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ranx:les_lisieres

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ranx:les_lisieres [2013/07/16 14:52] sebastienranx:les_lisieres [2018/02/15 13:57] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1
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 **Appréciation globale :**  **Appréciation globale :** 
  
-C'est long, mais vraiment là, long. Et répétitif. On pourra le constater en lisant les extraits que j'ai inséré dans cette fiche. Je crois que le mot le plus juste serait "lancinant". Ce roman est la description lancinante d'un désespoir sous toutes ses formes: sociale (sociétale, sociologique), générationnelle, amoureuse, idéologique... Et c'est lourd. Les dialogues sont interminables et peu crédibles. Chaque personnage est dépressif pour bien montrer que, selon l'auteur, la France l'est certainement elle aussi. +C'est long, mais vraiment là, long. Et répétitif. On pourra le constater en lisant les extraits que j'ai inséré dans cette fiche. Je crois que le mot le plus juste serait "lancinant". Ce roman est la description lancinante d'un désespoir sous toutes ses formes: sociale (sociétale, sociologique), générationnelle, amoureuse, idéologique... Et c'est lourd. Les dialogues sont interminables et peu crédibles. Chaque personnage est dépressif pour bien montrer que, selon l'auteur, la France l'est certainement elle aussi. D'ailleurs, dans sa critique du roman, Juliette Einhorn écrit : "si le salut ne réside pas dans la fuite et les perspectives neuves d’une vie qu’on construit de toutes pièces (ni à la mer, ni à Paris, ni même au Japon où il rêve de revenir avec femme et enfants), il réside encore moins dans l’enracinement : constat nihiliste donc, qui traduit avec une grande justesse la vacuité de nos vies périphériques, décentrées, dénuées de sens, trajectoires humaines comme assistées par ordinateur." ([[http://www.evene.fr/livres/actualite/faut-il-lire-les-lisieres-d-olivier-adam-1194281.php]])
  
 ==== IV – TYPE DE RUPTURE ==== ==== IV – TYPE DE RUPTURE ====
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 === Validation du cas au point de vue de la rupture === === Validation du cas au point de vue de la rupture ===
  
-** Sociale :** +** Sociale** 
  
-Je sais, je sais, ce n'est pas un des deux types de rupture "officiels", mais il me semble que le personnage de ce roman est véritablement déconnecté, sans pour autant que sa rupture puisse être qualifiée d'actionnelle ou d'interprétative (voir III). Et comme je n'ai pas envie d'avoir cet interminable roman pour rien, je tenais à faire une fiche, bon.+Je sais, je sais, ce n'est pas un des deux types de rupture "officiels", mais il me semble que le personnage de ce roman est véritablement déconnecté, sans pour autant que sa rupture puisse être qualifiée d'actionnelle ou d'interprétative (voir III). Et comme je n'ai pas envie d'avoir lu cet interminable roman pour rien, je tenais à faire une fiche, bon.
  
 +Lorsqu'il décrit la banlieue dortoir dans laquelle il a grandi : « Partout on se débattait, on se résignait, ça dépendait des jours, de la fatigue, des emmerdes, du boulot, des petits, de l’argent, de la santé. Je n’avais jamais pu m’y résoudre. Je m’étais toujours dit qu’il devait y avoir autre chose, du reste la plupart de mes amis s’enorgueillissaient de vivre une autre vie, mais je ne voyais pas très bien laquelle, ils bossaient, élevaient leurs enfants, partaient en vacances une ou deux fois par an, bien sûr ils étaient cultivés, lisaient des bouquins, les journaux, parlaient art et politique mais, fondamentalement, je ne voyais pas la différence. Il n’y avait qu’une seule vie. Et j’avais toujours été incapable de la vivre vraiment. Au final j’avais choisi de contourner l’obstacle. J’avais choisi de déserter. Je n’en étais pas spécialement fier. […] J’y (en Bretagne) menais une vie hors saison, une vie en lisière de la vie. » (40-41)
  
 +« J’avais beau avoir grandi dans un camp, j’avais beau me sentir toujours aussi mal à l’aise au milieu de la bourgeoisie intellectuelle qui peuplait majoritairement le milieu auquel je devais parfois me frotter par obligation professionnelle, j’étais passé de l’autre côté. En dépit de tout ce que je pouvais en dire ou écrire, je n’étais plus d’ici [la banlieue où il avait grandi). Et puisqu’il semblait acquis que je ne serais jamais non plus d’ailleurs, j’étais désormais condamné à errer au milieu de nulle part. » (153)
  
-Paul est, en somme, coincé, immanquablement étranger. On pourrait peut-être même lier cela à la conclusion de mon "explication du choix", soit le fait que le personnage principal des //Lisières// n'a ni besoin d'agir ou d'essayer d'interpréter pour être en rupture ; il l'est, tout simplement, quoi qu'il fasse ou qu'il en pense. Puisque aucun des actes de Paul ne lui permettra de se déconnecter ou se reconnecter et qu'il n'a pas vraiment de milieu - de monde - auquel se raccrocher, Paul n'est pas "déconnectable" ou "reconnectable". Il est condamné à être à la fois ici et là, ni ici ni là, en périphérie.+Quand il rencontre Éric, son meilleur ami de jeunesse, vingt ans après avoir disparu sans prévenir : « j’avais disparu avant de déserter tout à fait, le travail, la famille, la patrie, j’avais tout laissé derrière moi et je m’étais planqué là où était ma place, tout au bord, en lisière. » (172) 
 + 
 +Un de ses anciens amis lui dit qu’il (le narrateur) n’est pas fait pour le travail et la vie rangée qu’il sous-entend : « Tu es fait pour déserter, habiter poétiquement le monde et en rendre compte. » (176) \\ 
 +->"Habiter poétiquement le monde"... Il me semble que c'est une des plus flagrantes manifestations de l'héritage romantique de ce roman: à défaut de pouvoir profiter adéquatement du monde réel et brutal, mieux vaut se réfugier dans ses retranchements poétiques. 
 + 
 +« Je suis un être périphérique. Et j’ai le sentiment que tout vient de là. Les bordures m’ont fondé. Je ne peux jamais appartenir à quoi que ce soit. Et au monde  pas plus qu’à autre chose. Je suis sur la tranche. Présent, absent. À l’intérieur, à l’extérieur. Je ne peux jamais gagner le centre. J’ignore même où il se trouve et s’il existe vraiment. La périphérie m’a fondé. Mais je ne m’y sens plus chez moi. Je ne me sens aucune appartenance nulle part. Pareil pour ma famille. Je ne me sens plus y appartenir mais elle m’a définie. C’est un drôle de sentiment. Comme une malédiction. On a beau tenter de s’en délivrer, couper les ponts, ça vous poursuit. Je me suis rendu compte de ça le mois dernier. Mon enfance, les territoires où elle a eu lieu, la famille où j’ai grandi m’ont défini une fois pour toutes et pourtant j’ai le sentiment de ne pas leur appartenir, de ne pas leur être attaché. Les gens, les lieux. Du coup c’est comme si je me retrouvais suspendu dans le vide, condamné aux limbes. » (338)\\ 
 +-> Paul est, en somme, coincé, immanquablement étranger. On pourrait peut-être même lier cela à la conclusion de mon "explication du choix", soit le fait que le personnage principal des //Lisières// n'a ni besoin d'agir ou d'essayer d'interpréter pour être en rupture ; il l'est, tout simplement, quoi qu'il fasse ou qu'il en pense. Puisque aucun des actes de Paul ne lui permettra de se déconnecter ou se reconnecter et qu'il n'a pas vraiment de milieu - de monde - auquel se raccrocher, Paul n'est pas "déconnectable" ou "reconnectable". Il est condamné à être à la fois ici et là, ni ici ni là, en périphérie. 
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 +**Déconnexion en général** 
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 +Quand il va chercher les enfants chez son ex pour les ramener chez lui : « J’avais le sentiment d’avoir été expulsé de moi-même. Depuis six mois je n’étais plus qu’un fantôme, une écorce molle, une enveloppe vide. » (13-14) 
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 +« Écrire avait toujours été pour moi le seul moyen de me connecter au monde, de le sentir, d’en éprouver la texture, de m’assurer de son existence, et de la mienne au passage, et voilà qu’au moment où je me retrouvais plus que jamais suspendu dans le vide j’en étais devenu incapable. » (22) 
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 +« Et mon expulsion du foyer familial m’apparaissait comme un premier pas m’entraînant contre mon gré vers ma propre disparition. » (36) 
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 +Peut-être le seul exemple de rupture actionnelle de tout le roman: « Je n’ai rien répondu, je passais mon temps à ne rien répondre, à me laisser porter par les événements, à moitié absent, plus ou moins indifférent, au fond je ne prenais possession de ma vie que lorsque je l’écrivais et il y avait plus d’un an que je n’avais rien commis. » (312-313)  
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 +Le narrateur évoque aussi à plusieurs reprises sa totale absence de souvenirs avant ses dix ans et regrette d'être devenu aussi imperméable à certaines émotions. Par exemple, après avoir fini de vider la maison de ses parents (et de son enfance), alors que son père a déménagé dans une résidence pour personnes âgées et que sa mère est très mal en point à l’hôpital : « J’ai longtemps attendu que des souvenirs m’assaillent, que l’émotion m’étreigne, j’ai longtemps attendu le signe d’un déchirement. Mais rien n’est venu. Je me suis endormi, aussi vide, nu, dénué d’histoire et de mémoire que le serait bientôt la maison, sitôt les peintures refaites et la moquette remplacée. J’étais comme elle. J’effaçais les souvenirs. J’effaçais les traces. Année après année. Époque après époque. Coups de peinture après coup de peinture. Ne subsistait vraiment que la dernière couche. Le reste était désormais illisible. » (437-438)
  
 ==== V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES ==== ==== V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES ====
  
 Rien de notable, hormis la quasi-absence d'intrigue et de résolution. Rien de notable, hormis la quasi-absence d'intrigue et de résolution.
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 +**AUTRES**
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 +Olivier Adam a passé dix ans aux Éditions de l’Olivier avant de publier ce roman chez Flammarion. Comme la plupart de ses personnages sont tous assez mélancoliques, désespérés, hypersensibles, étrangers à eux-mêmes, etc., bref, un peu déconnectés, cela tend à confirmer mon observation selon laquelle les Éditions de l’Olivier sont une des principales pépinières du personnage déconnecté en France, au point que je me demande même s’il ne s’agit pas là d’une ligne éditoriale… 
ranx/les_lisieres.1374000762.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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