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ranx:traumatisme

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[Traumatisme]

Bien plus que des caractéristiques psychologiques ou socio-économiques, c'est un parcours particulier qui caractérise [Traumatisme] et qui influe sur sa façon d'être. À la suite d’un évènement de rupture (par, exemple, un accident, une accusation, la mort d'un proche, un rejet, un nouvelle dépendance ou un nouveau milieu), ses repères habituels s'effritent et le contrôle de son existence lui échappe. Le rapport que [Traumatisme] entretenait avec son univers se modifie brusquement. Se développe une nouvelle façon de voir son environnement, qui se révèle hostile, hypocrite ou insignifiant, et cela force à changer sa façon d’y évoluer. [Traumatisme] n’y est plus en contrôle de son propre destin, celui-ci est désormais sous l'emprise de ces Autres. Parfois, cet empire peut aller jusqu'à influencer sa façon d'être : le regard des autres se collant progressivement à sa perspective introspective, jusqu’à questionner sa véritable nature.

Des exemples notables :

Damien North dans Un homme effacé d'Alexandre Postel ; Damien North, un professeur d’université qui mène une vie solitaire, est injustement visé par une accusation de pédophilie. Les gens deviennent méfiants face à lui. L’isolement et le rejet de son entourage le rendront véritablement fragile. Incapable de prouver son innocence, il sera emprisonné jusqu'à ce que le véritable coupable se rende à la police. Même une fois innocenté et repris par ses proches, il n'arrive plus à vivre de la même façon, désormais conscient de l'hypocrisie de son environnement. Le traumatisme lui fait perdre la notion de vérité et de mensonge, ce qui brouille le regard qu'il pose sur lui-même et la question de sa culpabilité ou de son innocence. Le doute est constamment présent : « Il avait failli tuer un homme en prison. […] il était semblable aux autres : violeurs, pédophiles […]. Était-il un homme dangereux ? De quoi était-il capable ? » (p. 207).

Alexandre Postel, Un homme effacé, Paris, Gallimard, 2013, 256 p.

Nadia dans Un cœur à l'étroit de Marie Ndiaye ; Nadia et son mari, Ange, sont professeurs dans une école primaire d’une petite communauté. Du jour au lendemain, le regard que leur entourage porte sur eux change drastiquement. On les insulte et on les rejette. Pour Nadia, le revirement soudain de son entourage - leur comportement incompréhensible et le regard qu'il porte tout à coup sur elle - est l'événement de rupture qui changera son existence et son rapport au monde. Tous ses repères habituels ne fonctionnent plus : elle perd la notion du temps et de l’espace, comme si elle se trouvait en plein cauchemar. Elle est en proie à un grave processus de défamiliarisation; ses sens détectent toutes sortes de modifications autour d’elle (créant une impression d’inquiétante étrangeté). Si elle ne reconnaît plus sa ville ni son mari, elle a également du mal à reconnaître son fils.

Marie NDiaye, Mon coeur à l'étroit, Paris, Gallimard, 2007, 298 p.
Documentation critique

Alphonse dans Les Affreux de Chloé Schmitt ; Un accident cardio-vasculaire fait basculer la vie d'Alphonse qui se retrouve du jour au lendemain complètement paralysé. Traumatisme violent s'il en est, cet événement change son existence et son rapport au monde du tout au tout. Il est toutefois, par sa condition, extrêmement dépendant des autres. Source de malaise chez ses proches qui ne parlent de lui qu'au passé, il devient de plus en plus isolé au fur et à mesure que ceux-ci l'abandonnent. Après que sa femme ait découvert qu'il la trompait avant son accident et qu'elle abandonne du même coup son rôle d'aidante, il sera logé par son frère alcoolique et violent. Désormais confiné à un rôle d’observateur, l'homme paralysé vit constamment le traumatisme de l’immobilité, de l'impuissance et de l'isolement.

Chloé Schmidt, Les affreux, Paris, Albin Michel, 2012, 188 p.

La jeune femme dans Espaces d'Olivia Tapiero ; Une jeune femme retrouve sa colocataire pendue dans sa chambre. Cet événement marque le début d'une errance; elle abandonne ses cours, quitte son logement sans en chercher un autre et se réfugie en divers endroits, au gré de ses rencontres et de ses fuites. Hanté par le visage de son ancienne colocataire, elle vagabonde dans la ville en cherchant « un point d'ancrage » (quatrième de couverture) auquel s'accrocher. Cet événement la laisse comme dépossédée d'elle-même, elle finit par ne devenir qu'un regard (p. 96).

Olivia Tapiero, Espaces, Montréal, XYZ, 2012, 130 p.
Orion

Max dans Au piano de Jean Echenoz ; L'événement qui fait basculer l'existence de Max est plutôt radical : la mort, violente, qui plus est. Pianiste alcoolique dans la vie qu'il vient de quitter, il se réincarne en Amérique puis se retrouve à Paris, barman dans un hôtel de passe. Cette deuxième vie est gérée par Béliard qui prend les décisions et fait appliquer les règles de la réincarnation. Lorsque, reconnu par son ancien assistant, il se remet au piano (alors qu'il est interdit de reprendre une ancienne occupation), il se fait immédiatement ramener dans l'au-delà, entièrement soumis aux régulations de Béliard. Max soupçonne être en fait en enfer, pris dans cette réitération cruelle sur laquelle il n'a aucun contrôle.

Jean Echenoz, Au piano, Paris, Éditions de Minuit, 2003, 224 p.
Documentation critique

L'homme aveugle dans Compression de Nicolas Bouyssi ; La disparition de la sœur de l'homme, dépendant d'elle par le fait de sa cécité, le plongera dans une grande détresse. Celle-ci devait le rencontrer dans un café, mais elle n’est jamais venue. De prime bord, cette absence inattendue lui fait perdre ses repères et l'abandonne dans un monde qui lui est difficile à interpréter. Cette disparition lui fait aussi connaître un aspect insoupçonné de sa sœur : la colocataire de cette dernière, engagée pour prendre soin de lui, la police qu'il alerte et l'ex-copain de sa soeur lui révèlent tour à tour les travers de son aînée qu'il avait pourtant toujours perçue comme un exemple de dévouement et de générosité. Peu à peu, l'hypocrisie et la sourde violence de leur relation fait surface. Non seulement l'homme se trouve-t-il soudain confronté à son monde, mais il se voit en plus forcé de renégocier sa relation avec sa soeur.

Nicolas Bouyssi, Compression, Paris, P.O.L., 2009, 176 p.

L'homme dans Pour une dernière fois, je m’abaisserai dans tes recoins de Patrick Drolet ; Ce cas en est un particulier dans le type du [Traumatisme]. Si l'on soupçonne vraisemblablement un parcours correspondant à celui évoqué plus haut, le roman ne donne accès qu'à l'homme une fois changé par l'événement de rupture. Il est habité d’une phobie dévorante de sa propre mémoire, sans jamais justifier son origine. Puisqu'il est question d'une mémoire qui poursuit, il ne semble pas exagéré de présumer un événement traumatisant, de rupture : « Elle détourne la situation, ma mémoire détourne tout. C'est elle… c'est elle qui m'humilie… C'est à elle de demander pardon… Elle doit cesser de… Elle s'amuse à me réanimer des passages oubliés… […] je ne suis pas certain, mais elle, ELLE le sait… VOUS COMPRENEZ… » (p. 53). Cette terreur a entraîné chez lui un comportement violent et impulsif; son projet est d'abattre sa mémoire, de la tuer.

Patrick Drolet, Pour une dernière fois, je m'abaisserai dans tes recoins, Montréal, Druide, 2013, 128 p.

Le fils Courge dans Le jour des corneilles de Jean-François Beauchemin ; Le fils Courge a vécu toute sa vie dans l'isolement total, vivant seul avec son père violent dans une cabane coupée de toute civilisation. Un jour, son père a un accident et ils doivent se rendre au village. Ce premier contact avec le monde sera un point tournant de l'existence du fils Courge (ce n'est d'ailleurs qu'à ce moment qu'il apprendra son nom). Il apprend que sa capacité langagière ne lui permet pas de communiquer adéquatement avec le reste des gens et il découvre le sentiment amoureux. De retour dans la forêt après le rétablissement de son père, son amour l'attire vers la ville et déclenche chez lui une réflexion sur le sens de sa vie et sur la signification des sentiments. Incapable de recevoir de son père des réponses à ses questions concernant les émotions, le fils en vient à le tuer et à le dépecer dans l'intention de trouver où se cachent ses sentiments.

Jean-François Beauchemin, Le jour des corneilles, Montréal, Les Allusifs, 2004, 160 p.
Orion

L'homme dans Faire l'amour de Jean-Philippe Toussaint ; La rupture du couple que formaient le narrateur et Marie crée une coupure difficile à vivre pour l'homme et il entamera dès lors une errance qui sera l'occasion de ruminer longuement ses pensées. Se sentant impuissant, la rupture entraîne un comportement inexplicable et incohérent, souvent très passif, contemplatif, puis violent. C'est l'événement qui le tétanise et brouille son rapport au monde et à lui-même, alors qu'il passe d'une envie de jeter une fiole d'acide au visage de Marie à la simple constatation que, peut-être, il ne l'aimait plus. Après la rupture, vient la remise en question : « Le jour se levait, et je songeais que c’en était fini de notre amour, c’était comme si je regardais notre amour se défaire devant moi, se dissiper avec la nuit, au rythme quasiment immobile du temps qui passe quand on en prend la mesure » (p. 83).

Jean-Philippe Toussaint, Faire l'amour, Paris, Éditions de Minuit, 2002, 180 p.
Documentation critique

_Wahad dans Visages retrouvés de Wajdi Mouawad ;_ Le jeune Wahad rentre chez lui le jour de son quatorzième anniversaire et ne reconnait plus les lieux, ni l'aspect physique de sa soeur et de sa mère : « Qui est-elle? Est-ce que c’est ma sœur? Wahad ne pouvait pas tout à fait dire oui, mais le contraire aurait été surprenant. Si cette femme n’est pas ma sœur, si l’autre, dans la cuisine, n’est pas ma mère, alors tout serait bouleversé dans la logique des choses : on laisserait une invitée seule à broder pendant que mon père, le chef de la famille, serait là, à regarder la télévision? Et ma mère, censée s’occuper d’un mari et de trois enfants, où est-elle passée? Que se passe-t-il ? » (p. 43). À partir de cet évènement, il soupe chez sa voisine et décide de ne plus rentrer chez lui, ayant peur de se faire gronder. De cette fugue initiale, Wahad commence son errance dans un monde qu'il ne reconnaît plus et remet tout en question.

Wajdi Mouawad, Visage retrouvé, Paris / Montréal, Actes Sud / Leméac, 2002, 216 p.
Orion
Documentation critique

Off dans La société de Dan Franck ; Off vit dans un local à bicyclettes et parle de sa vie d'avant. L'accident qui a bouleversé sa vie, la mort de sa femme et ses enfants, ne lui a plus jamais permis de vivre une vie dite normale. Errant, oisif et malheureux, il se promène dans la ville avec un caddie. La perte de sa famille l'a déconnecté de son existence et de son identité : « Qui suis-je si je n’y suis pour personne ? » (p. 201), dit-il. Depuis, il se laisse aller à l'errance, incapable de trouver un sens à sa vie : « Si je fuis, je me fiche pas mal de l’endroit où j’atterrirai. Le plus important, c’est de partir. Dans mon cas, arriver ne mène à rien. Et surtout, nulle part » (p.165).

Dan Franck, La société, Paris, Grasset, 2014, 240 p.

Andreï dans Le travail de l'huître de Jean Barbe ;

Au XIXe siècle, Andrei, un jeune paysan sibérien qui avait préalablement le dessein de tuer le tsar Alexandre II, devient invisible suite à une blessure à la tête lors d'une réunion de conspirateurs. À partir de cet événement on ne peut plus inusité, le personnage devient complètement coupé du reste du monde. Il ne peut plus communiquer avec les autres et sa vie change donc du tout au tout. Il n'a plus aucune prise sur son existence, si ce n'est que « d’être condamné à n’exister que par lui-même, en lui-même, sans jamais l’aumône d’un regard ou d’un geste » (p. 49).

Jean Barbe, Le travail de l’huître, Montréal, Leméac, 2008, 152 p.
Orion

Corps perdu - Laurent Chabin

Une femme dont l'âge est incertain, nommée Blanche, vit cloîtrée dans la chambre de la maison de ses parents âgés. Ceux-ci l'y ont enfermée à l'adolescence dans l'espoir de dissimuler sa grossesse au voisinage et, subséquemment, de réfréner ses pulsions sexuelles malsaines. Blanche est enfermée dans sa chambre pendant une bonne partie du roman et ses actions visent uniquement à satisfaire des besoins sensibles: nourriture, sexe, caresses, odeurs. Son traumatisme vient probablement de cet enfermement et de son initiation malsaine à la sexualité par cet amant souvent évoqué.

Le cas Sneijder - Jean-Paul Dubois

Paul Sneijder est l'unique survivant d'un dramatique accident d'ascenseur dans lequel sa fille (issue d'un précédent mariage) a perdu la vie. À la suite de cet évenement traumatique, il se retire alors du monde (professionnel, social et conjugal), passant ses soirées enfermé dans son bureau, en compagnie de l'urne funéraire de sa fille, à lire des magazines sur les ascenseurs pour tenter de comprendre ceux-ci. Malgré tout ce qu'il apprend sur leur fonctionnement, il n'arrive toutefois pas à comprendre “pourquoi” sa fille est morte, ne trouvant aucun réconfort dans les statistiques et les probabilités. Son détachement des autres est lié au drame qui le hante. Il en vient à briser continuellement les codes de la sociabilité. Un schisme existe entre le personnage d'avant l'accident et celui d'après: « En vérité, je crois que ce sont les gens bien plus que les immeubles qui me posent problème. […] Depuis l’accident, depuis que je suis sorti du coma, j’ai le sentiment d’avoir une perception plus affinée de la réalité. Comme si durant mon sommeil quelqu’un avait monté le son du vacarme du monde. Il me semble qu’il y a dans l’air quelque chose d’enfiévré, d’hystérique. » (p. 61)

L'inconsolable - Anne Godard

L'inconsolable, c'est une femme dont le fils s'est suicidé. Complètement refermée sur elle-même et sur son chagrin, ne pouvant ni oublier ni accepter cette mort, elle vit entièrement tournée vers le passé, au point de se couper de tous ceux qui l'entourent, y compris son mari, y compris ses autres enfants qui vivent encore. En étant entièrement refermée sur elle-même et tournée vers son passé, ce personnage se déconnecte du monde présent dans lequel elle vit. Son action et son interprétation sont constamment biaisées par le drame qu'elle vit et le chagrin qui en découle. On note la présence d'une complaisance dans le malheur de la traumatisée: “Tu as aimé sa mort tout de suite, tu t'y est sentie bien, comme si c'était enfin ta place, enfin le rôle qui t'attendait. TU as aimé sa mort qui te le donnait tout entier, plus que tu n'aurais jamais pu aimer sa vie. […] il devait mourir pour que toi, sa mère, tu puisses le pleurer toujours.” (p. 134)

Fugueuses - Suzanne Jacob

Émilie, mère de deux adolescentes (environ 13 et 16 ans), est submergé par l'émotion lorsqu'elle aperçoit les attentats du 11 septembre 2001 à la télévision. Dès lors, une étrange maladie la frappe: elle semble absente et s'évanouit régulièrement. Cela l'oblige par la suite à quitter le foyer familial pour se rendre en clinique. Le moindre petit changement risque de la déstabiliser.Elle fuit la réalité en vivant par procuration grâce à la série télé General Hospital, qu'elle écoute sans cesse. Elle dit d'ailleurs souvent que la vie est un cinéma duquel on ne peut pas se sortir. Ainsi, a cause de son traumatisme, le personnage d'Emilie s'enfonce de plus en plus.

Que la paix soit avec vous - Serge Joncour

Depuis un accident de travail qui l'a profondément traumatisé, le personnage principal s'est enfoncé dans l'oisiveté, passant le plus clair de son temps devant la télévision, mais cela ne suffit pas à lui redonner contact avec la réalité: « Parfois j'ai du mal à suivre, à cause de ce recul énorme que je prends en me couchant tard, la réalité s'assimile de plus en plus à une sphère inconnue. Comme si, du monde, je n'avais que les images et pas le son. » (p.113) Désoeuvré, n'ayant pas payé son loyer depuis plusieurs mois, l'homme s'intéresse particulièrement à la Guerre en Irak qui couve et se déroule sur l'écran comme un spectacle à grand déploiement.L'homme finit par être expulsé pour cause de défaut de paiement.

Écoute la pluie - Michèle Lesbre

Une femme attend le métro pour rejoindre son amoureux. Elle ne pense qu’à lui, elle a hâte d’être avec lui. Mais un événement imprévu se produit : un vieil homme sur la quai lui sourit, puis se jette sous le métro. Complètement bouleversée, le personnage s’enfuit, abandonne son rendez-vous amoureux et se comporte de façon irrationnelle. Seule, marchant dans les rues, elle se remémore plusieurs moments de sa relation amoureuse qui d'ailleurs, commence à battre de l'aile. Elle cherche à savoir qui est l'homme du métro; elle a l'impression de porter en elle la vie de cet homme, entré dans la sienne pour en ressortir aussitôt. Une chose est sûre, elle ne l'oubliera jamais, car elle sent que cet événement doit transformer sa vie. Elle parle en ces termes à son amoureux: « Ce fou rire incongru n'était sans doute que l'effet de ma sidération devant la béance qu'avait ouverte l'homme du métro. Tu étais sur l'autre rive, inatteignable et cependant si proche. Je tenais de trouver une passerelle entre lui et toi, entre nous trois, quelque chose d'infiniment ténu mais qui tisserait un lien que je pressentais confusément, quelque chose d'étrange provoqué par sa chute […]. » (p. 83).

Le jeu continue après ta mort: Les carnets secrets de Thout' Nielsporte, prince des jeux en ligne - Jean-Daniel Magnin

En 2039, Thout’ Nielsporte, un gamer prodigieux, est parvenu à créer la Pangée, un monde en ligne où la liberté est reine et la connection permanente. Jalousie, envies de vengeance et enjeux financiers menacent la Pangée. Des gamers tombent dans le coma (dans la vraie vie) alors que leurs avatars sont “piratés” par d'étranges entités. Thout' Nielsporte est atteint, ce qui entraîne, à terme, la destruction de Big Pizza. Dans la vraie vie, à laquelle il n'est pas du tout habitué ou adapté, Nielsporte essaie de comprendre ce qui à fait s'écrouler son rêve, sa création. La destruction de la plateforme Big Pizza a rendu Thout' Nielsporte complètement hagard, désemparé, démuni devant le monde réel et l'avenir qui s'étendent devant lui: « Mais ici bas, qui suis-je ? Où est passé mon caractère flamboyant qui avait pris de court tant de mes adversaires ? »

Le ciel de Bay City - Catherine Mavrikakis

Amy Duschenay a grandi sous le ciel mauve de Bay City, et a honte d'exister. Elle vit avec son oncle, sa tante, son cousin, sa mère - qui ne s'en occupe pas trop et lui préfère Angie, sa soeur morte-née - et son petit frère. Amy, à sa naissance, a échappé à la mort de justesse et est depuis « condamnée à la vie » (p. 16). Les manies de sa mère et de sa tante, venues en Amérique après la Seconde Guerre mondiale, la forcent à vivre par procuration la guerre et les tragédies survenues avant sa naissance. Hantée par la mort, Amy sent que le passé de sa famille cache une tragédie. Un jour de ménage, elle découvre dans un cagibi au sous-sol deux vieillards, les fantômes de ses grands-parents. Bouleversée parce que sa nièce vient de découvrir son secret, sa tante Babette lui révèle ses racines juives. Babette et sa soeur Denise, cachées dans une famille catholique, ont échappé aux camps, mais quarante-huit membres de leur famille y sont morts. Amy comprend alors qu'elle porte en elle le souvenir de ses ancêtres; sa douleur, son obsession pour la mort lui viennent de son passé. Malgré qu'elle soit née en Amérique bien après Auschwitz, les cadavres la hantent. Sa tante charge Amy de sauver l'âme de ses grands-parents. Elle décide alors de purifier sa vie par le feu et de brûler la maison pour que le passé disparaisse totalement. Toutefois, elle échappe malgré elle aux flammes. Malgré ce qu'on pourrait penser du souvenir que le personnage n'a pas vécu, elle est toutefois hantée par celui-ci à la manière d'un traumatisme postmémoriel: « Mon végétarisme cache aussi ma perte d'appétit. Avec le temps, je mange de moins en moins. Je suis devenue une vieille anorexique. Il y en a tant. Mastiquer est honteux et seuls les corps dans les camps de concentration me semblent réels. Je sais bien que je répète le passé, qu'il s'inscrit dans mon corps, à même ma chair. Je rejoue lamentablement l'holocauste. » (p.252)

Full of love - Richard Morgiève

Gérard, âgé de quarante ans, est un grand timide. Il semble être traumatisé par des événements de son enfance dont il n'a jamais su se libérer : la mort de sa mère et le suicide de son père. Ainsi, Gérard est prisonnier de « son cinéma », soit des souvenirs et surtout des fantasmes qui surgissent à tout bout de champ dans son esprit: sexe, adultère, sadomasochiste, scatophilie, viol, inceste, zoophilie, nécrophilie, etc. À cause de son traumatisme, Gérard est prisonnier de ses fantasmes qui lui font sans cesse et de plus en plus perdre contact avec la réalité et foncièrement mésadapté aux relations humaines et amoureuses.

Rouler - Christian Oster

Le personnage de Jean erre un peu au hasard vers le Sud de la France parce qu'il a besoin de sentir que le monde autour de lui bouge, change. Ce sentiment que l'immobilité est intolérable semble provenir d'un événement traumatisant, soit la mort d'une femme qui, après l'avoir quitté, est décédée.

Les mots des gorges (Nouvelle (Un renard à mains nues)) - Emmanuelle Pagano

Une jeune femme est seule au bord de la mer. Elle regarde les baigneurs et repense à une rupture récente. Les perceptions de la jeune femme, ainsi que sa compréhension du monde, sont floués. Elle est incapable de vivre le moment présent, ni même de le comprendre, car c’est l’homme qui l’a quittée qui accapare ses pensées. La vie se déroule devant elle, mais elle ne pense qu’à sa peine: «Je n’arrive pas à voir qui ils sont. De qui ils parlent. Peut-être de lui. Peut-être est-il là, parmi ceux du bord. Je pense si souvent à lui qu’il a le droit inouï de se trouver au centre de chaque conversation, parmi tous les riverains. » (p.17)

Tomber d'elle (Nouvelle (Un renard à mains nues)) - Emmanuelle Pagano

Depuis sa rupture amoureuse, le narrateur est incapable de recommencer une nouvelle vie et passe son temps à fouiller dans les poubelles, parfois pour vivre, mais souvent pour chercher des objets ayant appartenu à son ex-femme. Malgré ses études en lettres, il erre dans cet état désastreux. Lorsqu’il dit avoir fini de «tomber», il travaille dans une usine de tri des déchets. Le narrateur ne semble pas avoir de prise sur sa vie, mais surtout, ne semble pas vouloir faire autre chose qu’être parmi les déchets. Il est complètement démotivé et se sent incapable.Il ressasse sans arrêt ses souvenirs avec son ancienne flamme: «Je fais ce que personne ne veut faire, parce que je ne sais pas quoi faire d’autre. Je n’ai envie de rien. J’ai envie de ce que personne ne veut. […] J’ai toujours su merveilleusement écrire, c’est ce qu’elle disait, mais dès que j’ouvrais la bouche je gâchais tout, ça tombait à plat, ça tombait n’importe comment et même l’embrasser je n’ai jamais su.» (p.118)

Dondog - Antoine Volodine

La mort n'est qu'un passage, disent les chamanes. Après le décès, l'existence se poursuit comme avant. Simplement, le monde paraît plus crépusculaire. Les gestes ralentissent, l'intelligence décroît, la mémoire devient confuse. C'est ce qui arrive à Dondog, qui ne se rappelle que de quelques bribes de son enfance, durant l'extermination des Ybürs, la race dont il est issu. Dondog erre dans une ville futuriste anonyme, sombre, insalubre et mal famée à la recherche de Jessie Loo, une chamane qui devrait pouvoir l'aider à retrouver la mémoire et à comprendre pourquoi il veut se venger. La mort du personnage est ici l'évènement traumatique qui influe sur le récit.

ranx/traumatisme.1482424075.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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