=====FICHE DE LECTURE===== ==== I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE ==== **Auteur :** Joncour, Serge **Titre :** Que la paix soit avec vous **Éditeur :** Flammarion **Collection :** - **Année :** 2006 **Éditions ultérieures :** Poche chez J'ai lu (2008 et 2012) **Désignation générique :** roman **Quatrième de couverture :** Que la paix soit avec vous « Le soir, on allume sa télé comme on demande de l'aide, et souvent c'est l'inverse qui se produit. Pour une fois, le journal de la nuit s'étire bien au-delà de l'horaire habituel. Une édition spéciale parle d'armes de destruction massive dissimulées par un furieux dictateur, d'une guerre probable entre les États-Unis et l'Irak, une guerre mondiale pourquoi pas. Je regarde ça comme les prémices d'un film à grand spectacle, j'oscille entre panique et fascination. Dans le fond, je ne serais pas contre un grand chaos généralisé, si le monde s'emballait dans un dérèglement total je m'y sentirais bien plus à ma place. Rien n'explique mieux sa peur que d'en voir la cause étalée partout, dans les journaux, à la radio, à la télévision, partout. » S. J. ==== II- CONTENU GÉNÉRAL ==== **Résumé de l’œuvre :** En 2003, dans un immeuble vétuste assailli par des promoteurs désireux de le rénover afin de percevoir des loyers plus élevés, habite un homme anonyme qui passe le plus clair de ses journées à faire de la musculation et regarder les actualités à la télévision dans son minuscule appartement, le seul habité au dernier étage. Désoeuvré, n'ayant pas payé son loyer depuis plusieurs mois, l'homme s'intéresse particulièrement à la Guerre en Irak qui couve et se déroule sur l'écran comme un spectacle à grand déploiement. Il discute aussi quelquefois avec la voisine de l'étage inférieur, Mme Kinsver, qui lui raconte que l'autre logement du dernier étage, inhabité, appartient toujours à un certain Grossman, disparu pendant la Seconde Guerre mondiale, mais qui pourrait revenir à n'importe quel moment. Justement, l'homme entend souvent des bruits qui semblent provenir du logement soi-disant abandonné. Enfin, lorsque les promoteurs deviennent plus agressifs et entreprennent les travaux de rénovation, probablement dans l'espoir de chasser les rares derniers occupants, ceux-ci adoptent une attitude passive pour décourager les promoteurs, mais en vain. L'homme finit par être expulsé pour cause de défaut de paiement et se réfugie chez Mme Kinsver. **Thème(s) :** Télévision, solitude, guerre. ==== III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION ==== **Explication (intuitive mais argumentée) du choix :** Même si on ne retrouve pas dans le roman d'effets poétiques particuliers, la déconnexion du personnage me semble intéressante, surtout qu'il commente régulièrement son statut, ce qui permet de mieux comprendre ses motivations (ou son absence de motivation). Certains aspects du roman seraient, de plus, à mettre en relation avec //J'habite dans la télévision// de Chloé Delaume. **Appréciation globale :** Lecture agréable, pas trop longue et qui permet de nous replonger dans la Guerre en Irak telle que nous l'avons vue de loin. ==== IV – TYPE DE RUPTURE ==== === Validation du cas au point de vue de la rupture === ** a) actionnelle :** Explication : Devant le monde qui défile sans se soucier de lui, et sur lequel il sent n'avoir aucune emprise, le narrateur fait preuve d'une sorte d'individualisme résigné. Regardant religieusement les actualités, mais avec recul ou résignation, il semble détaché de tout. Il se rend par exemple à une manifestation contre la Guerre en Irak qui approche, mais sans conviction personnelle et uniquement pour représenter Mme Kinsver qui lui demande d'y aller pour elle. Seul l'importe le maintien de sa vie de reclus dans son petit appartement dont il ne paie plus le loyer depuis longtemps, mais espère sans trop savoir comment continuer à y vivre. Certains extraits laissent penser à une sorte de crise existentielle (existentialiste ?), le narrateur ne trouvant rien à quoi se raccrocher, ni valeur, ni dichotomie bien et mal, etc. : « Je ne serai jamais de ces époques où il y avait un choix définitif à faire, qui demandaient de s'en remettre à des valeurs suprêmes, des époques où l'on se révélait héros d'avoir osé parler ou de s'être tu. Toute certitude sur ma bravoure relève de la seule projection. Faut-il en avoir dans le ventre pour aller se battre, ou plus encore en n'y allant pas ? Est-il plus louable de mourir pour une idée que de vivre tout simplement pour soi ? En m'épargnant ces questions, l'Histoire aura fait de moi une ombre perdue dans sa propre paix, en quête de sa propre paix. Un partisan de l'espoir personnel, mais certainement pas un homme en paix. » (98) La Guerre en Irak, justement, agit comme dédoublement de cette crise des valeurs qui mène le narrateur à l'individualisme: “Les Américains [qui attaquent l'Irak sous de faux prétextes] sont devenus des ennemis et les Arabes des frères.”(113) Plusieurs citations de George W. Bush et Donald Rumsfeld viennent d'ailleurs souligner les motifs absurdes de cette invasion. Ce n'est pas que les projets du narrateur n'aboutissent pas, c'est plutôt que, devant un monde auquel il a l'impression de ne pas appartenir, de ne pas avoir de place, il n'y a pas d'intérêt à avoir des projets ; l'important étant plutôt de survivre envers et contre tout: « J'ai ce réflexe un peu européen de considérer par avance que les projets ne marcheront pas. Souvent, c'est moins du pessimisme qu'une lucidité sapée par trop d'échecs. » (44) Comme si, à force de contempler jour après jour les actualités à la télévision, le narrateur en était venu à ne plus entretenir le moindre espoir d'amélioration. Il le répète à plusieurs reprises dans le roman: ce qu'il veut, c'est la paix, avoir la paix. Et contrairement à ceux qui manifestent dans les rues contre l'invasion de l'Irak, la paix, pour lui, passe par un repli sur soi et un refus de l'engagement, de l'affrontement. Sauf que ça ne semble pas fonctionner puisqu'il affirme lui-même être devenu “un partisan de l'espoir personnel, mais certainement pas un homme en paix.” (98) À la fin, tout de même, il réalise que les manigances des promoteurs sont venues à bout de ses derniers retranchements: « Je sens bien que je n'ai plus le choix, que cette fois je vais devoir me battre, de fait on m'oblige à me battre. C'est comme si, malgré moi, quelque chose du mouvement du monde me rattrapait. Pourtant, en venant habiter ici, je ne cherchais rien d'autre que la paix, je pensais bien l'avoir trouvée. » (205) Le fait d'avoir une menace concrète qui plane au-dessus de sa tête, de sentir qu'il y a encore des bons et des méchants, des valeurs et des gens dignes d'être défendus, semble l'avoir plongé à nouveau dans le monde et tiré de l'inaction dans laquelle il pourrissait. Comme quoi l'adversité peut donner un sens à ce qui en semble dénué. Mais tout de même, on ne peut pas parler d'une résolution franche de l'intrigue. ** b) interprétative :** Depuis un accident de travail qui l'a profondément traumatisé, le personnage principal s'est enfoncé dans l'oisiveté, passant le plus clair de son temps devant la télévision, mais cela ne suffit pas à lui redonner contact avec la réalité: « Parfois j'ai du mal à suivre, à cause de ce recul énorme que je prends en me couchant tard, la réalité s'assimile de plus en plus à une sphère inconnue. Comme si, du monde, je n'avais que les images et pas le son. » (113) ==== V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES ==== À part le fait que l'intrigue soit minimale, rien de particulier.