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ranx:le_ciel_anterieur [2013/12/01 17:22] – sebastien | ranx:le_ciel_anterieur [2018/02/15 13:57] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1 |
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==== IV – TYPE DE RUPTURE ==== | ==== IV – TYPE DE RUPTURE ==== |
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| La rupture (autant actionnelle qu'interprétative) de Marc se traduit souvent par une indétermination du personnage, laquelle est résumée par Pierre Orangel: |
| * "Il y avait une sorte de mystère chez lui, et les mystères ont la vie dure. Écoutez-moi: si vous avez un vice caché, une part d'ombre, eh bien gardez-les... Ne les éclairez pas. Ne cherchez pas, surtout, à faire tout la lumière. C'est avec son mystère qu'on traverse la vie [...] et c'est grâce à lui qu'on survit." (204)\\ |
| * "Il [Williams] était opaque, c'est cela, comme un grain de beauté douteux... Il était... C'est difficile à dire. Rien qui puisse le définir du premier coup d’œil. [...] Il y avait quelque chose en lui... comment dire? Quelque chose d'élusif, de réfractaire... Il n'accrochait pas beaucoup la lumière. Un type qui sortait du brouillard, de temps en temps, qui faisait une apparition dans le champ visuel, qui se retirait. Rien d'original, rien qui disait, chez lui: Regardez-moi j'en vaux la peine, je mérite qu'on s'intéresse à moi. C'est ce qui le rendait particulier. Il ne réclamait rien, surtout pas l'attention. Le monde est atrocement rempli d'originaux. Des originaux qui se ressemblent comme deux gouttes d'eau." (205) |
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=== Validation du cas au point de vue de la rupture === | === Validation du cas au point de vue de la rupture === |
Par exemple, il affirme souhaiter que "l'étendard de la subversion" (184) flotte sur le camping, mais à aucun moment auparavant il n'a manifesté la moindre tendance à la subversion (en fait, il a manifesté très peu d'émotions de tout le roman). Au contraire, son caractère réservé suggérait plutôt qu'il était du type à faire peu de vagues, à demeurer dans l'ombre.\\ | Par exemple, il affirme souhaiter que "l'étendard de la subversion" (184) flotte sur le camping, mais à aucun moment auparavant il n'a manifesté la moindre tendance à la subversion (en fait, il a manifesté très peu d'émotions de tout le roman). Au contraire, son caractère réservé suggérait plutôt qu'il était du type à faire peu de vagues, à demeurer dans l'ombre.\\ |
Un peu plus loin, il précise ce qu'il imagine pour le camping, mais il semble que ses intentions et ses souhaits découlent d'un impératif inconnu, un peu comme un gourou qui obéirait à d'obscurs commandements d'une entité supérieure: | Un peu plus loin, il précise ce qu'il imagine pour le camping, mais il semble que ses intentions et ses souhaits découlent d'un impératif inconnu, un peu comme un gourou qui obéirait à d'obscurs commandements d'une entité supérieure: |
* "J'étais convaincu qu'il //fallait//, autant que possible, réduire le contact avec l'extérieur; plus nous nous tiendrions à l'écart du monde et plus nous aurions de chances de réussir. [...] Nous allions vivre comme des sauvages, comme des hommes des bois. Nous allions rompre les amarres, nous arracher à nos habitudes. Voilà ce que j'avais dans la tête, en ce temps-là. Nous //devions// coucher nus sous l'arbre de la Littérature. Nous //devions// adorer des dieux que nous inventerions nous-mêmes. Nous //devions// creuser, au besoin avec nos ongles et nos dents, le mur du froid. Nous //devions//craindre la mort à chaque instant, et l'apprivoiser. La littérature, pensais-je, est une forme de religion, un peu plus exclusive et subtile que les autres." (184-185) (J'ai indiqué en italique les verbes modaux qui soulignent ici la **nécessité**, le besoin impérieux de faire certaines choses en particulier, bien que les raisons de ces actions ne soient nulle part mentionnées: bref, un problème de motivation mais une intention intacte.) | * "J'étais convaincu qu'il //fallait//, autant que possible, réduire le contact avec l'extérieur; plus nous nous tiendrions à l'écart du monde et plus nous aurions de chances de réussir. [...] Nous allions vivre comme des sauvages, comme des hommes des bois. Nous allions rompre les amarres, nous arracher à nos habitudes. Voilà ce que j'avais dans la tête, en ce temps-là. Nous //devions// coucher nus sous l'arbre de la Littérature. Nous //devions// adorer des dieux que nous inventerions nous-mêmes. Nous //devions// creuser, au besoin avec nos ongles et nos dents, le mur du froid. Nous //devions//craindre la mort à chaque instant, et l'apprivoiser. La littérature, pensais-je, est une forme de religion, un peu plus exclusive et subtile que les autres." (184-185) \\ (J'ai indiqué en italique les verbes modaux qui soulignent ici la **nécessité**, le besoin impérieux de faire certaines choses en particulier, bien que les raisons de ces actions ne soient nulle part mentionnées: bref, un problème de motivation mais une intention intacte.) |
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Autre exemple de ce problème de motivation: Quand les autres membres du groupe proposent d'aller saboter les éoliennes, Marc ne donne à aucun moment son avis; il ne semble ni enthousiaste ni inquiet, simplement un brin curieux: "Ainsi, pensai-je, nous nous apprêtions à commettre un forfait. Toucher aux câbles de la Loi. Quelles en seraient les conséquences ? Nous verrions bien." (260) | Autre exemple de ce problème de motivation: Quand les autres membres du groupe proposent d'aller saboter les éoliennes, Marc ne donne à aucun moment son avis; il ne semble ni enthousiaste ni inquiet, simplement un brin curieux: "Ainsi, pensai-je, nous nous apprêtions à commettre un forfait. Toucher aux câbles de la Loi. Quelles en seraient les conséquences ? Nous verrions bien." (260) |
De plus, Marc ne semble pas avoir envie de comprendre ce qui se passe autour de lui, il se contente de suivre les événements, du moins jusqu'à l'époque de l'atelier d'écriture, alors qu'il prend les choses en main. Par exemple, lorsqu'il va rejoindre ses admirateurs louches à Clermont-Ferrand, quantité d'indices suggèrent que ceux-ci sont des exhibitionnistes aux méthodes un peu spéciales, mais Marc ne remarque rien d'anormal ou, en tout cas, n'en fait pas part. Et quand le couple commence son manège (dans un lieu public, se déshabiller prestement, courir un peu, sentir la liberté sur chaque pore de la peau exposée, prendre une photo et se sauver avant que la police n'arrive), Marc ne s'en formalise pas le moins du monde, n'a pas l'air surpris du tout. En fait, il les aide un peu, prenant quelques photos, sans jamais se questionner ou interroger le couple, comprendre leur geste, etc. Dans ces moments, il a un peu l'allure d'un simple spectateur. | De plus, Marc ne semble pas avoir envie de comprendre ce qui se passe autour de lui, il se contente de suivre les événements, du moins jusqu'à l'époque de l'atelier d'écriture, alors qu'il prend les choses en main. Par exemple, lorsqu'il va rejoindre ses admirateurs louches à Clermont-Ferrand, quantité d'indices suggèrent que ceux-ci sont des exhibitionnistes aux méthodes un peu spéciales, mais Marc ne remarque rien d'anormal ou, en tout cas, n'en fait pas part. Et quand le couple commence son manège (dans un lieu public, se déshabiller prestement, courir un peu, sentir la liberté sur chaque pore de la peau exposée, prendre une photo et se sauver avant que la police n'arrive), Marc ne s'en formalise pas le moins du monde, n'a pas l'air surpris du tout. En fait, il les aide un peu, prenant quelques photos, sans jamais se questionner ou interroger le couple, comprendre leur geste, etc. Dans ces moments, il a un peu l'allure d'un simple spectateur. |
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Enfin, l'indétermination de Marc (autant actionnelle qu'interprétative) est résumée par Pierre Orangel: | |
* "Il y avait une sorte de mystère chez lui, et les mystères ont la vie dure. Écoutez-moi: si vous avez un vice caché, une part d'ombre, eh bien gardez-les... Ne les éclairez pas. Ne cherchez pas, surtout, à faire tout la lumière. C'est avec son mystère qu'on traverse la vie [...] et c'est grâce à lui qu'on survit." (204)\\ | |
* "Il [Williams] était opaque, c'est cela, comme un grain de beauté douteux... Il était... C'est difficile à dire. Rien qui puisse le définir du premier coup d’œil. [...] Il y avait quelque chose en lui... comment dire? Quelque chose d'élusif, de réfractaire... Il n'accrochait pas beaucoup la lumière. Un type qui sortait du brouillard, de temps en temps, qui faisait une apparition dans le champ visuel, qui se retirait. Rien d'original, rien qui disait, chez lui: Regardez-moi j'en vaux la peine, je mérite qu'on s'intéresse à moi. C'est ce qui le rendait particulier. Il ne réclamait rien, surtout pas l'attention. Le monde est atrocement rempli d'originaux. Des originaux qui se ressemblent comme deux gouttes d'eau." (205) | |
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==== V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES ==== | ==== V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES ==== |