ALLARD, Jacques (1997) : le Roman mauve : microlectures de la fiction récente au Québec, Montréal, Québec/Amérique.
REMARQUES GÉNÉRALES :
Description :
- Il s’agit, comme l’indique le titre, d’une « microlecture », soit du regroupement des chroniques hebdomadaires qu’Allard a écrites dans le Devoir de 1992 à 1996 . Nous n’avons donc pas ici un panorama ou une vue d’ensemble comme dans les ouvrages précédents, mais une vue qui se déploie « à même » la constitution de la littérature contemporaine. C’est donc en filigrane seulement qu’on peut lire un discours d’ensemble sur le contemporain.
- Les grands courants ou mouvements ne sont donc pas mis en relief, mais disséminés tout au long des divers textes, selon les intuitions du chroniqueur. (On pourra éventuellement faire des comparaisons avec les chroniques de Voix et Images). J’ai donc relevé, au fur et à mesure de la lecture, les remarques ponctuelles.
- Les textes ont été retravaillés et sont présentés dans l’ordre chronologique, de manière à constituer une « chronique du roman paru depuis 1992 » (19). Malheureusement, on ne connaît pas la nature du retravaille (est-ce là l’occasion de faire des liens entre les différentes œuvres, d’avoir une vue d’ensemble qui serait ici déguisée?). L’auteur mentionne toutefois qu’il n’a pas modifié ses jugements, même si certains ne lui apparaissent plus justes avec le recul (19).
- Une place importante est accordée aux récits et aux recueils de nouvelles – qui sont très importants durant cette période.
Commentaires :
- L’auteur ne mentionne malheureusement pas ce qui a guidé le choix des œuvres. Au gré des parutions? Selon des choix de direction ? Selon les affinités du chroniqueur ? À cette époque, il en paraît beaucoup (autour, selon le chroniqueur, de 150 à 200 par année) et tout laisse à penser que c’est le chroniqueur qui choisit : par exemple, à propos du prix du gouverneur général de 1994, Allard dira : « Ne l’ayant pas proposé à votre lecture, serais-je passé à côté d’un grand livre? » (294) - En tout cas, la plupart du temps, ses critiques sont élogieuses, mais pas par complaisance. Il se trouve plutôt à commenter un segment particulièrement riche de la production romanesque québécoise (Monique Proulx, Robert Lalonde, Noël Audet, Gilles Archambault, François Barcelo, Marie-Claire Blais, Yves Beauchemin, Lise Bissonnette, Monique Bosco, Ying Chen, Hélène Monette, André Major, etc.)
- J’ai été frappée par le fait que la grande majorité des romans dont il fait la critique se passe à Montréal. Le roman, comme le proposait Simon Harel, est, bel et bien et sans le moindre doute, « arrivé en ville ».
- Dans l’ensemble, le ton est parfois lourd, un peu alambiqué (mais s’allège au fil de la lecture, comme si le critique avait trouvé un rythme et un ton plus agréable). La formule est plus essayistique que journalistique, ce qui explique sans doute sa pertinence pour une publication en livre. Parfois, on a du mal à comprendre de quoi le chroniqueur parle, car il s’adresse manifestement à des érudits – desquels je ne fais pas partie! Son idiosyncrasie le porte constamment à citer tout un chacun, à faire constamment étalage de sa culture personnelle, de ses références littéraires. Il cherche souvent, en tout cas, à situer les œuvres par rapport à une tradition antérieure, ce qui me semble être une « résurgence » de la « manière » première génération – ce qui est tout à fait logique, quand on y pense, puisque ces textes ont été écrits pendant cette période.
- Dans ce recueil, il cherche davantage à offrir une première analyse du roman qu’à faire une pure critique, allant même parfois jusqu’à « donner le punch » des livres qu’il lit. Il donne d’ailleurs, dans « La kyrie de Jean Éthier-Blais » [sorte d’hommage au critique décédé], un aperçu de sa conception de la pratique du critique qui est ici la sienne : « En critique, il s’agissait plutôt, selon une majorité d’entre nous, de donner des assises scientifiques à la tradition locale. Je l’entends encore houspiller les Vadius et autres Trissotin du métier – où les tâcherons – qu’étaient pour lui tant de ses collègues universitaires et critiques. » (306)
- Il a une conscience certaine de la coupure que représente 1980 et que ce qui se fait à son époque est non seulement différent de ce qu’il y a eu avant cela mais porte aussi une nouvelle esthétique, porte la littérature québécoise un peu plus haut, si je peux dire.
- En ce qui concerne mon hypothèse des générations, j’avais situé cette œuvre dans la « deuxième génération »; mais il me faut nuancer. Elle appartient à la fois à la première et à la deuxième génération — elle marque, tout comme l’ouvrage de Dion, ce « pont critique » entre la génération « fin 1980 » et celle des années 2000, à la fois par la proximité de son regard et de sa manière, dans sa recherche d’une forme pour rendre compte de la production contemporaine (« première génération ») et par une certaine volonté de vouloir commenter ce qui est en train de se faire, d’en prendre la mesure théorique et critique.
REMARQUES PONCTUELLES :
Avant-propos (voir aussi photocopies) :
- Il explique d’où vient l’idée d’un « roman mauve » qui serait prédominant au Québec pendant les années 1990 et qui serait porté principalement par les éditions du Boréal – mais pas exclusivement : « C’était souvent le même chant, solo ou symphonique, toujours une musique de l’intervalle, de la panne, du crépuscule[,] mais, à la réflexion, elle n’était pas exclusive à la maison de Jacques Godbout. Elle montait plutôt d’un ensemble de textes, un peu comme le blues de l’époque. Je l’entends encore mieux avec le recul. » (15)
- Le roman mauve serait « le type méditatif ou interrogatoire », un « roman songeur » qui serait toujours présent sur la scène québécoise (15) et qui correspond, selon lui, à la moitié des fictions qu’il aborde. / Il présume que ce courant « remonte sans doute à 1980 » (16). / « Il pourrait constituer une facette du roman de la Chambre : là où s’énoncent nos discours intimes, si souvent indétachables de l’amour, de l’art et de la philosophie. Là où les amoureux deviennent artistes et philosophes, la Chambre se faisant aussi atelier ou cellule. » (16) / « histoire de l’intervalle » qui se réfère à « l’ailleurs » et à « l’Histoire » (17)
- Allard s’interroge : il associe ce type à la description présentée par Kundera dans L’Art du roman et dont Kundera déplorait la disparition – ce qui est curieux puisque ce type prédomine sur la scène littéraire québécoise contemporaine. Allard pose la question : « Notre roman ferait-il exception sur la scène contemporaine? » (15) Il répond : « L’histoire de la prose nationale n’est pas toujours à rabattre simplement sur quelque modèle de la course occidentale. » (15-16) —– Il ne cherche donc pas, comme dans la plupart des autres ouvrages, à faire de la littérature québécoise un représentant parmi d’autres de la littérature contemporaine en général, mais à la démarquer du reste de la production; surtout, à en souligner la grande valeur : « Parfois, devant la réussite indéniable de l’écriture québécoise, je me dis que ce roman pourrait devenir l’un des grands laboratoires du monde. » (16)
- Il dissocie ce courant dominant de l’esthétique « fin de siècle » (16)
- Il explique que le terme « roman mauve » vient d’une toile d’Ozias Leduc intitulée L’heure mauve, que « le Roman mauve ressemble à ce tableau. À l’étreinte bien cadrée, d’un hiver finissant, au crépuscule. À cette prise sensuelle d’une mort qui promet la vie. C’est le récit d’un temps creux. Un moment plutôt qu’une durée. Un temps où se creuse un espace, celui du cocon, même intellectuel, qu’on essaie de s’aménager dans le provisoire, en comptant sur l’humour qui va avec l’amour des restes, du rien. Avec une vision qui se fait empreinte, plus porté que l’on est sur l’autographie, l’invention de soi, que sur l’autobiographie. On aime tant mettre de la fiction dans sa vie. Le roman ne règne-t-il pas sur le monde? » (17)
- Il remarque l’importance de « l’ailleurs », de « l’Histoire », le retour du roman historique, le roman de la ville (il utilise le terme « la Cité ») (voir p.17)
Synthèse des différentes observations prises tout au long de l’ouvrage:
Ses commentaires généraux, glanés ici au fil de la lecture, semble s’articuler principalement autour de cinq points (sans ordre) :
1) Le retour du roman historique
2) La « nouvelle » narrativité, ou les nouvelles façons de raconter qui, parfois, entremêlent les genres, que ce soit le roman et l’essai, le roman et la poésie, le roman et l’autobiographie, etc. D’où, aussi, un certain effet « postmoderne » : perte des repères traditionnel (chapitres, titres, etc.)
3) Bien sûr, la question du « roman mauve », qui prend tour à tour différents noms (ex : roman méditatif) ou mettant en scène différents aspects du renouveau romanesque québécois (ex : thématisation du sacré dans un discours blasphématoire)
4) l’émergence du « roman de l’artiste », particulièrement celui du peintre, qui vient remplacer le roman de l’écrivain. Parmi les romans de l’artiste, nous trouvons : Sept lacs plus au nord de Robert Lalonde, Homme invisible à la fenêtre de Monique Proulx, La Vraie Vie de Francine Daigle, La Sainte Famille d’Anne Élaine Cliche, Choses crues de Lise Bissonnette, Frontières ou tableaux d’Amériques de Noël Audet, Soifs de Marie-Claire Blais.
5) La popularité des recueils de nouvelles et la façon dont ceux-ci s’organisent selon une pratique du recueil (éléments que l’on retrouvera souvent dans divers textes ou articles critiques).
1) Retour du roman historique
« C’est peut-être l’occasion de noter que, depuis les années 70, notre roman se redonne de la mémoire au point où le titre historique s’affiche de plus en plus à partir de 1980. Bien sûr, nous n’avons pas retrouvé la programmation cléricale des origines. Il n’y a plus aujourd’hui d’école littéraire. Mais comment ne pas remarquer que la préoccupation nationale imprègne à nouveau le discours littéraire? Notre discours resterait-il, quoi qu’on veuille, celui, lancinant, de la survie? La présente, après l’éternelle? » (88) [Le Bon Dieu s’appelle Henri, Louis-Martin Tard]
« Plusieurs parutions récentes redisent à quel point l’Histoire fait retour dans l’espace imaginaire, insistant pour remettre en perspective des faits, souvent pour les réinventer et prolonger, les actualiser, tout en prétendant leur rester fidèles. Il faut en prendre acte, en attendant l’analyse attentive que certaines méritent par leur travail considérable. » (223) [plusieurs romans historiques]
2) « Nouvelle » narrativité
« Non seulement la narration gomme, cela va de soi, les repères extérieurs habituels (pas de chapitres[;] que des unités découpées dans un espace irrégulier), mais elle emmêle, comme cela est pratiqué ici assez souvent depuis les années 70, les façons poétiques et romanesques. Pour le plaisir d’une nouvelle narrativité. » (73) [La Copine, Yves Boisvert]
« Comme on le devine, si le romanesque s’affiche au point de départ, c’est pour se faire aussi poétique qu’essayiste, rejoignant cette veine récente de la fiction québécoise. » (100) [Le Dictionnaire de cristal, Émile Martel]
« … d’exploiter un filon qu’on dira sans doute autobiographique. Mais ce n’est plus là, aujourd’hui, une tare. Bien au contraire. Est-ce un autre effet de crise? l’époque est autobiographique. » (117) [Georgette de Batiscan, Jean-Paul Fugère]
« Le roman avait jadis de bien belles manières. C’était au temps des politesses du texte, alors que souvent le titre annonçait tout simplement la personne dont on allait raconter la vie, sinon le lieu provincial ou exotique de ses mystères. La narration pouvait ensuite s’offrir à l’avenant : bien découpée, mesurée en chapitres ou même devenir aguichante dans l’habillage d’un titre ou d’ornements typographiques. On assurait ensuite la représentation en bonne et due forme de ce qui s’était affiché. De nos jours, derrière la joliesse d’une couverture (effet « best-seller »), c’est assez souvent une masse indécise qu’on vous refile. Petite violence qui dit : Attrape et débrouille-toi, je suis postmoderne. On s’y est bien sûr habitué, au point où le plaisir de la lecture passe maintenant aussi par l’énigme du dispositif où se travestissent bien souvent le genre et ses discours. » (175) [L’Écureuil noir, Daniel Poliquin]
« N’est-ce pas l’une des réponses les plus subtiles de l’art contemporain à la question trop souvent orientée : mais où sont passés les intellectuels? Dans le seul espace qu’il leur reste, messieurs-dames, et ils y sont de plus en plus visibles, à condition d’aller voir et lire. Jamais peut-être les écrits de fiction n’ont autant joué de la biographie. Façon aussi de dire, de la part de grands écrivains : je ne peux plus aujourd’hui me contenter de raconter des histoires. À d’autres, le pur divertissement. Ou l’étroite thèse. La fiction est aussi un témoignage, à défaut de l’“engagement”. Reste toutefois à trouver chaque fois la pédagogie de cette insertion. » (254) [Frontières ou tableaux d’Amériques de Noël Audet]
3) Roman « mauve »
« Y aurait-il là, en formation à travers tous ces textes, une autre écriture du regard, sans le glacis de l’ex-nouveau roman? Serait-ce plutôt un nouveau roman de la crise intime comme celui de nos années 50? Voilà en tout cas un autre bel exemple de ce qui s’écrit de mieux ici depuis quelque temps : le roman méditatif, celui qui dit avec limpidité les vibrations de l’âme en panne mais aussi la modeste renaissance du cœur. » (92) [Vigie, Paule Noyart]
« Comme vous l’aurez deviné par tant de signes dont le titre n’est pas le moindre, Les Prophètes participent de la thématisation récente du sacré. On a pu le voir, il y a peu, dans Les Cathédrales sauvages de Madeleine Gagnon où se cherche et se trouve, au plus intime, “le Dieu des rêves”. Et, auparavant, dans la Chronique des veilleurs (Roland Bourneuf) dont les marcheurs scrutent inlassablement la nuit. » (191) [Les Prophètes, Sylvain Trudel]
« Ce prêtre indigne parce que fou de désirs trop humains n’est-il pas un des personnages de notre époque où le sacré fait souvent retour dans un discours du sacrilège et du blasphème? » (207) [Fièvres blanches d’André Brochu]
« Reprenant beaucoup de sujets actuels (le territoire intérieur et extérieur, leurs paysages meurtris, l’Indien, la mère, l’homme brisé de la quarantaine, la mort proche ou certaine agonie, le recours à la littérature et à la philosophie…)… » [La démarche du crabe de Monique Larue]
« Sous des dehors assez légers, avec sa plume alerte et son ironie douce, l’auteur du Bout cassé de tous les chemins (1993) se situe plutôt dans le sillage d’André Major (La Vie provisoire) pour dire notre plus profond discours. Celui de l’irrésolution, de la panne intérieure où ne s’entend que le ronron de la chatte. Celui de la réflexion. Avec de tels romans qui, à certains égards, rappellent l’interrogation des années 50, on pourrait croire qu’un tournant s’annonce. On ne peut pas longtemps se regarder ainsi pleurer. Pas avec autant d’entrain. » (315) [Le milieu du jour d’Yvon Rivard]
« Comme d’autres romanciers de l’espace perdu (Jacques Godbout, René Lapierre, Jacques Poulin, Noël Audet, Jacques Folch-Ribas, Victor-Lévy Beaulieu…), il [Roch Carrier] sait aussi lire son époque. » (327) [Petit homme tornade]
« Son Presque rien [Francine D’Amour] va plus loin, arrivant à la hauteur de certains des meilleurs livres que je lis ici (pour Le Devoir) depuis bientôt quatre ans. Je pense en particulier à Des mondes peu habités (1992) de Pierre Nepveu, à La Vie provisoire (1995) d’André Major, au récent Milieu du jour d’Yvon Rivard ou encore aux Soifs de Marie-Claire Blais. Pour m’aviser tout à coup qu’il s’agit sans doute d’une tendance, celle du Boréal où tous se retrouvent? celle du siècle finissant dans la panne, l’intervalle, le crépuscule? » (332)
« Je ne savais pas, en commençant cette chronique, que j’allais pouvoir, presque à chaque semaine, trouver un bon livre et que ce devoir de lecture allait devenir un plaisir. Mais un ami me rappelle que, bon signe, depuis trente ans, la lecture d’ici n’a cessé d’augmenter, dominant maintenant celle du livre étranger. À la réflexion, il est peut-être normal que le tiers (lisible ici) des cent cinquante romans annuels soit au moins de “bons livres” sinon toujours des chefs-d’œuvre. Et tout cas, on peut s’en étonner moins quand on voit plusieurs œuvres se construire avec constance et exigence, deux qualités souvent réunies depuis 1980. Nous avons maintenant bon nombre d’écrivains qui, d’un livre à l’autre, poussent toujours plus loin le travail et, assez souvent, les enjeux esthétiques. Ils n’hésitent pas à faire confiance à leurs lecteurs d’ici et d’ailleurs, bâtissant cette relation de confiance qui fait que leurs livres sont attendus, bientôt recherchés par une fourchette élargie d’amateurs. » (344) [Les Aurores montréales de Monique Proulx]
« Il s’agirait plutôt d’un retour à la première trilogie, celle de 1981-1983 : Agénor…, La Tribu, Ville-Dieu que l’on pourrait voir un peu comme de la fantaisie post-référendaire, puisque le référendum de 1995 vaut sans doute bien celui de 1980 pour réactiver le retour romanesque aux origines. » (363-364) [Vie de Rosa de François Barcelo]
4) Le roman de l’artiste
« Le roman récent est assez souvent celui du peintre. On se souviendra aisément de titres de l’an dernier, comme Sept lacs plus au nord de Robert Lalonde et Homme invisible à la fenêtre de Monique Proulx. Le roman de l’écrivain ferait-il progressivement place au roman de l’artiste? D’un personnage à l’autre, parfois aussi photographe ou même vidéographe comme dans La Vraie Vie de Francine Daigle, c’est bien la figure du créateur qui émerge comme personnage déterminant de l’espace du roman. Qui s’intéresse à cette dimension insistante de l’expression littéraire contemporain [sic] trouvera de quoi alimenter sa réflexion dans le deuxième roman d’Anne Élaine Cliche. Sa Sainte Famille faite d’artistes. » (203) [La Sainte Famille d’Anne Élaine Cliche]
« L’art est un thème capital du roman contemporain. Et très souvent, les arts plastiques, surtout la peinture dont l’art narratif demeure complice, quoique le romancier ne dise plus guère, comme Zola dans sa préface de l’Assommoir : “j’ai voulu peindre…”. Pourquoi cette récurrence au fil des parutions? Est-ce à cause de cette fonction accrue de regardeur que se donne le romancier d’aujourd’hui (auparavant plus descripteur)? / Le deuxième roman de Lise Bissonnette s’inscrit dans ce regard artiste, non à partir du point de vue du créateur (comme dans Homme invisible à la fenêtre de Monique Proulx), mais à travers l’œil de la critique, emmêlant croyance et crudité, selon l’ambiguïté lapidaire du titre. Parfois voyeur (entendre : jouisseur de la vue, au sens naturaliste), ce roman est finalement toiseur, si l’on peut dire, comme il est sans doute de mise quand on met en scène la critique. » (249) [Choses crues de Lise Bissonnette]
« Après le roman artiste de Lise Bissonnette et plusieurs autres, Noël Audet nous offre ici une impressionnante transposition du chef-d’œuvre de Moussorgski. » (255) [Frontières ou tableaux d’Amériques de Noël Audet]
« Voilà donc à nouveau le roman de l’artiste, si présent parmi nous depuis quelques années, mais que n’a jamais cessé d’écrire Marie-Claire Blais. On peut en voir ici l’exemple le plus ambitieux et le plus beau. S’étonnera-t-on de voir la narration évoquer La Divine Comédie? Après un silence romanesque de dix ans, l’auteur a modestement, généreusement, écrit celle de notre temps. » (284) [Soifs de Marie-Claire Blais]
5) Les recueils de nouvelles
« Comme on le voit de plus en plus, le genre [de la nouvelle] a la cote, peut-être parce qu’il explore à sa manière un espace narratif que tend à négliger un roman souvent fatigué d’expérimenter. » (240)
« Les Six visages de Charles illustrent par ailleurs une tendance bien accusée des recueils de nouvelles paraissant depuis quelques années. Serait-ils d’ailleurs plus nombreux au Québec qu’ailleurs dans l’espace francophone? Dieu sait si on aime en tout cas ici travailler sur les liens pouvant exister entre des récits théoriquement indépendants. Une vraie mise en texte de la souveraineté-association! Un travail forcené sur les “parties” ou sur la partition, comme on voudra. » (361) [« Six visages de Charles », nouvelles de Raymond Paul]
Autres éléments ponctuels :
« Sera-ce encore un de ces récits amoureux de lui-même? Un “remake” du narcissisme fin de siècle? Le roman contemporain détourne souvent le discours amoureux qu’il offre à la lecture. Et, depuis sans doute 1950, il a fréquemment aplati le personnage, étiré la sauce descriptive jusqu’à cet onanisme technique, cette complaisance de La Maison rouge du bord de mer. » (26) [Quitter le pays incertain, Michel Dallaire]
« Harlequinade? N’est-ce pas une tentation à laquelle succombe de plus en plus le roman québécois actuel, si désireux de se conserver des lecteurs? » (61) [Avant d’oublier, Lise Lacasse]
« Le viol de Marie-France O’Connor est un roman poétique, dans la veine des Fous de Bassan d’Anne Hébert (Seuil, 1982). J’ai déjà signalé le poids de ce grand roman sur des fictions récentes. Cette fois, l’effet hébertien se fait fortement sentir, même si le Viol demeure un livre original de par son histoire et sa phraséologie. » (319) [roman de Claude Marceau]
« Depuis une quinzaine d’années, les écrivains néo-québécois le rappellent à tous : la migration reste ici la source de l’expression, donnant ses paramètres à notre installation imaginaire dans l’espace américain. » (348) [Les Lunes de miel de Mona Latif-Ghattas]