FICHE DE LECTURE INFORMATIONS PARATEXTUELLES Auteur : BROCHU, André Titre : Saint-Denys Garneau, Le poète en sursis Lieu : Montréal Édition : XYZ Collection : Les grandes figures Année : 1999 Pages : 208 p. Cote UQAM : PS8513A627Z594 Désignation générique : « Récit biographique » Dans la postface, l’auteur l’appelle « fantaisie biographique ». Bibliographie de l’auteur : Présentation de l’auteur : « (…)Outre de nombreux articles de critique parus dans des revues universitaires, il a publié plus de vingt-cinq ouvrages, essais, recueils de poésie, romans, récits, qui lui ont valu des prix prestigieux (…). Co-fondateur de la revue Parti pris, André Brochu. » p. 2 Biographé : Hector de Saint-Denys Garneau Quatrième de couverture : Annonce la problématique chez Garneau : un poète jeune, beau et talentueux « dont le destin se brise avant même qu’il ait pris son envol. » Poète qui « aurait pu briller de tous ses feux. Au lieu de cela, il s’est complu dans sa névrose » et s’est enfermé dans la solitude et le silence jusqu’à ce que la mort vienne le chercher, alors qu’il avait à peine trente ans. Portrait de celui qui est aujourd’hui devenu un « incontournable » de la poésie québécoise. Préface : Aucune Rabats : Aucun Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : Le biographe intègre de nombreuses photos à son récit, et celle-ci vienne annoncer le chapitre suivant ; ces photos représentent Garneau à différents moments de sa vie, de sa petite enfance jusqu’à l’âge adulte. On retrouve également la reproduction de certains documents, dont la table des matières de La revue scientifique et artistique, où figure le nom de Garneau, ainsi qu’un extrait manuscrit du poème « L’avenir nous met en retard » (Solitudes). LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) : Auteur/narrateur : Deux narrateurs se côtoie tout au long du récit, alternant de façon apparemment aléatoire : Garneau, le plus souvent, est narrateur de sa propre histoire : « Quelle, quel… quel énervement, je. Émotion, grosse émotion. Je ris. Ah! Je ris… de me voir si belle, si beau! Ai-je bien la lettre dans ma poche? Quelle poche? Ah! Voilà. Est-ce le bon papier? Mais oui, pauvre étourdi! Pourquoi tant de nervosité, énervement, pourquoi? Ce n’est qu’un prix après tout. » p. 13 Dans chaque chapitre, on retrouve également un commentateur, ou narrateur omniscient hétérodiégétique qui ne semble pas être l’auteur, qui vient regarder par-dessus l’épaule de Garneau et nous donner sa vision extérieure des faits : « Comment avait-il pu? Quel prodigieux écervelé était-il donc ? Méritait-il d’avoir le prix, lui qui n’était pas même capable de distinguer ce que pourtant il connaissait depuis toujours (…). » p. 22 Cette deuxième voix ne semble plutôt celle d’un contemporain ou ami de Garneau. Narrateur/personnage : Pour la plus grande part, c’est Garneau qui vit et raconte des événements marquants de sa vie, mais la forme du récit semble chercher à construire des personnages plutôt qu’à présenter des personnes. Biographe/biographé : Brochu admire manifestement la poésie de Garneau et s’est beaucoup documenté, ce qui lui permet de construire son récit autour d’événements réels de la vie du poète. Brochu ne semble pas s’être identifié outre mesure à son personnage, recherchant davantage à expliquer la triste fin de la carrière littéraire de Garneau qu’à vouloir en faire un héros. Autres relations : L’ORGANISATION TEXTUELLE Synopsis : Le récit débute au moment où le jeune « de Saint–Denys » se rend en ville pour chercher un prix de vingt-cinq dollars qu’il a remporté pour avoir participé à un concours d’écriture dont le thème était Le dinosaure : première expérience littéraire. Garneau nous fait ensuite connaître ses illustres ancêtres, dont François-Xavier Garneau, puis son cercle d’amis, formé de Jean Lemoyne, Robert Élie, Robert Charbonneau, André Laurendeau, amis avec lesquels il échangera et élaborera ses idées sur la littérature et la philosophie. Il fait également le récit de ses amours « pécheresses », à une époque où l’Église appelle péché mortel tout ce qui concerne la sexualité. Viennent plus loin le voyage en Europe écourté, la publication de l’unique recueil de Garneau, son retour à Fossambault, au manoir familial, la découverte de sa lésion au cœur, son retrait graduel de la vie littéraire, jusqu’à sa mort en 1943. Récit plutôt linéaire, quoi qu’un des narrateurs fasse d’occasionnels sauts dans le futur. Ancrage référentiel : De nombreuses photos, quelques documents manuscrits reproduits dans le corps du texte, renseignements sur les principales figures de l’entourage intellectuel et littéraire de Garneau dans la postface (mini-biographies). À la fin du volume, une chronologie de Saint-Denys Garneau vient mettre en relief les éléments qui ont servi de point de départ au récit de Brochu, qui brode quant à lui allègrement autour de ces événements. Indices de fiction : Accès aux pensées intimes de Garneau : « Je suis vidé de moi, incapable de prier, d’étudier, d’écrire, de peindre, de vivre le moindrement par l’esprit, comme je le faisais depuis que ma conscience s’est éveillée au monde. Je suis possédé, Jean, littéralement possédé, et même la pensée de Dieu, quand elle me visite, est traversée d’images immondes. Je suis sacrilège. » p. 68 Lors d’une conversation avec Maurice Hébert, père d’Anne Hébert, poétesse et cousine de Garneau : « Je marche à côté d’un poète, d’un poète qui n’est pas moi… » p. 120 Cette phrase évoque, de façon implicite, les célèbres vers de Garneau : « Je marche à côté d’une joie qui n’est pas à moi. » (Regards et jeux dans l’espace) Deuxième référence à ce même poème : « Un autre qui ne serait pas moi [souligné par l’auteur]… » p. 160 Le deuxième narrateur (Garneau est le premier) qui suit le poète à la trace et qui lit même dans ses pensées : « Le jeu surtout fascinait le poète. Il lui semblait que le mot devait figurer dans le titre, mais comment? Le jeu, c’était la loi même de l’enfance, du matin, de la lumière : une libre expansion de soi dans l’espace, pour se rendre présent à tout. » p. 128 Réflexion qui va aboutir au titre du recueil : Regards et jeux dans l’espace. Encore le narrateur omniscient, qui se projette cette fois dans l’avenir : « La première œuvre capitale de la modernité québécoise [Regards et jeux dans l’espace] ne reparaîtrait que douze ans plus tard, accompagnée des poèmes posthumes des Solitudes, dans l’inestimable édition des Poésies complètes établies par Jean Lemoyne et Robert Élie. » p. 136 p. 138 : Récit hypothétique du voyage de Garneau en Europe. Cherche à comprendre pourquoi Garneau est revenu après trois semaines alors qu’il devait y demeurer un an. Rapports vie-œuvre : Assez important. Brochu doit avoir répertorié, dans les poèmes de Garneau, tout ce qui peut sembler en rapport avec des éléments de sa chronologie, et intègre ainsi au récit ce qui lui paraît significatif de ce point de vue. Toute la biographie questionne globalement l’œuvre et aussi l’absence d’œuvre, puisque Garneau, après la publication de son premier recueil, va retirer tous les exemplaires des tablettes, puis cesser de publier et enfin arrêter totalement d’écrire quoique ce soit. Le refus de s’assumer comme poète est mis en parallèle avec le refus de Garneau de vivre en société, comme le démontre son retrait de la vie mondaine vers une réclusion presque complète dans sa campagne natale. Thématisation de l’écriture et de la lecture : Très peu, et concerne surtout la pratique littéraire de Garneau, ses réflexions personnelles sur sa propre écriture et sur sa difficulté d’être critiqué. Thématisation de la biographie : « Comme quoi, dans la construction d’un mythe littéraire, il faut être prudent. L’œuvre veut bien régir la biographie et la faire participer à son lustre, mais il faut lire jusqu’au bout. Saint-Denys Garneau n’a pas d’autres assassins que ceux qu’il s’est donnés lui-même, dans le fond de sa solitude. » p. 173 Sur le désir des biographes de faire de leur biographé un mythe, un être incomparable : « Nelligan délirant, Gauvreau suicidé ». Saint-Denys Garneau, mort d’une prosaïque crise cardiaque, n’en demeure pas moins un homme qui mérite notre intérêt. Topoï : nature, solitude, poésie, famille, amour, religion, dépression Hybridation : Différenciation : Transposition : Autres remarques : LA LECTURE Pacte de lecture : L’auteur présente le plus fidèlement possible la vie de Garneau, tout en présentant un récit qui laisse la place à quelques expérimentations textuelles, tel le fait de faire commenter lui-même ses écrits au poète. Le terme de récit biographique convient parfaitement, le biographique étant au centre de l’écriture tout en laissant une large part au lyrisme et à l’imagination de l’auteur. Attitude de lecture : Lecture agréable, presque trop facile, qui nous rend plus sympathique le personnage sombre du poète solitaire que fut Garneau, sans toutefois permettre au lecteur de mieux connaître l’œuvre poétique de Garneau, ou très peu. C’est surtout le récit de sa vie en tant qu’homme plutôt qu’en tant que poète qui est présenté, mettant de côté les poèmes de Garneau et le possible éclairage qu’ils donneraient sur sa vie au profit d’une étude sur les fréquentations célèbres du poète dans sa jeunesse. Lecteur/lectrice : Catherine Dalpé