Table des matières

Michel Laurin, Anthologie de la littérature québécoise, Anjou, CEC, 1996. [Myriam Saint-Yves]

Table des matières, Chapitres 8-9-10.

1. Terminologie pour désigner le pluriel

- « Une littérature au style herbu, mal fauché, qui affirme enfin la légitimité du moi – pris en charge jusqu’à ce jour par l’idéologie et la religion-, qui affirme même la légitimité du moi de l’Autre, ce voisin et néanmoins étranger dont on affectait d’ignorer l’existence. » (3)

- « esthétique de la transgression » (200)

- « modernité » et « postmodernité » désignent la littérature et la société québécoises d’après 1970, mais aucune distinction claire n'est faite avec la postmodernité que l’on évoque en parlant des années 1980-1990. (201-237)

- « chosification du langage » (201), « déchirure de l’écriture traditionnelle »

- « esthétique de la rupture où la précarité du texte vient faire écho à la fragilité des valeurs » (201) « dynamique de l’avant, où la nouveauté tient lieu de valeur et l’avant-garde, de pratique. » (201)

- « aventure textuelle, où il importe de brouiller les pistes de l’ancienne lisibilité » (210)

2. Explications et concepts utilisés

- Littérature et contre-culture : Après 1970, on sent le besoin de se détourner du passé, exploré par les générations précédentes d’auteurs, pour se tourner vers l’écriture du présent : « À l’heure où notre existence collective semble légitimée, les écrivains du courant précédant ayant permis un rattrapage idéologique et créé une nouvelle mythologie du temps présent, ceux de maintenant refusent dorénavant de situer l’acte créateur dans les sphères d’influence des idéologies sociopolitiques et abandonnent l’interrogation inquiète sur le pays comme principal référant à l’œuvre littéraire. […]Après l’exploration du territoire du pays, l’époque est maintenant à l’inventaire des territoires de la page d’écriture et des possibles pouvoirs de la langue, le texte se faisant le nouveau lieu d’engagement de l’écrivain. C’est l’occasion des expérimentations et des transgressions […] de nouvelles avenues artistiques, une prise directe sur le présent, lui-même porteur des germes du futur. » (200)

- Littérature féministe : la contestation du passé et de ses valeurs entrainent l’émergence d’une femme et d’un homme nouveaux. Les femmes tentent de renouveler leur rapport à l’écriture, ce qui change tout le paysage littéraire québécois. (201)

- Romans de la modernité : le roman, genre majeur des années 1970, se caractérise par une déconstruction de l’intrigue linéaire, l’hétérogénéité des styles et des tons, la fusion des genres, la superposition des époques et une profonde mutation des personnages. La forme et le travail sur le langage (l’aventure de l’écriture) prennent le dessus sur le récit : « On trouve généralement dans ces récits multiformes une pluralité de voix narratrices, symboles de l'éclatement de l'autorité du narrateur, une narration fragmentée, un humour propre à désamorcer le sérieux du récit - et du réel -, la suppression de la syntaxe traditionnelle et une ponctuation libéralisée, sans oublier un ton pouvant allier le lyrisme et la bouffonnerie. » (p. 210)L’autoreprésentation et la narration à la première personne fait du roman la voix de l’inconscient. On assiste en plus à une mutation du genre : l’œuvre amalgame poésie, contes, journaux intimes et roman, en plus d’être marquée par l’intertextualité. La langue romanesque, quant à elle, emprunte beaucoup à l’oralité, proche de la réalité quotidienne. (210) Auteurs : Yolande Villemaire, Madeleine Ouellette-Michalska, Victor-Lévy Beaulieu, Michel Tremblay, Marie-Josée Thériault, Daniel Gagnon.

- Dans les années 1980-1990, l’individualisme et la désillusion entraînent une rupture avec le conformisme de la rupture. Épiphanie du « je » et de l’intimité, investie d’abord par les auteures féministes : « Ce nouveau lyrisme clame sur tous les tons le droit à la différence et invite chacun à trouver SA vérité, le sens de SA vie, à fleur de vie quotidienne. […] Un nouvel imaginaire urbain prend forme, qui se plaît à fusionner décor réel et décor intériorisé par l’écriture. » (239) L’amour comme objet de consommation devient un thème privilégié. L’imaginaire des anti-héros reprend le dessus sur la forme : la langue est toujours travaillée, mais de façon moins opaque que dans le courant précédant. Littérature de la désespérance, du quotidien ancré à Montréal, de la désillusion. Poursuite de l’identité américaine. (246) Auteurs : Jean-Yves Soucy, Jacques Poulin, Yves Beauchemin, Francine Noël, Robert Lalonde, Jacques Savoie, Monique Proulx, Louis Hamelin.

- Une parole néo-québécoise ou littérature migrante : Les auteurs québécois commencent à intégrer le cosmopolitisme des villes dans leurs romans. « En même temps que les écrivains d’origine québécoise dessinent le nouveau tracé de notre espace culturel, on assiste à l’émergence d’une parole néo-québécoise, comme si les uns répondaient à l’appel des autres. Des auteurs issus de communautés culturelles immigrées […] adoptent, en grand nombre, la culture francophone et investissent leur littérature d’adoption, conférant à cette dernière une maturité et une dimension toutes contemporaines. […] Leur identité, fuyante et fragmentée, est au centre de leurs écrits, qui se veulent, chacun, la sollicitation d’une place dans la littérature d’accueil. » (275) - Après l’enfermement sur soi et la progressive ouverture vers les États-Unis, « le processus est dorénavant irréversible : l’espace du roman devient pluriel et favorise le libre déplacement des imaginaires. » (283)

3. Cause(s) du pluriel

- 1960 : à la suite de la chute du clergé, le passage d’une société monolithique à une société pluraliste met fin aux courants artistiques et sociaux uniques, définis et associés à des époques bien délimitées : plusieurs courants se chevauchent; un auteur peut toucher à plusieurs de ces courants; une œuvre peut appartenir à un courant du point de vue thématique, à un autre du point de vue formel, etc. (199)

- Plus ouvert sur le monde après la Révolution tranquille, le Québec est perméable aux nouveaux courants de pensée (théories psychanalytiques, marxistes, linguistiques, structuralistes et écritures dites d’avant-garde) « et la littérature québécoise élargit ainsi le champ de ses interrogations depuis le fond jusqu’à la forme. » (201)

4. Traces du discours critique des années 1970 dans le discours critique contemporain

- Commentaire : La notion « d'anti-héros marginal, sans héritage et sans espoir » (246) peut rappeler le personnage du Nouveau roman.

- En continuité avec le courant de 1970 : « Dans cette quête du pays intérieur, la ville, lieu de la solitude individuelle physique et psychologique, de l'aliénation quotidienne, mais aussi foyer où l'écriture se joue et se vit, est présente plus que jamais dans la littérature québécoise, processus qui s'était déja amorcé dans le courant précédant, au début des années 1970. » (239)

- En parallèle, un désir de rupture avec l'époque du Refus global : « Après la frénétique période de transgression des années 1970, que certains artistes s'entêtent à maintenir encore deux décennies plus tard, d'autres, beaucoup plus nombreux, décident de rompre avec le conformisme de la rupture. » Inscription des courants, depuis le Refus Global, en opposition avec le courant précédant. (239)