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Notice bibliographique : Pierre BERGOUNIOUX, Ce pas et le suivant , Paris, Gallimard (NRF), 1985, 192 pages.
Résumé de l’œuvre :
Le narrateur, anonyme, vit à Cisternes avec sa mère. Au village, il est invisible et inférieur à tous, idiot et affublé d'un « mufle crevé»,son visage ayant été déformé par le froid. La situation précaire de sa mère le force à quitter l'école et à chercher du travail au village. C'est en revenant d'une journée de travail épuisant que le narrateur entrevoit la fille des propriétaires du domaine des Bordes; à la vue de ce visage lumineux, il demande vingt ans. Vingt ans de labeur pour s'enrichir, s'éduquer et parvenir à passer à l'avant du décor, vingt ans pour retrouver la « paix profonde dont son apparition [l]'avait instantanément privé ». (p. 28) Il quitte sa mère pour trouver du travail dans les mines, les forêts, les chantiers, et revient, à pied, au printemps, à Cisternes. Il dort dans les forêts, adossé aux arbres, et apprend le français, la langue noble qui l'élèvera à un nouveau rang, en parlant aux saules et en récitant la grammaire à haute voix.
Un jour, un accident de travail lui coûte son oeil gauche. Lorsqu'il revient au village, la Première guerre mondiale éclate, et il apprend que la fille des Bordes s'est mariée, puis, l'année suivante, qu'elle est morte, laissant derrière elle une petite fille. Le borgne se console dans le travail, répétitif, exténuant, de scieur et dans la marche. Sauvage, isolé du monde, il travaille pour suffire à la demande en bois, croissante pendant la guerre.
Après l'armistice, il revient à Cisternes et, malgré l'animosité des villageois, achète des terres avec l'imposante quantité d'argent amassée pendant la guerre. Il repique ces terres nettoyées avec des conifères qui lui assureront sa richesse. Un jour, il croise par hasard l'orpheline, la seconde « fille-lumière ». Il achète les Bordes, adopte la fillette et retrouve la paix jusqu'au mariage de celle-ci. Durant la Seconde guerre, elle se suicide. Le borgne prend alors en charge l'enfant qu'elle laisse, sachant très bien qu'un jour ou l'autre, elle lui sera enlevée et qu'il pourra alors attendre la mort.
Narration : autodiégétique
Explication : Le narrateur raconte son histoire de façon chronologique, à l'exception du premier chapitre qui se déroule en 1914 (le récit en tant que tel commence en 1904, alors que le narrateur a 17 ans).
Le roman ne comporte à peu près aucun dialogue. Les rares bribes de discours rapporté se limitent à des phrases isolées. Les monologues que le narrateur adresse aux saules sont intégrés dans le corps du texte sans signe distinctif. La parole du narrateur est d'ailleurs problématique : à force de solitude, il semble avoir de la difficulté à différencier les discours du « dedans » - intérieurs - et du « dehors » - prononcés à haute voix. Cette difficulté affecte toute fois assez peu ses rapports avec les autres. En effet, il semble que le narrateur, à force d'étudier les grammaires, soit capable de s'exprimer de façon très élaborée avec les hommes d'affaires (notamment le banquier de Bordeaux). Le texte est d'ailleurs très imagé, rempli de métaphores et de figures de style, et rend bien l'attitude contemplative, le regard très sensible du narrateur sur le monde.
Personnage(s) en rupture : Le Borgne
A) Nature de la rupture :
Explication :
B) Origine de la rupture : mondaine
Explication : Le récit repose totalement sur le désir du personnage de s'élever vers un rang social très au-dessus du sien afin d'être digne de s'approcher de celle qu'il convoite. Son parcours est particulièrement laborieux à cause de son aspect extérieur : hirsute, borgne et défiguré, il est perçu comme un idiot par la vaste majorité des gens. À plusieurs reprises, ceux qu'il croise font mine de ne pas le voir (voir citations). Quelques fois, la rupture mondaine se concrétise par des attaques directes, physiques, difficiles à justifier pour le lecteur (p. 131-132).
C) Manifestations : physiques, visuelles, langagières
Explication :
D) Objets : ...
Explication :
E) Manifestations spatiales : ...
Lieux représentés : Explication :
F) Citations pertinentes :
p. 24 : « Je crois surprendre aussi, au fond des années, le regard inquiet de maman. Il me faut donc supposer que c'est à chaque instant qu'elle a cherché un sursaut, un émoi dans la grosse stupéfaction animale où j'étais tombé. Le masque usé que je surprends encore dans les surfaces réfléchissantes, l'eau, le fer des haches, me convainc qu'autrefois j'ai failli m'éteindre tout à fait, retrouver sans les avoir quittés vraiment le froid, le noir l'indifférencié. »
p. 29 : « Lescure occupait toute la porte. Ses yeux étaient braqués sur moi, mais j'étais comme transparent. Ils semblaient fixer la terre à quelques pas en arrière. À la fin, pourtant, j'ai repris mon opacité. Il a tiré dix sous de son gousset et me les a tendus. »