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Spécificités historiques culturelles — France

POSTMODERNE / POSTMODERNITÉ / POSTMODERNISME

  • TONNET-LACROIX, Éliane, La littérature française et francophone de 1945 à l'an 2000, Paris, L'Harmattan (Espaces littéraires), 2003. [VA]
  • Parce que l'auteure observe des « corrélations entre état de la société, système de pensée et oeuvres littéraires » (6), en l'occurrence dans la seconde moitié du XXe siècle, elle propose, avant de plonger dans le repérage de certaines tendances littéraires, un parcours diachronique de la situation sociale, intellectuelle, morale et institutionnelle qui encadre la création littéraire, notamment dans la période découpée de 1975-2000.

S'il est vrai que « [l]e roman se donne pour ce qu'il est peut-être, au fil des siècles : un réceptacle du monde et de son chaos, où la littérature désespère de trouver un fil conducteur » (Viart, Le roman français au XXe siècle, Paris, Hachette (Les fondamentaux), 1999, p. 148), on peut penser que la période dite postmoderne trouve, d'une façon ou d'une autre, à surimprimer la production littéraire.

Comme plusieurs autres, Tonnet-Lacroix a recours à Lyotard (1979) pour définir la période qui commencerait à la fin des années 1970. Elle reprend ainsi l'étiquette « postmoderne » qui, en France, « est caractérisée par la perte de confiance dans les idéaux révolutionnaires, la crise des idéologies, l'abandon de l'avant-gardisme. La littérature retrouve les charmes du récit et du sujet » (10). C'est aussi ce que prétend Viart : « Comme le montre bien le philosophe Jean-François Lyotard (La condition postmoderne, 1979), les grands systèmes d'explication du monde ont failli - et l'on revient aux vérités partielles, partiales, parcellaires. Un tel phénomène sociologique n'est pas sans favoriser dans la littérature, un certain retour du sujet » (Viart, Le roman français au XXe siècle, Paris, Hachette (Les fondamentaux), 1999, p. 114).

Tonnet-Lacroix admet par ailleurs que la notion de « postmoderne » demeure floue et équivoque, entre prolongement du moderne et rupture avec lui selon les postures, avec comme résultat un présent marqué par « la confusion (des genres sans doute, mais aussi des idées, des valeurs). […] Mais si l'on considère, comme Valéry, que le “moderne” est par nature composite, contradictoire même, juxtaposant divers système de pensée, cette fin de siècle, dite postmoderne, serait donc à cet égard particulièrement moderne, mais d'un modernisme doutant de lui-même, peut-être moribond » (16). Suggérant à la fois l'idée d'une succession temporelle et d'un changement d'état, le préfixe « post » souligne enfin la sortie « d'une phase triomphante, conquérante, sûre d'elle, pour entrer dans une ère de désillusion ou tout au moins d'abandon des certitudes et des ambitions » (256). Ainsi, « [d]ésenchantement et ironie, mélancolie et cynisme, scepticisme et éclectisme ludique marquent la fin de ce siècle, endeuillée par de nombreuses catastrophes ainsi que par des guerres et des violences de toutes sortes » (10). À ce titre, l'auteure convoque Blanchot. Dans L'écriture du désastre (1980), celui-ci affirme que, après Auschwitz, dont la fin du siècle renouvelle tout particulièrement le souvenir selon Tonnet-Lacroix, « seule est possible une “écriture du désastre”, écriture fragmentaire, inachevée » (251).

L'auteure pose également que, sur le plan de la sensibilité, l'anticipation de la fin du siècle a vraisemblablement créé un « syndrome “fin-de-siècle” : hantise de la fin et angoisse du futur, crise des valeurs morales, faillite des idéaux collectifs et pessimisme, exacerbation du moi, culte de la sensation et obsession du sexe, brouillage des genres, goût du fragment, du texte bref, comme la nouvelle, et des jeux intertextuels » (10-11).

Elle précise toutefois que les littératures francophones connaissent à peu près le même cheminement car, « malgré les spécificités locales, les bouleversements politiques et idéologiques s'y modèlent sur des rythmes plus vastes qui les englobent » (11). Ainsi, au Québec, elle affirme que « les désenchantements idéologiques de la fin du siècle ont trouvé leur écho dans […] [les] espoirs [qui] se sont heurtés à l'échec » (11). Elle y reconnaît également les traits qui définissent l'esprit postmoderne « (goût de l'intertextualité, tendance marquée à l'hybridation des formes, des cultures, des références), ce qui n'est guère surprenant à une époque de mondialisation et d'uniformisation » (11-12). Il faut cependant avouer que cette impression de ressemblance presque parfaite serait susceptible d'être nuancée si l'auteure avait accordé autant d'espace et d'énergie aux littératures francophones qu'à la littérature française ; on peut supposer que les différences ont échappé à son examen de survol.

  • GONTARD, Marc, « Le postmodernisme en France : définition, critères, périodisation », dans Michèle TOURET et Francine DUGAST-PORTES [dir.], Le temps des Lettres. Quelles périodisations pour l'histoire de la littérature française du 20e siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes (Interférences), 2001, p. 283-294. [VA]
  • Hypothèse générale : interroger cette notion [de « postmodernisme »] dans le champ romanesque français pour voir si, au-delà du slogan à effet médiatique, importé des États-Unis, elle nous permet de penser une réalité socio-culturelle qui émerge en Europe à partir des années 80 pour entrer dans une phase critique autour de 1989, avec la chute du Mur de Berlin… » (283).

Si la modernité « est fondée sur un ordre binaire de type dialectique qui permet de penser l'unité-totalité » (285), la postmodernité « naît de la prise de conscience de la complexité et du désordre […]. Mais l'exploration du désordre ne devient vraiment systématique que dans les années 70 avec l'apparition des sciences du chaos […] » (285). Gontard identifie deux événements historiques qui mettent à leur tour un terme à l'ordre binaire : la chute du Mur de Berlin et l'effondrement du bloc communiste à l'Est. La philosophie n'est pas non plus en reste, notamment avec le travail de déconstruction de Foucault, de Derrida et de Deleuze. Bref, la « pensée postmoderne met […] au premier plan, contre l'idée de centre et de totalité, celle de réseau et de dissémination. Tandis que la modernité affirme un universel (unique par définition) la postmodernité se fonde sur une réalité discontinue, fragmentée, archipélique, modulaire où la seule temporalité est celle de l'instant présent, où le sujet lui-même décentré découvre l'altérité à soi, où à l'identité-racine, exclusive de l'autre, fait place l'identité-rhizome, le métissage, la créolisation » (285-286).



Dominique Rabaté, Le Chaudron fêlé. Écarts de la littérature, Paris, José Corti (Les Essais - Rien de commun), 2006.

- Selon Rabaté, les diverses formes de pluriel que l'on observe aujourd'hui ont commencé à se dessiner à l'époque de Flaubert, alors que l'idéal du Tout est remis en question:

  • « [L]'esthétique qui se met en place avec Flaubert est d'une autre nature que celle du Romantisme. Le divorce d'avec l'absolu d'une expressivité sans reste se consomme différemment. L'écrivain doit composer avec les “métaphores les plus vides”, avec la trivialité du langage de chacun. Plus fondamentalement, […] le roman […] [reconnaît] qu'il [a] perdu la voix pleine et entière à laquelle il aspirait » (10).

- Le constat de cette perte marque l'époque contemporaine et conduit les écrivains à faire montre « d'un scepticisme [hérité de la génération précédente], d'un doute porté contre les pouvoirs de la littérature » (45) :

  • Le désir de totalité « doit continuer d'animer l'entreprise romanesque, vouée à dire la complexité du multiple en une forme, certes plurielle et mouvante, mais encore unifiante. Mais, dans le même temps, cette ambition appelle comme son nécessaire revers la conscience que le tout qui structurerait l'unité du monde est peut-être perdu, qu'il se donne en morceaux […]. L'écrivain découvre à la fois la malédiction et les séductions du fragmentaire » (44-45).

- Confrontés à l'impossibilité du tout unificateur, les écrivains multiplieraient les stratégies pour tenter - en vain - de combler le vide :

  • Le pluriel paraît « emblématique d'un âge récent de la littérature où se manifeste une incomplétude de la forme littéraire qui ne suffirait plus à dire par elle-même ce qui est à dire » (114).

Marc Dambre et Monique Gosselin-Noat (dir.), L'éclatement des genres au XXe siècle, actes du colloque tenu à Paris du 19 au 21 mars 1998, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle (Société d'étude de la littérature française du XXe siècle), 2001.

- La thèse d'«éclatement des genres« s'inscrit dans une perspective historique française et occidentale. D'une part, elle est étroitement liée à la modernité littéraire française, dans la mesure où elle se comprend «par rapport à un âge classique défini sous la forme d'un canon générique» (Schaeffer, 12), ce qui n'est pas le cas de toutes les littératures nationales. D'autre part, la culture littéraire occidentale situe l'évolution de la littérature sur la base de ruptures, le nouveau remplaçant l'ancien :

  • «Cette conception de l'évolution littéraire a donné naissance à une interprétation bien particulière de la question des genres littéraires : l'évolutionnisme idéaliste de Hegel ou le darwinisme de Brunetière n'ont de sens que dans une conception de la dynamique littéraire où la situation des textes relativement à un système communicationnel historisé (l'“histoire de la littérature”) est devenue plus importante que l'interaction concrète entre l'auteur et le contexte situationnel ou existentiel dans lequel il crée » (Schaeffer, 18). Ainsi, au moins depuis la Renaissance, « la différenciation générique de plus en plus marquée doit permettre à chaque auteur de déterminer le lieu littéraire que l'oeuvre qu'il crée doit et peut occuper dans le système littéraire historique » (Schaeffer, 19). Tout auteur trouve sa légitimation ultime dans le système communicationnel appelé « poésie » ou « roman » : « c'est dans ou par rapport à ce système qu'on va situer sa voix propre, étant entendu qu'il lui incombera d'y puiser à la fois son identité et sa différence. C'est cette injonction institutionnelle qui […] m'apparaît comme une des causes susceptibles d'expliquer l'implosion moderniste du système générique comme tel, puisque la différenciation poussée jusqu'à logique extrême exige de chaque écrivain que chacune de ses oeuvres forme […] un genre pour lui-même » (Schaeffer, 19-20).

- Selon Combe, l'éclatement des genres se comprend par le déclin, depuis le siècle dernier, de l'empire rhétorique. Ce déclin s'intensifie et s'accélère surtout au cours des années 1960, alors que la « combinaison du structuralisme sémiotique et du marxisme althussérien conduit Sollers, comme d'ailleurs Kristeva, à considérer les genres comme “rhétorique promue au niveau idéologique” de la bourgeoisie. La critique des genres et, plus généralement, de la rhétorique relève d'une critique de l'idéologie au nom du matérialisme historique » (50). Aussi les modernes en viennent-ils à refuser les «cloisonnements génériques, au nom du “texte” pluriel, de l'oeuvre polyphonique - c'est-à-dire essentiellement “impure”- […], au nom d'un absolu : la “Littérature”, débarrassée de ses genres, qui sont censés faire écran à son unité et à son univers » (58). Combe ne se prononce pas spécifiquement sur l'époque contemporaine.

Henri Mitterand, La littérature française du XXe siècle, 2e édition, Paris, Armand Colin [Nathan] (La collection universitaire de poche, 128), 2007 [1996].

- disparition des maîtres

- multiculturalisme

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