Viart, Dominique, Michel Braudeau, Lakis Proguidis & Jean-Pierre Salgas, Le Roman français contemporain, ADPF, Paris, Éditions du Ministère des Affaires étrangères, 2002.
Proguidis, L. « Une Décennie romanesque », p. 43-67.
Les thèmes indispensables pour saisir les enjeux esthétiques de la littérature française des années 90 : le rapport à la tradition récente (« Ce qui ressort nettement de ces oeuvres, disons de tradition par rapport aux véritables conquêtes romanesques de la décennie quatre-vingt-dix, c’est qu’on expose les formes artistiques déjà assimilées aux forces aléatoires de l’existence. » p. 59), la continuité dans la langue (le français menacé doit être renouvelé), la rupture créatrice (le français comme « fracture », « on voit via le roman ce qu’on n’a pas encore vu, en voit “en roman”. » (p. 63).
Viart, D. « Écrire avec le soupçon », p. 133-162.
« Aussi le roman contemporain associe-t-il souvent deux préoccupations : réfléchir sa forme et sa fonction tout en interrogeant son temps et son contexte. Profondément marqué par les avancées des sciences humaines, il devient le lieu où ces avancées sont mises en débat, confrontées à d’autres modalités de connaissance. La voix narrative elle-même, qu’elle soit ou non incarnée dans un personnage, est désormais à la fois l’objet et le sujet de ces questionnements. Ses incertitudes, son interrogation sur la matière même de ce qu’elle rapporte ou reconstitue, mettent en évidence la “quête cognitive” d’un présent incertain. » p. 139 « Plutôt que d’inventer de toutes pièces des fictions improbables, l’écriture contemporaine, qui s’est faite investigatrice, construit des fictions à partir des données incertaines et incomplètes de son expérience. Cela me semble être la marque d’un temps interrogateur. » p. 146 « Réhistoricisation de la conscience subjective » : Sans nostalgie d’un quelconque “âge d’or”, l’enquête tourne vers le passé afin d’élucider le mouvement d’où nous sommes issus et qui fait que nous en sommes là, impliquant un réexamen des discours reçus, interrogeant le sujet, l’autre, l’Histoire et la mémoire dans le mouvement même de l’écriture. (p. 149) « Non seulement [le roman du réel] rompt désormais avec l’esthétique réaliste, […] mais il met en question la forme narrative elle-même. » p. 152. Il ne « romance » rien, « Et de ce point de vue encore, la forme de l’enquête, le souci du soupçon, la mise en oeuvre de voix singulières caractérisent le roman contemporain au-delà de ses diversités thématiques. » p. 154. Viart place le roman contemporain sous le signe du paradoxe : la forme narrative est revisitée, tendue en ce qu’il ne s’agit plus de simplement raconter mais d’interroger, de soupçonner, de « faire entendre ». Aussi fait-il la guerre à la langue comme au discours, ses propres matières. p. 161
écriture du sujet, filiation, fictions biographiques, écriture du réel