Auteur : Olivier Adam
Titre : Kyoto Limited Express
Éditeur : Points
Collection :
Année : 2010
Éditions ultérieures :
Désignation générique : Roman
Cote : 3
“Pour Simon Steiner, revenir à Kyoto, c’est retrouver les lieux du bonheur enfui. Sa vie ne se ressemble plus, pourtant ici tout demeure inchangé. Il déambule, entre mélancolie et ravissement, dans la douceur apaisante des souvenirs et des paysages. Un pèlerinage japonais sur la trace des absentes, au fil des temples, des ruelles et des bars.”
Le personnage-narrateur est de retour à Kyoto, ville où il vécut heureux avec sa femme et sa fille. Or, sa femme et sa fille ne sont plus avec lui. Revivant le passé, ne pouvant s'en détacher, le personnage se contente maintenant d'errer d'un lieu à un autre afin de contempler la ville et son bonheur perdu.
Le passé, l'errance, la contemplation?
Ce roman met en scène un personnage extrêmement passif et contemplatif, attaché à Kyoto où rien ne le retient en dehors de ses souvenirs. IL a abandonné son quotidien, sa vie d'avant, pour retourner à Kyoto et s'imprégner de la ville, de ses souvenirs, ne rien faire d'autre. C'est cette importance accordée au passé qui pousse le personnage à se déconnecter du monde.
“Partout priaient des hommes et des femmes de tous âges. Je n'avais jamais été croyant ni même tenté de l'être mais voir ces gens fermer les yeux et se concentrer sur leur vie, chérir leurs absents et trembler pour les leurs au milieu des cèdres immenses m'émouvait au-delà de toute raison. À mon tour j'ai laissé couler l'eau sur mes poignets, fait tinter la cloche et frappé dans mes mains […]. Chaque jour je me livrais à ce rituel, il m'était devenu indispensable, me ramenait au sens même de ma présence ici, dans cette ville où rien ne me retenait, où je flottais et laissais dériver ma vie.” (p. 53-54).
Roman très bref, en dialogue avec de belles photographies de Kyoto. Le lecteur ressent toute la beauté et le calme que le personnage-narrateur confère à Kyoto. Une lecture reposante, malgré le drame que vit le personnage au fond de lui.
a) Comme déjà mentionné, le personnage est passif et contemplatif. Loin d'être un homme d'action, il se contente de retourner sur les lieux de son passé et de prier pour le retour de sa femme (on ne sait pas ce qui s'est passé, mais on comprend que sa femme vit toujours quelque part, séparée de lui, et que leur fille est peut-être morte, mais ce n'est dit à aucun moment).
Errant dans Kyoto, cherchant des traces du passé, le personnage-narrateur ne poursuit aucun but, n'a aucune intention. Le rapport qu'il entretient avec l'une de ses amie à Kyoto en est un bon exemple : ressentant de l'affection et de l'attirance l'un envers l'autre, il leur serait facile d'entamer une relation débordant des cadres de l'amitié (de fait, leur relation est déjà ambiguë). Or, le personnage-narrateur ne veut rien développer avec elle, dit ne rien avoir à lui offrir :
“Ses mains, sa bouche, son visage, tout en elle était d'une douceur insensée, tout aurait dû me rendre à moitié dingue, mais je n'étais plus assez vivant pour ça, j'avais encore une ombre mais c'était tout ce qu'il restait de moi. Je n'avais plus d'énergie que pour des éclats, des fragments épars, un baiser, un battement de coeur, une étreinte volée au néant.” (p. 116).
Le personnage est d'ailleurs frappé par la vue d'une femme sénile, à la recherche de son chien disparu depuis deux ans. À la suite d'un retour réflexif sur lui-même, il se dit comme elle : “au fond nous étions pareils elle et moi, hagards et perdus, traquant dans la rivière livrée aux oiseaux la trace d'êtres enfuis depuis déjà longtemps.” (p. 64).
Bref, les seules actions ou déplacements qu'il effectue lui viennent de ses affects, de ses sensations et de ses impressions. Seuls ses souvenirs et les sentiments qu'il ressent par rapport à eux le guide dans son errance.
b) La rupture est principalement actionnelle; il n'y a pas grand-chose à dire sur le plan interprétatif.
Narration autodiégétique dans un roman faiblement configuré. Aucune intrigue, aucun rapport de causalité entre les “épisodes”. IL s'agit plutôt de plusieurs moments juxtaposés les uns aux autres. L'un des chapitres, intitulé “notes de chevet” ne fait que rassembler et énumérer, sous divers thèmes, toutes sortes de choses observées par le personnage-narrateur. Le “roman” est donc linéaire mais fragmenté, rempli de blancs. Il illustre à merveille ce que France et Andrée ont appelé la “narration du sensible”.