Informations paratextuelles Auteur : AUDIBERTI, Marie-Louise Titre : Le Vagabond immobile. Robert Walser Éditions : Gallimard Collection : L’un et l’autre Année :1996 Appellation générique : Aucune (couverture : dessin de Karl Walser, le frère de Robert) Bibliographie de l’auteur : Sophie de Ségur, l’inoubliable comtesse (1981) ; Brahms, un génie ordinaire (1991). Quatrième de couverture : Premier rabat : Brève présentation de Robert Walser, « ce grand promeneur [qui] invite à la promenade ». C’est à travers ses personnage que R.W. fait entendre sa voix. Cette présentation est « signée » M.-L.A. On retrouve ce passage intégralement dans le texte, aux pages 8-9, à l’exception de cette phrase qui résume le projet de la biographie imaginaire : « Étrange fascination de cette vie pleine de trous qui ressemble tellement à la vie » (9). Deuxième rabat : il s’agit de ce bon vieux passage que l’on retrouve dans tous les rabats de la collection « L’un et l’autre ». Autres : Bibliographie des œuvres de R.W traduites en français et une note nous informant que les œuvres originales ont été publiées chez Shurkamp. Le « plan » du texte de MLA est présenté à la page 213. Pacte de lecture Aucun pacte explicite. Au terme de la lecture du Vagabond immobile cependant, certains passages du texte se présentent a posteriori comme des mises en abyme : « À l’intérieur d’un même texte, tout se mélange, imitant parfois l’anarchie du rêve qui dispose les images comme ces signe » (61) ; « L’auteur lui-même, ce personnage au destin singulier, inspire des fictions, films, pièces de théâtre, où il tient le rôle principal, et la boucle est bouclée » (201). Les relations Auteur/narrateur En l’absence de pacte de lecture et en la présence d’un discours généralement formulé à la troisième personne, il s’avère compliqué de décrire de façon univoque la posture énonciative. En guise d’illustration, signalons le passage en rabat, signé M.-L.A., repris dans le corps du texte aux pages 8-9. S’il s’avère que le texte est fictionnel ou imaginaire, que penser du statut de l’extrait en rabat ? Notons que cette « voix » emprunte des stratégies textuelles qui nous invitent progressivement à déceler des marques de fiction, i.e. la présence d’un narrateur, ou d’une narratrice plutôt si l’on tient compte de ce passage à la première personne : « Nous, les mères, devons nous rendre à l’évidence. Nos fils nous bâtent, ne serait-ce qu’en rêve » (24). C’est donc en portant une attention aux apparitions ponctuelles de ce JE que le statut sérieux ou ludique de l’énonciation pourra être décelé. Le JE : • se glisse en incise dans une structure narrative : « Pris d’un élan, il [R.W.] est descendu en hâte de sa mansarde ─ mon inconnu est vêtu correctement, mais pauvrement ─, il est descendu en courant […] » (7) ; « il [Jospeh Marti] proteste à peine devant les élucubrations fantaisistes de cet ingénieur mythomane et beau parleur qui espère gagner de l’argent avec une invention-miracle, une horloge-réclame ─ n’oublions pas que nous sommes en Suisse ! ─même quand ce dernier renâcle à lui payer ses gages. » (52). • intervient dans un commentaire métatextuel : « On va bien rire. Poème, saynète ou récit, il a écrit trop près de lui, trop près du corps. Vous allez voir ce qu’il vous réserve à la fin. » (8) ; « Walser poète ? Oui, comme il sait aussi l’être en prose […] et la prose de Walser peut être aussi lyrique que sa poésie prosaïque. Son destin est tracé. Il sera écrivain. Vous ne vouliez pas le voir, pas le savoir ? Lisez-le, vous verrez qu’il existe. » (35). À la lumière de ces passages, on peut raisonnablement penser que le JE n’est pas celui du biographe adoptant une posture sérieuse. En effet, la première incise signale un manque épistémologique au sujet de RW, comme s’il était à construire (versus biographie sérieuse où le biographé est une entité ontologique complète), alors que la deuxième, en appelant le lecteur à situer les événements dans un contexte référentiel, présuppose que ce lecteur se trouve à ce moment « coupé » du monde actuel. Quant aux commentaires métatextuels, ils « viennent dénoncer comme fictionnels, donc arbitraires, les échafaudages narratifs proposés » (Kerbrat-Orecchioni, Le Texte littéraire, 41). Voir aussi la description de l’utilisation du JE dans le sections « ancrages référentiel » et « indices de fiction ». Sujet d’énonciation/sujet d’énoncé Cette relation semble neutre ; elle est de nature empathique, certes, mais non de nature affective comme c’est parfois le cas dans les biographies. Le biographé Robert Walser, mais à la lumière de son œuvre en général, de ses personnages en particulier. On tente donc de cerner l’écrivain par le biais de ses personnages (il y a fusion entre RW et ses personnages). Voir les occurrences des doublets Personnages/Robert Walser (14-16-21-23-26 notamment). La biographie devient imaginaire dans la mesure les personnages en scène dans les récits de Walser sont rattachés au Walser du récit de M-L.A : « Après cette brûlante correction, Fritz (Robert) laisse entendre à son frère qu’il va se noyer dans l’étang proche de la maison, en lisière du bois, ce qui apparemment n’émeut guère ledit Paul » (14). La relation que RW tissent avec ses personnages est comparée à celle que Pessoa entretient avec ses hétéronymes : « On remarquera que ses frères d’élection appartiennent souvent au passé ou à la légende, ce qui lui permet de les réinventer sans vergogne. Peu lui importe l’exactitude historique ou biographique, l’essentiel est de se dire à travers ceux dont il traite, de dire leur conflit personnel face au monde. Dans une hallucination visionnaire, il lit chez certains d’entre eux son propre destin et tente de l’exorciser. Cette pratique renvoie à une réalité plus profonde, celle d’un être en mal d’unité. On pense ici à Pessoa, personnalité fragmentée s’il en est, qui se distribue dans de multiples hétéronymes, et dont l’œuvre aboutit à ce credo : Mon nom est personne » (85). Voir aussi la partie « Bildungroman » (51). • par l’analyse de ses récits, présentés comme étant autobiographiques : « Son expérience d’apprenti, Walser la conte dans Les enfants de Tanner, son premier roman » (26) ; « L’employer de la banque apparaît dans un autre texte, ‘Le Helbling’, - que j’entends comme le Demi-portion – où Walser n’hésite pas à se brocarder. Il est paresseux, n’a aucune envie de travailler et les autre se moquent de lui. » (27). Il n’y a pas que les personnages de fiction qui font figures de doublets, mais aussi les écrivains réels : « Walser s’efforce de ‘parler de l’objet le plus infime d’une manière belle, ce qui vaudrait mieux que de s’exprimer pauvrement sur un sujet copieux’. On sait que Kafka privilégiait lui aussi le petit, le minimal » (62-63) ; Ancrage référentiel Le JE apparaît parfois pour commenter ou souligner des événements « historiques ». Ainsi, après avoir analysé au IL l’incipit de « L’étang » de RW, le JE apparaît pour introduire une donnée référentielle : « C’est dire combien cette histoire lui tenait à cœur. Je note que ce texte clé, écrit au début du siècle, n’a été publié qu’en 1932, alors que Robert Walser était déjà pensionnaire de l’asile psychiatrique de Waldau » (13) ; « Je songe à Mars, le livre posthume de Fritz Zorn […] Ou encore à cet article de Proust, paru dans Le Figaro, concernant le meurtre d’une mère par son fils […] » (24). Les œuvres de R.W. sont cités et résumé : En fait, la référence aux œuvres (réelles) de Walser semblent être prétexte à une lecture de l’univers fictionnel de R.W., d’où cet effet de références croisées entre le factuel et le fictionnel. Indices de fiction Le JE dans l’univers de fiction • • dévoile les pensées de R.W. (?) : « Une pièce vide, un soleil trop jaune. La peur me prend. Suis-je moi et qui est moi ? Dans le miroir de l’eau, je vois mon image et m’épuise à vouloir la rejoindre pour faire un avec moi-même […] (60). Les déicitiques temporels sont à interpréter en fonction de la narration Thématisation de l’écriture Analyse de l’écriture de Walser : « La tension entre la langue pure et dialecte inspire sans doute à Walser ce langage si particulier […] qui rend difficile toute traduction : mots à tiroirs, adjectifs substantivés, néologismes. L’ironie se retrouve jusque dans la façon qu’il a d’adjectiver les personnages de façon inusitée : le devenu-totalement-indépendant, le rapidement-remis-à-sa-place, le nouvellement-arrivé. » (112) ; « Ce retour en Suisse marque un changement de thèmes. Il tente de se rapprocher de ses sources en explorant les lieux dans une série de textes qui relèvent autant de la ‘promenade’ que du ressassement » (114). Après un bref résumé de « L’étang », où Fritz (Robert) feint une noyage, on retrouve le passage suivant : « On connaît la fascination de Virginia Woolf pour l’étang. L’eau si bénéfique, étang ou lac, qui ponctue et fluidifie les paysages de Walser, joue ici son rôle purificateur. Lavé de toute honte par cette noyade fictive, le jeune garçon en sortira brillant, aimable » (15) Attitude de lecture Cette œuvre doit être considérée comme une biographie imaginaire d’un écrivain réel. Les écrivains et autre personnages réels tissent des liens avec R.W. : avec Kafka et Max Brod (115) Intégrant de nombreuses données factuelles, cette œuvre parvient à nous (me) faire douter des propositions qui y sont exprimées. Hybridation, Différenciation, Transposition Autres La première partie (les pages 7-9) n’est pas introduite par un titre (intertitre). Cette section ne figure pas dans le plan de la page 213. C’est précisément dans cette section que l’on retrouve l’extrait du premier rabat. Lecteur Simon Fournier