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Informations paratextuelles Auteur : DUHON, Christine Titre : Une année amoureuse de Virginia Woolf Éditions : Olivier Orban Collection : Année : 1990 Appellation générique : roman Bibliographie de l’auteur : Duhon a déjà écrit deux ouvrages sous le nom de Christine Rheims. Quatrième de couverture : Une question initiale : « Les grands écrivains aiment-ils de façon désintéressée ? ». Une histoire, celle de Virginia Woolf. À Monk’s House, en 1927, Virginia Woolf entretient une relation amoureuse avec Vita Sackville West. V. Woolf s’en inspire pour écrire Orlando, après avoir obtenue l’approbation de Vita. Il est question de l’écriture parfois laborieuse de Orlando et de la présence des maris, de leur complaisance ou de leur compréhension.
Pacte de lecture Abstraction faite de l’appellation générique (roman), on ne retrouve aucun pacte dans le paratexte. Toutefois, la réplique suivante, énoncée par V. Woolf au sujet de Orlando, pourrait être considéré comme une mise en abyme du code : « J’aimerais révolutionner la technique de la biographie, ajouta Virginia. Mais ce sera un tout petit livre » (p. 87). À certains égards, on pourrait comparer la démarche de Mahon à celle de V. Woolf (voir relation sujets d’énonciation/d’énoncé ci-dessous).
Les relations Auteur/narrateur La présence d’une note en bas de page (p. 180) venant préciser ce qu’est le « prix Fémina » devrait être mise au compte de l’auteure. Le reste relèverait du narrateur.
Narrateur/personnage Le narrateur n’apparaît pas à titre de personnage.
Sujet d’énonciation/sujet d’énoncé Il y a une similitude entre les deux sujets. En effet, à l’instar de Woolf qui s’est inspirée d’un personnage réel (l’écrivaine Vita S. West, son amante) pour écrire une œuvre de fiction, Mahon s’est inspirée de la vie amoureuse de Woolf, écrivaine bien entendu, pour écrire une fiction. West et Woolf sont les héroïnes respectives des œuvre de Woolf et Mahon, sauf que Vita Sackville West apparaît sous la forme d’Orlando, personnage androgyne, dans l’œuvre de Woolf, alors que Woolf demeure elle-même dans le roman de Mahon.
Le biographé Il s’agit bien sûr de Virginia Woolf, auteure de Mrs Dalloway et La Promenade au phare (allusion à la page 37). D’autres personnages jouent un rôle important. Les principaux sont Vita Sackville West, son mari Harold Nicolson et le mari de V. Woolf, Leonard Woolf. On a parfois accès à leurs pensées (voir indices de fiction).
Ancrage référentiel Les noms des personnages, les lieux l’époque appartiennent au réel, au domaine du vérifiable. Voir par ailleurs le statut ambigu des lettres (section hybridation, etc. ci-dessous). Certains détails sont présentés comme vrais : « Depuis leur mariage ⎯ la date était brodée à l’intérieur de sa veste : 10 août 1912 ⎯ il n’avait jamais cessé de veiller sur elle » (p. 11). Référence à l’histoire en général : « Souvent Vita avait envisagé d’emmener Virginia à Vienne, auprès du célèbre Dr Freud qui, disait-on, soignait le mal de vivre par l’hypnose ». (p. 23-24). « Virginia avait entendu à la radio que ce 1er décembre 1927 serait le jour le plus court et la nuit la plus froide de l’année. C’était pourtant la date qu’elle avait choisie pour fêter son anniversaire. Elle avait eu quarante-cinq ans dix mois auparavant ⎯ le 25 janvier exactement ⎯, mais elle se plaisait à bouleverser et redistribuer l’ordre des choses en respectant l’essentiel : Virginia Stephen ne pouvait être née qu’en hiver. » (p. 82)
Indices de fiction L’indice de fiction le plus important (et peut-être le seul) est la représentation des pensées des personnages. Dans l’extrait suivant, V.W. se regarde dans le miroir et se met à penser : « Elle jeta un coup d’œil dans son miroir, haussa les épaules, tant sa façon de se vêtir lui paraissait anachronique. Elle s’était pourtant juré, en enfilant sa robe bleu marine, en laçant ses godillots aux bouts carrés, de ne plus jamais céder à ces tourments-là. Être mal habillée ne devait plus être une raison suffisante pour décommander un dîner. Ne soyons pas si futile, ne laissons pas l’apparence vaincre le contenu, se répéta-t-elle tandis qu’elle cachait son tablier roulé en chiffon et ses sandales de mercenaire sous son lit. » (p. 17) […] « Elle contempla à nouveau son image dans le miroir. » (p. 18).
Allusion à la folie de V.W. comme dans ce passage en dialogue direct : « Keats, Pope, Dryden, sir Thomas Browne confondus en un seul Shakespeare devaient être tapis derrière le dos du bureau, tous réunis en un monstre à cinq têtes qui soufflait des mots. Des mots idiots parce qu’ils étaient jaloux de son héros : Un héros qui écrit ? interrogea Keats. Mais Virginia, vous avez perdu la raison ? Cette fois on reconnaissait l’intonation grave de sir Thomas Browne. Quoi de plus fou ? demandaient-ils, leurs cinq voix mêlées. Orlando écrira et sa prose sera pure et belle. Avec le manche de son coupe-papier, elle battit l’air et tenta d’attraper une tête qui se dérobait derrière le secrétaire. Taisez-vous et laissez-moi travailler. Elle souffla comme si elle voulait éloigner Keats, Dryden, Browne et Shakespeare. » (p. 189-190)
Les pensées de Leonard Woolf sont égalements décrites : « Depuis leur première rencontre à un dîner offert par son beau-frère, Clive Bell, Leonard redoutait l’attirance qui semblait rapprocher de plus en plus les deux romancières. Pendant les deux années de la maladie de Virginia, il avait bien eu une aventure avec Margaret Llewelyn Davies, mais lui avait des circonstances atténuantes. Elle [V.W.] n’en possédait aucune. » (p. 32) ; « Il restait convaincu que si sa femme cédé lorsqu’il lui demanda d’enrichir ses plates-bandes avec l’argent gagné grâce à Mrs Dalloway, c’était pour offrir des commodités à Vita lorsqu’elle viendrait à Monk’s House. » (p. 33-34).
Thématisation de l’écriture C’est bien le projet d’écriture d’une œuvre de fiction, Orlando, qui est commenté dans le livre de Mahon. Au sujet : 1) de la genèse : « C’était une permission qu’elle demandait à Leonard. Mais elle regretta immédiatement ses paroles. Elle eut envie d’implorer le pardon de l’homme qui lui avait permis de survivre et d’écrire. Comment lui imposer de publier un roman dont l’héroïne serait son amante ! » (p. 40) (voir aussi dialogues entre Virginia et son mari aux pages 38-39). 2) du processus de féminisation du héros : « Virginia humecta les contours de l’enveloppe puis sur une feuille libre elle écrivit ;
‘Il vit la lune...’ ‘Il dirigeait de vastes propriétés... ‘Il partait après le déjeuner... ‘Il cherchait pendant une demi-heure...’ ‘Il, il, il... Il ne lui est plus possible de mentir, de risquer de tarir sa source d’inspiration en s’éloignant de la réalité. Orlando était une femme parce que Vita est une femme. Alors, comme l’on fait des gammes, Virginia réécrivit : ‘Elle vit la lune...’ ‘Elle dirigeait de vastes propriétés...’ ‘Elle partait après le déjeuner...’ ‘Elle chechait pendant une demi-heure...’ Elle, elle, elle. ‘Elle n’ait pas d’encre et de papier noir, elle fit de l’encre avec des mûres et du vin’. Elle, elle, elle. Le poignet de Virginia s’assouplissait sous le galbe de ce prénom féminin tandis qu’elle se sentait capable de repartir à l’aventure, de réinventer des événements fantastiques, surnaturels pour que le changement de sexe ait lieu, de pousser d’une trait de plus Orlando dans un siècle, dans des vêtements, dans des lieux différents. » (p. 155-156)
Lecture de son journal : quelques passages cités à la page 47. Quel est la valeur référentielle d’un tel extrait ?
Attitude de lecture Bien que l’œuvre de Mahon se présente comme une œuvre de fiction, on la lit comme une biographie qui s’autorise néanmoins des incursions dans les pensées des personnages. Les indices toponymiques et onomastiques sont apparemment véridiques ou vérifiables.
Hybridation, Différenciation, Transposition Roman de type biographique à l’intérieur duquel on retrouve des lettres écrites soit par V.W., soit par V.S.W. Ces lettres sont parfois non datées et/ou non signées (nom réel Virginia ou Vita ; surnom Potto ou Orlando) (p. 57 119 et 179-180), parfois signées et datée (échange épistolaire p. 241 à 261 incl.), parfois non expédiées (p. 272 et 280). Quel est le statut référentiel de ces lettres ? Pure fabulation de Mahon ou source référentielle (journal intime de V.W.) ? Autres Lecteur/lectrice Simon Fournier