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ranx:j_habite_dans_la_television

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-Notice bibliographique : DELAUME, Chloé, //J'habite dans la télévision//, Paris, Verticales, 2006, 169 p.+=====FICHE DE LECTURE===== 
 +==== I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE ====
  
  
 +**Auteur :** Delaume, Chloé
  
-== Résumé de l’œuvre ==+**Titre :** J'habite dans la télévision
  
-Au départ, le plan de Chloé Delaume est de passer 22 mois à regarder la télévision, dans l'optique d'étudier ses effets sur le corps et l'esprit, façon Morgan Spurlock dans //Supersize me//. Le compte-rendu de cette expérience autofictionnelle (autofictive?) se présente sous la forme de 27 "pièces" constituant une sorte de document d'étude pour le ministère de la Culture et du Divertissement culturelles. En "réalité", Delaume arrêtera l'expérimentation au bout de 16 mois, au bord de la crise de nerfs, selon ses dires, après avoir pris du poids, effectué des achats compulsifs, modifié ses opinions personnelles "contre son gré" et senti une folie addictive la gagner chaque jour un peu plus. Dans le roman, la narratrice finit par disparaître, mystérieusement avalée par la télévision, manière figurée d'illustrer le dernier paragraphe « Je ne suis plus qu’une parcelle. La fiction collective sait imposer des cartes en guise de territoire, c’est même à l’Ogre qu’on doit l’idée. Je n’ai pas su protéger mon cerveau, son temps est aboli, il n’est que disponible. Mais au moins, voyez-vous, j’ai ma narration propre. Sachez sauver la vôtre avant qu’il ne soit trop tard. » (p. 168)+**Éditeur :** Verticales
  
-== Narration Autodiégétique ==+**Collection :** -
  
-Explication Chloé Delaume raconte son expérimentation à la première personne, dans un livre à mi-chemin entre l'auto-fiction, la performance, le documentaire et l'essai.+**Année :** 2006
  
 +**Éditions ultérieures :**  Édition poche en 2009 chez Flammarion (J'ai lu Nouvelle génération)
  
-== Personnage(s) en rupture Chloé Delaume == +**Désignation générique :** 
  
 +**Quatrième de couverture :** 
  
 +«Ce que nous vendons à Coca-Cola c'est du temps de cerveau humain disponible.» (Patrick Lelay).
  
-== A) Nature de la rupture interprétative == +Chloé Delaume a voulu comprendre en quoi consistait la mise en disponibilité mentale des téléspectateurs. Durant 22 mois, du lever au coucher, elle s'est faite «sentinelle» de la télévision, devenant son propre sujet d'étude, se soumettant aux flux de messages médiatiques et publicitaires, ingurgitant le maximum de programmes de divertissement, téléréalité surtout, pour en ramener « des informations du réel ». À travers cette expérience limite, la narratrice décrypte sa mutation en cours cerveau et corps se modifient inéluctablement. Quand l'humain n'est plus qu'un outil au service de « la fiction collective ». 
  
-Explication : La narratrice répète à plusieurs reprises les propos de Patrick Le Layancien président de TF1: "Ce que nous vendons à Coca-Colac'est du temps de cerveau humain disponible"Justement, à force de s'imprégner, de s'imbiber de matériel audio-visuel, le cerveau de la narratrice en vient à être entièrement disponible, comme une éponge qui ne pourrait absorber que ce que crache la télé, mais pas ce que la réalité autour lui envoie.+J'habite dans la télévision est un puzzle où chaque pièce pullule de références, de propos télé-rapportésappliquant au discours du neuromarketing une grille de lecture singulière, dont la lucidité a parfois des accents paranoïaquesL'humour de Chloé Delaume sédimente ce texte et invite chacun à s'interroger sur la marge de manœuvre de son libre arbitre.
  
-Sa dépendance à la télévision va en augmentant, ainsi que le montrent les extraits suivants, dans lesquels la narratrice décrit sa progressive fusion avec l'appareil:+==== II- CONTENU GÉNÉRAL ====
  
-« C’est la troisième semaine, j’ai de nouveaux repères. La télévision me structure. Jadapte mon biorythme au sien, imperceptiblement. […] Tout ce que je dois effectuer dans la journée se passe sur mon ordinateur en compagnie de la télévision. Je ne rate rien de ce qu’elle me dit du monde et de ses actualités. » (p. 58)+**Résumé de lœuvre :** 
  
-« En ce début de deuxième mois je me suis vue parler à la télévision, oui, lui parler et lui répondreÀ la fin de l’intro de chaque documentaire ou programme approchant, je lui demande pourquoiElle me répond tout de suitepar le biais de la voix off ou d’un témoin quelconqueParfois l’animateur sait même anticiper. Je partage désormais le rythme de pensée de la télévision. Agencement et orchestrationjadhère à sa syntaxe, son flux m’est familier à un point inconnu et toujours pénétrant. » (p. 77)+Au départ, le plan de Chloé Delaume est de passer 22 mois à regarder la télévision, dans l'optique d'étudier ses effets sur le corps et l'esprit, façon Morgan Spurlock dans Supersize meLe compte-rendu de cette expérience autofictionnelle (autofictive?) se présente sous la forme de 27 “pièces” constituant une sorte de document d'étude pour le ministère de la Culture et du Divertissement culturellesEn “réalité”, Delaume arrêtera l'expérimentation au bout de 16 moisau bord de la crise de nerfs, selon ses dires, après avoir pris du poids, effectué des achats compulsifs, modifié ses opinions personnelles “contre son gré” et senti une folie addictive la gagner chaque jour un peu plusDans le roman, la narratrice finit par disparaître, mystérieusement avalée par la télévision, manière figurée d'illustrer le dernier paragraphe : « Je ne suis plus qu’une parcelleLa fiction collective sait imposer des cartes en guise de territoirecest même à l’Ogre qu’on doit l’idée. Je n’ai pas su protéger mon cerveau, son temps est aboli, il n’est que disponible. Mais au moins, voyez-vous, j’ai ma narration propre. Sachez sauver la vôtre avant qu’il ne soit trop tard. » (p. 168)
  
-Lors d'une pause de deux jourssa première après presque trois mois d'expérience, elle réalise bien vite que la télé lui manque : « Je sais que jirais mieux, beaucoup mieux et tout de suitesi je passais ne serait-ce qu’une demi-heure avec elle [la télévision]. » (p. 93)+En générall'expérience artistique et pseudo-scientifique de Delaume revient à se transposer dans un univers parallèle qui n'est pas conciliable avec l'univers de départ: « C’est parce que je suis morte aux yeux de votre monde que je suis dans lici. » (p. 24); « Je n’ai pas pris d’affaires. Même pas ma brosse à dents. Je n’ai besoin de rien. De plus rien. J’habite dans le grand tout désormaisfinalement. Le grand tout où l’on est ce qu’il faut désirer. » (p. 29)
  
-Finalement, la narratrice finit par disparaître dans la télévision (voir fin du résumé). 
  
 +**Thème(s) :** Médias, télévision, technologie, conformisme, individualité, autofiction, documentaire
  
 +==== III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION ====
  
 +**Explication (intuitive mais argumentée) du choix :** À la fois roman et/ou auto-fiction, performance, documentaire et essai, //J'habite dans la télévision// est surtout un pamphlet virulent contre l'effet néfaste de la télévision - et surtout d'un surplus de télévision - sur la vie de quelqu'un. L'oeuvre est pertinente dans la mesure où l'on s'intéresse à l'influence de la technologie sur les personnages romanesques. À ce propos, le roman [[Que la paix soit avec vous|Que la paix soit avec vous]] de Serge Joncour, lui aussi paru en 2006, traite également de l'emprise et du pouvoir débilitant de la télévision.
  
-== B) Origine de la rupture : mondaine ? == 
  
-Explication L'expérience artistique et pseudo-scientifique de Delaume revient à se transposer dans un univers parallèle qui n'est pas conciliable avec l'univers de départ: « C’est parce que je suis morte aux yeux de votre monde que je suis dans l’ici. » (p. 24); « Je n’ai pas pris d’affaires. Même pas ma brosse à dents. Je n’ai besoin de rien. De plus rien. J’habite dans le grand tout désormais, finalement. Le grand tout où l’on est ce qu’il faut désirer. » (p. 29)+**Appréciation globale :** 
  
-De plus, je souligne que le roman //Que la paix soit avec vous// de Serge Joncour, lui aussi paru en 2006, traite également de l'emprise et du pouvoir débilitant de la télévision.+==== IV – TYPE DE RUPTURE ====
  
 +=== Validation du cas au point de vue de la rupture ===
  
-== C) Manifestations : cognitives == 
  
-Cognitive La narratrice tente d'expliquer la manière dont son cerveau se soumet à la télévision, se détachant ainsi de plus en plus de la réalité et perdant son libre-arbitre: « Le cerveau reptilien attire les convoitises, parce que c’est en son sein que sont prises toutes les décisions d’action. Le cerveau reptilien a le désavantage d’être ce que l’homme a en lui de plus primitif. Ses réactions sont prévisibles face à certains dispositifs, le cerveau reptilien est con comme un balai, il est rigide et compulsif, on ne peut pas lui faire confiance je tiens à vous prévenir tout de suite. » (p. 33)+** b) interprétative :** 
  
 +Explication : La narratrice répète à plusieurs reprises les propos de Patrick Le Lay, ancien président de TF1: “Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible”. Justement, à force de s'imprégner, de s'imbiber de matériel audio-visuel, le cerveau de la narratrice en vient à être entièrement disponible, comme une éponge qui ne pourrait absorber que ce que crache la télé, mais pas ce que la réalité autour lui envoie.
  
 +Sa dépendance à la télévision va en augmentant, ainsi que le montrent les extraits suivants, dans lesquels la narratrice décrit sa progressive fusion avec l'appareil:
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 +« C’est la troisième semaine, j’ai de nouveaux repères. La télévision me structure. J’adapte mon biorythme au sien, imperceptiblement. […] Tout ce que je dois effectuer dans la journée se passe sur mon ordinateur en compagnie de la télévision. Je ne rate rien de ce qu’elle me dit du monde et de ses actualités. » (p. 58)
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 +« En ce début de deuxième mois je me suis vue parler à la télévision, oui, lui parler et lui répondre. À la fin de l’intro de chaque documentaire ou programme approchant, je lui demande pourquoi. Elle me répond tout de suite, par le biais de la voix off ou d’un témoin quelconque. Parfois l’animateur sait même anticiper. Je partage désormais le rythme de pensée de la télévision. Agencement et orchestration, j’adhère à sa syntaxe, son flux m’est familier à un point inconnu et toujours pénétrant. » (p. 77)
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 +Lors d'une pause de deux jours, sa première après presque trois mois d'expérience, elle réalise bien vite que la télé lui manque : « Je sais que j’irais mieux, beaucoup mieux et tout de suite, si je passais ne serait-ce qu’une demi-heure avec elle [la télévision]. » (p. 93)
  
-== D) Objets : portions du monde indéchiffrables ==+Les relations de la narratrice avec le monde hors-télé deviennent de plus en plus minimales puisqu'elle est de plus en plus conditionnée à appréhender la réalité par le biais de la télévision. Finalement, elle finit par disparaître dans la télévision.
  
-Explication : Ses relations avec le monde hors-télé deviennent de plus en plus minimales puisqu'elle est de plus en plus conditionnée à appréhender la réalité par le biais de la télévision+Voici également un extrait dans lequel on voit bien comment le cerveau de la narratrice se soumet à la télévision, comment il se détache de plus en plus de la réalité, perd son libre-arbitre et sa faculté de réagir normalement: « Le cerveau reptilien attire les convoitises, parce que c’est en son sein que sont prises toutes les décisions d’action. Le cerveau reptilien a le désavantage d’être ce que l’homme a en lui de plus primitif. Ses réactions sont prévisibles face à certains dispositifs, le cerveau reptilien est con comme un balai, il est rigide et compulsif, on ne peut pas lui faire confiance je tiens à vous prévenir tout de suite. » (p33)
  
 +==== V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES ====
  
-== EManifestations spatiales : - ==+Point délicat puisqu'il ne s'agit pas //vraiment// d'un roman. L'aspect documentaire/scientifique est tantôt exploité à fond tantôt mis de côté au profit d'un plus grand investissement romanesque/fictionnel. La chronologie est de mise pour rendre plus éloquents les effets de la télévision sur le personnage et on peut dire qu'il y a une certaine résolution (romanesque plus que scientifiqueà la fin, lorsque Chloé Delaume est avalée par la télévision.
  
-Lieux représentés :  +[[J'habite dans la télévision - Ancienne fiche]]
-Explication :+
ranx/j_habite_dans_la_television.1354160591.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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