Les deux révisions précédentesRévision précédenteProchaine révision | Révision précédente |
ranx:fiche_barthes [2009/11/30 17:10] – genevieve | ranx:fiche_barthes [2018/02/15 13:57] (Version actuelle) – modification externe 127.0.0.1 |
---|
====== Introduction ====== | ====== I ====== |
| |
| |
| ====== Introduction ====== |
| |
L'objectif de Roland Barthes est de défendre l'acte critique en dépit des réticences formulées à l'égard de la subjectivité d'une telle approche. En réinvestissant la posture critique, il se porte également défenseur de la "Nouvelle critique". | L'objectif de Roland Barthes est de défendre l'acte critique en dépit des réticences formulées à l'égard de la subjectivité d'une telle approche. En réinvestissant la posture critique, il se porte également défenseur de la "Nouvelle critique". |
| |
Et le point culminant de sa démonstration vise à remettre en doute l’attaque contre le symbole lui-même. : « Mais pourquoi, après tout, cette surdité aux symboles, cette asymbolie ? Qu’est-ce donc qui menace, dans le symbole ? Fondement du livre, pourquoi le sens multiple met-il en danger la parole autour du livre ? Et pourquoi, encore une fois, aujourd’hui ? » (p. 42) | Et le point culminant de sa démonstration vise à remettre en doute l’attaque contre le symbole lui-même. : « Mais pourquoi, après tout, cette surdité aux symboles, cette asymbolie ? Qu’est-ce donc qui menace, dans le symbole ? Fondement du livre, pourquoi le sens multiple met-il en danger la parole autour du livre ? Et pourquoi, encore une fois, aujourd’hui ? » (p. 42) |
| |
| ====== II ====== |
| |
| Après avoir déboulonné point par point l'ancienne critique, Barthes se consacre ensuite à la démonstration d'une critique idéale, celle de la Nouvelle Critique. Il tente d'abord de montrer que l'oeuvre en elle-même comporte une part critique. Il perçoit donc un rapport de contiguïté entre l'oeuvre et sa critique, invitant ainsi à penser que l'écriture est la même d'un exercice à l'autre, soit critique. |
| |
| > [D]epuis près de cent ans, depuis Mallarmé sans doute, un remaniement important des lieux de notre littérature est en cours : ce qui s’échange, se pénètre et s’unifie, c’est la double fonction, poétique et critique, de l’écriture ; non seulement les écrivains font eux-mêmes de la critique, mais leur œuvre, souvent énonce les conditions de sa naissance (Proust) ou même de son absence (Blanchot) ; un même langage tend à circuler partout dans la littérature, et jusque derrière lui-même ; le livre est ainsi pris à revers par celui qui le fait ; il n’y a plus ni poètes ni romanciers : il n’y a plus qu’une écriture. » (p. 45-46) |
| |
| ===== La crise du commentaire ===== |
| |
| Une définition de l'écrivain est donc élaborée à partir de cette idée que l'écriture est en soi un acte critique, engagé par rapport à la parole en tant que trace d'une énonciation difficile, contrainte, lourde : « L’écrivain ne peut se définir en termes de rôle ou de valeur, mais seulement par une certaine conscience de parole. Est écrivain celui pour qui le langage fait problème, qui en éprouve la profondeur, non l’instrumentalité ou la beauté. » (p. 46) |
| |
| Sont donc réunis sous un même //combat// l'écrivain et le critique : « l’écrivain et le critique se rejoignent dans la même condition difficile, face au même objet : le langage » (p. 47) |
| |
| La crise du commentaire repose sur cette nouvelle approche du langage. Alors que le langage n'avait jamais jusqu'à présent posé problème en tant que discours subjectif et soumis à sa propre contrainte énonciative, la Nouvelle Critique remet en question la référentialité du langage. Cette façon de concevoir le langage a des implications sur le langage lui-même mais également sur tout ce que désigne le langage. Le monde tel que conçu se voit donc ébranlé : |
| |
| > Une transformation de la parole discursive est sans doute en cours, celle-là même qui rapproche le critique de l’écrivain : nous entrons dans une crise générale du Commentaire, aussi importante, peut-être, que celle qui a marqué, relativement au même problème, le passage du moyen âge à la Renaissance. […] Cette crise est en effet inévitable à partir du moment où l’on découvre – ou redécouvre – la nature symbolique du langage, ou, si l’on préfère, la nature linguistique du symbole. C’est ce qui se passe aujourd’hui, sous l’action conjuguée de la psychanalyse et du structuralisme. Pendant longtemps, la société classico-bourgeoise a vu dans la parole un instrument ou une décoration ; nous y voyons maintenant un signe et une vérité. Tout ce qui est touché par le langage est donc d’une certaine façon remis en cause : la philosophie, les sciences humaines, la littérature. (p. 48-49) |
| |
| ===== Quels sont les rapports de l’œuvre et du langage ? ===== |
| |
| Affirmer que le langage est problématique et que celui-ci est le vecteur principal sur lequel repose l'œuvre littéraire remet en question la définition même de l'œuvre et de sa teneur symbolique : |
| |
| > La définition même de l’œuvre change : elle n’est plus un fait historique, elle devient un fait anthropologique, puisque aucune histoire ne l’épuise. La variété des sens ne relève donc pas d'une vue relativiste sur les mœurs humaines ; elle désigne, non un penchant de la société à l’erreur, mais une disposition de l’œuvre à l’ouverture ; l’œuvre détient en même temps plusieurs sens, par structure, non par infirmité de ceux qui la lisent. C’est en cela qu’elle est symbolique : le symbole, ce n’est pas l’image, c’est la pluralité même des sens. (p. 50) |
| |
| Barthes tient également à préciser que l'imprécision du langage n'est pas liée à une approche lecturale du langage. Ce n'est pas l'interprétation, en aval du processus d'énonciation, qui est visée ici, mais davantage le langage comme tel, quant à lui en amont. C'est ce qu'il défend en s'appuyant sur la théorie de Jakobson : |
| |
| > R. Jakobson a insisté sur l’ambiguïté constitutive du message poétique (littéraire) ; cela veut dire que cette ambiguïté ne relève pas d’une vue esthétique sur les « libertés » de l’interprétation, encore moins d’une censure morale sur ses risques, mais qu’on peut la formuler en termes de code : la langue symbolique à laquelle appartiennent les œuvres littéraires est par structure une langue plurielle, dont le code est fait de telle sorte que toute parole (toute œuvre), par lui engendrée, a des sens multiples. (p. 53) |
| |
| Barthes s'éloigne également des lectures génétique, historique et sociale de l'oeuvre littéraire : « l’œuvre est pour nous sans contingence, et c’est même peut-être ce qui la définit le mieux : l’œuvre n’est entourée, désignée, protégée, dirigée par aucune situation, aucune vie pratique n’est là pour nous dire le sens qu’il faut lui donner » (p. 54) |
| |
| Une distinction est faite entre la lecture et la critique dans la mesure où la seconde passe inévitablement par le langage, un filtre qui fait s'éloigner le critique de l'objet littéraire analysé. Qui plus est, il ajoute une troisième distinction : la Science : « Comme la donation de sens peut être écrite ou silencieuse, on séparera la lecture de l’œuvre, de sa critique : la première est immédiate ; la seconde est médiatisée par un langage intermédiare, qui est l’écriture du critique. Science, Critique, Lecture, telles sont les trois paroles qu’il nous faut parcourir pour tresser autour de l’œuvre sa couronne de langage. » (p. 56) |
| |
| Il présente chacune de ces perspectives dans les parties subséquentes. |
| |
| ==== La Science de la littérature ==== |
| |
| La science est définit comme suit, selon Barthes : |
| |
| > Il faudra donc accepter de redistribuer les objets de la science littéraire. L’auteur, l’œuvre ne sont que le départ d’une analyse dont l’horizon est un langage : il ne peut y avoir une science de Dante de Shakespeare ou de Racine, mais seulement une science du discours. Cette science aura deux grands territoires, selon les signes dont elle traitera ; le premier comprendra les signes inférieurs à la phrase, tels les anciennes figures, les phénomènes de connotation, les « anomalies sémantiques », etc., bref tous les traits du langage littéraire dans son ensemble ; le second comprendra les signes supérieurs à la hrase, les parties du discours d’où l’on peut induire une structure du récit, du message poétique, du texte discursif, etc. Grandes et petites unités du discours sont évidemment dans un rapport d’intégration (comme les phonèmes par rapport aux mots et les mots par rapport à la phrase), mais elles constituent en niveaux indépendants de description. Pris de cette façon, le texte littéraire s’offrira à des analyses sûres, mais il est évident que ces analyses laisseront hors de leur atteinte un résidu énorme. Ce résidu correspondra assez à ce que nous jugeons aujourd’hui essentiel dans l’œuvre (le génie personnel, l’art, l’humanité), à moins que nous ne reprenions intérêt et amour pour la vérité des mythes. (p. 61-62) |
| |
| Le critère de la littérarité d’un texte repose sur l'aspect intelligible du texte : « Ce qui intéressera la science de la littérature, ce n’est pas que l’œuvre ait existé, ce sens qu’elle ait été comprise et qu’elle le soit encore : l’intelligible sera la source de son « objectivité ». (p. 62) |
| |
| ==== La critique ==== |
| |
| La critique doit obéir à trois règles : « de ce qu’elle réfléchit, elle doit tout transformer; ne transformer que suivant certaines lois; transformer toujours dans le même sens. Ce sont là les trois contraintes de la critique. » (p. 64) |
| |
| Est précisé ensuite ce qu'on entend par la contrainte de « tout transformer » : « La première contrainte est de considérer que dans l’œuvre tout est signifiant : une grammaire n’est pas bien décrite si toutes les phrases ne peuvent s’y expliquer ; un système de sens est inaccompli, si toutes les paroles ne peuvent s’y ranger à une place intelligible » (p. 65) |
| |
| Le critique, lui-même, est abordé de manière à faire ressortir son rapport au langage : « Quel rapport un critique peut-il avoir avec le langage ? C’est de ce côté qu’il faut chercher à définir la « subjectivité » du critique. » (p. 70) |
| |
| Le problème du sujet fait également surface. Le sujet du discours n'est pas maîtrisé de manière absolue et unique. Il échappe à son énonciateur, de la même façon que le langage lui-même se dérobe : |
| |
| > La critique classique forme la croyance naïve que le sujet est un « plein », et que les rapports du sujet et du langage sont ceux d’un contenu et d’une expression. Le recours au discours symbolique conduit, semble-t-il, à une croyance inverse : le sujet n’est pas une plénitude individuelle qu’on a le droit ou non d’évacuer dans le langage (selon le « genre » littéraire que l’on choisit), mais au contraire un vide autour duquel l’écrivain tresse une parole infiniment transformée (insérée dans une chaîne de transformation), en sorte que toute écriture qui ne ment pas désigne, non les attributs intérieurs du sujet, mais son absence. (p. 70) |
| |
| Il insiste : « la critique et l’œuvre disent toujours : je suis littérature, et que, par leurs voix conjuguées, la littérature n’énonce jamais que l’absence du sujet. » (p. 71) |
| |
| Le critique ne transforme pas le discours littéraire dans une langue autre. Il transforme l'objet littéraire à partir de cette même langue mais emprunte une voie différente pour dégager le sens contenu dans l'oeuvre : « La critique n’est pas une traduction, mais une périphrase. » (p. 72) |
| |
| ==== La lecture ==== |
| |
| Le critique n'est pas le lecteur. Il s'agit de deux instances distinctes. Ce qui les différencie c'est l'écriture, ce « médiateur redoutable » (p. 76). La lecture ne s'inscrit pas dans un exercice d'écriture, d'où son écart avec le geste du critique : « Passer de la lecture à la critique, c’est changer de désir, c’est désirer non plus l’œuvre, mais son propre langage. » (p. 79) |
| |
| |
| |