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Table des matières

LE CONTEMPORAIN DE LA CRITIQUE - RECHERCHE COMPLÉMENTAIRE

PELLETIER, Jacques (1995), « Un témoin nécessaire [compte rendu du livre Le premier lecteur de Réginald Martel] », Lettres Québécoises, n° 77, 1995, p. 46-47.

« Depuis plus de vingt-cinq ans maintenant, Reginald Martel tient avec compétence, clairvoyance, et responsabilité, une chronique nécessaire sur le roman québécois dans La Presse. Cela en fait sans doute le critique journalistique le mieux informé sur cette production et le plus influent. » (46)

Alors que les écrivains et les publications passent, « Martel, lui, demeure, assure une continuité essentielle, établit des liens, des ponts entre les œuvres et les auteurs, signale les ruptures, et les filiations, s’affirmant comme un perspicace historien du présent de notre littérature. » (46, je souligne)

« Par sa constance et sa connaissance avisée du corpus romanesque, il joue un rôle utile, important, dans le développement de la vie littéraire au Québec. Dans son secteur d’activités, l’information et la critique journalistiques, il occupe une position centrale, déterminante, proposant un premier classement des œuvres qui sera ensuite repris et discuté par les spécialistes de la discipline, chercheurs et enseignants qui, eux, assureront leur passage définitif au statut de «classiques». » (46)

“Il n’y a donc pas d’opposition entre la critique journalistique, lorsqu'elle est faite avec sérieux et intelligence, et l’analyse de longue haleine. Il y a plutôt complémentarité, participation, à des niveaux et avec des moyens différents, à une même tâche commune d’analyse et de compréhension de la réalité littéraire d’une société qui, pour ce qui nous concerne, est celle du Québec. » (47)

ALLARD, Jacques (1991), Traverses. De la critique littéraire au Québec, Montréal, Boréal, (coll. « Papiers collés »).

À l’époque de Camille Roy et le développement d’une littérature nationale : « La charité dominante avait un prix, lourd à payer, celui de l’esprit critique lui-même, qui supposait d’abord le simple droit (évidemment civil, trop laïc) à l’expression. C’est là un fait que toutes les politesses cléricales, aumônières ou épiscopales auront souvent réussi à masquer : ce discours dominant dans le champ culturel reposait tout de même, en bonne partie, sur l’oppression de ce qu’il prétendait finalement développer sur les plans culturel et littéraire. On ne peut donc s’étonner du peu d’écrivains authentiques au XIXe siècle. » (1991 :`23)

Dans sa perspective métacritique, il voit 1960 comme un tournant, la modernité datant d’avant : « L’année 1960 constitue pour beaucoup le point pivotal ; avant, c’est moderne (depuis 1895 ou 1900); après, c’est postmoderne (voir en particulier Moments postmodernes dans le roman québécois de Janet M. Paterson 1990). On retrouve ces notions au travail dans L’Avènement de la modernité culturelle au Québec (Lamontagne et Trépanier 1986), Guy Delahaye et la modernité littéraire (Lahaise 1987), Stratégies du vertige (Dupré 1989) ou encore L’Écologie du réel (Nepveu 1988). » (1991 : 94)

En 1991, il souligne que la critique « n’en est pas rendu à une mise en rapport soutenue avec les autres littératures » (1991 : 94), ce qui n’est manifestement plus le cas aujourd’hui. Il souligne toutefois que, en ce qui concerne le corpus québécois, « les études québécoises récentes se déploient au Québec et à l’étranger dans tout l’éventail contemporain des méthodes et des théories littéraires. » (1991 : 106)

ROBERT, Lucie (2011), « Le littérature québécoise. “Québécoise”, avez-vous dit? Notes sur un adjectif », dans Karine Cellard et Martine-Emmanuelle Lapointe, Transmission et héritages de la littérature québécoise, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Espace littéraire », p. 17-31.

Histoire littéraire vs histoire de la littérature : « La mise en intrigue, donc, est un travail sur l’action. S’agissant de la littérature, le XIXe siècle met au point deux grands types de mise en intrigue : l’histoire littéraire et l’histoire de la littérature. Désiré Nisard est le premier à distinguer les deux. » Les deux citations de Nisard : « L’histoire littéraire commence avec la nation elle-même, avec sa langue, le jour où le premier mot de la langue française a été écrit. Elle embrasse tout ce qui a été écrit dans un besoin de perpétuité et de tradition. » [dans « Différence entre l’histoire littéraire et l’histoire de la littérature » dans A. Chauvet et G. Le Bidois (dir.), La littérature fran¸aise par les critiques contemporains, Paris, Belin, 1893, p. 1-2] « L’histoire de la littérature commence et finit à une époque précise : il y a une littérature le jour où il y a un art; avec l’art cesse la littérature. » [p.3] [je ne comprends pas le sens du dernier syntagme] « Dans un cas, l’histoire littéraire, qui rend compte d’une pratique; dans l’autre cas, l’histoire de la littérature, qui rend compte d’une certaine catégorie d’œuvres. L’action n’est pas la même, le Sujet ne sera pas le même non plus. » (2011 : 20)

Postmodernité : « Peut-on parler d’une troisième modernité à propos de ce qu’il est convenu de nommer la postmodernité? Ce qui caractérise cette postmodernité, c’est avant tout l’extension du doute classique, qui avait fondé l’idée de l’Homme et de l’humanité par la remise en question de la toute-puissance divine, c’est l’extension du doute classique à tous les champs normatifs, quels qu’ils soient. Jûrgen Habermas a montré comment la sphère publique débouchait sur la publicité dans nos univers contemporains et comment les années récentes se caractérisaient par la perte de croyance et la crise de la légitimité, de toute légitimité. Cela se mesure de maintes façons, tant par le peu de crédibilité des hommes politiques que par la remise en question de diverses instances de légitimation artistique ou littéraire (académies, prix, panthéon). » (2011 : 26) « Ne reste désormais que le pluri-, le multi-, l’éphémère, le circonstanciel, l’incertain, le précaire, voire l’errance, le partout et le n’importe où, le n’importe quoi et le “tout se vaut”. » (2011 : 27) « En ce sens, la fin des Grands Récits, c’est d’abord la fin des grands systèmes d’interprétation. À travers la perte du récit, c’est-à-dire de la mise en intrigue, ce sont les grandes entités qui disparaissent elles aussi. Il en résulte plusieurs choses ; a) la sous-information narrative, faute de fresque, voire d’épopée, qui empêche de saisir tout mouvement d’ensemble; b) l’émergence d’une histoire sans sujet, c’est-à-dire que les sujets naissent de l’écriture et non l’inverse; c) la perte du sens, qui résulte de la dissolution des réseaux narratifs ou thématiques et de leur remplacement par la mise en valeur autocritique des structures proprement narratives. Par-dessus tout, peut-être, il y a la perte de référence au temps humain, au profit d’un temps découpé administrativement en heures, en minutes et en secondes, mais qui ne révèle guère autre chose que la durée, voire la répétition. » (2011 :27) « Ce qui remplace la synthèse de l’hétérogène, fondatrice du récit historique, c’est la représentation de l’hétérogène non synthétisé : le quotidien sans événement, c’est-à-dire la tranche de vie, sans perspective et sans point de vue, mais aussi, sur le plan de la recherche, notamment de la recherche littéraire, les travaux qui visent la déconstruction du sens, à travers l’analyse des discours existants (de là d’ailleurs l’extension remarquable, ces dernières années, des théories de la réception et de la lecture), plutôt que la construction de discours nouveaux. Il s’agit avant tout de démonter l’échafaudage discursif de toute légitimité, de questionner les catégories même du savoir et du social. La déconstruction ne propose pas de nouvelles lectures, de nouvelles interprétations, de nouveaux récits; elle montre comment ces lectures, ces interprétations, ces récits ont été construits sur des valeurs particulières (et discutables) par des agents situés dans un temps, un lieu, une classe sociale données, selon une idéologie préconçue. En ce sens, le postmodernisme n’est pas un nouveau moment, mais la fin d’un mouvement en trois étapes. » (2011 : 27)

Vision pessimiste de l’avenir de l’institution : « Devant ces monstrueux appareils de diffusion, les écrivains québécois n’ont pas l’ombre d’une chance. Car dans cette globalisation se joue la question des littératures nationales : les multinationales de l’édition et des médias n’ont pas précisément le cœur tendre ni les valeurs sociétales, et les pressions internationales se font insistantes pour que les États, les petits en particulier, abandonnent leurs politiques protectionnistes en matière de culture. » (2011 : 28) Sur l’adjectif québécois (3e génération) : « Le syntagme “littérature québécoise” résulte lui-même d’une sorte de synthèse de l’hétérogène, construite par l’histoire, dans la mesure où l’adjectif fait intervenir le politique et l’identitaire dans une catégorie esthétique. Et comme tel, cet adjectif est en crise. Dans les études littéraires contemporaines, la représentation de l’hétérogène non synthétisé engage la dissolution du lien qui unit l’adjectif au substantif, mais aussi la dissolution du substantif lui-même : la Littérature ne se définit plus comme une unité dont un des caractères serait son identité nationale; les œuvres sont désormais prises une à une et insérées dans des ensemble transversaux définis par des problématiques éclatées. […] réemploi du passé, mais d’un passé non narrativisé, toujours au présent [référence à Nora et d’autres]. » (28-29) Note : je ne suis pas certaine que ce soit toutes les œuvres québécoises, mais bien celles qui sont post-90. Les « contemporaines ».

Robert propose de réfléchir et de désengager la relation dite « incestueuse » entre histoire littéraire et histoire sociale ou des idées pour une histoire des pratiques artistiques (à l’aide des outils du culturel). (30-31) C’est seulement une avenue possible, dit-elle : « L’important est de continuer à réinventer cette synthèse de l’hétérogène, chaque fois autrement, mais toujours en vue de garder ces années vivantes dans la mémoire de ceux qui viendront. » (2011 : 31)

GARAND, Dominique (2011), « Figures oubliées? L’arpenteur et le navigateur ou les suites de l’“affaire LaRue” », dans Karine Cellard et Martine-Emmanuelle Lapointe, Transmission et héritages de la littérature québécoise, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Espace littéraire », p. 99-110.

Contextualisation du tournant de 1980 : « Le courant dominant pendant cette période tourne volontiers le dos, parfois même de manière agressive, au nationalisme identitaire jugé réactionnaire. Le féminisme prend les devants conjointement à des recherches formelles plus poussées. J’insiste ici sur le fait que, pour les écrivains émergeants de cette génération, l’existence d’une littérature québécoise ne pose plus problème. La création de l’UNEQ en 1977 vient concrétiser ce sentiment. On vit avec la certitude de s’être mis au diapason des préoccupations planétaires. Les écrivains obtiennent des subventions qui leur permettent de voyager, des liens sont tissés avec d’autres pays, certains voient leurs œuvres inscrites au programme d’institutions étrangères. Parallèlement à la tendance que je viens de décrire, qui concerne davantage les poètes, un roman comme Le Matou d’Yves Beauchemin procure l’impression qu’une œuvre populaire peut obtenir un succès commercial. Ces années-là sont marquées par une effervescence certaine, malgré la morosité créée par l’échec du projet indépendantiste en 1980. Ce sont des années où la littérature québécoise trouve sa place dans l’enseignement. Pour la première fois peut-être dans l’histoire du Québec, l’institution paraît auréolée d’un pouvoir désirable. » (2011 : 103)

Anne Caumartin et Martine-Emmanuelle Lapointe (2004), « Présentation », dans Caumartin et Lapointe (dir.), Parcours de l’essai québécois, Québec, Nota Bene, p. 9-15.

Certains motifs littéraires se retrouvent aussi dans les essais : le désenchantement, l’engagement plutôt poétique que politique, le repli dans la vie ordinaire (2004 : 12).

Anne Caumartin, « S’engager après 1980. Le cas d’Andrée Belleau, intellectuel », p.145-162.

Du côté de l’essai, la fracture de 1980 semble assez tangible : « Lorsque la sociocritique s’intéresse à l’essai québécois contemporain, genre caractérisé d’emblée par son aspect référentiel, une date s’avère incontournable : 1980, année du premier référendum sur le projet de souveraineté au Québec. Avec la défaire du “oui”, le constat de l’impossibilité d’une indépendance qui s’annonçait faisable laisse un sentiment d’amertume à bon nombre d’intellectuels, causant de fait leur repli dans leur champ d’expertise. Sortir de sa compétence pour influencer la cité – ce qui se veut le propre de l’intelligentsia – ne se fait plus que timidement. Dès lors, on constate dans les essais québécois sinon une rupture d’avec le politique du moins un passage vers le poétique : on délaisse le mot d’ordre mobilisateur, la virulence rhétorique (tributaires de la passion, la colère, l’ironie ou le ressentiment que confesse Belleau) pour adopter un certain lyrisme, pour cultiver plus avant le pouvoir suggestif du symbolisme. Cet effacement de l’engagement manifeste permet-il d’annoncer la mort de l’intellectuel au Québec comme on le fait au même moment de l’autre côté de l’Atlantique? Si on peut difficilement se résoudre à prononcer un tel verdict, on doit toutefois concéder qu’il y a eu redéfinition du rôle de l’intellectuel québécois au tournant des années 1980 et les essais d’André Belleau écrits alors en sont une illustration patente. » (145-146)

Changement de 1980 selon F. Dumont (autre que le référendum – phénomène mondial) : Selon Caumartin, Fernand Dumont suggère que la « réorientation des préoccupations sociales » qui expliquerait le « désengagement des intellectuels québécois » ne s’expliquerait pas seulement par la victoire du « non ». « Le “tassement” de la “question nationale” est présenté par le sociologue comme l’aboutissement logique de la mutation de la société québécoise déjà amorcée après la Seconde Guerre mondiale et mise en forme par la Révolution tranquille par des gestionnaires dont la voix acquiert de plus en plus d’autorité dans l’organisation de la cité. Si les intellectuels ont fait silence sur l’identité nationale dans le Québec des années 1980, l’échec référendaire y serait pour bien peu. 1980 marquerait l’époque où le Québec serait naturellement passé à autre chose : la définition de l’identité québécoise, de l’État-nation et, ultimement, l’urgence de la souveraineté cèderaient le pas à l’Économique. “Ici comme ailleurs en Occident, conclut Dumont, l’idéologie néolibérale a ramené les projets sociaux à l’administration tranquille.” ([1995] 1997 : 252) » (151) [Dans Raisons communes, Boréal compact]

Caumartin voit plutôt la période de 1980 comme une certaine forme de temps d’arrêt et de réflexion pour les intellectuels : « C’est dire que le silence des intellectuels québécois au tournant des années 1980, bien que les relectures de cette réaction se multiplient et se répondent, n’était pas l’annonce d’une mort mais avait tout juste quelque chose du retranchement des vaincus. Comme la principale arme des intellectuels – la rhétorique de l’impératif – s’était avérée impuissante à faire passer leur idéal social, les années 1980 semblent avoir été pour eux le temps d’une réévaluation de leur mode d’action et, conséquemment, d’une transformation de leur parole. Est venu le temps non pas de se définir mais de se dire autrement. » (152) / « En ce sens, l’intellectuel d’après 1980, désenchanté certes mais non résigné, se présente comme un penseur pré-politique : loin de proposer une prêt-à-penser sur le mode impératif, il invite, par le biais du symbolique, du poétique, à la réflexion, de laquelle découlerait éventuellement l’action des individus. De lui l’enseignement du penser; pour d’autres, maintenant l’agir. » (153)

Dominique VIART (2001), « Écrire au présent : l’esthétique contemporaine », dans Michèle Touret et Francine Dugast-Portes (dir.), Le Temps des Lettres. Quelles périodisations pour l’histoire de la littérature française du 20e siècle ?, Rennes, Presses de l’Université de Rennes, coll. « Interférences », p. 317-336.

Sur le caractère hétérogène que la critique française proclame pour mieux ne pas le confronter : « On le voit, la réflexion critique ne peut finalement proposer que le constat d’une dispersion et souligner le défaut, l’absence de toute théorisation esthétique générale. Sauf à faire de ces recherches dispersées et de cette absence théorique même la caractéristique du temps. » (2001 : 328)

Robert Melançon (2004), Qu’est-ce qu’un classique québécois?, Montréal, Presses de l’Université de Montréal/Fides, coll. « Les grandes conférences ».

À propos des listes de « classiques » qui sont sans cesse remodelée – parce que toute lecture se fait au temps présent, cela va de soi même si Melançon ne le dit pas – il affirme qu’il y a « à la fois la nécessité d’une tradition et […] la liberté que nous prenons de la remodeler » (2004 : 14)

Il souhaite écarter certaines définitions courantes du classique qui serait en lien avec l’institution seulement : « Définir l’œuvre classique come le résultat d’un processus de canonisation produit par l’institution littéraire, équivaudrait à remplacer la question de la valeur par une mécanique qui trouverait ultimement son ressort, et cet ultimement serait assez rapide pour tenir du court-circuit, du côté de la sociologie, du discours social ou des idéologies. » (2004 : 17) Les classiques ne seraient pas non plus ce qu’on enseigne dans les classes.

Une de ses propositions sur le classique : « accéderait au rang de classique l’œuvre assez riche pour surprendre son lecteur, même si elle lui parvenait à travers une nuée de commentaires. » (2004 : 22)

Rupture dans la transmission du classique québécois : « Si les classiques québécois posent une question plutôt que de s’offrir comme une présence rassurante ou comme une exigence de notre vie intellectuelle, c’est parce qu’ils ne nous ont pas été transmis, parce qu’ils ne sont pas portés vers nous par une tradition, ou parce que cette transmission et cette tradition ont été et restent dans une large mesure lacunaires, chaotiques, contradictoires, rompues et renouées presque au petit bonheur dans des alternances de mépris et d’enthousiasme également excessifs. » (2004 : 25-26)

Penser le classique dans la perspective d’une littérature qui se fait : « Il faut penser la question des classiques québécois dans la perspective d’une “littérature qui se fait”, selon la définition si juste de Gilles Marcotte. Cela revient à dire qu’on n’en arrêtera pas de sitôt le canon. À supposer que l’accord se fasse sur quelques titres, l’apparition d’une œuvre nouvelle, dont un inconnu trace peut-être en ce moment même les premiers mots, pourrait nous forcer à tout revoir; un vieux texte auquel personne ne pense pourrait s’en trouver revivifié. Une découverte dans un fonds d’archives, comme celle des lettres de Madame Bégon par Claude de [42 :] Bonnault en 1934, pourrait imposer la révision de hiérarchies que nous tenons pour acquises. Des textes dont on connait l’existence pourraient réserver des surprises si on les relisant sans préventions. » (2004 : 41-42)

Les écrits de la marge (intérêt de la littérature québécoise) : « Je ne suis certes pas le premier, et je ne serai pas le dernier, à soutenir que les classiques québécois se trouvent plus probablement dans des textes qui échappent aux catégories habituelles du littéraire que dans des poèmes et des romans sans intérêt auxquels on consacre tant de recherches par un inexplicable masochisme. » (2004 : 42-43)

Melançon recommande de mettre davantage l’accent sur « littérature » que sur « québécois » : « Il est sûr que la reconnaissance de ces classiques improbables dans la république mondiale des lettres serait tout au plus un vague horizon, et encore. Cela ne devrait pas nous empêcher de les publier et de les lire dans une perspective universalisante, c’est-à-dire en accordant plus de poids au substantif qu’à l’adjectif dans l’expression “littérature québécoise”. […] Si l’adjectif “québécois” représente quelque chose de réel, cette chose s’imposera, et d’abord à nous-mêmes, sans que nous ayons à nous en tourmenter. Dans l’hypothèse contraire, quoi qu’il en soit, tous nos efforts pour lui donner un semblant de consistance [46 :] resteraient vains. » (2004 : 45-46) « […] la question des classiques québécois ne peut se poser que dans le cadre de la littérature québécoise, mais il ne s’ensuit pas que ces classiques n’ont de sens qu’à l’intérieur de cette littérature. » (2004 : 51)

Il insiste sur l’importance du patrimoine littéraire français pour comprendre la littérature québécoise – faute de quoi notre compréhension restera lacunaire (2004 : 49).

DUMONT, Fernand ([1995] 1997), Raisons communes, Montréal, Boréal Compact.

But de l’ouvrage :

« Une fois terminée la Révolution tranquille, dans une société très différente de celle des années 1960, comment discerner quelques issues pour le proche avenir? Pareille préoccupation n’a rien d’original; je la partage avec un grand nombre de mes compatriotes. C’est pourquoi, m’écartant autant qu’il est possible de démarches plus abstraites, j’ai voulu retrouver un état d’esprit, des raisons communes pour affronter les incertitudes du temps présent. » (1997 : 217)

Sur la question de la mémoire, qui serait essentielle pour les peuples :

« Sans doute, on discerne toujours des traits distinctifs; la langue, on en conviendra pour ce qui nous concerne, est d’un poids certain. Mais il y a plus essentiel, et qui ramène à une question de mémoire. C’est en effet une caractéristique des hommes de ne pouvoir vivre dans l’immédiat, où les bureaucraties les cueilleraient comme des lapins. Les hommes se souviennent, et c’est pourquoi ils sont rétifs aux organisations et veillent à leurs allégeances. » (1997 : 55) Dans ce contexte, il faut distinguer État et nation : « [L]a nation privilégie avant tout une identité venue du passé, où la mémoire joue la fonction première, tandis que l’État est au premier chef un projet d’organisation collective qui vise à la constitution sans cesse reprise d’une société de droit. » (1997 : 56) / « Une personne a un avenir en se donnant des projets; mais cela lui serait impossible sans le sentiment de son identité, sans son aptitude à attribuer un sens à son passé. Il n’en va pas autrement pour les cultures. Elles ne sauraient affronter les aléas de l’histoire sans disposer d’une conscience historique. » (1997 : 105) / « À tout prendre, pour être un citoyen, deux savoirs son indispensables : la langue et l’histoire. Pouvoir exprimer ce que l’on ressent et ce que l’on pense, faire monter de ses actes la parole qui les prolonge; être conscient de sa place dans le dévidoir du destin des hommes et s’y engager en conséquence : est-il un autre idéal de l’humanisme et un autre accomplissement d’une culture? » (1997 : 108)

Sur le silence des intellectuels (voir Caumartin plus haut) :

« On a abondamment parlé du silence des intellectuels québécois au cours des années 1980. Ce désistement serait-il dû, comme on l’a répété avec amertume ou ironie, à la victoire du non au référendum de 1980 sur la souveraineté du Québec? Si c’était vrai, il faudrait en conclure à l’échec d’une propagande orchestrée par les intellectuels. Ce qui me paraît pour le moins abusif. La mutation du Québec contemporain remonte à l’après-guerre; de 1945 à 1960, des changements ont été amorcés bien avant qu’interviennent les transformations des structures politiques. La plupart des grands projets mis en route dans les années 1960 ont été imaginés au cours de cette période, et par des intellectuels plutôt que par des hommes politiques. De plus, la [252 :] mutation s’est avant tout produite dans les mœurs, pour se poursuivre au grand jour après 1960, et avec beaucoup plus de répercussions que dans la sphère politique. En somme, il s’est agi d’une révolution mentale; de sorte que les intellectuels y ont puisé naturellement matière à leur travail. D’autant plus que l’expansion des médias et des institutions d’enseignement, l’apparition d’une foule de gestionnaires en tous genres ont permis une floraison d’idées et d’idéologie que nous n’avions jamais connue dans la passé. Qu’est-il arrivé par la suite, et qui explique le changement de climat et le relatif retrait des intellectuels? Ici comme ailleurs en Occident, l’idéologie néolibérale a ramené les projets sociaux à l’administration tranquille. L’obsession de l’économie, qui n’est pas sans raison, a constitué une sorte de nouvelle phase de la sécularisation; au déclin des interprétations religieuses traditionnelles a succédé la disqualification des clercs laïques. Les intellectuels ont une certaine parenté avec les théologiens : leur pensée est utopique, dans le sens positif du terme, bien entendu; ils conçoivent mal qu’une société puisse vivre pleinement en se contentant d’entretenir le bon fonctionnement de ses rouages. Cela ne va pas sans une conception de la politique où le projet l’emporte sur la gestion, la discussion sur les sondages. » (1997 : 251-252)

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