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Lionel Verdier et Gilles Bonnet (dir.), L'excès, signe ou poncif de la modernité ?, Paris, Kimé (Les cahiers de marge, no 6), 2009.
Excès, Verdier et Bonnet (dir) - la table des matières
1. Terminologie pour désigner le pluriel
L'excès ; «expériences excédantes» (7) ; «le texte ou l'œuvre en excès» (10) ; «texte excessif» (282).
2. Explications et concepts utilisés
Une définition de l'excès (terme latin excessus) :
Aux sens premiers de «mouvements vers l'extérieur» et de digression (8) vient s'ajouter le dépassement condamnable de la mesure (la notion prend ce sens moral au XVIe siècle). « La première difficulté qu'il y a à parler de l'excès, à fonder une approche du littéraire et de la littérature à partir de l'excès tient justement à cette dérive sémantique. […] la vraie question étant sans doute […] de distinguer la “norme” à partir de laquelle mesurer le débord ou le manque.» (8-9) Contrairement à la démesure classique, l'excès et la transgression qu'il suppose bannit tout retour à l'ordre, à la norme, toute pensée même de l'ordre ou de la norme - l'excès s'affirmant comme sa propre mesure (9). Historiquement, l'excès n'est pas lié aux canons esthétiques de mesure et d'ordre qui sous-tendent les présupposés rationalistes d'une théorie classique du Beau. L'excès est « anarchique, sans résolution ni commencement, résolument monstrueux, obscène et gratuit» (9).
Les dernières années du XIXe siècle français annonçait déjà, avec sa crise des formes et des genres, les expériences de l'excès (la Décadence ; l'humour noir ; crise du réalisme). Verdier et Bonnet présentent l'excès comme une notion qui fonde la modernité (la période présente étant désignée comme la post-modernité), notion qu'ils jugent propre à questionner les mutations dans notre rapport au monde et au sens (7). L'excès s'oppose donc au principe d'unité de l'œuvre littéraire ou artistique, il «outre l'œuvre» par «une hétérogénéité irréductible, […] une pluralité générique et esthétique» (7).
Selon Verdier et Bonnet, un modèle d'analyse ne saurait être possible : ce que l'on relève comme excessif dans une œuvre peut ne pas fonctionner comme tel dans une autre (dispositifs différents à chaque expériences excessives). Ils définissent plutôt l'excès comme «une pragmatique singulière, un mode opératoire autre qui désigne pour le lecteur ou le spectateur le texte ou l'œuvre en excès, dans un processus de rupture des codes, du langage et du sens». (10) L'excès, dans sa dynamique, vise un sens hors du texte, procure un sentiment de l'insaisissable qui maintient vivante la productivité du texte. (10) Dans cette perspective, nous ne sommes pas loin des romans en contexte d'éclatement (d'une poétique de la diffraction), empruntant la poétique, la dynamique du recueil comme machine textuelle (machine à produire du sens), repoussoir de l'unité et du sens unique (unité narrative subsumant notre conception de la représentation). Il est à noter que Verdier et Bonnet, à propos de l'œuvre de Chevillard, ne définissent pas explicitement l'unité convoquée ; dans «Éric Chevillard : le hors-là du roman», p. 279-298 (excès thématique et phrastique-stylistique-linguistique / effacement de tout cadre par la puissance poétique (poésie) du texte ; le «dispositif en excès» (285) dynamite la cohérence du récit, sa linéarité - prétéritions, poésie, répétitions, digressions - et ouvre le texte à l'inquiétude du sens (288) parce que «[s]ans objet ni sujet, sans résistance du côté de la mimèsis, le récit en excès prolifère démesurément dans le vide du pensable» (289). Le personnage du récit chevillardien se trouve ainsi au-delà du sens et de la représentation, p. 293). L'œuvre excessive de Chevillard ne saurait offrir nulle représentation - «une fiction d'une fiction excédant toute saisie» (293) - mais cherche pourtant «une assise du sens» (294) en contestant la logique du roman réaliste…
3. Cause(s) du pluriel
L'expérience excédante est le signe «d'une modernité attachée à dégager le texte des problématiques du sujet, de la représentation, de la possibilité même du sens. L'expérience de l'excès peut être décrite comme celle d'une perte de soi, d'une destitution de l'être et du sens, comme une expérience qui ne cherche pas à dire le monde comme son objet mais a outrepasser l'ensemble des schèmes qui déterminent sa représentation» (10)