===== FICHE DE LECTURE COLLECTION « L'UN ET L'AUTRE » ===== === INFORMATIONS PARATEXTUELLES === Auteur : Thierry Laget Titre : Portraits de Stendhal Lieu : Paris Édition : Gallimard Collection : « L'un et l'autre » Année : 2008 Pages : 205 Cote : BANQ, 2672 A2898 P6 2008 Désignation générique : Aucune Préface : Aucune. Rabats : Au traditionnel rabat où figure le programme de la collection s'en ajoute un autre, extrait des Portraits (2008 : 137-138) ..., où il est question des pantalons blancs portés par Stendhal. Plus qu'une anecdote, la description de l'attachement manifesté à l'endroit de ce type de vêtement –– « signal de bonheur », éphémère, toutefois, car on ne le porte jamais longtemps : il se tache –– fournit un prétexte, chez l'auteur des Portraits..., à l'élaboration d'une réflexion non dénuée de profondeur : « À partir de 1832, Beyle consigne la date à laquelle il met son premier pantalon blanc de l'armée »; « A-t-on, ajoute Laget, conscience, emporté dans le flux des jours, du moment où l'on bascule des premières fois aux dernières [...] ? » Le souci du détail témoigne, ici comme ailleurs dans le livre de Laget, de préoccupations existentielles. Image de la couverture : D'après une vue de l'intérieur de la Scala de Milan. L'un des rabats des Portraits... indique à ce sujet : « Photo. Rue des Archives/Lebrecht ». La musique, l'opéra figurent parmi les principales sources d'inspiration de Stendhal. === INFORMATIONS SUR LE BIOGRAPHE : === Pays d'origine : France. Profession : Écrivain et critique littéraire, et traducteur. Bibliographie : Romancier, Laget a publié sept ouvrages; Iris (1991) a été couronné du prix Fénéon en 1992. Quant à ses essais, au nombre de cinq (voir le classement des oeuvres de Laget proposé sur son site officiel, www.Ipce.com/thierry-laget), quatre d'entre eux sont réunis dans la collection « L'un et l'autre »; Florentiana (1993), La Fiancée italienne (1997), À des Dieux inconnus (2003), s'ajoutent ainsi à ses Portraits de Stendhal (2008). === INFORMATIONS SUR LE BIOGRAPHÉ : === Identification du biographé : Henri Beyle (Stendhal). Brève biographie du biographé : Auteur, selon Balzac, du « chef-d'œuvre de la littérature française », La Chartreuse de Parme (1839), roman par ailleurs sous-estimé à sa parution, Stendhal est « le premier grand romancier moderne ». Il se situe quelque part entre le classicisme et le romantisme, courant auquel il donna « la première définition » . Époque du biographé : 1783-1842. Pays d'origine : France. === LES RELATIONS : === Auteur/narrateur : Ils correspondent entre eux. Narrateur/personnage : Hétérodiégétique est le narrateur. Il fait toutefois sentir sa présence. Le lecteur observe la prégnance de la subjectivité de l'auteur-narrateur. Biographe/biographé : Une citation fera comprendre en quoi réside le rapport, des plus tangibles, entre ces deux entités chez Laget : « l'essentiel n'est-il d'abord [réalise Beyle après s'être adonné plus ou moins fructueusement à l'écriture de monographies] que dans l'accessoire, dans la rêverie. On peut [constate pour sa part Laget] raconter la vie d'Henri Beyle comme Stendhal a raconté Waterloo, en rôdant à l'arrière » (2008 : 141). La poétique de Stendhal (attention portée aux détails [2008 : 163], soin apporté au récit de l'anecdote) convient à l'auteur des Portraits... Il me faut, explique en substance ce dernier, écrire ma biographie à la manière du romancier Stendhal. La relation entre l'« un » et l'« autre » est donc empreinte de mimétisme. === L'ORGANISATION TEXTUELLE === Synopsis : Cinquante-trois ––, c'est là à la fois le nombre de chapitres divisant l'ouvrage de Laget et de « portraits » brossés par lui à partir de son modèle. Du premier chapitre, intitulé « En silhouette. Dimanche 4 novembre 1838 », au dernier, « En pied. Mercredi 26 décembre 1838 », Laget propose une biographie problématisant l'identité d'Henri Beyle. Ainsi, et entre autres exemples, le biographe choisit de dépeindre le copiste M. Bonavie, auteur, matériellement parlant, d'un roman de Beyle, comme le double de celui-ci : « Pendant cinquante-trois jours, M. Bonavie sera écrivain : il écrit La Chartreuse de Parme. » (2008 : 7) Les portraits « En silhouette » et « En pied » ne représentent d'ailleurs nul autre que... Bonavie. Quant à Beyle, l'acte d'écrire le consume. Phénix, il renaît de ses « cendres » après être –– notre biographe donne l'anecdote pour vraie –– tombé dans son foyer durant la rédaction du roman Lamiel. Laget fait remonter à cet incident la transformation à l'issue de laquelle Beyle devient, grâce au choix d'un nom de plume, un personnage quasi fictionnel : « le XIXe siècle a domestiqué la descente aux enfers : chacun peut, sans risque, au coin de sa cheminée, être pour un instant Orphée, Thésée, Ulysse, Jésus ou Dante. Beyle joint la parole au geste », et prend les traits d'un quasi personnage dévoré par le feu de sa création (2008 : 186). Stendhal. Avant d'entamer ce récit de l'assomption du littérateur, Laget aura retracé, de façon souvent chronologique, le parcours de Beyle. Ses Portraits... nous renseignent ainsi sur les carrières de militaire, de consul, d'intendant, menées par le biographé, dépeint d'abord tel un ambitieux (2008 : 121-123), puis comme un écrivain de plus en plus enclin, à partir de 1835, à se retirer de la vie mondaine pour se consacrer prioritairement à la création (2008 : 153). L'auteur fait aussi état des influences artistiques de Stendhal : Walter Scott, Mozart, parmi d'autres. Voilà pour le survol de la diégèse du livre de Laget. Envisagé séparément, chacun des « portraits » ou chapitres de son Stendhal invite à prendre connaissance des anecdotes se rapportant à la vie de celui-ci, et dont l'une est relatée au 20e chapitre, « Aux cachous. Vendredi 10 octobre 1814 », où Stendhal est représenté en train d'offrir aux femmes des cachous dont « la pointe acidulée sur le bout de la langue rend l'esprit plus vif », et cet écrivain en sait quelque chose : « Il a sur tout des vues curieuses et piquantes » (2008 : 87-89). Grâce en soit rendue aux cachous ! Que l'anecdote soit, comme le laisse entendre le chapitre, l'essentiel en littérature pour Beyle (et Laget), c'est aussi ce que dit le 34e chapitre, « Au vrai. Samedi 24 mai 1834 ». Il livre la prémisse des Portraits... Beyle réalisa durant son parcours l'ayant conduit à devenir, de théoricien en économie et de biographe qu'il était, romancier, que le superflu, le contingent en révèlent davantage sur la vie que les ouvrages à portée explicitement gnoséologique. Il lui faudra par ailleurs acquérir à tâtons la méthode adaptée à sa démarche créatrice si singulière, comme en témoigne le 36e chapitre, « À la nuit, sans lumière. Mardi 4 novembre 1834 ». Rédigeant à la hâte une première version de La Chartreuse..., l'auteur a omis d'en tracer convenablement les caractères, par conséquent illisibles. Son écriture nécessitera dorénavant, raconte Laget dans le 46e chapitre, « À la presse à copier. Novembre 1838 », la participation de M. Bonavie pour devenir lisible. Quand la pensée court plus vite que la plume, il faut saisir celle-là au vol. Il y faut, bref, l'infaillibilité d'un copiste, véritable homme-machine –– à l'égal de la « presse à copier » –– capable de rivaliser de vitesse avec le romancier. Ancrage référentiel : Les déictiques temporels sont importants. Les chapitres des Portraits... font ainsi défiler sous nos yeux les époques auxquelles Stendhal est croqué sur le vif. On en dira autant des déictiques spatiaux contenus dans le livre de Laget. De la France à l'Italie en passant par l'Allemagne, on suit l'auteur de La Chartreuse... dans ses pérégrinations. Indices de fiction : Ne s'applique pas. Indices autobiographiques : Ne s'applique pas. Rapports vie-œuvre : Même si Laget indique, en la personne d'un, quand ce n'est pas plusieurs, modèle(s) issu(s) des salons fréquentés par Stendhal, l'une des principales sources d'inspiration lors de la composition de La Chartreuse (2008 : 43)...; même s'il explique bien en quoi son auteur écrit comme il vit : avec fougue; Laget ne renouvelle pas vraiment le discours consacré à ce type de rapports. L'intérêt procuré par la lecture de son ouvrage, m'empresserai-je d'ajouter, ne s'en trouve pas pour autant diminué. J'ai, par exemple, parcouru avec émerveillement les pages relatant un incendie ravageant une bibliothèque de laquelle Stendhal, avant d'échapper au feu, retire des Voltaires : « la vie et l'œuvre de Stendhal abritent la bibliothèque d'un philosophe qu'un jeune homme a méthodiquement dépouillée, des trésors escamotés sur chaque page, comme autant de rayonnages » (2008 : 79-80, les soulignements sont de moi). Thématisation de l'œuvre du biographé : Étonnamment, Laget ouvre à peine La Chartreuse..., le roman à la rédaction duquel il s'intéresse tout particulièrement. On cherchera en vain des commentaires se rapportant à l'intrigue de ce roman, à l'essentiel de son schéma actantiel, à ses personnages. Seule la démarche du Stendhal travaillant, à haute voix, concurremment avec son copiste, et le style du romancier, captivent, au fond, Laget. Et puisque sa biographie intègre peu de développements critiques, mettant ainsi l'accent sur la vie de Beyle, on y trouve maintes références au Journal et à la Correspondance de ce dernier. Il y a, soutient, dans un même ordre d'idées, Laget, une pratique autobiographique dont l'existence est avérée, dans les fictions stendhaliennes, de par les propos de l'auteur lui-même (2008 : 111). Thématisation de l'œuvre elle-même : Ne s'applique pas vraiment. Exceptionnellement, on l'a vu, Laget se réfère à l'écriture « romanesque », stendhalienne de sa biographie (2008 : 141). Rapport entre le texte et le programme de la collection : Grâce à l'exécution de son projet : réinventer la biographie (pour ainsi lui faire perdre son caractère monumental, la concevoir, donc, sous l'angle d'une poétique de l'anecdote), Laget ne démérite pas l'honneur lui ayant été fait : celui d'avoir pu publier à quatre reprises des ouvrages dans la collection. Topoï : La littérature et la vie. La compagnie des femmes, tant appréciée par Stendhal. Son expérience au sein de l'armée. La poétique et la démarche littéraire de l'auteur de La Chartreuse... Son double –– sinon triple –– « je » (Beyle, alias Stendhal, –– alias Bonavie). Hybridation : L'ouvrage de Laget relève à la fois de la biographie et de la forme diaristique. === LA LECTURE : === Pacte de lecture : L'auteur ne l'explicite pas. Les premières pages des Portraits... nous renseignent toutefois sur la vocation de biographe implicitement revendiquée par lui. Remarques générales sur la collection : La vie, l'œuvre –– mieux : le couplage de ces deux entités, Bergounioux, Doizelet, Germain (tous auteurs d'un ou de plusieurs « L'un et l'autre »), s'en préoccupent également. Quant au livre de Laget, il aurait pu s'intituler : Stendhal, la vie. Lecteur/lectrice : Charles-Philippe Casgrain.