Notice bibliographique : Roger Magini, Styx, Lachine, Les Éditions de la Pleine Lune, 2000, 92 p.
Lambert est un ramasseur d'épaves. Après avoir participé à la guerre d'Indochine, il est venu s'installer à Sainte-Luce-sur-mer, non loin de Rimouski, avec Coré, une Montagnaise ayant quitté sa réserve natale de Betsiamites, sur la Rive-Nord du Saint-Laurent. Après une terrible tempête, ils trouvent sur la plage un naufragé gravement mutilé, mais toujours vivant, qu'ils ramènent chez eux. Ils finissent par apprendre, par la garde côtière qui le recherche, que l'homme qu'ils ont recueilli est un skipper italien du nom de Palino qui participait à une course sur le fleuve. Plutôt que de soigner ou de faire soigner le naufragé, Coré et Lambert, persuadés qu'il préfère mourir paisiblement, le veillent durant les quelques jours que dure son agonie. C'est l'occasion pour Lambert de se remémorer les horreurs de la guerre à laquelle il a pris part et de s'interroger sur la vie et la compassion humaine. Lambert emportera finalement la dépouille du skipper pour la larguer dans le fleuve, au-dessus de l'épave du Empress of Ireland, pour que Palino soit accueilli parmi les autres naufragés de l'Histoire.
Explication : Narration hétérodiégétique, focalisée sur le personnage de Lambert.
Explication : En fait, il me semble qu'il s'agit ici plutôt d'un contre-exemple, que Lambert n'est pas vraiment en rupture. Je m'explique. À la guerre, il a violé des femmes, tué des innocents, etc. Trente ans plus tard, il est ramasseur d'épaves - métier pour le moins inusité - à Sainte-Luce-sur-mer et vit somme toute pauvrement. Bref, il a tout pour être déconnecté ou en rupture avec le monde, mais ce n'est pas le cas pour la simple raison que cet autre monde n'est pas présent dans le roman. Il n'est déconnecté de rien parce qu'il ne peut se déconnecter de rien. Les seuls autres personnages, à part Lambert, Coré et Palino, sont trois marins du village, encore plus bizarres que Lambert.
À un seul endroit, Lambert donne un indice sur l'élément susceptible de le différencier des autres hommes. Un soir qu'il veille le naufragé italien, il pense: “l'homme vit dans l'absurde face à l'immensité du toute et l'inertie, son réflexe est de fuir, d'escalader des montagnes, de traverser des déserts de glace ou de sable ou de faire le tour du monde en catamaran.” (57) Or, ce n'est pas son cas à lui, Lambert, de se démener ainsi; depuis trente ans, il ramasse des épaves à Sainte-Luce-sur-mer sans chercher quelque chose de plus substantifique ou transcendant.
Bref, pour pouvoir affirmer que Lambert est en rupture, il faudrait se baser sur notre propre regard sur le monde ou notre propre conception de l'individu, plutôt que sur les éléments présents dans le roman. Cela s'explique peut-être, entre autres, par la brièveté du roman, qui s'apparente un peu au genre de la novella par son nombre restreint de personnages et le degré de complexité de son intrigue.
Est-ce que Lambert pourrait être “bizarre”, mais sans être “déconnecté” ?
Explication : Ses années à la guerre ont semblé marqué Lambert, au point qu'il se voit désormais comme une sorte de Charron chargé d'accompagner les morts. Dans un même ordre d'idée, le nom du skipper italien, Palino, évoque celui de Palinure, capitaine du vaisseau d'Énée (l'Énéide est d'ailleurs souvent mentionnée dans le roman), emporté par la mer et dont le corps sans sépulture resta abandonné pendant un siècle sur les rives du Styx. Lambert a en quelque sorte décidé de s'occuper de Palino et de l'accompagner dans une mort paisible pour lui éviter de subir le même sort que son équivalent de l'Énéide. (voir fiche BDTOQC pour une explication plus détaillée de l'intertextualité dans Styx)
Explication :
Explication : Le roman ne contient pratiquement pas de mention de sensations. Lambert se dit d'ailleurs qu'il préfère “agir au lieu de rêver” (p. 56-57, notamment pour connaître quelle conception Lambert a de la vie).
Lieux représentés : La jungle du Viêt Nam, les rives du Saint-Laurent
Explication : Lieux durs où l'homme est souvent confronté à la mort, que ce soit sous la forme de soldats ou de naufragés.