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Fiche technique
Titre : L'Estuaire
Adresse / Éditions : Aucune
Ligne éditoriale :
Texte qui inaugure la revue en 1976 (2 mai):
«Québec reprend trop souvent son habitude du silence qui crée le vide. Mais le 2 janvier 1976, à l'Île d'Orléans, quatre créateurs se rencontraient par amitié et par besoin de prendre la parole. Un même sentiment d'urgence les réunissait: celui de se donner un lieu nouveau, stimulant, ouvert et permanent. […] La revue ESTUAIRE est devenue ce lieu de rencontre, animé du désir de multiplier la création, de se manifester, de témoigner, de provoquer, de proposer un avenir à notre liberté. C'Est la poésie, cette réponse intime aux questions brûlantes, et non le discours idéologique, qui a motivé l'urgence d'inventer ce lieu. La revue ESTUAIRE est née d'un besoin commun d'affirmer la vie dans le poème et de poursuivre en groupe une démarche critique face aux nécessités d'une expression individuelle et collective. C'est dans la création que nous trouverons les langages de notre réalité. De Québec, la revue ESTUAIRE risquera de faire basculer le pays à l'est, y comblant un vide et un silence presque suicidaire.»
La création de la revue répond à un sentiment d'urgence, à un désir de “sauver” la parole québécoise : «Lieu ouvert , ESTUAIRE accueillera les créateurs d'ici et d'ailleurs engagés dans le même sentiment d'urgence qui anime son groupe de création […]». Cette présentation des objectifs de la revue est suivie d'une présentation des créateurs de la revue ayant participé à d'autres projets de revue et de poésie.
On présente la revue comme un lieu public qui est «ouvert aux poètes et aux autres». On fait un appel direct à l'intervention du lecteur sur le sort de la revue (rappelle en cela quelque peu la prise de position de la maison d'édition l'Hexagone : l'aspect communautaire du projet) : «Autrement dit, chaque abonnement à la revue ESTUAIRE permettra d'en imprimer chaque page. Chaque abonnement, y compris le vôtre, assurera la durée de ce nouveau lieu de liberté pour les créateurs qui l'assumeront, lieu aussi nécessaire pour chacun de vous qui l'habitez déjà.»
Revue engagée qui se veut une prise de parole et qui veut manifester sa présence au monde. On retrouve au premier numéro un historique, signé par Jean Royer, de la vie poétique à Québec. Il répertorie les lieux et les acteurs qui ont animé cette ferveur poétique : le Chantauteuil (et ses soirées Poètes sur parole), la revue Inédits (liée à ces soirées), le café Baudelaire (rue Couillard), la manifestation au Grand théâtre de Québec pour la murale de Jordi Bonnet, la nuit de la poésie au théâtre Le Galendor (Île d'Orléans), le Théâtre Quotidien de Québec (premières pièces jouées au Chantauteuil). Les soirées “Poètes sur parole”, semble-t-on insinuer, ont amené Gaston Miron a organisé la première nuit de la poésie : «Pour Miron, qui est venu nous voir au Chantauteuil, les activités des Poètes sur parol fondaient, pour une bonne part, la nécessité d'un événement comme celui qui allait se passer au Gésu et qui a réuni tous les poètes du Québec.» (p. 43)
Jean Royer commente l'affaire concernant la murale de Jordi Bonnet au Grand Théâtre de Québec et suit les événements pendant 6 mois.
La revue se termine sur un encadré où l'équipe de la revue précise, une fois de plus, les intentions de la revue : «La revue ESTUAIRE diversifie d'une façon inédite le travail poétique de créateurs qui se sont par ailleurs engagés à multiplier leurs interventions publiques afin d'exprimer la culture québécoise. À l'ESTUAIRE, on veut se parler, on parle. Ici le mystère de la création poétique et artistique est ouvert aux visiteurs comme l'atelier d'un peintre où on pourrait voir les dizaines d'esquisses d'une toile. Car la poésie n'a d'obscur que l'ignorance dont on veut bien l'entourer. Si des créateurs ont souvent leurs raisons de profiter de cette ignorance, il en est d'autres pour qui la connaissance des oeuvres et des hommes devient vitale. Pour eux, l'expression artistique tire sa simplicité et sa force, son importance, d'abord et avant tout d'une manifestation cohérente et durable de ce qu'ils font. La revue ESTUAIRE regroupe à l'origine des créateurs de Québec. Ce regroupement est un événement naturel. Il importe maintenant qu'il devienne culturelle, de la même façon qu'une maison d'édition acquiert une personnalité à partir des auteurs qui décident librement de s'y joindre. C'est affirmer, en quelque sorte, le droit pour une collectivité de se prendre en main pour mieux se faire entendre des autres et les accueillir en retour chez elle. »
La poésie représente un enjeu fondamentalement existentiel pour les instigateurs de la revue : «Estuaire [est] un lieu habitable : où le poème se donne comme la vie. » (numéro 16 - juin 1980)
Réitération au 20è numéro (été 1981) de la volonté de valoriser la poésie sans prendre appui sur une quelconque idéologie: «Notre interprétation de la conjoncture littéraire actuelle nous autorise à pousser encore plus loin le refus de nous définir comme projet idéologique; et qu'importe alors l'entreprise prenne parfois la forme d'un éloge de la parole poétique ou de sa remise en question. Nous ne poursuivons qu'un seul objectif: rendre compte de l'extrême mobilité de l'écriture poétique et nous ne craignons pas de nous placer sous le signe de l'éclectisme.» On remarque également que le fait que la revue soit liée à la ville de Québec devient secondaire et n'est pas mentionné comme un élément important.
Appel de textes :
Aucun appel de texte dans le premier numéro.
Fiche détaillée
Date du premier numéro : mai 1976
Historique :
Groupe de création (manière singulière dont se présente le comité de rédaction) : Claude Fleury, Jean-Pierre Guay, Pierre Morency, Jean Royer À partir du numéro 7 (mars 1978), le comité de rédaction change : Suzanne Paradis, Louis Caron, François Mailhot, Jean-Pierre Guay (secrétaire), Jean Royer (directeur). Au numéro 9-10 (décembre 1978), on précise les noms des fondateurs de la revue, auxquels on ajoute celui de Pauline Geoffrion (qui était initialement inscrite à titre d'administratice de la revue dans le premier numéro).
Numéro 12 (mai 1979) : ajout d'un membre au comité de rédaction : André Ricard Numéro 13 (septembre 1979) : ajout d'un membre : Marcel Bélanger
Numéro 16 (juin 1980) : changement de la direction de la revue : Jean Royer quitte pour céder sa place à Marcel Bélanger (Jean Royer habitait maintenant Montréal parce qu'il s'occupait de la section “Culture et Société” du Journal Le Devoir et il croit que la revue doit être prise en charge par quelqu'un qui habite la ville de Québec – information que l'on trouve dans le texte qui inaugure le numéro 16 et qui explique le changement de direction).
Numéro 17 (automne 1980) : Mot de Marcel Bélanger qui précise sa conception (très floue) de la poésie et les visées de la revue (publier de la poésie et demeurer ouvert). Il s'adresse à ceux qui trouverait leur ligne de conduite un peu précaire, ou trop englobante : «À qui reprochera à Estuaire de ne pas mieux se définir, je répliquerai seulement que toute proposition est réversible: le non-alignement est susceptible d'être taxé de faiblesse, mais il possède une insigne qualité d'ouverture et d'accueil, alors que l'alignement, s'il fait preuve de fermeté, favorise le parti pris, quand il ne présuppose pas l'allégeance inconditionnelle à une ligne de pensée. Trop fréquemment il manifeste une peur de l'inconnu et de l'aventure.» (p. 6) Changement dans le comité de rédaction maintenant composé de Jean-Paul Beaumier, Marcel Bélanger, François Mailhot, Paul Chanel Malenfant, Suzanne Paradis, André Ricard.
Ajout au numéro 19 (printemps 1981): section “Chroniques” Présentation de cette section (justification qui passe par une volonté de témoigner de l'effervescence en poésie au Québec mais aussi du dynamisme critique qui vient de cette production poétique). On considère la critique comme un acte de création. Partie présentée par Christian Bouchard : «Il est un fait désormais indéniable: le discours critique qui entoure la poésie moderne constitue avec elle l'effervescence de l'écriture actuelle. Les comptes rendus de recueils qui paraissent, les articles de fond consacrés aux oeuvres majeures du moment contribuent à enrichir le phénomène poétique moderne qui refuse de se tenir dans les seules limites du poème. La chronique veut donc représenter le plus large éventail de tendances d'écriture québécoises ou étrangères, développer de nouveaux discours. La création ne s'arrête pas au poème: la critique nouvelle est aussi création. Pour cette raison le public lecteur est invité à participer à cette chronique en autant que les textes soumis prendront position dans et par l'écriture. Donner à penser, ouvrir de nouvelles voies d'accès et d'expression à partir de ce qui se fait et publie, tels sont les points de mire de la chronique. Initiative passionnante et d'envergure. Opération sans doute risquée. C'est au prix de l'espace en mouvement que la création existe. Le figé ne laisse aucune trace.»
Plusieurs personnes ont fait partie du comité de rédaction (bon roulement) et sur de courtes périodes (donc plutôt à répertorier). En rafale : Hélène Dorion, Gilles Pellerin, Anne-Marie Alonzo, Gérald Gaudet
Sections de la revue :
Aucune, sinon la partie “Passeports” dans laquelle on présente les auteurs jusqu'à ce qu'au numéro 19, on introduise la section “Chroniques” qui se veut une section qui critique la poésie (la critique étant abordée comme un geste créatif au même titre que la poésie).
Une nouvelle section s'ajoute au numéro 26 (hiver 1982): «Estuaire a reçu» (ce sont des textes et des numéros de revue qui sont parus récemment en lien avec la poésie).
Auteurs récurrents :
Filiation avec une maison d'édition :
Conception de la littérature : …
Récurrences :
À partir du numéro 32-33 (été/automne 1984), qui coïncide avec un changement de garde de la rédaction (Anne-Marie Alonzon, Gérard Gaudet et Jean Royer (qui revient à la direction de la revue)), on remarque que les textes de la revue s'organise. On crée des ensembles. On retrouve une anthologie des poètes québécois actifs au numéro 32-33. La présentation des poètes de cette époque fait ressortir deux caractéristiques marquantes des écrits : la proximité que veut entretenir la poésie avec d'autres genres (elle est comparée à un récit et à un théâtre) et la quête identitaire: «Les poètes de ce temps semblent vouloir intégrer au langage leur environnement physique et leur personnalité psychique. Ils/elles se réfèrent aux arts (musique, cinéma, photo, peinture, etc.). Ils/elles font de leur poésie un théâtre ou un récit, très souvent, dans l'élaboration de scénarios ou de gestuaires qui tentent de réconcilier le travail du désir et celui de la pensée. Après s'être intéressé-e-s à la manière de produire des effets de texte, les poètes d'aujourd'hui s'attachent à la manière de produire et d'habiter l'imaginaire. Ils/elles s'invent une poésie qui, intime ou personnel, multiplie sans mort d'ordre la quête d'identité.» (“Poésie 1984”)
On retrouve également au numéro 36 (été 1985), un spécial sur la nouvelle poésie acadienne organisé par Claude Beausoleil (auteurs: Herménégilde Chiasson, Huguette Bourgeois, Dyane Léger, Louis Comeau, Rose Després, Roméo Savoie, Anne Cloutier, France Daigle, Gérald Leblanc). La présentation du numéro est plutôt floue et plus englobante. On revient dans ce court texte de présentation sur les notions de déplacement, de trajet, de lieu, de mémoire. On fait référence à la fiction (étrange!) : «Les voix, les formes et les images s'avancent, territoires ouverts à la fiction.» (p. 5).
Au numéro 37, on rassemble des textes qui se rapprochent du récit. Ce spécial s'intitule «La séduction du romanesque» et le texte de présentation, signé Gérald Gaudet, comprend un exergue de Roland Barthes qui explique sa compréhension de la notion de romanesque : «Le romanesque est un mode de discours qui n'est pas structuré selon une histoire; un mode de notation, d'investissement, d'intérêt au réel quotidien, aux personnes, à tout ce qui se passe dans la vie. Transformer ce romanesque en roman me paraît très difficile parce que je ne m'imagine pas élaborant un objet narratif où il y aurait une histoire (…)» (Le Grain de la voix). On s'intéresse donc au récit, à l'histoire que recèle le poème : «Quel est donc cette histoire que le poème cherche à entendre et qui pourtant continue à se vivre comme dissémination? […] Quel est ce récit que le poème se raconte et se refuse, se désire et s'interdit?» (p. 7) Plusieurs textes de ce numéro sont écrits sous forme de prose poétique.
Le numéro 38 est préparé par Gérald Gaudet et porte sur France Théoret et a pour titre «L'imaginaire du réel».
Le numéro 39 est préparé par Jean Royer et porte sur Claude Beausoleil.
Présentation matérielle de la revue :
Couverture cartonnée, beige, minimaliste (Titre de la revue, numéro).
Remarques :
Mention spéciale en hommage à Hubert Aquin, qui vient tout juste de s'enlever la vie, dans le 3è numéro de la revue. Jean Royer en profite pour remettre en question l'incidence de chacun lors d'un tel événement. Il fait un bref bilan des dernières années de vie de l'écrivain, marquées par une difficulté à écrire et par le chômage.
Le numéro 9-10 (décembre 1978) est un hommage à l'Hexagone. On présente également deux autres maisons d'édition, de même que des textes de leurs auteurs : le Noroît et les Écrits des Forges. Jean Royer effectue aussi une entrevue avec Lucien Francoeur.
Revue qui publie des auteurs québécois, mais des auteurs qui viennent d'ailleurs aussi : Belgique, États-Unis, France, etc. Ce n'est donc pas seulement les revues numériques qui contribuent à ouvrir leur frontière à cause de leur support plus accessible. Les revues papiers aussi