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Le conte du biographe par A.S. Byatt

INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur : A.S. (Antonia Susan) Byatt Traducteur : Jean-Louis Chevalier Titre : Le Conte du biographe Lieu : Paris Édition : Denoël Collection : « & d’ailleurs » Année : 2005 (2000 pour la version originale) Pages : 344 Cote BAnQ : Byatt B9932c (Niveau 1 – Romans)

Biographé : Scholes Destry-Scholes (écrivain imaginaire) Pays du biographe : Grande-Bretagne Pays du biographé : Grande-Bretagne

Désignation générique : Roman Quatrième de couverture : Présentation générale du projet biographique qui constitue la trame narrative du roman, et quelques informations sur l’auteure. Préface : Aucune

Autres informations : Des remerciements de l’auteure, à la fin du roman, attestent de l’importance des recherches effectuées par celle-ci.

Textes critiques sur l’œuvre et/ou l’auteur :

DE DECKER, Jacques, « Quand un romans se fait preuve amusée de l’impossibilité d’écrire une biographie », Le Soir, Culture, 29 avril 2005.

HOMEL, David, « Un casse-littéraire », La Presse, Lectures, 30 octobre 2005, p. AS16. (Note : ce texte présente Le Conte du biographe de manière très peu clairvoyante.)

KATTAN, Naïm, « Le personnage qui s’échappe », Le Devoir, Livres, samedi, 17 septembre 2005, p. f4.

RÉROLLE, Raphaëlle, « Antonia Susan Byatt ou la combinatoire du biographe », Le Monde, Le Monde des Livres, vendredi, 13 mai 2005, p. 5.

SYNOPSIS

Résumé ou structure de l’œuvre : Le Conte du biographe est le récit à la première personne de Phineas G. Nanson, doctorant en littérature d’une université britannique. Au cours d’un séminaire sur les théories critiques postmoderne, Phineas prend conscience qu’il en a assez de baigner dans l’abstraction, et qu’il a au contraire besoin de choses, de faits. Incertain quant à son avenir, il demande conseil au professeur Ormerod Goode, taxinomiste des noms de lieux et philologue, qui lui recommande de lire la biographie de Sir Elmer Bole (homme politique, voyageur, polyglotte, aventurier, savant) par Scholes Destry-Scholes, texte qui selon Goode constitue l’œuvre la plus savante de son époque. Impressionné par le travail de Destry-Scholes, Phineas, qui avait d’abord un préjugé défavorable envers le genre biographique, décide de consacrer une biographie au biographe. Il retourne donc interroger Goode, qui lui apprend avoir rencontré Destry-Scholes lorsque celui-ci était venu à l’université donner une conférence sur la biographie, et lui affirme avoir entendu dire que Destry-Scholes serait mort noyé dans le maëlstrom, aux îles Lofoten en Norvège. Phineas se met alors en quête d’informations sur le mystérieux biographe en même temps qu’il commence à travailler (en changeant de sujet de thèse, le jeune homme a dû renoncer à sa bourse de recherche) dans une agence de voyage spécialisée dans les périples exotiques et intellectuels. Cet emploi prend de plus en plus de place dans la vie du narrateur, d’une part parce que ce travail le passionne, et d’autre part parce que ses recherches biographiques s’avèrent peu fructueuses, du moins jusqu’à ce qu’il entre en possession de trois documents biographiques inachevés de Destry-Scholes.

Le texte de ces manuscrits, qui nous est transmis intégralement, occupe près de soixante-dix pages. Le premier est consacré à un voyage en Laponie fait par Carl von Linné, naturaliste suédois du XVIIIe siècle, considéré comme le père de la taxinomie moderne. Le second texte traite de Francis Galton, neveu de Charles Darwin, anthropologue, statisticien, théoricien de l’eugénisme, et se penche sur un voyage qu’il a fait en Afrique. Le troisième texte se consacre au dramaturge norvégien Henrik Ibsen. Si, dans le dernier texte, une partie est clairement fictive, la factualité des deux autres pose problème : en effet, au cours de ses recherches, Phineas découvre que Linné et Galton ont eux-mêmes menti sur leurs expériences, et que Destry-Scholes a inventé des éléments (ce que le narrateur avait déjà soupçonné dans la biographie d’Elmer Bole).

Phineas tente donc d’en apprendre davantage sur ceux qu’il nomme les trois « individualités », qui forment selon lui une sorte de Trinité, dont la symbolique lui échappe. En faisant des recherches sur Linné, il fait la rencontre de Fulla, une Suédoise spécialiste de la taxinomie des abeilles, qui lui propose de l’aider en traduisant du suédois certains extraits du document sur Linné. Une autre personne vient également aider le narrateur dans sa quête : Vera Alphage, la nièce de Destry-Scholes. Elle contacte Phineas, qui avait placé une annonce dans un journal pour demander des documents sur Destry-Scholes, afin de lui proposer d’examiner les archives dont elle a hérité de son oncle, qu’elle connaissait cependant à peine. La jeune femme refuse toutefois de laisser un inconnu partir avec ses archives familiales, mais elle permet au narrateur de venir chez elle pour recopier le contenu des documents, qui sont en fait des fiches dont Phineas se rend compte bien vite qu’il s’agit de textes recopiés par Destry-Scholes, mais dont les références manquent. En même temps qu’il les recopie, l’apprenti-biographe entreprend le travail laborieux d’en déterminer l’origine et de les classer.

Mais toutes ces fiches ne permettent pas à Phineas, qui leur consacre beaucoup d’énergie, de progresser dans son enquête biographique, puisque l’attention est sans cesse détournée vers les « trois individualités », Linné, Galton et Ibsen : au lieu de l’approcher de son objet biographique, les recherches de Phineas l’amènent à s’intéresser à tous les sujets auxquels Linné, Galton et Ibsen s’étaient consacrés. De plus, ses recherches favorisent pour lui un épanouissement sentimental, car il entreprend parallèlement des relations amoureuses avec Fulla et Vera. Peu à peu, Phineas se rend compte qu’il a substitué l’absence de Destry-Scholes, duquel on n’a, somme toute, rien appris du tout, par sa propre présence ; que la biographie avortée s’est transformée en autobiographie. Parallèlement à ce constat, il prend conscience de ce qui a causé, au début du récit, sa désaffection de la littérature : il a cherché à travers elle un savoir global sur le monde qui, en bout de ligne, lui a été révélé par les sciences naturelles. Libérée de cette fonction, la littérature peut reprendre sa valeur aux yeux de Phineas, qui la perçoit désormais en harmonie avec le monde et la nature.

Topoï : Échec de la théorie littéraire, échec de la biographie, voyages, sciences, entomologie, autobiographie.

Rapports auteur-narrateur-personnage : Aucun rapport apparent. Phineas semble être un personnage tout à fait fictif, à l’instar de Destry-Scholes et d’Elmer Bole. (Les trois individualités, au contraire, sont des gens qui ont vraiment existé.)

POSTURES DU BIOGRAPHE

Position du biographe et du biographé dans l’institution littéraire et, s’il y a lieu, transfert de capital symbolique : Le biographe fictif, Phineas, est un doctorant en littérature, abreuvé de théories littéraires. Son projet biographique est une sorte de quête personnelle, car il souhaite trouver une vérité factuelle sur le monde à travers cette entreprise intellectuelle. Le biographé, Destry-Scholes, est connu uniquement pour sa biographie de Sir Elmer Bole, qui ne jouit cependant pas d’une très grande renommée dans la mesure où la théorie littéraire, telle que présentée dans le roman, regarde la biographie de haut. Goode affirme à Phineas : « L’art de la biographie est un art méprisé parce que c’est un art de choses, de faits, de faits arrangés. L’œuvre la plus savante de mon époque est, à ma connaissance, l’étude de Scholes Destry-Scholes, sa biographie de Sir Elmer Bole. Mais personne ne le sait. Elle n’est pas prise en considération. » (2005 : 16)

Place de la biographie dans l’œuvre de l’auteur : Le personnage en est à ses premières armes en matière de biographie : avant qu’il ne lise la biographie d’Elmer Bole, il partage les idées négatives que la critique littéraire entretient à l’égard de ce genre. Sa soif de faits et son admiration pour le travail de Destry-Scholes le poussent à se lancer lui-même dans l’aventure biographique. Il abandonne pourtant son projet à la fin du récit, car il a vu que le travail biographique impliquait un effacement de soi dont il n’est pas capable (au contraire, le fait d’écrire sur lui-même favorise son épanouissement personnel et intellectuel).

Thématisation de la biographie : La biographie est mise au cœur des réflexions du narrateur dans plusieurs passages, notamment ceux mentionnés plus haut. On peut également lire les notes de la conférence donnée par Destry-Scholes sur la biographie, où celui-ci donne en quelque sorte la marche à suivre pour écrire une biographie. Il est également question du genre lorsque Phineas hésite entre divers systèmes d’interprétation de certains faits de la vie de son biographé. Le narrateur s’interroge aussi sur la biographie lorsqu’il lit celle que Karl Pearson a consacrée à Francis Galton, et qui tend vers l’hagiographie. La biographie est, en somme, un thème récurrent du roman. Le narrateur écrit aussi à propos de Destry-Scholes que sa recherche sur les individualités laisse croire qu’il menait une expérience sur la nature du récit biographique (2005 : 217), notamment parce qu’il semblait chercher à travers ces trois personnes non ce qui les rendait uniques – ce que recherchent en général les biographes – mais plutôt ce qu’ils avaient en commun (2005 : 313).

Affiliation à une culture d’élection et apports interculturels : Bien que le biographe et le biographé soient tous deux britanniques, le roman tend à intégrer d’autres cultures, par le biais des biographés de Destry-Scholes : Bole, Galton, Linné et Ibsen. Il est question, par exemple, de la culture africaine et turque. La culture scandinave, en particulier, occupe une place centrale dans le roman.

FIGURES D’ÉCRIVAINS

I- LES SCHÉMAS ARGUMENTATIFS

Convocation d’un discours critique? Présence d’un argumentaire expliquant, justifiant ou contestant les rapports vie-œuvre?

Le discours critique postmoderne est évoqué au début du récit, pour expliquer le rapport du narrateur au genre biographique. Cette perspective, selon laquelle on ne doit pas tenir compte de la vie d’un auteur pour analyser son œuvre, est vite mise de côté par l’apprenti-biographe, qui ne convoque cependant pas d’autre discours critique pour pallier au rejet de celui-ci. Sa propre vision du rapport vie-œuvre n’est pas vraiment explicitée, puisque le narrateur ne sait à peu près rien de la vie du biographé.

II- LES STRATÉGIES DIÉGÉTIQUES

Identifier le « dispositif structurant » (s’agit-il d’une biographie imaginaire d’un écrivain réel, d’un texte mettant en scène un écrivain réel dans une fiction ou d’un texte mettant en scène un écrivain fictif?) et les répercussions du choix du « genre » sur la façon de traiter le rapport vie-œuvre.

Il s’agit du récit d’un narrateur imaginaire qui souhaite écrire la vie d’un biographé imaginaire. Les trois individualités, par contre, ont vraiment existé. Le texte a la particularité d’être si bien construit et mené qu’il semble impossible de déterminer sans recourir à des sources extérieures quels personnages sont fictifs, et lesquels ont vraiment existé. Les descriptions des travaux de Destry-Scholes sur Elmer Bole, par exemple, sont si précises que l’auteure réussit à créer l’illusion que non seulement le biographé existe, mais que l’ouvrage qui lui est consacré existe également.

Mise en scène de l’écrivain : comment est-il mis en scène en tant qu’écrivain (par exemple : le voit-on en train d’écrire?)

Il n’y a aucune mise en scène de Destry-Scholes : le narrateur ne sait même pas à quoi il ressemblait. En fait, à cause de l’absence du biographé, c’est plutôt le biographe, qui pour combler cette absence se met en scène lui-même, autant dans sa propre écriture que – ce qui est à l’origine d’une sorte de crise de conscience qui finit par mener à la conclusion du récit – dans les événements de sa vie. La vie du biographé, qui aurait dû finir par prendre toute la place, à mesure qu’on en aurait appris sur elle, étant impossible à retracer, l’écriture du narrateur évolue plutôt en sens inverse : son travail devait servir à dévoiler une vie, mais c’est la sienne qui finit par emplir le texte.

Mise en scène de l’œuvre : l’œuvre est-elle convoquée? Si oui, sert-elle de support à l’ « explication » de la vie? Retrouve-t-on des échos thématiques ou stylistiques de l’œuvre de l’écrivain dans la biographie?

La biographie d’Elmer Bole est décrite assez longuement, et les documents sur les trois « individualités » nous sont transmis intégralement, ainsi que bon nombre des fiches dont Vera a hérité. Par les recherches auxquelles le narrateur est contraint afin de comprendre l’œuvre, les divers sujets qu’on y retrouve sont également présents dans le texte pris en charge par Phineas.

On constate par ailleurs que certains éléments de la vie des biographés de Destry-Scholes sont reproduits dans celle de Phineas. Par exemple, il explique qu’Elmer Bole menait une double vie conjugale, l’une en Angleterre et l’autre en Turquie, et que chacune de ses épouses étaient représentées allégoriquement dans son œuvre par une pomme rouge et une pomme verte. Phineas se retrouve à peu près dans la même situation, étant amoureux tant de Vera que de Fulla (qui part d’ailleurs en Turquie à la fin du roman), pensant métaphoriquement l’une comme de l’argent, l’autre comme de l’or. Les voyages, omniprésents dans la vie de Destry-Scholes et de ses biographés, intéressent grandement Phineas, qui s’investit beaucoup dans son travail pour une agence de voyages. De plus, les deux amantes de Phineas s’intéressent à des sujets qui sont incontournables dans la vie des individualités : Fulla, comme Linné, est passionnée par la taxinomie alors que Vera, qui est radiologiste, a une passion pour la photographie qui s’apparente un peu à celle de Galton et de ses portraits composites.

La vie vient-elle expliquer l’œuvre ou, inversement, l’œuvre vient-elle expliquer la vie?

La vie et l’œuvre se recoupent de manière assez particulière : Destry-Scholes est en quelque sorte un biographe absolu, ou idéal, en ce sens que son existence même accomplit ce que son œuvre, comme toute œuvre biographique, doit respecter : l’effacement du biographe. Ainsi, Destry-Scholes s’efface de sa propre vie : sa seule parente ne l’a pas connu, sa collection de photographies représente presque exclusivement des gens qui ne lui étaient pas familiers, ses archives personnelles sont composées de textes qui ne sont pas de lui et qu’il a simplement recopiés. Même sa mort lui reste étrangère, puisqu’on ignore s’il a vraiment sombré dans le maëlstrom.

III- LES MODÈLES EXPLICATIFS

Le biographe fait-il le choix d’un modèle explicatif (sociologie, psychanalyse, histoire) qui permet de réactualiser le rapport entre vie et œuvre, de l’observer sous un certain angle et, dans une certaine mesure, de poser la question des déterminations (ex : telle œuvre n’aurait pu avoir lieu que dans tel contexte social, historique, psychique, etc.)?

Le narrateur, manquant d’informations sur Destry-Scholes, ne s’aventure pas vraiment dans l’interprétation du rapport vie-œuvre. Il pose toutefois l’hypothèse – qu’il n’a pas vraiment la possibilité d’éprouver – que Destry-Scholes puisse être les trois individualités sur qui il enquêtait et chez qui il recherchait non ce qui les distinguait, mais plutôt ce qui les rendait communs.

IV- LES DÉTERMINATIONS ÉTHIQUES

Observe-t-on une volonté de réhabilitation, de valorisation et/ou de démythification du biographé mis en scène et/ou de son œuvre? Si oui, sur quelles bases (engagement politique, moralité douteuse, ambition démesurée, etc.) dresse-t-on la vie contre l’œuvre ou inversement (l’un justifiant, condamnant ou sauvant l’autre)?

À la base du projet du narrateur, il y a notamment une volonté de réhabiliter un auteur d’une grande envergure intellectuelle, qui a été oublié par une tradition littéraire qui méprise le genre biographique.

Dans le projet de Byatt, il semble y avoir une volonté de valoriser le genre biographique

Autres commentaires :

Cet ouvrage étonnant est tout à fait fascinant, notamment parce qu’il traite de sujets qui sont très peu exploités en littérature, par exemple la taxinomie, ou encore les portraits composites. De plus, l’auteure parvient à réconcilier ces domaines de savoir scientifiques avec des questions d’ordre littéraire, qui sont également questionnées dans son livre. En exploitant parallèlement ces questions apparemment incompatibles, Byatt veut montrer comment la science et la littérature se rejoignent en tant que discours sur le monde.

Lecteur/lectrice : Mariane Dalpé

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