de dire le sujet mieux que s’il ne développait les événements de sa propre vie. Les genres se rassemblent dans cette forme d’écriture qui emprunte aussi bien à la poésie […] qu’au récit, au souvenir et à la rêverie. » (p. 335)
« cette forme qui (se) joue de la biographie interroge sa filiation générique et culturelle (comme aussi, mais c’est une autre question, les filiations biologiques […]). Elle en montre la dégénérescence en cessant d’être dupe de ses propres fascinations et des constructions qu’elles induisent, sans pour autant se refuser parfois le plaisir de s’y abandonner. » p. 340
Les « biographies imaginaires » entrent en dialogue critique avec des « modèles » du passé, non pas afin de les imiter, mais plutôt afin de les interroger, de chercher leur place dans la littérature, de mettre en question le genre depuis ce qui l’identifie. (p. 341-343)
« L’espace transgénérique » : Un espace dont la poésie, la fiction, l’essai, la biographie et l’autobiographie fourniraient les cinq sommets.