FICHE DE LECTURE
Note : Cette biographie ne convient pas vraiment à la définition de la biographie fictive telle que nous la «traquons», mais je me permets de faire une courte fiche de cette biographie pour deux raisons : 1- Virginia Woolf est, nous le savons, une personnalité marquante dans notre corpus, tant en tant que biographe qu’en tant que biographée de choix pour les auteurs. 2- Cette biographie s’inscrit dans une lignée à laquelle Martine Boyer-Weinmann s’est intéressée lors du colloque sur la problématique vie/œuvre, soit celle de la vie d’un écrivain racontée par un témoin de sa vie. Ici, c’est le fils de Vita Sackville-West qui est un témoin privilégié de Virginia Woolf.
INFORMATIONS PARATEXTUELLES
Auteur : Nigel Nicolson Titre : Virginia Woolf Lieu : Montréal Édition : Fides, Coll. «Grandes figures, grandes signatures» Année : [2000] 2002 Pages : 227 p. Cote : Université de Montréal : PR 6045 O72 Z79612 2002 Désignation générique : Aucune Bibliographie de l’auteur : Nigel Nicolson est l'auteur de Portrait d'un mariage, la biographie de ses parents et d'Une longue vie, ses propres mémoires. Il a également publié des ouvrages sur la politique et sur les arts, et a obtenu le prix Whitbread pour sa biographie de Mary Curzon. Député au Parlement britannique depuis plusieurs années, il est l'un des fondateurs des Éditions Weidenfeld & Nicolson. Il vit en Angleterre, à Sissinghurst, la propriété de ses ancêtres. Biographé : Virginia Woolf
Quatrième de couverture : La vie de Virginia Woolf, membre du cercle avant - gardiste de Bloomsbury, ne laisse pas d'intriguer. Nigel Nicolson, le fils des écrivains Harold Nicolson et de Vita Sackville - West - l'une des plus proches amies de Virginia Woolf -, puise dans ses souvenirs pour raconter l'histoire de Virginia. Nicolson évoque son enfance avec Virginia, ses promenades autour de la propriété ancestrale, son ébauche d'Orlando ou encore la création des célèbres Mrs. Dalloway et Vers le phare. Cet ouvrage explore notamment les positions de Virginia Woolf sur le féminisme et la nature de la guerre, et révèle la profonde admiration de l'auteur pour cet incomparable écrivain.
Préface : Aucune
Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : Quelques photographies parsèment le livre.
LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) :
Auteur/narrateur : C’est Nicolson qui raconte, se mettant en scène dès que la situation le permet ; non pas de façon majeure, mais de façon à rapporter diverses anecdotes qui semblent soit 1- des confirmations de ce qui est avancé, soit 2- des témoignages sur les diverses personnalités (dont Virginia) ou encore 3- pour défaire des arguments avancés par d’autres ou 4- pour le simple plaisir de la chose. Exemples : 1- «…où 30 ans plus tard je trouvai leurs signatures dans le livre d’or.» p.35 2- À propos de Leonard : «Je m’en souviens comme d’une personne gentille, mais assez redoutable. Son embarras avec les enfants nous mettait mal à l’aise. Ses mains tremblaient perpétuellement ; il ne pouvait soulever une tasse de thé sans en renverser la moitié : cela nous fascinait.» (p.60) 3-« Hermione Lee souligne dans sa biographie de Virginia Woolf que l’antisémitisme de la haute bourgeoisie anglaise perdura jusque dans les années 1930. On ne doit pas exagérer ce trait dans le cas de Virginia, car elle-même ne l’exagérait pas ; cela n’en reste pas moins déplaisant.» (p.62) 4- «Clive en avait remis un exemplaire [de Deux histoires, le tout premier livre imprimé par la Hogarth Press] à ma mère, avant sa rencontre avec Virginia. Je la chérissais depuis la mort de Vita, mais, ayant eu la sottise de raconter à un groupe de visiteurs qu’un exemplaire du même livre s’était récemment vendu 8 500 £ aux enchères, la plaquette disparut deux jours plus tard de la bibliothèque. Je ne l’ai évidemment jamais revue !» (p.77-78)
Narrateur/personnage : Le narrateur met en scène les idées et la philosophie de Virginia, mais s’amuse souvent à relativiser un bon nombre de ses propos.
Biographe/biographé : L’auteur est dans une position de témoin, mais s’appuie sur d’autres informations pour livrer une biographie complète de Woolf. Il semble lui vouer une certaine admiration, mais je qualifierais son rapport à la biographée «d’honnête». En effet, bien qu’il entre un rapport affectif direct dans sa relation avec la biographée et ses relations, il dévoile sans fausse pudeur, par exemple, les aspects concernant ses propres parents et la relation homosexuelle de sa mère et Virginia.
L’ORGANISATION TEXTUELLE
Synopsis : Suit la chronologie de la vie de Woolf.
Ancrage référentiel : Très marqué ; tout est vrai
Indices de fiction : Non.
Rapports vie/œuvre : Peu marqué.
Thématisation de l’écriture et de la lecture : Dans la mesure où ils servent les faits.
Thématisation de la biographie : Elle est thématisée à l’occasion, entre autres parce qu’il signale les arguments de biographes avec lesquels il n’est pas d’accord (par exemple, l’importance amplifiée que des biographes ont donné à l’affaire du canular de Dreadnought, p.51) ; ou encore il rétracte aussi certains points de vue qu’il a émis dans d’autres écrits : «J’ai un jour utilisé le mot “frigidité” pour parler de la sexualité de Virginia ; c’était une erreur. Les lettres qu’ils s’adressèrent, les rares fois où ils furent séparés, sont pleines d’ardeur.» (p.64) Ou encore émettre des commentaires sur le complexité de l’entreprise : «Leur relation [Vita et Virginia] est si étonnante que chaque biographe en a donné une interprétation différente.» (p.102) / «Je me trouve ici en face d’une réelle difficulté : raconter la vie d’une femme que j’ai admirée et aimée tout en prenant position contre ses convictions les plus profondes sur un sujet crucial de son existence.» (p.189)
Hybridation : Non
Différenciation : Non
Transposition : Non
LA LECTURE
Pacte de lecture : référentiel.
Attitude de lecture : Petit livre agréable, sans grande portée si ce n’est la vision du témoin. Je dois dire que sa déconstruction de la pensée de Virginia fait parfois sourire (elle fait très «english male litterary establishment»), mais son hypothèse comme quoi «Virginia dramatise l’affaire dans ses souvenirs» (p.20) en ce qui concerne les agressions sexuelles de son frère est particulièrement révoltante. S’il concède que ces deux demi-frères se sont adonné à des attouchements sexuels parce qu’ils concevaient une passion perverse pour les sœurs Stephen, le fait qu’il n’aurait certainement pas été jusqu’au viol complet, selon lui, dédramatise l’affaire…
Lecteur/lectrice : Manon Auger