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**Marc Dambre et Monique Gosselin-Noat (dir.), //L'éclatement des genres au XXe siècle//, actes du colloque tenu à Paris du 19 au 21 mars 1998, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle (Société d'étude de la littérature française du XXe siècle), 2001.** | **Marc Dambre et Monique Gosselin-Noat (dir.), //L'éclatement des genres au XXe siècle//, actes du colloque tenu à Paris du 19 au 21 mars 1998, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle (Société d'étude de la littérature française du XXe siècle), 2001.** [Viviane Asselin] |
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[[L'éclatement des genres - table des matières]] | [[L'éclatement des genres - table des matières]] |
**Modernité plutôt que postmodernité** | **Modernité plutôt que postmodernité** |
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Schaeffer situe l'éclatement des genres dans un vaste cadre historique, celui de la modernité littéraire (il ne précise pas à quelle période il fait référence exactement). Il refuse de l'attribuer à la postmodernité, ainsi que d'autres l'ont fait avant lui: | Schaeffer situe l'éclatement des genres dans un vaste cadre historique, celui de la modernité littéraire (il ne précise pas à quelle période il fait référence exactement). Il refuse de l'attribuer à la postmodernité, ainsi que d'autres l'ont fait avant lui [vaut aussi, je crois, comme spécificité culturelle...]: |
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* « [I]l y a quelques années, la question du destin actuel des genres littéraires a [...] souvent été pensée par rapport à la notion de postmodernité : du même coup la question de l'éclatement des genres y était en général vue sous l'angle du mélange des genres, de la citation générique ou de la déconstruction ironique, autant de notions directement empruntées à la théorie artistique de la postmodernité » (11). | * « [I]l y a quelques années, la question du destin actuel des genres littéraires a [...] souvent été pensée par rapport à la notion de postmodernité : du même coup la question de l'éclatement des genres y était en général vue sous l'angle du mélange des genres, de la citation générique ou de la déconstruction ironique, autant de notions directement empruntées à la théorie artistique de la postmodernité » (11). |
//[Ses réserves me laissent un peu perplexe, comme si certains avaient plaqué des caractéristiques associées à la postmodernité à la question des genres, sans même y réfléchir, nous donnant à penser que la postmodernité serait envisagée par certains comme une cause du pluriel (pour l'objet de nos recherches, il serait néanmoins intéressant de retracer ces critiques...). Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas voir, comme conséquence de l'éclatement des genres, un mélange ou une déconstruction de ceux-ci - des expressions qui, d'ailleurs, reviennent souvent sans être attribuées à la postmodernité...]// | //[Ses réserves me laissent un peu perplexe, comme si certains avaient plaqué des caractéristiques associées à la postmodernité à la question des genres, sans même y réfléchir, nous donnant à penser que la postmodernité serait envisagée par certains comme une cause du pluriel (pour l'objet de nos recherches, il serait néanmoins intéressant de retracer ces critiques...). Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas voir, comme conséquence de l'éclatement des genres, un mélange ou une déconstruction de ceux-ci - des expressions qui, d'ailleurs, reviennent souvent sans être attribuées à la postmodernité...]// |
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Il justifie son parti pris le fait que la notion de postmoderne est difficile à manipuler, et ce, pour au moins deux raisons : | Il justifie son parti pris par le fait que la notion de postmoderne est difficile à manipuler, et ce, pour au moins deux raisons : |
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* D'une part, l'actualité de la notion de postmodernité nous prive de la distance nécessaire pour saisir les changements à l'oeuvre : « [I]l est très difficile d'apprécier correctement la signification de changements qui non seulement sont censés se dérouler sous nos yeux, mais dont par-dessus le marché nous sommes censés être partie prenante, ce qui était le cas du supposé paradigme postmoderniste » (11). | * D'une part, l'actualité de la notion de postmodernité nous prive de la distance nécessaire pour saisir les changements à l'oeuvre : « [I]l est très difficile d'apprécier correctement la signification de changements qui non seulement sont censés se dérouler sous nos yeux, mais dont par-dessus le marché nous sommes censés être partie prenante, ce qui était le cas du supposé paradigme postmoderniste » (11). |
**Nouvelles catégories génériques** | **Nouvelles catégories génériques** |
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Il apparaît que l'une des façons de la critique d'aborder le pluriel est de créer de nouvelles catégories en réaction aux nouvelles propositions. L'autofiction, par exemple, a été forgée à partir d'oeuvres qui mélangeaient autobiographie et fiction. Mais cela même qui apparaissait d'abord hétérogène en vient à être absorbé dans une étiquette qui homogénéise la pratique, comme l'écrit Vaugeois à propos du concept d'hybridation (35). Il faut toutefois avouer qu'il revient parfois aux auteurs eux-mêmes que fabriquer des étiquettes génériques que la critique reprend, faute de mieux. | Il apparaît que l'une des façons de la critique d'aborder le pluriel est de créer de nouvelles catégories en réaction aux nouvelles propositions. L'autofiction, par exemple, a été forgée à partir d'oeuvres qui mélangeaient autobiographie et fiction. Mais cela même qui apparaissait d'abord hétérogène en vient à être absorbé dans une étiquette qui homogénéise la pratique, comme l'écrit Vaugeois à propos du concept d'hybridation (35). Il faut toutefois avouer qu'il revient parfois aux auteurs eux-mêmes de fabriquer des étiquettes génériques que la critique reprend, faute de mieux. |
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**Produire un genre en lui-même** | **Produire un genre en lui-même** |
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Schaeffer avance quelques éléments de réponse pour expliquer l'éclatement des genres. S'il prévient que « les causes décisives sont en réalité non pas des causes mécaniques, déterministes, mais des motivations psychologiques et plus largement des dispositions intentionnelles qui sont difficiles à reconstituer » (17), il s'en tient, pour cette raison même, à l'explication de notre **rapport au passé, à l'Histoire**. La culture littéraire occidentale « évolue [...] largement par //ruptures// - le nouveau remplace l'ancien. [...] Cette conception de l'évolution littéraire a donné naissance à une interprétation bien particulière de la question des genres littéraires : l'évolutionnisme idéaliste de Hegel ou le darwinisme de Brunetière n'ont de sens que dans une conception de la dynamique littéraire où la situation des textes relativement à un système communicationnel historisé (l'"histoire de la littérature") est devenue plus importante que l'interaction concrète entre l'auteur et le contexte situationnel ou existentiel dans lequel il crée » (18). Ainsi, au moins depuis la Renaissance, « la différenciation générique de plus en plus marquée doit permettre à chaque auteur de déterminer le //lieu littéraire// que l'oeuvre qu'il crée doit et peut occuper dans le système littéraire historique » (19). Tout auteur trouve sa légitimation ultime dans le système communicationnel appelé « poésie » ou « roman » : « c'est dans ou par rapport à ce système qu'on va situer sa voix propre, étant entendu qu'il lui incombera d'y puiser à la fois son identité et sa différence. **C'est cette injonction institutionnelle qui [...] m'apparaît comme une des causes susceptibles d'expliquer l'implosion moderniste du système générique comme tel, puisque la différenciation poussée jusqu'à logique extrême exige de chaque écrivain que chacune de ses oeuvres forme [...] un genre pour lui-même »** (19-20). | Schaeffer avance quelques éléments de réponse pour expliquer l'éclatement des genres. S'il prévient que « les causes décisives sont en réalité non pas des causes mécaniques, déterministes, mais des motivations psychologiques et plus largement des dispositions intentionnelles qui sont difficiles à reconstituer » (17), il s'en tient, pour cette raison même, à l'explication de notre **rapport au passé, à l'Histoire**. La culture littéraire occidentale « évolue [...] largement par //ruptures// - le nouveau remplace l'ancien. [...] Cette conception de l'évolution littéraire a donné naissance à une interprétation bien particulière de la question des genres littéraires : l'évolutionnisme idéaliste de Hegel ou le darwinisme de Brunetière n'ont de sens que dans une conception de la dynamique littéraire où la situation des textes relativement à un système communicationnel historisé (l'"histoire de la littérature") est devenue plus importante que l'interaction concrète entre l'auteur et le contexte situationnel ou existentiel dans lequel il crée » (18). Ainsi, au moins depuis la Renaissance, « la différenciation générique de plus en plus marquée doit permettre à chaque auteur de déterminer le //lieu littéraire// que l'oeuvre qu'il crée doit et peut occuper dans le système littéraire historique » (19). Tout auteur trouve sa légitimation ultime dans le système communicationnel appelé « poésie » ou « roman » : « c'est dans ou par rapport à ce système qu'on va situer sa voix propre, étant entendu qu'il lui incombera d'y puiser à la fois son identité et sa différence. **C'est cette injonction institutionnelle qui [...] m'apparaît comme une des causes susceptibles d'expliquer l'implosion moderniste du système générique comme tel, puisque la différenciation poussée jusqu'à logique extrême exige de chaque écrivain que chacune de ses oeuvres forme [...] un genre pour lui-même »** (19-20). (voir [[Spécificités - France|Spécificités historiques culturelles — France]]) |
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Pour Combe, **il faut rapporter le refus des genres au déclin de l'empire rhétorique depuis le siècle dernier** (49). Ce déclin s'intensifie et s'accélère surtout au cours des années 1960, alors que la « combinaison du structuralisme sémiotique et du marxisme althussérien conduit Sollers, comme d'ailleurs Kristeva, à considérer les genres comme "rhétorique promue au niveau idéologique" de la bourgeoisie. La critique des genres et, plus généralement, de la rhétorique relève d'une critique de l'idéologie au nom du matérialisme historique » (50). Il semble s'agir avant tout d'une initiative moderne, marquée par « le refus des cloisonnements génériques, au nom du "texte" pluriel, de l'oeuvre polyphonique » (58) ; on se peut se demander si les auteurs contemporains pratiquent le pluriel « au nom [de ce même] absolu : la "Littérature", débarrassée de ses genres, qui sont censés faire écran à son unité et à son univers » (58). | **Déclin de l'empire rhétorique** |
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Il semble que « le refus des cloisonnements génériques au nom du "texte" pluriel, de l'oeuvre polyphonique » (58) relève davantage de la période moderne que du contemporain | Pour Combe, **il faut rapporter le refus des genres au déclin de l'empire rhétorique depuis le siècle dernier** (49). Ce déclin s'intensifie et s'accélère surtout au cours des années 1960, alors que la « combinaison du structuralisme sémiotique et du marxisme althussérien conduit Sollers, comme d'ailleurs Kristeva, à considérer les genres comme "rhétorique promue au niveau idéologique" de la bourgeoisie. La critique des genres et, plus généralement, de la rhétorique relève d'une critique de l'idéologie au nom du matérialisme historique » (50). Il semble s'agir avant tout d'une initiative moderne, marquée par « le refus des cloisonnements génériques, au nom du "texte" pluriel, de l'oeuvre polyphonique » (58) ; on peut se demander si les auteurs contemporains pratiquent le pluriel « au nom [de ce même] absolu : la "Littérature", débarrassée de ses genres, qui sont censés faire écran à son unité et à son univers » (58). (voir [[Spécificités - France|Spécificités historiques culturelles — France]]) |