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fq-equipe:arambasin_nella_2007_litterature_contemporaine_et_histoire_de_l_art

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Nella Arambasin (2007), Littérature contemporaine et histoires de l’art

Paris, Droz.

Fiche de lecture par Manon Auger - septembre 2015

Notes générales :

  • • Cette lecture a été faite dans le cadre de la recherche sur la « mise en scène de la personne réelle » (CRSH – R.Dion).
  • • L’ouvrage aborde la question de la réappropriation de l’interprétation de l’art et de l’histoire de l’art par la littérature contemporaine (c’est son point d’intérêt pour notre recherche) dans une démarche beaucoup plus large d’historiographie de la discipline historique en art. Ce faisant, l’ouvrage, érudit, critique et théorique, est excessivement dense (on dirait trois thèses en une…), convoque de nombreuses disciplines et ne donne que très peu d’indices sur la structure de sa réflexion (aucun « le but de cet ouvrage » ou de résumés). N’ont donc été retenus ici que les points essentiels pour nous et non la démarche de l’auteur bien que la fiche reprend la table des matières de l’ouvrage.
  • • Son point, si j’ai bien compris, est que la discipline historique en art est dans une impasse et que la littérature contemporaine montre la voie pour la sortir de cette impasse. C’est un peu la double thèse qu’elle tente de soutenir : et la crise et les voies pertinentes empruntées par la littérature en expliquant cette pertinence (autrement dit, en donnant une certaine légitimité au savoir littéraire qui n’est pas de l’ordre de la recherche historique mais plutôt de la perception sensible, du travail d’enquête, de l’importance du regard et de l’indice ou du détail – ce que nous on appelle « biographème » - le travail sur l’image, l’anachronisme, etc.). Dans la deuxième moitié de l’ouvrage, on s’éloigne toutefois un peu de cela.
  • • Son corpus va de 1980 à nos jours et est international (français, américain, anglais, italien, allemand, turc et espagnol). Si certaines œuvres mettent en scène les figures réelles des peintres (à contre-vérifier par une recherche bibliographique [en cours par RDP]), plusieurs s’attardent davantage à des peintures, ou encore à des histoires de faussaire en prenant le forme de romans policiers qui mettent en scène des historiens de l’art (ces œuvres portent alors un discours sur l’art).
  • • L’auteur offre plusieurs analyses d’œuvres particulières. Pour des raisons techniques, elles n’ont pas été reproduites ici. Cependant, j’invite quiconque recherche une analyse critique d’une œuvre en particulier portant sur un artiste à consulter l’index de l’ouvrage.
  • • À noter finalement que le corpus utilisé par l’auteur a été intégré à la bibliographie sur la personne réelle (Par RDP, en cours).

INTRODUCTION : « Un savoir ignorant de lui-même »

Actualité de l’art pour la littérature contemporaine : « Quelle importance faut-il accorder aujourd’hui à l’histoire occidentale de l’art? D’une manière surprenante, les écrivains sont à même d’y répondre tant ils se tournent irrépressiblement vers le passé d’un art qu’ils ramènent au jour et relient par leurs récits au présent. Contemporaine est pour eux la peinture ancienne[,] et intimes ces peintres insignes de lointaine lignée [sic]. Il se forme une chaîne de transmission imprévue de la culture passée au sein de la littérature du tournant des XXe et XXIe siècles. Cette rencontre entre récits contemporains et histoire de l’art heurte les chronologies et les consciences, déjouant les parcours balisés, les effets de causalité, les normes d’évaluation et de présentation. Alors même que défilent sans interruption et dans la proximité des images anonymes à consommer puis à oublier, les écrivains puisent dans la profondeur de la mémoire occidentale des figures d’artistes dont la vie et l’œuvre valent d’être relatées à nouveau. Faut-il établir un parallèle entre ces deux phénomènes? Une alternative plutôt à un autre enchaînement et une aliénation dont tentent de s’extraire les histoires actuelles de la peinture d’autrefois. » Dans ce contexte, « la littérature lance le pari de redevenir créatrice de regards et non plus consommatrice d’images »; « D’aplomb dans la mémoire, elle plonge son regard jusqu’à un point de mire du passé artistique capable de répondre à l’urgence d’une demande aussi socioculturelle que littéraire; comment ‘retrouver une autorité où l’auteur, des auteurs fasse(nt) autorité.’ » (2007 : 11)

Visées – dialogue passé-présent : « […] la multiplicité des versions données à l’histoire de l’art récuse avant tout l’autorité d’un récit unique et témoigne pour le moins d’un souci de transmission culturelle. Le passé fait partie intégrante d’une esthétisation généralisée de la vie et qui loin d’être achevé devient une des expériences littéraires les plus fécondes de la contemporanéité. Dès lors, les écrivains opèrent dans le patrimoine culturel occidental un décloisonnement entre époques, genres et registres, un croisement de points de vue et de valeurs qui mettent l’histoire de l’art en rapport avec l’homme de masse […] » (2007 : 15)

Associe le phénomène au postmodernisme qui, bien sûr, enclenche « le processus de recyclages culturels par lequel l’ancien est d’autant plus estimable qu’il est absorbé et réutilisé à des fins esthétiques contemporaines, quotidiennes, existentielles » = « réutilisation d’une référence déjà disponible dans la culture » (2007 : 20) ; « La post-modernité [sic] rend à nouveau possible la transmission d’une histoire interrompue dont le narrateur reprend le cours et qu’il reprise en tenant compte de ses trous et de ses accrocs. » (2007 : 27-28) De même, l’absence d’avenir (lié au « présentisme ») serait-il remplacé par ce besoin de raconter des histoires, de refaire des traditions : « Le topos culturel de l’art, ce cliché rebattu et surexposé remplace l’utopie des futurs de l’histoire, reconfigurant surtout la littérature dans un espace de représentations communes où l’expérience narrative redevient possible, avec pour bagage un vécu collectif de nouveau transmissible. » (2007 : 29) ; « L’on aurait tort de croire qu’avec le déclin des idéologies se soit également effondré l’engagement littéraire. » (2007 : 29)

Relation biographique – biographème (détail) : « Si la littérature opère une révolution esthétique c’est dans la mesure où elle vise à mettre en liaison la peinture des maîtres avec une expérience de la vie à la fois sociale et vivante, dont le point de rencontre réside souvent dans un détail ponctuel, apparemment contingent d’une vie d’artiste ou d’une œuvre. Cependant cette rencontre déclenche une mutation sensible, interactive entre l’individu et le monde qui l’entoure : le détail assume une interface entre subjectivité et objectivité ainsi qu’entre savoirs intimes et pratiques culturelles, inversant les rapports d’autorité du su et du subi dans la vie collective. Ce détail ou point de contact est autant soumis aux schémas culturels qu’il y marque sa différence, notamment par l’extension qu’il prend dans la narration devenue son espace de déploiement. » « le récit sur l’art déjoue les clichés biographiques et iconographiques », « n’est pas une copie conforme culturelle, mais son symptôme déplacé » (2007 : 37).

Renversement dans la littérature contemporaine : on écrit sur des peintres de façon posthume, des peintres déjà célèbres : « Car la rencontre n’est plus prophétique comme elle pouvait l’être au XIXe siècle lorsque l’écrivain travaillait à ce qu’un peintre contemporain soit reconnu au regard de la postérité, mais posthume, puisque la reconnaissance se fait au regard des morts ensevelis sous la culture qui les encense; alors que l’artiste moderne méritait d’être défendu pour que son nom entre dans les temps futurs, aujourd’hui tout artiste admiré depuis des siècles mérite que l’on entende ce qu’il raconte de l’outre-tombe. Et ce récit révèle à la fois une parole qui n’avait jusqu’à aujourd’hui jamais été entendue – populaire, féminine ou fantasmée – et une autre généalogie – non linéaire, non progressive, non héréditaire. » (2007 : 39)

PREMIÈRE PARTIE : RÉÉVALUATION DE L’HISTOIRE DE L’ART : DE LA CLÔTURE DISCIPLINAIRE À L’EXTENSION NARRATIVE

Chapitre I : Un tournant épistémologique

Les écrivains s’emparent du « ‟détail” incongru d’une œuvre, de la face cachée ou de l’anecdote impromptue d’une vie » - le détail devient une « opportunité narrative » (2007 : 55)

Comme pour les autres types d’écriture de la personne réelle, la reprise d’une figure d’artiste peut avoir différentes fonctions. Ex : « l’écriture vient cerner un vide laissé par l’histoire » ou encore on peut vouloir culbuter « les acquis historiques » (77).

Chapitre II : Écritures plurielles de l’art dans son histoire

Hypothèse : la littérature viendrait suppléer un manque de théories en histoire de l’art. « S’il n’y avait pas la reconnaissance plus ou moins consciente d’une méconnaissance, une inquiétude quant au non-su de ce que l’on croit connaître, il n’y aurait sans doute pas tant d’écrivains concernés actuellement par la peinture. » (2007 : 79)

Importance des contaminations sur le marché éditorial (ce qui n’en fait plus des manifestations marginales), du dialogue avec les sciences humaines : « Entre les connaissances scientifiques et l’écriture narrative, fictionnelle, sinon essayiste ou autobiographique, les interactions ne peuvent plus être tenues pour marginales, puisqu’elles requièrent un espace éditorial où elles s’exercent et se développent. De fait, les maisons d’édition sont certainement les plus à même de recomposer le paysage intellectuel actuel : les sciences humaines y sont rendues perméables entre elles. […] les sciences humaines répondent aujourd’hui à des interrogations sur le savoir qui ne peut plus faire l’économie de l’écriture. » (2007 : 87)

Du même coup, ces « nouvelles écritures » (l’expression est de moi) participent aussi de l’effet de mondialisation et d’interdisciplinarité (la remarque est de moi).

Opposition entre science et littérature : « Car les amateurs ont leur utilité, ils se chargent d’une vérité intérieure encombrante pour la science; ils induisent de la croyance à l’intérieur d’un champ de plus en plus soumis à des critères de rationalité. » (2007 : 105)

Fonction critique de la littérature :

  • − « Il y aurait nécessité à exhumer à partir des œuvres mortes un savoir sur l’art, une mort à l’œuvre en quelque sorte, là où l’“aura” exercerait son pouvoir, aux environs du fétiche et de la marchandise. Si la littérature procède à une mortification, c’est lorsqu’elle porte un coup fatal à l’emprise culturelle qui a pétrifié les œuvres d’art, avant même que celles-ci aient pu exister parfois ; elle accomplit un travail de critique en révélant ce qui a été enseveli dans les musées ou les galeries, mettant à vif une mort programmée, cultivée et commercialisée. Cette acception de la critique remet en question un genre devenu institutionnel qui a renié sa fonction en s’installant dans le confort des consécrations culturelles. En revanche, comme si “diluée” formellement à travers tous les autres genres littéraires la critique n’en continuait pas moins d’être efficiente, elle a réintégré aujourd’hui l’ensemble de la littérature d’où elle provient, y coulant comme une veine vivante et transgénérique depuis la comédie dramatique jusqu’au roman policier. » (2007 : 108)
  • − « À l’inverse du XIXe siècle, la fonction critique de la littérature ne mobilise pas une élite culturelle, mais demeure au plus près d’une réception des stéréotypes diffusés dans sa largesse par la démocratisation de l’art. » (2007 : 110)
  • − « Dès lors qu’il n’y a plus de limites, ni à une esthétisation du champ socioculturel, ni à cette réserve de sens que sont les tableaux de maîtres anciens infiniment aptes à être reformulés selon l’actualité, la littérature sur l’art s’étend d’un genre à l’autre où elle redéploie sa fonction critique première. » (2007 : 119)

Renversement du rapport au réel fin XIXe siècle/fin XXe siècle : « Alors que pour le naturaliste et l’esthète fin de siècle il s’agissait “d’en finir avec le roman par l’intrusion massive du réel dans la fiction, ici sous la forme de fiches documentaires en prise directe sur la vie, là par le biais de textes critiques ”, aujourd’hui l’inverse se produit dans le cadre d’une culture de masse : les écrivains ne rendent plus crédible le réel transformé en parodie culturelle. Le tableau, de référent historique, devient une référence dont on peut se jouer : il ne supporte aucun discours d’exception, mais devient une fiche signalétique parmi une série de référents culturels. L’œuvre d’art érigée en stéréotype relève d’une fiction dont la réalité ne peut être reconquise que par une histoire capable d’échapper aux discours culturels consensuels. Autour de la citation culturelle, c’est ainsi le réel et sa fiction qui font pivoter leur sens. » (2007 : 116)

La fonction critique de la littérature permet aussi d’aller du côté de l’histoire occultée des femmes :

  • − Ici, on retrouve le même désir de réhabilitation, ce qu’Arambasin appelle une « mission de réparation historique » (123) ou de « réparation historique de l’art » (124).
  • − Dans plusieurs cas, « le récit passe par la fiction autobiographique pour témoigner d’un vécu, d’un sujet de l’histoire que l’historiographie officielle, dans toute son objectivité, n’a pas retenu. » (2007 : 124) ;
  • − « Cette reconfiguration généalogique prend souvent l’allure d’un récit de servante, ombre docile qui se tient derrière l’artiste grandiose, femme inculte et souvent sans parole qui trouve dans l’écriture contemporaine un mode d’expression par procuration : elle est la femme cachée dans l’histoire de l’art, celle qui exhume un autre savoir, intime et indigne de la mémoire universelle, et qui non sans hasard passe par la fiction autobiographique [dans quelques cas]. » (2007 : 125)
  • − (On peut aussi consulter cette section pour plus de détails sur le sujet de la réhabilitation de figures féminines, p.119-126.)
  • − Notons aussi la nuance intéressante : « Au fond, il ne s’agit pas de chercher la perle abandonnée dans les oubliettes, nul besoin de forcément “sauver” la femme, puisque chaque figure masculine dominante de l’histoire de l’art est en soi une gageure à relever pour un savoir ignorant de lui-même : c’est la face cachée et perdue d’une histoire glorieuse qui intéresse les écrivains d’aujourd’hui, qu’ils soient hommes ou femmes. » (2007 : 126)

La littérature actuelle serait porteuse d’un questionnement sur le legs artistique : « […] la littérature est à même de faire de l’esthétique de la réception une réévaluation de la discipline historique qui se tient devant un public qu’elle n’entend pas et auquel elle fait écran. C’est même un droit que revendique la littérature et qui constitue son combat critique. Alors que le manque de visibilité est lui-même masqué par la démultiplication des expositions, la littérature lui oppose une lecture qui parle de peinture bien sûr, mais aussi de celui qui la regarde, spectateur ordinaire d’un angle mort auquel appartient l’écrivain. Et tandis que la critique d’art a perdu le sens de la revendication en sombrant dans le consensus culturel sur l’art contemporain, les écrivains ont pris la relève, non plus pour défendre la valeur boursière d’un savoir conjoncturel sur l’art contemporain, mais un droit historique de savoir ce qu’est le legs artistique aujourd’hui. » (2007 : 126)

Chapitre III : Entre université et roman policier

Sur l’importance des figures du détective et du professeur historien de l’art dans les romans populaires. « Dans la place vide d’un texte correspondant à la peinture ancienne, le détective vient se loger pour proposer une intrigue qui soit heuristique, comme pouvait l’être la quête du peintre par le passé, elle-même prise entre causes, finalités et hasards. On peut se demander si, en jouant sur l’anachronisme, sans toutefois se passer des documents historiques pour l’élucidation des thèmes iconographiques, la littérature policière ne tente pas de devenir le texte qui aujourd’hui veut être lu au regard des tableaux de maîtres, devenant le texte à la fois manquant et virtuel qui fournirait l’explication de son histoire oblitérée, perdue, énigmatique. » (2007 : 152-153)

DEUXIÈME PARTIE : RÉÉVALUATION DES BIOGRAPHIES D’ARTISTES : DE LA MONOGRAPHIE AUX ESPACES DE VIE

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