FICHE DE LECTURE INFORMATIONS PARATEXTUELLES Auteur : Alain Buisine Titre : Laideurs de Sartre Lieu : Lille Édition : Presses universitaires de Lille Collection : « Objet » Année : 1986 Pages : 164 Cote : UQAM : B2430 S34 B85 Désignation générique : aucune Bibliographie de l’auteur : dans le domaine biographique : Proust et ses lettres, Paul Verlaine : histoire d’un corps… Biographé : Jean-Paul Sartre Quatrième de couverture : « Petit, disgracieux, et avec, surtout, cet œil (un œil en plus, un œil en moins… un œil en trop), – Sartre, on le sait, ne se trouvait pas beau. Disons-le, il s’estimait franchement laid. / Observation triviale, si elle ne prêtait aussitôt à conséquence. / Sartre est philosophe, mais la laideur d’un philosophe devient-elle par cela même un objet philosophique? Sartre est écrivain, mais la laideur d’un écrivain, la laideur qu’à tord ou à raison il se suppose, la laideur fait-elle écrire? Sartre est critique d’art, mais la laideur, laideur encore, laideur toujours (alors d’autant plus laide), la laideur peut-elle être un point de vue sur le beau?… » Après cet hors-d’œuvre, l’éditeur, Philippe Bonnefis, qualifie ce livre du plus scandaleux qui ait été écrit sur Sartre, mais aussi du « plus immédiatement en sympathie avec l’homme, avec l’œuvre. » Préface : Dans une sorte d’avant-propos intitulé « Sa nausée », Buisine indique les buts qu’il poursuit dans ce livre : ignorer la beauté de l’œuvre et la grandeur de l’homme au profit de la laideur des deux, de leur aspect répulsif, voire « nauséeux »; opposer à la glorification irréaliste la réalité peu ragoûtante du philosophe qui s’est voulu tel; faire le portrait d’un sujet en difficulté, qui ne sort pas de ses laideurs. Le titre provocateur et le sujet sont justifiés, selon Buisine, par la grande importance – fut-ce au niveau figuratif et thématique – de la laideur dans l’œuvre sartrienne, surtout dans ses critiques d’art. Rabats : aucun Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) : Auteur/narrateur : L’auteur est bien le narrateur, le genre étant celui de l’essai critique et biographique. Narrateur/personnage : Jamais le narrateur ne se fait personnage. La narration est hétérodiégétique. Biographe/biographé : Il y a une relation de sympathie, d’empathie, voire de pitié qui s’instaure entre Buisine et Sartre; c’est pourquoi ce livre est « assez triste et pessimiste » (8). Mais surtout, à la base, il y a une affection, de l’amour dit même Buisine dès la première phrase du livre : « Jamais sans nul; doute je ne parviendrai à suffisamment affirmer combien il faut aimer un écrivain pour se consacrer à sa Passion de la laideur, à quel point il importait de s’y reconnaître pour décider d’exposer sans concessions ses laideurs. » (7). Aussi, surtout, il faut bien le dire, la méthode biographique de Buisine rappelle souvent celle de Sartre. Buisine se fait biographe existentialiste, ou peu s’en faut. Ainsi, comme Sartre a pu le soutenir pour Baudelaire, Buisine stipule que Sartre a choisi sa vie cruelle : « Ce n’est nullement nier les violences de l’histoire et les risques de l’engagement politique que de reconnaître que Sartre semble parfois se mettre très volontairement en position de recevoir les coups des autres : sinon les rechercher comme par plaisir, tout au moins ne prendre aucune précaution pour s’en éviter quelques-uns. » (32) Sartre, selon cette lecture existentialiste, aurait tout choisi, et même l’expansion biographique dont il a été l’objet après sa mort (!) : « Une si monstrueuse expansion du biographique, il l’a voulue, il l’a programmée, il a tout au moins accepté de ne pas y échapper. » (26) Autres relations : L’ORGANISATION TEXTUELLE Synopsis : À partir des laideurs sartriennes – les laideurs que le philosophe se reconnaissait lui-même – Alain Buisine revisite de façon originale la vie et l’œuvre sartriennes, et plus particulièrement ses voyages à Venise et ses écrits sur l’art (vénitien, justement). Ancrage référentiel : Buisine prend appui sur les témoignages de Sartre lui-même – disant sa propre laideur, par exemple –, de Simone de Beauvoir (qui, selon Buisine, est ignoble dans son acharnement vengeur à vouloir décrire Sartre vieillissant et dégénérescent dans son autobiographie), et d’autres. Il a une bonne connaissance de la vulgate biographique sur Sartre, dont il cite plusieurs titres. Indices de fiction : La critique de Buisine se veut explicitement une certaine « fiction », au sens où elle consiste à imaginer, à se figurer mentalement l’écrivain dans son œuvre elle-même, à sa lecture : « Si pour Jean-Paul Sartre le “bon” lecteur de ses œuvres était moins celui qui les analyse, les commente, les discute que celui qui s’imagine l’écrivain, se le représente, très physiquement! La lecture comme figuration : non pas se faire une idée de Sartre, mais s’en faire une image » (14-15). C’est bien la méthode que va appliquer Buisine dans ses analyses. Il y a aussi une occurrence d’une fictionnalisation modélisée, dans « l’après-propos » intitulé « Musique s’il vous plaît! » : « Jean-Paul Sartre à Venise, presque aveugle. Qu’est-ce qu’il pouvait bien écouter à la radio quand il restait seul, enfermé dans sa chambre d’hôtel? Question apparemment insoluble, à la limite de l’absurde! Et cependant je ne peux m’empêcher d’y rêver et d’affabuler cette réponse évidemment fictionnelle : qu’il tournait constamment le bouton des fréquences pour tenter d’entendre le plus souvent possible Some of these days, le morceau favori de Roquentin dans La nausée […] » (161). Rapports vie-œuvre : Le rapport vie-œuvre s’informe de la prescription dont je viens de faire mention dans « Indices de fiction » : pour Buisine, l’image de l’auteur est dans son œuvre. En l’occurrence, c’est la laideur de l’écrivain Sartre qui se profile dans ses écrits et peut être restituée par la lecture. D’ailleurs, Buisine soutient que toute l’œuvre – philosophique, littéraire, critique – de Sartre est autobiographique : lui, sa figure, sont partout. Corps et œuvre se fondent dans le corpus : « il s’agit d’intégrer le corps du sujet dans son corpus, de montrer comment Sartre va faire de sa propre laideur un objet philosophique » (9). Thématisation de l’écriture et de la lecture : Encore là, j’en ai fait état dans « Indices de fiction » : la lecture, pour Buisine, est imagination, figuration de l’image de l’auteur. Pour ce qui est de l’écriture, on retiendra « que Sartre, plus qu’un grand écrivain, est un “individu” fabuleusement passionnant et enthousiasmant qui n’a jamais cessé d’écrire » (44). Thématisation de la biographie : La biographie est très thématisée. La production biographique sartrienne (les biographies du biographés), déjà : « Inconstablement une vie d’écrivain racontée par Sartre tend toujours à nous prouver qu’en dernière instance écrire n’est pas vraiment une réussite » (42). Pour Buisine, cette démonstration est plutôt autobiographique, bien sûr. Plus largement, c’est la biographie en général que Buisine commente çà et là dans son essai. Dès le début du chapitre un, il s’explique sur le genre biographique, à une époque (1986) où il venait à peine de sortir de l’ombre : « Impossible d’ignorer que jusqu’à une date très récente, il n’était guère de genre plsu décrié dans les milieux modernistes que la biographie, fossile critique, archaïsme dépassé depuis longtemps, forme désuète et obsolète, régressivement et honteusement humaniste puisqu’elle suppose toujours plus ou moins une causalité dérisoirement simpliste qui va en sens unique de l’homme à l’œuvre. » (13) Et cependant, s’explique Buisine, pour Sartre, une démarche biographique lui semble indispensable pour revivifier l’homme, le ressusciter. Plus loin, le biographe s’afflige devant l’inflationnisme biographique : « Comme si le biographique était condamné à produire lui-même sa propre inflation, comme si l’écriture d’une vie n’avait d’autre devenir qu’inflationniste. Plus j’en raconte, plus il en reste à dire. Plus j’en rajoute, plus il en manque » (49). Topoï : Laideur physique, vie publique, cécité, déchéance, critique d’art, voyages. Hybridation : En 1986, Buisine est assez avant-gardiste dans sa façon de fusionner critique et biographie. Différenciation : Transposition : Autres remarques : LA LECTURE Pacte de lecture : Attitude de lecture : Lecteur/lectrice : Mahigan Lepage